- Mercredi 3 février 2010
- Audition de M. Christian de Portzamparc, architecte, membre de l'Atelier du Grand Paris
- Audition de M. Benoist Apparu, secrétaire d'État, chargé du logement et de l'urbanisme, auprès du ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat
Mercredi 3 février 2010
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Audition de M. Christian de Portzamparc, architecte, membre de l'Atelier du Grand Paris
La commission a procédé à l'audition de M. Christian de Portzamparc, architecte, membre de l'Atelier du Grand Paris.
A titre liminaire, M. Christian de Portzamparc a souligné la difficulté d'établir une synthèse des projets de développement pour le Grand Paris présentés à l'initiative du Gouvernement, en avril 2009, à la cité de l'architecture et du patrimoine, par dix équipes d'architectes urbanistes.
Puis il a indiqué que le Grand Paris constitue, de son point de vue, un « projet de civilisation » majeur. En effet, l'enjeu consiste à passer de « l'époque des villes » à « l'époque des villes monde » qu'il a définies comme les « métropoles têtes de réseau dans le réseau international des villes » , alors que la « cyber-économie » et l'exigence de rendement à court terme sont devenues les moteurs du développement mondial.
Il a fait observer qu'en Asie, au Brésil ou aux Etats-Unis d'Amérique, l'aménagement urbain a été délaissé, pendant le dernier quart de siècle, afin de rentabiliser le plus rapidement possible les investissements immobiliers. En outre, la dématérialisation des échanges permise par l'Internet tend à faire négliger les contraintes physiques d'aménagement et d'urbanisme. Ainsi, la ségrégation sociale et le déficit en réseaux de transports, préjudiciables à la qualité de vie des habitants comme à la protection de l'environnement, lui paraissent résulter directement du modèle contemporain d'une « économie accélérée ».
Il a reconnu que l'Île-de-France ne se trouve pas dans cette situation. Toutefois, les architectes qui ont collaboré au projet du Grand Paris ont cherché à éviter de semblables impasses. Ils ont souhaité promouvoir le « mieux vivre » des habitants, sans négliger les nécessités du développement économique et les enjeux de la compétition internationale entre grandes capitales.
Le projet élaboré par l'équipe de M. Christian de Portzamparc a été bâti à partir du « fait métropolitain » existant, qu'il a analysé en comparant la structure de développement des métropoles modernes à celle d'un « rhizome ». En effet, les liaisons urbaines, et particulièrement les transports, tendent à s'ordonner entre pôles d'activité spécialisés (centres d'affaires, parcs d'exposition, aéroports...). Le schéma de développement traditionnel des villes, à partir de leur seul centre historique, en forme de « tache d'huile », n'a plus cours.
M. Christian de Portzamparc a mis l'accent sur le caractère stimulant de la compétition entre architectes. Il a d'ailleurs précisé que, pendant ce travail, des échanges fructueux ont pu être menés avec des élus locaux. Le projet du Grand Paris a suscité une convergence de vues, par delà les appartenances politiques, quant aux enjeux en cause et aux problèmes à traiter.
En particulier, alors que le territoire francilien s'avère discontinu et hétérogène, il a fallu déterminer les zones d'habitat et d'activité en prenant en compte les exigences environnementales. Certaines équipes d'architectes ont poursuivi un objectif de « compacité » de la ville, pour éviter le recours trop fréquent aux transports. Celle de M. Christian de Portzamparc, à l'inverse, a élaboré un projet d'aménagement « en archipel », afin que les interstices ménagés entre les zones denses permettent à ces dernières, ultérieurement, de se développer en s'élargissant. Chaque territoire doit être mis à même d'accueillir, en même temps, de l'activité, de l'habitat et des équipements collectifs.
En tout état de cause, il a attiré l'attention sur la nécessité d'éviter de reproduire la situation d'enclavement que connaissent actuellement certains territoires de l'Île-de-France, par exemple des zones d'entrepôts ou des cités d'habitation, mal desservis et coupés du reste du territoire par les axes de transports rapides, autoroutes et voies ferrées. Faisant référence à la mythologie de la Grèce ancienne, il a ainsi appelé à « réconcilier Hestia et Hermès », comme le symbole d'une ville où on peut tout à la fois s'installer et se déplacer.
