Mercredi 17 février 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Politique de lutte contre le VIH-Sida et association Sidaction - Présentation d'une étude et d'un rapport de la Cour des comptes
La commission a entendu la présentation, par Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Jean-Pierre Viola, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseillère référendaire, de l'étude relative à la politique de lutte contre le VIH/Sida, et par M. Michel Thomas, conseiller référendaire à la cinquième chambre, du rapport « L'association Sidaction : l'impact des recommandations de la Cour ».
Mme Muguette Dini, présidente, a tout d'abord salué la mémoire du Premier Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, rappelant l'intensité et la qualité des relations entretenues par la commission avec la Cour pendant sa présidence. Elle a précisé que l'étude présentée par la Cour sur la politique de lutte contre le VIH/Sida a été établie à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat et que sa présentation intervient à un moment particulièrement important puisqu'un nouveau plan pluriannuel de lutte contre le VIH doit être prochainement présenté par le Gouvernement.
Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre, a indiqué que l'étude réalisée à la demande de la commission, dont une synthèse vient d'être publiée dans le rapport annuel de la Cour, dresse un état des lieux de l'épidémie de VIH/Sida en France, avant d'examiner la politique conduite et l'utilisation des financements qui lui sont consacrés.
Les progrès opérés en matière de multi-thérapies ont entraîné une baisse très importante de la mortalité liée au VIH. Près de 82 % des patients ont aujourd'hui accès à une multi-thérapie, contre 27 % en 1996 et 74 % en 2001. Le nombre de nouveaux cas de sida déclarés s'est élevé à 624 seulement en 2008, mais il existe quelques doutes sur la fiabilité de ce chiffre malgré l'obligation de déclaration des cas de sida, en sorte que l'institut de veille sanitaire (InVS) estime à 1 500 environ le nombre de nouveaux cas en 2008. Le nombre de décès liés au sida s'est établi à 385 en 2005. Au total, 40 000 personnes environ seraient décédées du sida depuis le début de l'épidémie. La sous-déclaration des cas de sida comme des décès demeure une difficulté, aggravée par le fait qu'un nombre important de personnes souffrent de co-infections.
Le diagnostic d'infection par le VIH, distinct du diagnostic d'apparition des symptômes cliniques du sida, donne lieu à déclaration obligatoire par les laboratoires, les médecins ou les établissements sanitaires depuis 2003, mais des doutes existent, là encore, sur la fiabilité des déclarations. L'inVS a récemment publié de nouveaux chiffres établissant entre 5 400 et 8 500 le nombre de nouvelles contaminations chaque année.
Aujourd'hui, l'épidémie est fortement concentrée sur deux groupes à risques : les homosexuels masculins et les migrants, qui représentent 70 % des découvertes de séropositivité en 2008. Les toxicomanes, qui ont constitué une part importante des personnes touchées au début de l'épidémie, ne constituent plus que 2 % de la population atteinte.
En ce qui concerne les migrants, on constate, d'une part, une certaine diminution du nombre de personnes contaminées, d'autre part, un taux important de contaminations en France, avéré par le fait que beaucoup de ces migrants sont porteurs d'un sous-type de virus présent en France mais quasiment inexistant en Afrique subsaharienne. Pour les homosexuels masculins, on constate au mieux une stagnation du nombre de contaminations, qui traduit un certain échec de la politique de prévention.
Evoquant la politique conduite pour lutter contre le VIH/sida, Mme Rolande Ruellan a constaté que les dépenses de prévention sont beaucoup plus faibles que les dépenses de soins. Si cette situation s'explique aisément par le coût très élevé des traitements, elle met néanmoins en évidence l'insuffisance des efforts financiers consacrés à la prévention.
Les patients atteints du VIH/Sida sont pris en charge dans le cadre de l'affection de longue durée (ALD) n° 7 (déficit immunitaire primitif - infection par le VIH) : 90 000 personnes environ sont actuellement inscrites à l'ALD n° 7 pour une dépense annuelle d'1,1 milliard d'euros, soit 13 000 euros par an et par personne, mais on estime entre 40 000 et 50 000 le nombre de personnes ignorant leur séropositivité.
