Mardi 26 janvier 2010

- Présidence conjointe de M. Jacques Legendre, président, puis de Mme Colette Mélot, vice-présidente, et de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères et de la défense -

Action extérieure de l'État - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi n° 582 rectifié (2008-2009) relatif à l'action extérieure de l'Etat.

M. Josselin de Rohan, président, s'est félicité que le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat ait pu être inscrit à l'ordre du jour du Sénat le 22 février 2010. Il a indiqué que la commission procèdera, lors de sa réunion du 3 février, à l'élaboration du texte qui sera discuté en séance publique. Il a souligné l'importance de ce projet de loi qui vise à renforcer les instruments de notre diplomatie d'influence.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, a rappelé que les deux commissions avaient procédé, au début de l'année 2009, à des auditions communes sur l'action culturelle extérieure et qu'elles avaient publié un rapport d'information contenant dix recommandations adoptées à l'unanimité de leurs membres. Il a également mis en évidence l'enjeu essentiel que représente le rayonnement de notre culture et de notre langue pour la présence et l'influence de la France sur la scène internationale.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a rappelé que ce projet de loi s'inscrit dans le cadre de la réforme du ministère des affaires étrangères et européennes qu'il avait engagée lors de son arrivée au Quai d'Orsay et qui se décline en deux temps.

La première étape a consisté à réorganiser l'administration centrale du ministère, avec notamment la création d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, qui a vocation à traiter les enjeux globaux.

La deuxième étape, qui fait l'objet du présent projet de loi, consiste à doter le ministère d'opérateurs modernes et efficaces.

Le titre premier du projet de loi, qui constitue le coeur du texte, porte sur les nouveaux opérateurs.

Les articles 1 à 4 créent une nouvelle catégorie d'établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France, et définissent leurs règles constitutives.

Le statut d'établissement public a déjà fait ses preuves pour les opérateurs intervenant dans le domaine de la coopération internationale, comme en témoignent les exemples de l'Agence française de développement (AFD), de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ou, plus récemment, d'Ubifrance.

Ces opérateurs, anciens ou nouveaux, doivent agir de manière coordonnée afin d'assurer la cohérence de l'action extérieure française. Ces établissements publics seront d'ailleurs amenés à faire appel aux missions diplomatiques à l'étranger.

Les articles 5 et 6 du projet de loi créent deux établissements publics à caractère industriel et commercial, l'un chargé de développer l'expertise et la mobilité internationales, l'autre chargé de l'action culturelle extérieure.

Le choix a été fait de laisser au pouvoir réglementaire le soin de préciser leurs missions et leur organisation dans le cadre de décrets d'application.

M. Bernard Kouchner a insisté sur la nécessité d'une tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes sur ces deux établissements, en estimant que c'était la condition de l'efficacité et d'une action extérieure cohérente.

Cette tutelle unique du ministère des affaires étrangères devrait être compensée par une association étroite des ministères partenaires dans la gouvernance des établissements. Ainsi, ces ministères devraient participer au conseil d'administration, contribuer au financement des opérateurs, à la préparation et à la signature des contrats d'objectifs et de moyens, ainsi qu'aux différents conseils d'orientation stratégique et comités qui encadreront l'action des établissements.

Le projet de loi prévoit, en premier lieu, la création d'un établissement public pour l'action culturelle extérieure, destiné à succéder à CulturesFrance. Cette agence reprendrait les missions exercées actuellement par CulturesFrance, auxquelles s'ajouteraient de nouvelles compétences dans les domaines de la diffusion des idées et des savoirs, de l'enseignement de la langue française, ainsi qu'une mission de conseil et de formation professionnelle des personnels français et étrangers.

Afin d'établir un lien étroit entre l'agence et le réseau culturel à l'étranger, celle-ci sera associée à la gestion des ressources humaines et à la programmation des activités. Surtout, un même nom sera donné à l'agence et aux établissements culturels à l'étranger, afin d'améliorer la visibilité et l'identité du dispositif.

A cet égard, M. Bernard Kouchner a estimé préférable que ce nom ne soit pas gravé dans la loi, mais qu'il relève du décret.

Concernant le réseau des centres et instituts français à l'étranger, M. Bernard Kouchner a indiqué qu'il restera pour le moment rattaché administrativement au ministère des affaires étrangères, mais que, dans un délai de trois ans, sera examinée l'opportunité de rattacher organiquement le réseau à l'agence.

Il a indiqué qu'il avait préféré attendre pour prendre une décision sur ce point car il lui semblait nécessaire de consolider dans un premier temps la nouvelle agence et d'évaluer dans le détail toutes les conséquences financières, juridiques et techniques d'un tel rattachement qui concerne plus de 130 établissements et plusieurs milliers d'agents.

S'agissant de la gouvernance, M. Bernard Kouchner a indiqué que le projet de décret prévoyait, en l'état actuel, que le conseil d'administration serait composé d'une vingtaine de membres, parmi lesquels des parlementaires, des représentants de l'Etat, avec une parité entre les représentants du ministère des affaires étrangères et ceux des autres administrations concernées, des personnalités qualifiées, des représentants des collectivités territoriales et du personnel.

Le président du conseil d'administration serait un président exécutif, assisté par un directeur général délégué, afin de garantir une unité de commandement.

Un conseil d'orientation stratégique, présidé par le ministre, ainsi qu'une commission consultative relative à la coopération décentralisée seraient créés.

L'intérêt de cette réforme est double. D'une part, elle permettra d'améliorer l'efficacité et la visibilité du dispositif d'influence français à l'étranger. D'autre part, elle montrera que la France est pleinement engagée sur la scène internationale, non seulement sur le terrain politique, mais aussi dans la bataille mondiale des idées, des contenus culturels, de la connaissance.

Le deuxième opérateur créé par le projet de loi est l'établissement public pour l'expertise et la mobilité internationales, qui se substituera à trois organismes : l'association Egide et les groupements d'intérêt public CampusFrance et France Coopération internationale.

Ce nouvel opérateur reprendra les missions de ses trois composantes. Il sera donc chargé de l'appui à la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers, notamment par la gestion des bourses du gouvernement français, de la promotion des formations supérieures et du soutien au développement de l'expertise française et de la mobilité.

Pour mener à bien ces missions, l'opérateur s'appuiera sur le réseau des ambassades et des espaces CampusFrance gérés par le dispositif culturel à l'étranger.

L'objectif est d'améliorer, quantitativement et qualitativement, l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers, comme le placement des experts français hors de nos frontières. Cette agence sera dirigée par un conseil d'administration comprenant des représentants de l'Etat, issus des différents ministères concernés, des parlementaires, des représentants des établissements d'enseignement supérieur, des collectivités territoriales, ainsi que des personnalités qualifiées et des élus du personnel.

Un Haut Conseil d'orientation sera également créé qui comprendra notamment des représentants des étudiants et des établissements d'enseignement supérieur.

Le titre II du projet de loi vise à rénover le cadre juridique de l'assistance technique internationale, tel qu'il est issu de la loi du 13 juillet 1972.