Il a alors fait part des réactions que le projet de loi a pu susciter parmi les architectes ayant travaillé sur le projet du Grand Paris. Ces derniers, d'abord, dans la mesure où ils avaient envisagé un projet structurel d'ensemble pour la « ville monde », se sont émus que ce projet de loi se borne à établir, pour l'essentiel, un nouveau réseau de métro. Au demeurant, ils ont peiné à comprendre le processus que le Gouvernement entend suivre pour la mise en oeuvre du Grand Paris en tant que projet plus global. Par ailleurs, des inquiétudes ont été exprimées, parmi eux, en ce qui concerne les caractéristiques du futur réseau de métro lui-même.
En premier lieu, selon M. Christian de Portzamparc, un réseau aérien, qui faciliterait l'« appropriation » du nouveau métro par le public, serait plus pertinent qu'un réseau souterrain.
En second lieu, les architectes estiment que le tracé de ce nouveau réseau, qui n'est pas encore arrêté, doit procéder, à la fois, d'études approfondies des réalités locales, pour se garder des erreurs d'aménagement commises par le passé, et d'une vision d'ensemble, afin d'assurer la cohérence du dispositif. L'Atelier du Grand Paris, en collaboration avec l'APUR (Atelier parisien d'urbanisme) et l'IAURIF (Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France), et en concertation avec les élus locaux, devrait mener une réflexion en ce sens. Conformément au voeu du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé du développement de la région capitale, il s'agit de dépasser le stade des différents projets d'architectes, présentés en avril 2009, pour formuler des propositions opérationnelles.
Cependant, M. Christian de Portzamparc a insisté sur les délais importants qui seront requis, eu égard à l'ampleur du projet, pour que le Grand Paris voit effectivement le jour. Il est certain que ce projet évoluera, dans le temps même de sa mise en oeuvre, à l'image de tous les grands projets urbains de l'histoire.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a souhaité savoir si l'Atelier du Grand Paris, dans le projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, paraissait à M. Christian de Portzamparc suffisamment associé au débat public qui est prévu. Par ailleurs, il s'est enquis des possibilités d'articulation du tracé du futur métro automatique du Grand Paris avec les réseaux de transport existants.
En réponse sur le premier point, M. Christian de Portzamparc a indiqué que les architectes membres de l'Atelier du Grand Paris, au sein du conseil scientifique, n'auront pas vocation à se substituer aux décideurs que sont les élus locaux et l'Etat. En outre, il a fait valoir que l'Atelier du Grand Paris constitue, avant tout, un espace de discussion et que le rôle des architectes, dans ce cadre, doit être conçu comme un appui à la vision d'ensemble requise par le Grand Paris, pour conserver une cohérence entre les projets locaux. Du reste, il n'est pas certain que soient disponibles les crédits nécessaires à la rémunération d'architectes, notamment dans l'hypothèse où ces derniers devaient être recrutés par la voie d'un appel à projets européen.
Sur la demande de précision du rapporteur, M. Christian de Portzamparc a indiqué que M. Jean Nouvel, architecte, ne participe pas personnellement, à ce stade, à l'Atelier du Grand Paris.
En ce qui concerne l'articulation entre le futur réseau de métro du Grand Paris et les réseaux existants de transports, dont il a souligné la nécessité, il a évoqué différentes hypothèses de sites propices à des interconnexions. Ainsi, au nord de Paris, le pôle constitué par les gares du Nord et de l'Est, troisième noeud ferroviaire européen, peut sembler pertinent a priori, mais il s'avère environné d'un tissu urbain très dense, qui n'offre pas les perspectives de développement nécessaires. Lui-même a proposé le site d'Aubervilliers, le secrétaire d'Etat au développement de la région capitale a évoqué celui de Pleyel et rien n'est encore décidé.
M. Philippe Dallier a fait valoir que la juxtaposition des projets d'aménagement, en Île-de-France, à laquelle on assiste actuellement, rend aléatoire la cohérence d'ensemble du Grand Paris. Pourtant, alors que le périmètre des intercommunalités est déterminé, non en fonction de la cohésion des territoires, mais selon des critères politiques, une vision globale, à l'échelle de la métropole, est nécessaire. Il s'agit de pouvoir organiser la répartition de la richesse créée lors de la mise en oeuvre des différents projets, notamment par le développement des pôles où seront implantées les gares du futur réseau de métro automatique.