Les sommes consacrées aux traitements risquent encore d'augmenter au cours des prochaines années compte tenu de certaines préconisations tendant à anticiper davantage la prescription des médicaments antiviraux. Les dépenses de l'assurance maladie au titre de l'ALD n° 7 augmentent de 80 à 90 millions d'euros chaque année.
Les dépenses de prévention et de dépistage s'élèvent pour leur part à 54 millions d'euros par an. L'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) finance des campagnes de communication et accorde des subventions. La direction générale de la santé (DGS) finance également certaines associations par le biais de subventions. Enfin, les groupements régionaux de santé publique disposent d'une enveloppe globalisée pour la prévention comportant des crédits en provenance de l'Etat et des crédits de l'assurance maladie. Les données relatives à l'utilisation de ces derniers crédits sont assez peu précises.
Compte tenu de la grande dispersion du tissu associatif, on constate un certain saupoudrage des ressources confiées aux associations, ce qui donne le sentiment d'une perte d'efficacité. Certaines associations ont une surface probablement trop faible pour que les sommes qui leur sont confiées aient véritablement un effet de levier.
En ce qui concerne le dépistage, l'Etat a mis en place, à partir de 1988, des centres de dépistages anonymes et gratuits (CDAG) qui sont au nombre de 352 et assurent cinq millions de dépistages chaque année, soit 12 % de la totalité des dépistages, pour un coût évalué à 34 millions par an. Par ailleurs, pour permettre la nécessaire prise en charge des besoins sanitaires et sociaux des personnes infectées par le VIH qui ont souvent des ressources modestes, l'Etat a mis en place vingt-huit comités de coordination de la lutte contre l'infection par le VIH (Corevih). Dans le cadre des soins de suite et de réadaptation, ont été créés des appartements de coordination thérapeutique (ACT) qui ont désormais le statut d'établissements médicosociaux et sont pris en charge par l'assurance maladie. Il existe environ mille appartements de ce type, dont la répartition sur le territoire n'est qu'imparfaitement liée à la prévalence de l'infection et qui peuvent bénéficier à des personnes atteintes d'autres maladies chroniques.
Le système de pilotage de la lutte contre l'infection a été bâti à la suite du rapport présenté par le professeur Claude Got en 1989. Trois institutions ont été créées sur la base de ce rapport : le conseil national du sida (CNS), l'agence française de lutte contre le sida (AFLS) et l'agence nationale de recherche sur le sida (ANRS). L'AFLS a aujourd'hui disparu et le CNS n'est plus jamais sollicité, mais continue cependant à se réunir et à rendre des avis. La direction générale de la santé (DGS) coordonne l'ensemble du dispositif, la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins ayant des compétences propres en ce qui concerne l'hospitalisation. D'autres institutions interviennent, en particulier l'Inpes, l'InVS et la Haute Autorité de santé (HAS). Le grand nombre d'intervenants nécessite un pilotage assez fort au sein du ministère de la santé pour créer une synergie entre les acteurs et permettre la détermination des principaux axes de la politique. Ce pilotage se révèle difficile pour la DGS. La dimension interministérielle de cette politique est trop peu développée et les ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice jouent, en particulier, un rôle insuffisant.
Les associations exercent un rôle essentiel dans la lutte contre le VIH, très supérieur à ce qui est constaté pour d'autres infections, au point de donner parfois le sentiment d'avoir une influence déterminante sur la stratégie du ministère. Si la légitimité de ces associations, souvent animées par des personnes elles-mêmes atteintes du virus, est incontestable, l'Etat doit conserver sa capacité de pilotage de la politique de lutte contre le VIH. Cinq plans pluriannuels se sont succédé depuis le début de l'épidémie et un nouveau plan portant à la fois sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles (IST) doit être prochainement présenté pour la période 2010-2013. Ces plans se sont imparfaitement enchaînés et n'ont pas toujours été ciblés sur les populations les plus concernées. Ils ont en outre souffert du faible nombre d'indicateurs chiffrés permettant de mesurer leur efficacité. L'Etat est souvent en grande difficulté pour suivre la mise en oeuvre des actions engagées au plan local. La mise en place des agences régionales de santé (ARS) permettra peut-être d'améliorer cette situation. De manière spécifique, il convient de noter que les mesures mises en oeuvre dans les départements français d'Amérique, particulièrement touchés par l'épidémie, sont sans doute insuffisantes.