Face aux évolutions et aux enjeux importants du marché de l'expertise internationale, le projet de loi vise à renforcer la place de la France, en permettant une diversification des équipes d'experts et des profils.

Le projet de loi prévoit ainsi :

- d'étendre la possibilité de placer des experts techniques internationaux auprès d'organisations internationales et d'instituts indépendants de recherche, les « think tanks », afin de mieux répondre aux appels d'offres internationaux et de développer l'influence française au sein de ces organismes ;

- d'élargir le vivier de nos experts aux fonctionnaires des pays membres de l'Union européenne, ainsi qu'aux agents du secteur privé, lorsque les compétences recherchées ne se retrouvent pas au sein du secteur public ;

- de modifier la durée des missions, qui sera limitée à trois ans, renouvelable une fois, et de clarifier le statut des experts à l'issue de leur mission en assimilant les missions d'expertise à des périodes de service public quant aux conditions d'ancienneté pour se présenter aux concours internes de recrutement dans les trois fonctions publiques.

Cette rénovation de l'expertise technique internationale constitue une réforme indispensable du dispositif de coopération internationale, qui tient une place essentielle dans la modernisation de notre politique de rayonnement et d'aide au développement.

Le titre III du projet de loi crée une allocation au conjoint. Il s'agit d'une mesure qui répond à une revendication très ancienne des conjoints des agents du ministère en poste à l'étranger, qui connaissent des sujétions particulières, par exemple lorsqu'ils sont contraints d'abandonner un emploi en France, ou lorsque, n'étant pas fonctionnaires ou ne trouvant pas de poste disponible à l'ambassade, ils doivent s'abstenir de mener une activité professionnelle dans le pays d'accueil.

L'article 12 vise donc à instaurer une allocation versée directement aux conjoints des agents expatriés, qui se substituerait au « supplément familial », prévu par le décret du 28 mars 1967. Cette allocation serait versée dans les mêmes conditions : elle s'appliquerait aux conjoints n'exerçant pas d'activité professionnelle ou ayant des revenus limités, qu'ils résident en France ou à l'étranger. Cette mesure, qui pourrait sembler symbolique dans la mesure où elle remplace une allocation par une autre et qui sera neutre sur le plan budgétaire, n'en demeure pas moins d'une grande portée pour les familles d'agents expatriés.

Elle peut apparaître comme un premier pas vers la création d'un « statut du conjoint » que le Président de la République a appelé de ses voeux dans son discours devant la communauté française de Hongrie le 14 septembre 2007.

Enfin, le titre IV du projet de loi est relatif au remboursement des frais engagés par l'Etat à l'occasion des opérations de secours à l'étranger.

L'Etat est de plus en plus souvent amené à engager des opérations de secours au profit de ressortissants français qui s'exposent à un danger immédiat dans des pays notoirement dangereux et déconseillés par le ministère des affaires étrangères, notamment par le biais de la rubrique « Conseils aux Voyageurs » du site Internet du ministère.

Or, ces personnes ne se voient pas réclamer le montant des frais engagés par l'Etat, en raison d'une conception exorbitante de la gratuité des secours, qui n'a pas d'équivalent juridique à l'étranger.

Les professionnels du tourisme, des transports et de l'assurance sont eux aussi tentés de s'en remettre à l'Etat pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n'est pas véritablement constituée. Les services de l'Etat doivent alors supporter des dépenses qui peuvent s'élever à plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'euros. Ainsi, lors du blocage de l'aéroport de Bangkok, en novembre 2008, le rapatriement des cinq cents touristes français a coûté 720 000 euros à l'Etat pour le seul affrètement de l'avion.

Afin de mieux sensibiliser les citoyens aux conséquences des risques inutiles qu'ils prennent et font prendre aux équipes de secours, le projet de loi prévoit, d'une part, la faculté d'exiger des personnes s'étant délibérément mises en danger, sauf motif légitime, le remboursement de tout ou partie des frais induits par des opérations de secours à l'étranger et, d'autre part, d'exercer une action récursoire à l'égard des opérateurs défaillants, qu'ils soient transporteurs, voyagistes ou compagnies d'assurance, lorsqu'ils n'ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus, hors cas de force majeure.

M. Bernard Kouchner a souligné que l'objectif visé n'était pas de limiter la liberté de voyager ou bien d'exercer une profession. Il a fait observer que la demande de remboursement ne pourra s'appliquer qu'en l'absence d'un motif légitime, cette réserve étant susceptible par exemple de préserver le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d'information.

M. Joseph Kergueris, rapporteur, a relevé que le projet de loi constituait un progrès significatif dans la réforme de notre dispositif d'influence à l'étranger.

La transformation de l'association CulturesFrance en une nouvelle agence dotée du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial devrait à la fois lui conférer plus de visibilité, lui permettre de renforcer ses moyens et d'améliorer le contrôle de l'État. Le Sénat s'était, du reste, prononcé à l'unanimité en faveur de cette formule en adoptant, en février 2007, la proposition de loi déposée par M. Louis Duvernois relative à la création de l'établissement public CulturesFrance.

De la même manière, la création d'une agence pour l'expertise et la mobilité internationales, à partir de la fusion de l'association EGIDE et des groupements d'intérêt public CampusFrance et France Coopération Internationale, devrait permettre de développer des synergies entre ces trois organismes et de renforcer le poids de cet opérateur sur le marché de l'expertise internationale.

Toutefois, M. Joseph Kergueris, rapporteur, a souligné que cette réforme ne constituait qu'une étape, certes nécessaire, mais qui s'avèrerait insuffisante si elle ne s'accompagnait pas de nouvelles évolutions à l'avenir.

Il a ainsi rappelé que, aussi bien en ce qui concerne l'action culturelle extérieure que l'expertise et la mobilité internationales, ces domaines se caractérisent par l'intervention d'un grand nombre d'organismes, publics ou privés.

Dans le domaine culturel, il convient de tenir compte en particulier du réseau culturel français à l'étranger, des Alliances françaises, mais aussi des différents organismes chargés de l'exportation des produits culturels français, à l'image d'uniFrance pour le cinéma.

De même, en matière d'expertise internationale, il existe un grand nombre d'opérateurs, publics ou privés.

Aussi la première étape consiste-t-elle à doter le ministère des affaires étrangères d'instruments efficaces et opérationnels, regroupant et articulant les différentes structures relevant de son domaine d'action.

Le deuxième objectif réside, lui, dans la nécessité de faire converger et de coordonner l'action des multiples opérateurs des différents ministères.

Enfin, une troisième étape consistera à faire travailler ensemble les opérateurs publics et privés, par exemple pour renforcer la place de la France dans les appels d'offres internationaux en matière d'expertise internationale.

M. Joseph Kergueris, rapporteur, a ainsi jugé indispensable d'aménager des espaces de discussion permettant de prendre en compte une telle diversité. Il a notamment fait référence à la possibilité d'instituer un conseil d'orientation en matière d'action culturelle extérieure, qui regrouperait les différents ministères concernés, ou encore des instances consultatives placées auprès de ces agences.