M. Jean-Pierre Caffet a jugé que les propos de M. Christian de Portzamparc confirmaient que le projet de loi relatif au Grand Paris a été élaboré de façon improvisée. Il est difficile, à ses yeux, de relier le projet d'un nouveau réseau de métro aux travaux demandés aux architectes par le Gouvernement. Le rôle que l'Atelier du Grand Paris sera appelé à jouer dans ce cadre, d'ailleurs, reste encore incertain. Il s'est interrogé sur la pertinence du tracé qui semble avoir été retenu pour la « double boucle », en particulier sous l'aspect de la cohérence avec les projets de la région d'Île-de-France, et sur les lacunes du projet de loi dans le domaine du logement.
M. Dominique Braye a considéré que l'enjeu du Grand Paris, fondamentalement, tient à la nécessité de remédier aux déséquilibres structurels qui affectent l'Île-de-France. A cet effet, trois leviers de développement doivent être utilisés : la mobilité à travers les transports publics, le logement et l'emploi. Or, le projet de loi ne concerne que le premier de ces aspects. Par conséquent, ne faut-il pas considérer que le texte proposé par la Gouvernement ne constitue qu'un premier pas vers la « ville-monde » que Paris doit devenir, et que d'autres projets seront indispensables pour atteindre cet objectif ?
M. Jacques Mahéas a souligné les nombreuses difficultés que soulève la réalisation du Grand Paris. De nouvelles idées font leur apparition, par exemple en ce qui concerne le périmètre géographique du projet. Il faut veiller à l'équilibre entre les territoires franciliens, alors que l'est, selon lui, est moins favorisé que l'ouest par le projet actuel, de même qu'à la répartition adéquate, dans chaque zone, entre l'emploi, le logement et les services publics. Il a souhaité que cette dernière orientation puisse se trouver inscrite dans le projet de loi. Par ailleurs, il s'est interrogé sur le montant financier que le Gouvernement serait en mesure d'allouer à un éventuel appel européen à projets d'architectes.
Mme Éliane Assassi a salué le travail fourni par les architectes pour le Grand Paris, tout en déplorant que les élus locaux et la population aient été insuffisamment consultés en la matière. Par ailleurs, elle a fait part de sa crainte que certains élus se concentrent sur la réalisation de leurs projets, au plan local, sans prendre en considération les exigences du Grand Paris en termes de complémentarité et de cohérence d'ensemble.
M. Michel Teston a relevé que, compte tenu des besoins de financement associés aux investissements, d'une part, du Grand Paris et, d'autre part, du plan de mobilisation des transports de la région d'Île-de-France, les deux projets ne pourront être menés de front. Il y aura nécessité d'opérer un « phasage » des réalisations et de s'assurer que les tronçons de voies pertinents seront bien construits les premiers.
En réponse aux différents intervenants, M. Christian de Portzamparc a indiqué que :
- les enjeux de gouvernance, pour le Grand Paris, sont cruciaux. Il est impératif, en effet, de pouvoir assurer la cohésion de l'ensemble du projet. La difficulté, la région en la matière, tient à l'organisation décentralisée d'Île-de-France. Mais il reviendra aux responsables politiques de déterminer la physionomie de cette gouvernance, non aux architectes ;
- les progrès de l'urbanisme, selon l'expérience, sont toujours lents et se font par à-coups. La bonne démarche consiste à se fonder sur les situations concrètes existantes et non, comme on a pu le faire naguère, sur des modèles théoriques mis en pratique pour le meilleur et le pire ;
- la réalisation du Grand Paris, projet très ambitieux, exigera du temps. Pour commencer, il donnera lieu à « un certain désordre », lié notamment à la profusion des projets. Les décideurs, le cas échéant éclairés par l'Atelier du Grand Paris, devront procéder aux arbitrages requis et s'attacher à dégager la cohérence indispensable. Dans cette perspective, il est vraisemblable que le projet de loi relatif au Grand Paris, tel que le Parlement l'examine actuellement, ne constitue qu'un premier texte législatif.