La Cour recommande de renforcer la prévention et le dépistage. Une telle politique est, certes, coûteuse mais doit permettre d'éviter d'importantes dépenses de traitement en limitant le nombre de contaminations. Les campagnes de communication devraient être mieux centrées sur les groupes à risques, même s'il est parfois difficile d'envisager des campagnes télévisées ciblées diffusées aux heures de grande écoute. Pendant longtemps, les associations se sont montrées hostiles aux campagnes ciblées, soucieuses d'éviter toute discrimination. Dans un contexte où la prévention semble se relâcher du fait des progrès des traitements thérapeutiques, il serait sans doute utile de mettre davantage en avant le fait que les traitements antiviraux demeurent contraignants pour ceux qui les prennent.
La politique de prévention passe également par la mise en place d'une réglementation sanitaire des établissements de rencontre. Ces établissements n'ont aucune obligation de mettre à disposition de leurs clients du matériel ou d'afficher des messages de prévention. Le syndicat national des entreprises gaies (Sneg) reçoit des subventions pour intervenir auprès des établissements et les inciter à agir en ce sens, mais il n'existe aucun contrôle et aucune sanction en la matière. Le plan pluriannuel 2001-2004 prévoyait bien l'instauration d'une telle réglementation mais cette préconisation a été abandonnée.
La politique de dépistage doit également être renforcée, trop de personnes découvrant leur séropositivité à l'occasion de l'apparition des signes cliniques du sida. Comme la HAS, la Cour préconise la généralisation du dépistage dans un cadre volontaire. L'apparition des tests de dépistage rapide pourrait sans doute favoriser cette extension. Enfin, l'Etat devrait rationaliser son dispositif de dépistage en fusionnant les CDAG chargés de dépister le VIH et les centres de dépistage et de diagnostic des IST (Ciddist) chargés de dépister les infections sexuellement transmissibles.
M. Claude Jeannerot, rapporteur, a noté que les progrès thérapeutiques dans la prise en charge des patients porteurs du VIH ont incontestablement affaibli la vigilance sur la prévention. Or, les dépenses qui lui sont consacrées sont faibles et les crédits déconcentrés ont même diminué. L'étude de la Cour met en évidence le saupoudrage des crédits consacrés à la prévention et l'insuffisance de la coordination en la matière. Comment pourrait-on améliorer cette situation afin de rendre à la prévention son efficacité ? Par ailleurs, comment serait-il possible de renforcer le pilotage et la mise en oeuvre des plans pluriannuels de lutte contre le VIH/Sida ? S'agissant du dépistage, la Cour préconise sa généralisation dans un cadre volontaire. Quelle a été la réponse du Gouvernement à cette préconisation ? La suppression des visites médicales prénuptiales qui permettaient de proposer le dépistage n'a-t-elle pas été une erreur ? Enfin, en ce qui concerne l'association Sidaction, l'étude spécifique que lui a consacrée la Cour montre qu'elle ne parvient pas à utiliser la totalité des fonds qu'elle reçoit, ce qui peut paraître paradoxal dans le contexte de la récente polémique sur le Téléthon, auquel il a été reproché de capter l'essentiel des dons des Français. Qu'en est-il exactement ?
M. Gilbert Barbier, rappelant qu'il représente le Sénat au sein du conseil national du Sida (CNS), s'est demandé pourquoi cette instance n'est pas davantage saisie de demandes d'avis par le Gouvernement. Le travail qui y est accompli est en effet de bonne qualité. En ce qui concerne les tests de dépistage rapide, une utilisation à grande échelle devrait être précédée d'études complètes sur leur fiabilité. Enfin, l'association Sidaction, dont la gestion avait fait l'objet de critiques sévères de la part de la Cour des comptes il y a quelques années, semble avoir considérablement amélioré ses procédures même si la totalité de ses fonds n'est pas utilisée. Les départements français d'Amérique ne devraient-ils pas faire l'objet d'une attention toute particulière et de mesures spécifiques dans la lutte contre le VIH, compte tenu de la présence massive de migrants, notamment en Guyane ?