M. Joseph Kergueris, rapporteur, a ensuite interrogé le ministre sur la perspective de rattachement à l'agence culturelle du réseau culturel à l'étranger. En effet, les commissions de la culture et des affaires étrangères se sont prononcées à l'unanimité en faveur d'un tel transfert lors de l'adoption en juin 2009 d'un rapport d'information commun présenté par leurs deux présidents, MM. Jacques Legendre et Josselin de Rohan.

Compte tenu des difficultés juridiques et statutaires soulevées par ce rattachement, elles avaient cependant estimé nécessaire que cette opération soit mise en oeuvre de façon progressive, le rapport citant notamment l'exemple du rattachement du réseau des équipes commerciales des missions économiques à Ubifrance, qui s'est échelonné sur trois ans.

Aussi a-t-il interrogé le ministre sur les raisons qui l'ont conduit à reporter à trois ans la décision de rattacher le réseau culturel à l'agence culturelle. Par ailleurs, il a souhaité recueillir son sentiment sur la possibilité d'établir, dans le cadre du projet de loi, un lien étroit entre l'agence et le réseau, notamment en confiant à l'agence une compétence en matière de formation professionnelle des agents de ce dernier.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de loi avait le mérite de procéder à une harmonisation salutaire du cadre juridique applicable aux opérateurs de notre diplomatie d'influence, caractérisés par leur extrême dispersion et des statuts pour le moins disparates. Parmi ces opérateurs, deux agences sont notamment créées, l'une chargée de l'expertise et de la mobilité internationales, l'autre chargée de la coopération culturelle et linguistique. Il s'agit là d'une étape décisive dans la réforme du dispositif d'influence de la France à l'étranger, dont il s'est félicité.

Certains éléments méritent cependant d'être précisés. Aussi a-t-il sollicité du ministre quelques éclaircissements sur les points suivants :

- si le rôle pivot du ministère des affaires étrangères est désormais acquis en matière de politique d'influence, il serait souhaitable d'avoir une idée plus précise du cadre interministériel qui devrait présider à l'élaboration des orientations stratégiques des deux agences nouvellement créées ;

- il a souhaité connaître le sentiment du ministre sur l'attribution à la future agence culturelle d'une compétence en matière de formation professionnelle des personnels culturels en poste à l'étranger et sur la perspective de l'associer étroitement à la gestion des ressources humaines du réseau culturel français. Cette étape paraît, en effet, indispensable afin de préparer l'agence à la gestion effective de notre réseau d'établissements culturels à l'étranger ;

- il importe de clarifier les conditions de l'articulation de l'agence culturelle et du réseau culturel dans les trois prochaines années, avant de procéder au rattachement effectif du réseau à l'agence. Il a rappelé à ce titre que, en termes politiques, les commissions de la culture et des affaires étrangères avaient clairement acté, à l'unanimité, le principe d'un tel rattachement dans leur rapport d'information précité ;

- enfin, compte tenu du climat budgétaire préoccupant de notre diplomatie culturelle, il convient de préciser les efforts financiers et humains qui seront consentis par le Gouvernement pour accompagner la montée en puissance de ces deux agences. Dès lors que celles-ci assureront un certain nombre de missions à caractère régalien et de service public, la responsabilité de l'Etat dans leur financement doit être clairement affichée.

En réponse aux interrogations des rapporteurs des deux commissions, M. Bernard Kouchner a apporté les précisions suivantes :

- il a déclaré partager la conviction unanime des membres des commissions de la culture et des affaires étrangères sur la nécessité de transférer, à terme, la gestion du réseau culturel de la France à l'étranger à la future agence chargée de la coopération culturelle. Dans le cas contraire, dépourvu de relais immédiats à l'étranger, le futur établissement s'exposerait au risque d'être « une tête sans jambe ». Néanmoins, il a jugé nécessaire de procéder par étapes, dans la mesure où le rattachement du réseau culturel consisterait à confier à la future agence la gestion de près de 130 établissements culturels à autonomie financière et de plus de 6 000 agents. Dans ces conditions, il convient, dans un premier temps, non seulement de préparer l'agence, en termes de capacité et de moyens, à la conduite d'une telle opération, mais aussi de convaincre les postes diplomatiques et le réseau culturel à l'étranger, leur adhésion à cette démarche étant indispensable à la bonne mise en oeuvre de la réforme. Les trois prochaines années devraient ainsi être consacrées à la concertation avec les postes et à l'évaluation des conséquences statutaires, financières et fiscales d'un tel rattachement, ainsi que des modalités de dévolution à l'agence de la jouissance de biens immobiliers de l'Etat à l'étranger. M. Bernard Kouchner a ainsi estimé qu'une période de transition de deux à trois ans suivant la mise en place de l'agence était incontournable, afin que cette dernière ait eu le temps préalablement de développer des liens fonctionnels avec les établissements culturels à l'étranger en matière de gestion des ressources humaines, notamment à travers la formation des agents, et de programmation des activités, notamment par sa participation à l'élaboration des budgets culturels des postes ;

- en ce qui concerne l'exercice de la tutelle sur les deux agences, les exigences d'efficacité et de cohérence appellent l'identification claire d'un chef de file de la coordination interministérielle. Il semble cohérent d'attribuer ce rôle de pivot au ministère des affaires étrangères, en lui confiant la tutelle de ces agences, dans la mesure où il est appelé à contribuer à près de 90 % de leurs subventions publiques et dès lors que ces établissements ont vocation à s'appuyer sur les moyens du réseau diplomatique dont il a la responsabilité. À ce titre, le directeur de la politique culturelle et du français et le directeur des politiques de mobilité et d'attractivité devraient être les commissaires du Gouvernement respectivement auprès de l'agence culturelle et de l'agence de la mobilité. Les autres ministères concernés devront être étroitement associés à l'élaboration des orientations stratégiques des futures agences, notamment à travers des mécanismes de co-signature de leurs contrats d'objectifs et de moyens et de leurs lettres de missions, et leur participation à des conseils d'orientation stratégique. Si la question de la tutelle a été réglée dans le cas de l'agence chargée de la coopération culturelle à l'issue de discussions avec le ministère de la culture, elle doit encore faire l'objet d'arbitrages interministériels s'agissant de l'agence pour l'expertise et la mobilité internationales ;

- afin d'assumer ses responsabilités futures en matière de conseil et de formation professionnels de nos agents culturels, l'agence chargée de la coopération culturelle devra comporter en son sein un département de la formation, structure solide qui devrait également lui permettre d'être étroitement associée, à l'avenir, à la politique de recrutement de nos personnels culturels en poste à l'étranger ;