Audition de M. Benoist Apparu, secrétaire d'État, chargé du logement et de l'urbanisme, auprès du ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat
La commission spéciale a ensuite procédé à l'audition de M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Après avoir rappelé que l'objectif du projet du Grand Paris était que la « région capitale » soit capable de rivaliser avec les dix grandes capitales mondiales, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a souligné que ce projet comporte une multitude de dimensions, dont seule une partie est traitée par le projet de loi. Ainsi, parallèlement, le groupement d'intérêt public (GIP) - L'Europe des Projets architecturaux et urbains (EPAU) a été réactivé et doté de trois millions d'euros pour mener des études sur la « région capitale ». 10 millions d'euros devraient par ailleurs être attribués aux différents établissements publics existants.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a ensuite dressé un état des lieux du logement en Île-de-France. Cette région est marquée par une forte tension du fait des écarts de prix très importants entre logement social et logement privé. Plus de 50 % des logements sociaux à Paris sont loués à moins de 3,3 €/m2, le plafond maximum PLS a été relevé en août dernier d'environ 9 €/m2 à 12,38 €/m2 et le prix moyen des loyers du secteur privé atteint quant à lui 21 €/m2.
Le solde migratoire de la région n'est positif que pour les jeunes, étudiants ou avec un premier emploi mais l'Ile-de-France reste une terre inhospitalière pour les familles.
Depuis quinze ans, il existe un décalage entre la production et l'offre de logements. La production moyenne s'est maintenue sur cette période entre 35 000 et 45 000 logements : en 2009, 50 000 permis de construire ont ainsi été délivrés dans la région et 35 000 logements ont été mis en chantier. La part de construction de logements dans la région dans la production nationale est quant à elle passée de 17,1 % en 1995 à 10,7 % en 2009.
Face au déficit structurel de logements en Ile-de-France, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a indiqué que l'objectif devait être de construire annuellement 70 000 logements, dont la moitié de logements sociaux. Le Gouvernement a également lancé une réorientation de la production de logements sociaux, à l'échelle nationale : 120 000 logements sociaux ont été financés en 2009 dont 75 % situés dans les zones moyennement ou faiblement tendues et 25 % dans les zones tendues ; l'objectif est de passer, dans ces dernières, à 30 % en 2010 et 35 % en 2011.
Au-delà, une mobilisation de l'ensemble des acteurs du logement est indispensable : la production de logements privés doit être accrue et les produits d'accession à la propriété plus efficaces.
Il convient également de prendre en compte la situation des classes moyennes, qui n'arrivent pas à se loger, notamment à Paris. Pour ces publics doivent être mis en place des produits intermédiaires.
La production de logements sociaux doit aussi traduire une offre réellement nouvelle. A Paris, l'État et les collectivités territoriales financent ainsi 6 000 logements sociaux : pour 3 000 d'entre eux, il s'agit d'une véritable production nouvelle et pour les 3 000 d'acquisition-réhabilitation. Ces dernières opérations concernent à 80 % des logements occupés. L'offre nouvelle finale est donc limitée ce qui ne correspond pas aux besoins. Il est indispensable de limiter les acquisitions-réhabilitations aux logements vides.
En matière d'urbanisme enfin, il a estimé que le Grand Paris visait à passer d'un urbanisme de norme à un urbanisme de projet, afin de définir un projet global sur un territoire, en évitant une juxtaposition de zones.
Après avoir rappelé que la thématique du logement avait été abordée à deux reprises lors des débats sur le projet de loi à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen des articles 1er et 18, M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a estimé que le volet logement était trop faible dans le texte. Relevant que l'objectif du Gouvernement était de doubler l'effort actuel de production dans la région, il a noté que cet objectif devait s'appuyer sur des instruments juridiques précis. Il a ensuite interrogé le ministre sur les points suivants :
- est-il favorable à la fixation dans la loi d'un objectif chiffré de production de logement ? Qu'en est-il s'agissant d'un objectif comprenant plusieurs paliers ?
- est-il favorable à l'inscription dans la loi d'objectifs précis en matière de logement et de logement social pour les contrats de développement territorial (CDT) ?
- s'agissant des communes de la région soumises à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains mais n'ayant pas atteint 20 % de logements sociaux, est-il envisageable de leur imposer des obligations plus strictes ?