M. Alain Gournac, soulignant que les migrants et les homosexuels masculins sont toujours cités comme les principaux groupes à risques, s'est interrogé sur la prévalence de l'infection chez les femmes homosexuelles. Il s'est déclaré heurté par l'existence de publicités relatives à des « soirées sans protection ». Il a estimé que les outils de prévention utilisés en métropole ne sont pas adaptés à une situation telle que celle que connaît la Guyane. Enfin, il s'est enquis des actions spécifiques conduites en direction des jeunes.
Mme Raymonde Le Texier a souhaité savoir quelles catégories de la population sont concernées par le dépistage obligatoire et a demandé des précisions sur la contamination des migrants sur le sol français. En ce qui concerne la prévention, le budget qui lui est consacré est important au regard du nombre de malades, mais dérisoire par rapport au coût de la prise en charge sanitaire de ces malades. La diffusion de messages télévisés destinés à l'ensemble de la population n'est pas inutile, dès lors que beaucoup de jeunes ont tendance à considérer que le VIH ne concerne que les groupes à risques. La mise en place d'une réglementation sanitaire des établissements de rencontres paraît tout à fait nécessaire bien que ces établissements aient un caractère privé.
M. Marc Laménie a souhaité obtenir des précisions sur le nombre d'associations agissant dans le domaine de la lutte contre le VIH/Sida et sur les fonds publics qui leur sont attribués.
M. Alain Vasselle a demandé une estimation du montant du reste à charge des patients atteints du VIH bénéficiant du régime des affections de longue durée (ALD). Il a souhaité savoir si la prise en charge des dépenses sanitaires liées à cette pathologie ne devrait pas relever du budget de l'Etat plutôt que de celui de la sécurité sociale, dès lors qu'il s'agit d'une pathologie liée au comportement des personnes et donc d'un problème de santé publique.
M. François Autain, revenant sur l'idée reçue selon laquelle les patients en ALD seraient réputés entièrement pris en charge par la sécurité sociale, a souligné que ces personnes doivent en réalité assumer un reste à charge parfois très important. Il a souhaité disposer d'informations chiffrées sur ce sujet. A propos de la prévention, il a noté que les dépenses engagées sont dérisoires par rapport à celles qui sont consacrées aux soins mais que cette situation est valable pour la plupart des pathologies, dès lors que la prévention ne procure des économies au système de santé qu'à long terme.
M. Yves Daudigny, constatant que la prévention a du mal à prendre place dans la culture française, a souhaité avoir des précisions sur les politiques conduites dans les pays voisins. A propos de l'éclatement du tissu associatif, il a demandé si des tentatives d'unification ou de rapprochement ont été faites.
Mme Patricia Schillinger, soulignant qu'un grand nombre de personnes de sa région, frontalière de l'Allemagne et de la Suisse, se font dépister dans ces pays pour préserver plus sûrement leur anonymat, a souhaité savoir si des politiques différentes de celles de la France y sont conduites.
Mme Colette Giudicelli a observé que les campagnes de communication conduites en matière de santé publique ne sont pas toujours aussi utiles, cohérentes et convenablement ciblées qu'on pourrait le souhaiter, comme l'a montré l'exemple de la grippe A. Certes, il est difficile de diffuser des messages télévisés spécifiquement consacrés aux groupes à risques à certaines heures de grande écoute, mais cela ne doit pas dispenser de conduire des campagnes très simples sur l'utilisation du préservatif. De tels messages paraissent plus utiles que la diffusion, dans les écoles primaires, de films abordant l'homosexualité par le biais de contes animaliers.