- s'agissant des moyens de notre action culturelle extérieure, M. Bernard Kouchner s'est engagé à militer, auprès du ministère du budget, pour la poursuite de l'effort financier en faveur de notre réseau culturel à l'étranger, en l'espèce le prolongement de la rallonge budgétaire obtenue en 2010 et la compensation, à terme, des surcoûts mécaniques générés par les transferts d'agents aux futures agences, notamment dans l'hypothèse d'un rattachement du réseau à l'agence. Par ailleurs, il faudra également accompagner les agences dans le développement de leur capacité autonome à lever des fonds d'origines diverses.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a estimé que le texte déposé par le Gouvernement se résumait à un « squelette » des futurs opérateurs de notre diplomatie d'influence, encore dépourvu des muscles et des nerfs indispensables à leur fonctionnement. Elle a donc jugé nécessaire d'amender le texte pour donner véritablement corps aux agences chargées de la coopération culturelle et de la mobilité universitaire, scientifique et technique, en clarifiant notamment les points suivants :

- il est nécessaire de mettre en cohérence le réseau français d'établissements culturels à l'étranger avec le siège parisien de l'agence culturelle. À ce titre, elle s'est fondée sur le précédent de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Cet établissement public à caractère administratif a été créé précisément afin de piloter un réseau d'établissements scolaires fonctionnant jusqu'alors en ordre dispersé. L'expérience s'est révélée concluante dans la mesure où l'AEFE jouit désormais d'une réputation solidement ancrée comme tête de réseau des établissements scolaires français à l'étranger. Dès lors, elle s'est clairement prononcée en faveur de l'insertion, dans le projet de loi, d'une disposition actant clairement le principe du rattachement du réseau culturel à la future agence qui pourrait intervenir par la voie d'expérimentations ;

- rien ne semble justifier que l'on écarte, a priori, la formule de l'établissement public à caractère administratif dans le cas de l'agence culturelle, dans la mesure où l'expérience de l'AEFE a fait la preuve de son efficacité ;

- la responsabilité de l'État dans le financement de ces opérateurs, assumant du reste des missions de service public, doit être clairement affichée. En conséquence, les dotations de l'État au sein des ressources des établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France doit être rétablie ;

- il importe de remédier à l'absence de véritable perspective de carrière à long terme offerte pour nos agents culturels en poste à l'étranger. Au-delà de la formation professionnelle, se pose également la question de la politique de recrutement, d'affectation et de gestion des carrières de ces personnels. Il importe d'y associer étroitement l'agence culturelle, afin notamment de rendre plus transparentes et objectives les procédures d'affectation ;

- si les dispositions relatives à l'allocation versée directement aux conjoints expatriés ne soulèvent pas d'objection, l'article 13 du projet de loi, en revanche, n'est pas suffisamment clair sur la mise en cause de la responsabilité d'autres personnes, notamment des touristes imprudents, dans le remboursement des frais de secours engagés par l'État à l'étranger.

Après avoir salué le ministre dans sa volonté de réformer le dispositif d'influence de la France à l'étranger, et ce malgré quelques résistances parfois issues de son administration, M. Yves Dauge a souligné, néanmoins, que le texte déposé par le Gouvernement était encore très en deçà des espoirs que l'on pouvait raisonnablement fonder pour une réforme ambitieuse. Dès lors, il a rappelé la nécessité :

- d'acter clairement dans la loi le principe d'un rattachement du réseau culturel à la future agence chargée de la coopération culturelle, l'opération devant ainsi intervenir au plus tard dans trois ans, le cas échéant à la suite d'une série d'expérimentations préalables ;

- d'associer étroitement à la politique de recrutement, d'affectation et de gestion des carrières des personnels culturels en poste à l'étranger la future agence culturelle, qui ne saurait être simplement consultée sur ces sujets ;

- d'impliquer le réseau des Alliances françaises et les collectivités territoriales et de garantir leur présence au conseil d'administration de l'agence culturelle.

Mme Catherine Tasca a rappelé que, deux ans après les conclusions des travaux de la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, on était en droit d'attendre un texte ambitieux qui embrasse l'ensemble des problématiques de notre dispositif d'influence à l'étranger. Or, le texte déposé par le Gouvernement apparaît sec et excessivement technique. Lui fait en particulier défaut une définition neuve et ambitieuse de notre action culturelle extérieure qui serait susceptible d'impulser une réorientation de la politique de l'État dans ce domaine. Elle a notamment regretté l'absence de référence à la défense de la diversité culturelle dans l'objet de la future agence chargée de la coopération culturelle, alors que cet élément constitue l'identité même de notre politique culturelle extérieure depuis l'adoption de la Convention de l'UNESCO sur ce thème en octobre 2005. Elle a ensuite appelé l'attention du ministre sur les points suivants :

- il est indispensable d'inscrire dans la loi une date butoir pour la mise en oeuvre du rattachement du réseau culturel à la future agence culturelle ;

- l'exigence de concertation interministérielle doit irriguer la gouvernance des futurs établissements publics, notamment au niveau de la composition de leurs conseils d'administration ;

- il convient de revaloriser le métier d'acteur culturel à l'étranger, notamment en favorisant les passerelles entre administrations des différents ministères ;

- il est nécessaire de s'entendre sur une appellation qui permette à notre agence de défendre à l'étranger un seul et même label de notre action culturelle extérieure. Or, les propositions successives du ministère à ce sujet et notamment l'appellation d'« Institut Victor Hugo » ne semblent pas recueillir l'assentiment de tous les acteurs concernés.

En matière de promotion de la culture et de la langue françaises à l'étranger, M. Christian Poncelet a souligné la nécessité de recommander aux personnalités françaises, et en particulier aux fonctionnaires français, de s'exprimer systématiquement en français, notamment à l'occasion d'interventions au sein d'organisations internationales. En outre, le recours à des experts privés pour accompagner la mise en place des futures agences doit être envisagé avec précaution.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a remercié le ministre pour les avancées significatives que le projet de loi introduisait en faveur d'une relance de la politique culturelle extérieure française. Elle s'est réjouie de la mise en place d'une allocation versée directement aux conjoints expatriés. En outre, elle a déclaré que, si elle aurait préféré que soit gardée l'appellation « Cultures France » ou « Instituts français », elle n'était pas vraiment hostile à celle d'« Institut Victor Hugo » si l'on devait absolument choisir le nom d'une personnalité française, et ce d'autant plus que Hugo avait été Sénateur et ..Français de l'étranger. Elle a souligné la nécessité, en matière de formation des agents de notre réseau culturel, de mettre l'accent sur l'initiation à la gestion, au management et aux techniques de marketing. Elle a regretté, cependant, le manque de clarté de l'article 13 du projet de loi concernant le remboursement des frais de secours engagés par l'État à l'étranger. A cet égard, elle a rappelé qu'elle avait déposé, avec les membres de son groupe, une proposition de loi tendant à créer un fonds de solidarité pour soutenir les ressortissants français en situation de crise à l'étranger ou victimes de catastrophes naturelles.