S'agissant de la « charge » du ministre quant aux opérations d'acquisition-réhabilitation menées à Paris, il a estimé qu'elle n'était pas fondée, la disponibilité d'immeubles entièrement vides étant faible. Il s'est cependant interrogé sur la possibilité de ne considérer comme logements sociaux que les logements vacants issus d'opérations d'acquisition-réhabilitation.
En réponse à ces questions, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a apporté les éléments de réponse suivants :
- l'inscription dans le projet de loi d'un objectif de construction de logements présente un intérêt réel, même si cela aurait peu de portée normative. Cet objectif pourrait être inscrit à l'article 1er qui fixe les grands principes mais il paraît difficile d'aller plus loin en « phasant » les objectifs ;
- il faut préserver l'approche contractuelle des CDT, qui pourront comprendre des objectifs de production de logement, sans que la loi impose aux CDT de prévoir des objectifs précis ;
- il faut pouvoir fixer des obligations renforcées de construction de logements sociaux pour les communes concernées par les CDT ne respectant pas les objectifs de la loi SRU ;
- les opérations d'acquisition-réhabilitation de logements occupés ne répondent pas à la crise du logement en Île-de-France, et il n'est pas acceptable qu'un taux important de ces opérations d'acquisition-réhabilitation concerne des logements occupés.
Après avoir noté le caractère sombre mais réaliste de l'état des lieux dressé par le ministre, M. Thierry Repentin a souligné que nombre de sénateurs considéraient que le volet logement du projet de loi était insuffisant. La fixation d'un objectif de production de logements doit s'accompagner de dispositifs incitatifs, voire coercitifs, et assortis d'objectifs territorialisés, à défaut de quoi la fixation d'un objectif global serait inefficace.
A propos des déclarations du ministre quant au rachat de logements vacants en Île-de-France, la société du Grand Paris sera-t-elle compétente en la matière ? Le Gouvernement souhaite-t-il augmenter le niveau de la taxe sur les logements vacants, voire permettre aux maires de devenir propriétaires par expropriation de logements vacants depuis longtemps ?
S'agissant de l'urbanisme, il a regretté que la question de l'habitat ne soit pas prise en compte dans les zones à proximité des gares. Le financement d'infrastructures à partir de la valorisation foncière pourrait avoir pour effet d'exclure la construction de logements sociaux dans ces secteurs. Le Sénat avait imaginé des dispositifs de soutien à cette dernière, la plus value foncière n'étant par exemple pas taxée pour un propriétaire dès lors qu'il construit de tels logements.
S'agissant de la ville de Paris, cette dernière consacre près de 600 millions d'euros par an au logement social et cet engagement doit être comparé avec l'ensemble des crédits consacrés par le Gouvernement à la politique du logement. En tout état de cause, le retard en matière de logements sociaux est plus difficile à combler à Paris qu'en province.
M. Yves Pozzo di Borgo a tout d'abord rappelé que l'Île-de-France représente 29 % du PIB national contre seulement 10 % de la construction de logements. Il a indiqué que, tout en se situant résolument dans l'opposition municipale, il ne pouvait que relever les difficultés en matière de disponibilité du foncier et la lourdeur des procédures existant à Paris.
Il a relevé par ailleurs que 78 % de la population parisienne touche moins de 2 800 euros, ce qui explique une large part des difficultés existant en matière de logement.
Après s'être réjouie que le logement soit évoqué dans le cadre du Grand Paris, Mme Catherine Procaccia a regretté que le ministre ait axé son propos sur la situation de la ville de Paris. Elle s'est exprimée contre le dépôt d'un nouveau projet de loi en matière de logement et a souligné la nécessité de tenir compte des axes de transport et des gares : en Île-de-France, certaines communes soumises à la loi SRU sont très mal desservies par les réseaux de transport.
M. Philippe Dallier a estimé qu'un nouveau texte portant sur la question de la gouvernance était indispensable. Il a considéré que l'objectif de 70 000 logements ne pourrait être atteint dans le seul cadre des CDT et que le projet tendait, non pas à ce que Paris devienne une métropole à dimension internationale, mais qu'elle le reste. Il a relevé le caractère absurde de la gouvernance en matière de logement : le SDRIF fixe des objectifs aux départements alors que ce sont les maires qui sont en charge de la construction de logement.