M. Alain Milon a rappelé que la prévention du VIH repose sur l'utilisation du préservatif et que les personnes qui ne l'utilisent pas savent pertinemment, dans la plupart des cas, que ce choix peut avoir des conséquences graves. Par ailleurs, il convient de souligner que, depuis l'apparition du VIH, la virologie a fait des progrès considérables et que les traitements antiviraux permettent aujourd'hui aux porteurs du virus de ne plus mourir prématurément. La véritable question est de savoir comment éviter que ces progrès spectaculaires de la science ne conduisent à un relâchement de la prévention.
Mme Rolande Ruellan a tout d'abord estimé que le saupoudrage des crédits déconcentrés pourrait être évité en mettant en place un système de remontée des données destiné à mesurer l'efficacité de l'utilisation de ces crédits. Il existe cependant un débat entre l'intérêt de flécher des crédits pour contrôler leur utilisation et une volonté de globalisation des politiques. Il est en effet utile de laisser aux gestionnaires locaux la possibilité de répartir les crédits en fonction des besoins constatés sur le terrain, mais ce choix limite les possibilités de mesurer l'efficacité des moyens utilisés pour la mise en oeuvre d'une politique. Par ailleurs, la dispersion du tissu associatif ne facilite pas la concentration des crédits en direction des actions les plus efficaces. L'Etat pourrait cependant jouer un rôle pédagogique à l'égard de ces associations et concentrer sans doute davantage ses distributions de subventions.
En ce qui concerne l'élaboration des plans pluriannuels de lutte contre le VIH/Sida, ceux-ci doivent intégrer les recommandations des diverses instances qui travaillent sur le sujet, qu'il s'agisse du conseil national du Sida ou de la HAS, de l'Inpes ou de l'InVS. Les directions du ministère de la santé, et singulièrement la direction générale de la santé, doivent être armées pour définir des stratégies et assurer le suivi des plans pluriannuels. Il arrive en effet que les rotations de personnels conduisent à un suivi insuffisant de politiques de santé pendant certaines périodes. C'est notamment à propos de telles situations que le Premier Président de la Cour, Philippe Séguin, avait été conduit à estimer que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n'est pas toujours pertinent dès lors qu'il existe une insuffisance de personnel dans certains secteurs. Par ailleurs, la dimension interministérielle de la politique de lutte contre le VIH est insuffisamment prise en compte et les ministères de l'éducation nationale, de la justice et de l'intérieur ne sont pas assez impliqués.
M. Jean-Pierre Viola, conseiller maître, évoquant les politiques conduites dans les pays voisins de la France, a souligné que la Cour ne dispose pas d'informations détaillées sur ce sujet. Cependant, l'Italie et l'Espagne se caractérisent par l'absence de déclaration obligatoire du VIH, tandis que l'Allemagne et le Royaume-Uni ont mis en place un régime de déclaration obligatoire plus tôt qu'en France ; en Suisse et en Allemagne, le tissu associatif est plus concentré qu'en France.
A propos du Sidaction, M. Michel Thomas, conseiller référendaire à la cinquième chambre, a confirmé que la récente étude de la Cour sur la gestion de cette association montre qu'elle dispose de fonds importants qui sont mis en réserve à hauteur de 8 millions d'euros environ. Cette situation s'explique par la rigueur de la procédure qu'elle a instaurée pour attribuer ces fonds. L'association lance en effet des appels d'offres et examine, dans le cadre de procédures très formalisées, les projets qui lui sont soumis, ce qui nécessite un temps non négligeable. 40 % seulement des dossiers présentés sont acceptés. Par conséquent, l'existence de réserves au sein de l'association est une contrepartie de la rigueur de sa gestion dans l'attribution de fonds à des projets de recherche. Il convient en outre de souligner que la gestion comptable de ces réserves est irréprochable puisque Sidaction utilise la technique des fonds dédiés qui permet d'individualiser clairement ces sommes.