En réponse, M. Bernard Kouchner a apporté les précisions suivantes :

- la nouvelle agence chargée de la coopération culturelle ne se résumera pas à une simple transformation du statut de CulturesFrance car elle sera étroitement associée au réseau des établissements culturels à l'étranger ;

- l'idée d'une expérimentation du rattachement du réseau à l'agence, en commençant par quelques établissements pilotes, mérite d'être étudiée même si on peut s'interroger sur la pertinence de prévoir cette expérimentation dans le texte de loi ;

- en tout état de cause, le rattachement du réseau des établissements culturels à l'agence nécessite un important effort d'explication et de persuasion, compte tenu des réticences qu'il soulève, sauf de la part des personnels contractuels et des recrutés locaux ;

- l'idée d'inscrire dans le projet de loi une clause de rendez-vous concernant ce rattachement paraît bienvenue ;

- le modèle de l'établissement public administratif a été écarté car il n'offre pas la même souplesse que l'établissement public à caractère industriel et commercial, notamment en matière de levée de financements et de gestion ;

- les collectivités territoriales, qui jouent un rôle important en matière de coopération culturelle, seront étroitement associées et pourront être représentées au sein du conseil d'administration ;

- il serait envisageable d'augmenter de deux à quatre le nombre de parlementaires appelés à siéger au sein du conseil d'administration des établissements, si cela peut conduire à favoriser une meilleure représentation des sensibilités politiques ;

- un équilibre sera prévu au sein du conseil d'administration de chaque agence entre les représentants du ministère des affaires étrangères et ceux des autres ministères ;

- le contrat d'objectifs et de moyens définira les priorités fixées à chaque opérateur ainsi que les financements prévus sur une base pluriannuelle ;

- des passerelles devront effectivement être mises en place pour permettre des échanges de personnels entre l'agence, le réseau et les ministères concernés ;

- l'allocation au conjoint représente un premier pas vers une meilleure prise en compte des sujétions qui pèsent sur les conjoints d'agents expatriés, même s'il reste beaucoup à faire dans ce domaine ;

- l'idée d'un fonds d'indemnisation pour les ressortissants français en situation de crise ou victimes de catastrophes naturelles soulève la question de son financement et pourrait se heurter aux réticences du ministère de l'économie et des finances.

Mercredi 27 janvier 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président, puis de M. Serge Lagauche, vice-président -

Loi de finances rectificative pour 2010 - Audition de M. Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

La commission a procédé à l'audition de M. Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d'université (CPU), sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Après avoir salué l'effort sans précédent que représente l'emprunt national pour les établissements d'enseignement supérieur et la recherche, M. Lionel Collet a soulevé plusieurs interrogations relatives aux modalités de sa mise en oeuvre.

Il a indiqué, tout d'abord, qu'une distinction était établie entre les campus d'excellence, dotés de 7,7 milliards d'euros, et les laboratoires d'excellence auxquels est attribué un milliard d'euros, la possibilité de candidater simultanément aux deux appels à projets étant exclue. Tout en rappelant l'objectif de 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur qui implique une carte des formations très étendue sur le territoire national, il a souligné la nécessité d'oeuvrer à l'émergence de campus d'excellence disposant d'une taille critique et d'une visibilité internationale mais aussi de promouvoir le développement de l'excellence au sein de l'ensemble du système d'enseignement supérieur et de recherche. Il a ainsi fait remarquer que les universités de petite taille disposaient généralement de laboratoires spécialisés reconnus internationalement et/ou de formations très attractives.

Il a relevé les modifications intervenues entre les propositions du rapport remis par MM. Alain Juppé et Michel Rocard et la déclaration du Président de la République sur le financement des projets en dehors des campus d'excellence. Il a estimé que d'autres spécialisations, notamment pédagogiques, devaient pouvoir faire l'objet de financements spécifiques.

Il s'est interrogé également sur le périmètre géographique des futurs instituts de recherche technologique, au nombre de quatre à six pour un montant de 2 milliards d'euros. Citant l'exemple du site de Saclay, il a fait remarquer que la recommandation du rapport de MM. Alain Juppé et Michel Rocard de regroupement sur un site unique dans un rayon d'un kilomètre ne correspondait pas à la réalité géographique française. Il a encouragé la logique de mise en réseau des compétences sans considération de masse critique ou de site restreint.

Il a mentionné le troisième appel à projet qui concerne les instituts hospitalo-universitaires. Il est prévu la création de cinq instituts pour un financement de 850 millions d'euros. Tout en soulignant l'importance d'un soutien à la reconnaissance de l'excellence clinique, il a évoqué des interrogations concernant les sites, qui conduisent également à encourager la mise en réseau des compétences. Il a ainsi illustré son propos en citant l'exemple de la transplantation, spécialité pour laquelle certaines villes françaises disposent de l'excellence hospitalière et clinique mais non de laboratoires de recherche, et inversement.

Enfin, il a abordé le volet numérique du projet de loi de finances rectificative, compte tenu du coût considérable que représente aujourd'hui la documentation électronique pour les établissements d'enseignement supérieur. Evoquant la position dominante des éditeurs en termes de tarification et l'insuffisante mutualisation des structures d'enseignement supérieur malgré l'existence d'un consortium, il a préconisé l'acquisition des licences de périodiques et le rachat des archives dont le coût s'élèverait entre 60 et 80 millions d'euros. Il a suggéré qu'une partie de l'enveloppe allouée au secteur du numérique prenne la forme d'un fonds placé, dont le produit des intérêts permettrait cette acquisition, le coût de la documentation électronique des organismes universitaires et de recherche étant estimé entre 30 et 40 millions d'euros par an.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur pour avis, a interrogé le président de la CPU sur les modalités de gouvernance du « grand emprunt » et de gestion des fonds prévues par le projet de loi. Il s'est inquiété des capacités internes et techniques des universités quant à la gestion des fonds qui leur seront affectés. Il a souhaité obtenir des précisions sur les indicateurs de mesure des résultats dans le cadre des conventions établies entre l'Etat et chaque organisme d'enseignement supérieur ou de recherche, ainsi que sur la mise en réseau des compétences des universités de petite taille qui ne possèdent pas de laboratoire d'excellence mais mettent en oeuvre néanmoins des dispositions pédagogiques d'excellence.

Tout en notant que la France n'accusait pas de retard notable dans le domaine des publications de recherche, M. Jean-Claude Etienne, rapporteur pour avis, a relevé les difficultés de notre pays en matière de publications retenues sur le plan international et de dépôt de brevets en comparaison de certains pays, comme ceux de Scandinavie, la Corée du Sud ou les Etats-Unis, qui s'avèrent très performants. Il s'est interrogé sur les possibilités offertes par l'emprunt national pour inverser la situation actuelle de la France.

M. Lionel Collet a approuvé la décision de renforcer les opérateurs existants au lieu de créer de nouvelles agences, tel que l'avait envisagé le rapport de MM. Alain Juppé et Michel Rocard. Toutefois, il a mentionné le défi que devra relever l'Agence nationale de la recherche (ANR) compte tenu de l'augmentation considérable, de un à 18 milliards d'euros, des fonds dont elle devra assurer la gestion.