La réforme de la gouvernance est un préalable, et le Sénat a adopté, à son initiative, dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MOLLE) un dispositif - non repris par l'Assemblée nationale - tendant à la mise en place d'un plan de développement du Grand Paris sur la zone dense. Ce plan aurait pu être opposable aux maires, avec des objectifs chiffrés territoire par territoire.
M. Dominique Braye a relevé que le projet du Grand Paris visait à régler certains problèmes structurels (logement, mobilité, ségrégation sociale et territoriale, emploi) de l'Ile-de-France mais que le projet de loi ne concernait en l'état que le volet transports.
A propos des promesses formulées à l'Assemblée nationale par M. Christian Blanc, un objectif de 70 000 logements sans moyens juridiques n'aura aucune portée et il est nécessaire de territorialiser cet objectif en fonction des possibilités des communes. Une loi spécifique sur le logement en Ile-de-France est indispensable.
Dans le contexte de pénurie de logements sociaux, on ne peut que dénoncer les pratiques de certaines communautés de communes de Seine-Saint-Denis qui limitent le taux d'effort en matière de loyer et surloyer à 15 % du revenu.
En réponse, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État au logement et à l'urbanisme, a apporté les précisions suivantes :
- la proposition de loi du groupe socialiste discutée au Sénat en novembre 2009 tendait à augmenter la taxe sur les logements vacants, mais cette augmentation peut induire des effets d'aubaine : la taxe ne doit donc pas être supérieure à la taxe d'habitation sur un logement vacant. L'engagement a été pris de modifier le décret de 1998 portant sur les agglomérations concernées par cette taxe, mais d'ores et déjà les communes peuvent instaurer leur propre taxe ;
- le cas des opérations d'acquisition-réhabilitation sur des logements occupés est absurde, puisqu'une part importante des financements publics n'aboutit pas à une offre nouvelle ;
- la ville de Paris consacre 600 millions d'euros à l'ensemble du logement et pas seulement au logement social, la politique de l'État en matière de logement s'élevant à 35 milliards d'euros ;
- le taux de rotation constitue un enjeu central à Paris : il y atteint 3,5 %, soit un niveau très faible par rapport au reste de la région d'Île-de-France (5 %) ;
- il faut recréer de la fluidité dans le parcours locatifs, le surloyer devant d'ailleurs inciter à la rotation ;
- la politique des loyers des bailleurs sociaux doit également être revue, car ces derniers prennent en compte l'année de la construction du logement et non pas le type d'habitat ou le niveau de revenu ;
- une nouvelle loi sur le logement ne paraît pas opportune ;
- dans les zones couvertes par des CDT, près de 10 000 logements pourraient être construits dans les années à venir ;
- en matière de gouvernance, si les collectivités territoriales perdent la décision en matière de construction de logements, les financements risquent de se tarir. Une gouvernance régionale en matière de logement paraît donc complexe à mettre en oeuvre ;
- l'idée d'un plan de cohésion sociale territorialisé dans les régions tendues en matière de logement sur les trois prochaines années pourrait être intéressante ;
- le loyer et le surloyer ne peuvent représenter un taux d'effort de plus de 25 %. Les bailleurs sociaux peuvent certes fixer des taux plus bas, mais un taux de 15 % est contreproductif ;
- la territorialisation des objectifs en matière de construction paraît difficile à mettre en oeuvre mais les CDT pourront cependant fixer des objectifs de construction de logement ;
- les difficultés de la région d'Ile-de-France sont également liées au faible nombre de programmes locaux de l'habitat (PLH), et il faut encourager les communes seules à élaborer des PLH pour y remédier.
En réponse à M. Thierry Repentin qui avait attiré son attention sur les dispositions en matière d'urbanisme de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit en cours de discussion au Parlement, M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement et à l'urbanisme, a indiqué être vigilant quant à la cohérence entre les différents textes comportant des dispositions sur ce sujet : les projets de loi sur le « Grenelle II », la modernisation de l'agriculture et de la pêche, le Grand Paris ainsi que la proposition de loi évoquée.