Mme Rolande Ruellan a ensuite noté que les visites prénuptiales ne présentaient qu'un intérêt limité pour le dépistage du VIH, dès lors que les couples se marient de plus en plus tardivement et que beaucoup d'entre eux ne se marient pas. Elle a observé que la Cour est incompétente pour se prononcer sur la fiabilité des tests de dépistage rapide. Tout au plus peut-on considérer que le milieu hospitalier et sanitaire est sans doute plus approprié que le milieu associatif pour conduire ces tests mais que des expérimentations sont actuellement en cours, dont il faut attendre les résultats.
M. Jean-Pierre Viola a précisé que les études en cours de l'agence nationale de recherche sur le Sida (ANRS) sur les apports de ces nouveaux tests doivent permettre de mettre en regard la possibilité de toucher des populations qui ne prennent pas l'initiative de se faire dépister et le respect nécessaire de la déontologie médicale.
Mme Rolande Ruellan, évoquant la situation de la Guyane et des départements français d'Amérique, a noté que le Sida ne constitue pas l'unique problème de santé publique qui se pose dans ces territoires et que l'afflux de migrants crée une situation explosive en Guyane. Répondant à Alain Gournac, elle a fait valoir que les actions de prévention en direction des jeunes revêtent une importance particulière et qu'il est regrettable que l'éducation nationale ne soit pas davantage impliquée dans la politique de lutte contre le VIH.
M. Jean-Pierre Viola a alors relevé que les derniers éléments chiffrés publiés par l'InVS montrent une augmentation de l'incidence du VIH parmi les jeunes homosexuels masculins, ce qui démontre une perte de sensibilité au risque de contracter le virus.
Mme Françoise Henneron a alors fait valoir que les parents ont un rôle essentiel à jouer dans la politique de prévention.
Mme Rolande Ruellan a indiqué que le dépistage du VIH est obligatoire pour les militaires partant à l'étranger, en cas de don du sang, de don d'organe ou de procréation médicalement assistée. Le dépistage est par ailleurs systématiquement proposé à certaines catégories de personnes, en particulier les femmes enceintes et les personnes faisant l'objet d'une incarcération. A propos des migrants contaminés en France, on constate qu'au moins 20 % des migrants venant d'Afrique subsaharienne infectés par le VIH sont porteurs du sous-type B du virus, présent en France mais quasiment inexistant dans leur pays d'origine. Evoquant les établissements de rencontre, elle a indiqué qu'actuellement l'Etat subventionne le syndicat national des entreprises gaies (Sneg), afin qu'il intervienne au sein de ces établissements pour y favoriser le développement de normes sanitaires et la distribution de matériel, sans cependant qu'il existe de moyens de coercition. La mise en place d'une réglementation permettrait d'effectuer des contrôles de son respect.
En ce qui concerne les principales associations de lutte contre le VIH/Sida, la Cour, dans le cadre de sa mission de contrôle des associations faisant appel à la générosité du public, a déjà contrôlé, outre le Sidaction, Aides, Arcat Sida et Sida Info service. Quant au reste à charge des personnes atteintes du VIH, la Cour ne dispose pas d'informations chiffrées sur ce sujet. Certaines de ses études précédentes ont cependant montré que les personnes en ALD doivent supporter un reste à charge plus important que les autres, contrairement aux idées communément admises. Certains médicaments, qui sont pour la plupart des patients des médicaments de confort et qui ont en conséquence fait l'objet de mesures de déremboursement, présentent une utilité avérée pour certains malades, dès lors qu'ils permettent de soulager les effets secondaires des traitements lourds qu'ils doivent suivre.
En ce qui concerne les rôles respectifs de l'Etat et de l'assurance maladie dans la prise en charge des traitements, la Cour a longtemps stigmatisé l'attitude de l'Etat lorsqu'il se déchargeait d'une dépense en la transférant à l'assurance maladie. On peut se demander si cette problématique conserve la même importance aujourd'hui compte tenu de l'état déficitaire global des finances publiques.
M. Jean-Pierre Viola a indiqué qu'en 2008, les groupements régionaux de santé publique ont été financés à hauteur de 150 millions d'euros par des crédits provenant du ministère de la santé et à hauteur de 37 millions par des crédits provenant de l'assurance maladie, ce qui ne facilite pas le suivi de l'utilisation de ces sommes.