Il a rappelé qu'une période probatoire de trois ans était instituée pour les campus d'excellence avant que les fonds puissent leur être délégués. Par ailleurs, il a appelé de ses voeux - à l'occasion du grand emprunt - le regroupement de fondations universitaires précédemment créées qui permettrait de disposer d'un outil de gouvernance spécifique à la gestion de ces fonds.

Citant l'exemple des universités de Perpignan, dans le domaine des études ibériques et de la biologie marine, et de Limoges pour la céramique, il a reconnu que, malgré l'existence de laboratoires d'excellence, un certain nombre d'universités ne disposait pas de la taille critique pour créer un campus d'excellence. A ce titre, il a considéré à nouveau comme insuffisant le milliard d'euros alloué aux laboratoires d'excellence en comparaison des 7,7 milliards d'euros destinés aux cinq à dix campus d'excellence.

Il a précisé que l'évaluation de la performance des campus d'excellence devrait reposer sur la production scientifique, la valorisation de la recherche et l'exploitation des brevets ainsi que sur l'attractivité du site au-delà du recrutement des enseignants et des chercheurs, notamment sa capacité à attirer les meilleurs étudiants.

Après avoir salué la qualité de l'intervention de M. Lionel Collet, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis pour l'enseignement supérieur, a considéré que la mise en réseau des établissements d'enseignement supérieur pouvait contribuer à compenser toute forme de différenciation territoriale sur le plan de la carte universitaire. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la méthodologie susceptible d'être mise en place pour éviter le risque de saupoudrage.

La charge d'intérêt de l'emprunt national devant être compensée par une réduction des dépenses de fonctionnement, il a souhaité savoir s'il existait de nouvelles sources de revenus ou d'économies pour les universités, liées par exemple à des politiques d'économie d'énergie ou de recyclage du papier.

M. Lionel Collet a indiqué qu'un des objectifs du « plan campus » concernait la capacité de réorganisation et de valorisation des établissements d'enseignement supérieur, notamment en matière de maintenance ou de meilleure utilisation des bâtiments. Des dispositions relatives au recyclage de l'eau, par exemple, figurent déjà dans le cadre des écocampus.

Il s'est inquiété du sous-encadrement d'un grand nombre d'établissements universitaires français au regard des normes européennes. Il a précisé également que le ratio entre enseignants-chercheurs et personnels administratifs et techniciens, de l'ordre de deux pour un, était très inférieur à celui des grandes universités américaines qui disposent de plusieurs techniciens pour un enseignant. Il a fait remarquer que le temps consacré par les enseignants à des tâches administratives pèse sur l'organisation actuelle des universités.

Après avoir rappelé que le modèle d'allocation des moyens aux universités reposait partiellement sur la performance des établissements, il a regretté que le facteur d'efficience ne constitue pas plutôt un critère d'attribution des moyens. Il a rappelé que la prise en compte de ce critère était une revendication de la Conférence des présidents d'université.

Il a relevé que le montant du « grand emprunt » qui sera attribué aux campus d'excellence était de nature à constituer un élément correcteur de la situation actuelle en offrant la possibilité de recrutements complémentaires de qualité.

Il a déclaré que la CPU serait particulièrement attentive aux critères qui seront fixés par le cahier des charges pour les opérateurs souhaitant bénéficier de ces financements publics.

M. Serge Lagauche a fait remarquer, tout d'abord, que le modèle universitaire américain était très éloigné de l'état d'esprit qui prévalait en France. Il a relevé, par ailleurs, que les universités s'adressaient de plus en plus aux collectivités territoriales pour disposer de moyens supplémentaires, par exemple dans le secteur du logement afin de contribuer à l'amélioration de l'environnement des étudiants.

Tout en reconnaissant le bien-fondé de l'accueil d'étudiants étrangers en France, il a noté que la principale difficulté concernait la mobilité internationale des étudiants français qui leur offre l'opportunité de compléter leur formation.

Il a évoqué la stagnation du nombre d'enseignants dans l'enseignement supérieur et les besoins en la matière pour la réussite du « plan licence ». Puis il a souligné les difficultés liées au rapprochement d'établissements animés par des ambitions et des orientations différentes, l'un étant axé, par exemple, sur la mise en oeuvre du « plan licence », l'autre excellant dans le domaine de la recherche.

Il a encouragé l'Etat à doter les universités de moyens supplémentaires et l'a invité à inciter les collectivités territoriales à oeuvrer en ce sens à la condition qu'elles puissent mesurer les retombées de ces investissements en termes d'emplois et de création d'entreprises.

M. Serge Lagauche a déploré que la réduction du nombre de médecins décidée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris conduise à un désengagement des praticiens hospitaliers dans le domaine de la recherche médicale. Il s'est interrogé sur la manière d'augmenter les capacités d'enseignement afin d'encourager les meilleurs étudiants à se diriger vers ces carrières.

M. Yannick Bodin a regretté que, désormais, l'entrée à l'université ne soit recommandée aux bacheliers qu'en second choix, indiquant que 55 % d'entre eux accédaient aux formations sélectives post-bac contre 45 % aux formations ouvertes. Puis, il a souhaité savoir comment, dans ce contexte de nouveaux moyens, la CPU envisageait, d'une part, la revalorisation de l'université et de sa capacité à attirer les jeunes et, d'autre part, le nécessaire rapprochement entre l'université et les grandes écoles. Il a conclu que le souci permanent est celui de la professionnalisation.

M. Jacques Legendre, président, a souligné que la commission présidée par M. Christian Philip, à laquelle il a participé, semblait privilégier le niveau du pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) pour ce rapprochement.

Mme Bernadette Bourzai a indiqué que le pôle européen de la céramique de Limoges, inscrit dans le plan université 2000 et dans deux contrats de plan successifs aidés par des fonds européens, n'est pas encore complètement opérationnel à ce jour. Elle a souligné la difficulté d'une université disposant de peu de moyens dans une région aux ressources budgétaires limitées et l'importance du temps nécessaire à la réalisation des projets. Elle a souhaité connaître l'évaluation par la CPU des besoins des campus d'excellence mais aussi des petites universités qui, ayant parfois quelques « pépites », méritent d'être aidées.

M. Yves Dauge a souhaité obtenir une vision claire des différents modes de financement budgétaire des universités, de l'articulation de ces derniers, des modalités de consommation des crédits et de la répartition des dépenses entre investissement et fonctionnement. Il s'est dit ensuite préoccupé du taux d'échec à l'issue de la première année à l'université et favorable à l'examen de l'articulation entre le lycée et l'université, estimant nécessaire une réflexion sur cette question. Enfin, il s'est interrogé sur la durée annuelle de fonctionnement des universités.

Répondant à M. Yves Dauge, M. Jacques Legendre, président, a demandé au rapporteur pour avis au nom de la commission du projet de loi de finances rectificative pour 2010 de clarifier dans son rapport l'articulation des dispositions budgétaires existantes et des mesures nouvelles.

M. René-Pierre Signé a regretté le manque de médecins en milieu rural, invoquant la trop grande difficulté du concours d'accès aux études médicales. Il a observé que les étudiants qui réussissent dans cette filière ont des ambitions légitimes au regard de leur grande compétence et ne souhaitent pas devenir des « médecins de campagne ». Estimant que la désertification des campagnes est partiellement liée au manque de structures médicales qui crée une insécurité, il a préconisé l'ouverture du numerus clausus afin de permettre l'accès d'étudiants au profil moins scientifique mais plus humaniste.

M. Serge Lagauche a estimé qu'il faudrait mettre en oeuvre un système de suivi de cohortes d'étudiants sur une période de dix ans afin étudier leur devenir à l'issue de cette période. Allant dans le même sens, M. Jean-Léonce Dupont a regretté la volonté inégale des universités de mettre en place ce type d'étude qui pourrait montrer le très faible taux d'insertion professionnelle de jeunes diplômés issus de certaines formations.

M. Jean-Pierre Chauveau a déploré que des jeunes étudiants soient dirigés de façon persistante vers des filières dont on connaît pertinemment l'absence de débouchés professionnels.

M. Lionel Collet a apporté aux orateurs les éléments de réponse suivants :

- le premier cycle d'enseignement supérieur qui conduit à la licence doit être conservé au sein de l'université française. L'université doit pouvoir proposer des formations de la licence jusqu'à la thèse. Un rapport remis à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'analyse comparative des systèmes universitaires internationaux montre que les universités américaines disposent en leur sein des trois cycles, licence, master et doctorat ;

- le remplacement des professeurs praticiens-hospitaliers devrait connaître des difficultés dans les années à venir, en raison de l'âge de plus en plus tardif de nomination au poste de professeur et du poids de la fonction de soins hospitaliers qui tend à réduire les activités d'enseignement et de recherche. La question du sous-encadrement se pose de façon différenciée selon les centres hospitalo-universitaires et a des répercussions sur le temps susceptible d'être consacré à la recherche par les jeunes médecins ;

- l'université souffre de cette image de choix par défaut. Dans notre pays, on revendique la formation de masse et, parallèlement, les jeunes étudiants s'orientent vers les filières sélectives, ceci d'autant plus quand les lycéens peuvent identifier un métier derrière la formation, pensant - parfois à tort - qu'elles offrent de réels débouchés. Il existe un engouement des nouvelles générations de lycéens pour les écoles qui, à la fois, pratiquent la sélection et proposent un métier. L'université reste un lieu de connaissance, de recherche et d'apprentissage, et dans bien des cas, une formation fondamentale doit être dispensée ; ainsi l'accès au master professionnel se fait par une licence générale ;

- la création de campus d'excellence est clairement l'occasion d'un rapprochement entre l'université et les grandes écoles mais des aménagements législatifs et réglementaires seront nécessaires à cette fin. Aujourd'hui, par exemple, un établissement tel qu'une école d'ingénieur ne souhaite pas perdre sa personnalité morale. Tout au plus, il envisagera d'être rattaché par convention à une université. L'enjeu de l'emprunt national est de favoriser ces rattachements à de nouveaux établissements qui ne sont pas des PRES, mais qui peuvent être des universités ou des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Le PRES se voit parfois reprocher d'être bâti non pas sur une relation de coopération mais sur un principe de pacte de non agression ;

- conformément à l'accord de 2007 entre le Premier ministre et la CPU afin de donner les moyens de leur autonomie aux universités, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche a été augmenté d'un milliard d'euros par an et ce pour cinq années. Cela devrait permettre, à terme, de rattraper le niveau international. Néanmoins, sur le terrain, les difficultés demeurent pour certains établissements et il faudra du temps pour apprécier les résultats de l'emprunt national ;

- l'université française a vocation à accepter tous les bacheliers en première année ; tous les types de baccalauréat peuvent conduire à toutes les filières de l'enseignement supérieur. Mais tous les baccalauréats n'ont pas le même niveau et l'université s'honorerait à mettre en place des voies de formation et de remise à niveau pour les étudiants qui ne possèdent pas le bac le mieux adapté à la filière qu'ils ont choisie. C'est le modèle des universités britanniques. L'université de Savoie a mis en place un réseau d'enseignants référents dans les lycées pour aider à faire le lien entre le contenu de la formation et l'orientation. Ce type d'initiative constitue une excellente réponse pour réduire le taux d'échec en première année, qui est d'environ 50 % ;

- concernant les études de médecine, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit un décret, en préparation, qui doit donner la possibilité aux étudiants de s'engager à exercer au sein du service public en contrepartie d'une allocation pendant leurs études. C'est un élément de réponse mais ce n'est certainement pas le seul ;

- aujourd'hui la pression mise sur les universités porte sur le taux d'insertion professionnelle des diplômés et non sur le devenir de l'étudiant entrant en première année. A terme, ce taux sera un des critères pour l'allocation des moyens aux universités. Cela peut sembler pertinent mais ne tient pas compte du bassin local, de l'environnement socio-économique et de l'aspect territorial. Sur le devenir des étudiants de première année, de rares travaux portent seulement sur les réorientations dans les filières sélectives ;

- s'agissant de la durée annuelle de fonctionnement des universités, les laboratoires de recherche travaillent toute l'année et, pour l'enseignement, les locaux sont généralement occupés dix mois par an.

Jeudi 28 janvier 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président, puis de Mme Colette Mélot, vice-présidente -

Action extérieure de l'État - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Louis Duvernois sur le projet de loi n° 582 rectifié (2008-2009) relatif à l'action extérieure de l'État.

En introduction, M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État constituait une étape décisive dans la mise en oeuvre d'une réforme ambitieuse de l'action culturelle extérieure. Il a indiqué que, sur ce texte, les commissions de la culture et des affaires étrangères avaient choisi de travailler dans un esprit de concertation. Ses propositions auront donc pour objectif de cadrer très précisément le projet de loi dans le sens des recommandations formulées par les présidents des deux commissions, MM. Jacques Legendre et Josselin de Rohan, dans leur rapport d'information de juin 2009.

Il s'est ensuite félicité de ce que le projet, en dépit de son aspect aride, comporte un certain nombre de dispositions-clés permettant la relance du dispositif français d'influence à l'étranger. Son titre Ier procède ainsi à la création d'une nouvelle catégorie d'établissements publics, appelés « établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France ». Conformément aux recommandations du rapport d'information précité, le texte maintient la création, au sein de cette nouvelle catégorie, de deux agences : une agence pour l'action culturelle extérieure par transformation de l'association CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), et une agence pour l'expertise et la mobilité internationales par fusion de l'association EGIDE et des groupements d'intérêt public CampusFrance et France Coopération Internationale (FCI) au sein d'un seul et même EPIC.

Toutefois, un certain nombre de questions fondamentales restant en suspens, il a annoncé qu'il proposerait à la commission une réécriture sensible du titre premier, afin notamment de clarifier les conditions du pilotage stratégique de ces deux agences, leurs périmètres d'intervention respectifs ainsi que leurs relations avec les ambassades et le réseau culturel à l'étranger.

S'agissant des règles constitutives de cette nouvelle catégorie d'établissements publics, il a insisté sur la nécessité en particulier :

- d'introduire le principe de la conclusion impérative de contrats d'objectifs et de moyens entre l'État et chacun de ces établissements et de leur transmission aux commissions compétentes des assemblées parlementaires ;

- de préparer la mise en place de liens fonctionnels entre ces établissements et le réseau diplomatique, et notamment le réseau culturel ;

- d'augmenter le nombre des parlementaires présents au conseil d'administration de ces établissements afin d'assurer une meilleure représentativité tant des différentes commissions parlementaires compétentes que des différentes sensibilités politiques ;

- de garantir très clairement la pérennité du financement public de ces établissements en affichant la responsabilité de l'État dans ce domaine.

Le chapitre II du projet de loi procède à la création, au sein de cette nouvelle catégorie des établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France, d'un établissement public à caractère industriel et commercial pour l'expertise et la mobilité internationales. A cet égard, M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, a estimé indispensable :

- de préciser son périmètre d'intervention, à savoir le développement de la mobilité internationale tant des étudiants, des chercheurs que des experts, la valorisation de notre système d'enseignement supérieur à l'étranger, et la promotion de l'expertise française ;

- de veiller à ce que l'agence opère en concertation avec les multiples organismes publics et privés déjà présents sur le marché fortement concurrentiel de la mobilité internationale ainsi qu'avec les établissements d'enseignement supérieur dont l'adhésion à ses démarches est indispensable au succès de la réforme.

S'agissant de la tutelle de cet opérateur, il a indiqué que plusieurs options demeuraient envisageables :

- soit confier la tutelle de la future agence au ministère des affaires étrangères et au ministère de l'enseignement supérieur, dans le prolongement de la situation qui prévaut à l'heure actuelle au sein de CampusFrance. Le maintien d'une tutelle partagée faciliterait, du reste, un réflexe de coordination étroite entre le réseau diplomatique, le siège de l'agence à Paris, le réseau des établissements d'enseignement supérieur et le réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) ;

- soit, en contrepartie d'une tutelle unique confiée au ministère des affaires étrangères, instituer un cadre de négociation interministérielle permanent, assorti d'instances consultatives auxquelles devraient participer tous les acteurs concernés par la mobilité universitaire et scientifique.

En l'absence d'arbitrage interministériel entre ces alternatives, M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de ne pas anticiper sur les conclusions des discussions qui doivent se poursuivre, en espérant que la situation de la future agence soit rapidement clarifiée, si possible avant l'examen du projet de loi en séance plénière le 22 février 2010.

Il a également proposé de donner rendez-vous au Gouvernement, au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, pour la question du transfert à l'agence de la mobilité de la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers gérées par le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS). Dans le souci d'une plus grande cohérence, l'ensemble des bourses destinées aux étudiants étrangers devrait être géré à terme par la future agence.

S'agissant des dispositions concernant la future agence chargée de la coopération culturelle, M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, a estimé judicieux :

- de confier la tutelle de l'agence culturelle au ministère des affaires étrangères, étant entendu que ses orientations seront définies conjointement avec le ministère de la culture ;

- de préciser son périmètre d'intervention, en insistant notamment sur ses responsabilités en matière de diffusion de la langue française à l'étranger, de diffusion de la culture scientifique et de promotion du patrimoine cinématographique et audiovisuel français ;

- de consacrer en particulier les responsabilités de la future agence en matière de formation professionnelle des personnels culturels en poste à l'étranger. À ce titre, elle devrait être associée à la politique de recrutement, d'affectation et de gestion des carrières de ces personnels. Il s'agira d'une première étape préalable au rattachement effectif du réseau culturel au plus tard dans trois ans ;

- de prévoir que l'établissement opère en concertation étroite avec les organismes compétents dans ces domaines, comme uniFrance pour le cinéma par exemple, mais aussi et avant tout avec les Alliances françaises ;

- de prévoir la mise à disposition au profit de l'agence culturelle des moyens du réseau diplomatique, et donc du réseau d'établissements culturels à l'étranger.

En ce qui concerne le rattachement du réseau culturel à l'agence culturelle, il a rappelé que les modifications évoquées précédemment devraient permettre de garantir la possibilité d'une telle opération, le cas échéant en procédant à des expérimentations préalables. Ainsi, il a proposé que, au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, le Gouvernement soumette à la représentation nationale les modalités de ce transfert et les résultats des expérimentations conduites en ce sens.

Avant cette date, un certain nombre de décisions devant être prises par voie réglementaire pour mettre en place l'agence culturelle et articuler ses relations avec le réseau culturel, il a jugé utile d'instituer un comité de suivi associant les parlementaires au contrôle de la mise en oeuvre de la loi.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État.

Bien que convaincu de l'opportunité que représente la création d'une agence pour la relance du dispositif d'action culturelle à l'étranger, M. Yves Dauge a fait part de sa déception face au manque d'ambition caractérisant le projet de loi. La sécheresse du texte du Gouvernement, qui n'offre au final que le « service minimum » et ne s'appuie sur aucune stratégie, est probablement le résultat des résistances d'une administration excessivement conservatrice. Il a réaffirmé sa volonté d'accompagner et d'aider le ministre des affaires étrangères et européennes dans sa détermination à ressusciter un réseau culturel en quête d'un nouveau souffle et sur lequel pèsent encore les lourdeurs d'un appareil diplomatique qui n'a pas pris la pleine mesure des bouleversements de notre diplomatie culturelle.

Dans ces conditions, il a déclaré partager la très grande majorité des propositions du rapporteur pour avis, notamment en ce qui concerne la gouvernance des futurs établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France, la meilleure représentativité de tous les acteurs concernés au sein de leurs conseils d'administration, ainsi que la mise en place de conseils d'orientation censés donner du contenu à la stratégie culturelle française à l'étranger.

Néanmoins, M. Yves Dauge a indiqué qu'il demeurait réservé sur le choix du statut d'EPIC, lui préférant la formule de l'établissement public à caractère administratif (EPA), qui permettrait de rassurer les personnels dont l'adhésion est indispensable à la bonne conduite du rattachement du réseau culturel à la future agence. Il a souligné, au demeurant, qu'il était possible pour les EPA de recourir au mécénat, comme l'illustre l'exemple de l'établissement public du Louvre qui a pu vendre sa marque à Abou Dhabi. S'agissant de la future agence culturelle, il conviendra d'en souligner la dimension non lucrative.

Enfin, il a rappelé que les commissions de la culture et des affaires étrangères avaient clairement acté le principe du rattachement du réseau culturel à la future agence chargée de la coopération culturelle. Il n'est donc pas envisageable que le statu quo perdure dans l'attente que la question soit reposée au cours des trois années à venir. Cette période devrait constituer, au contraire, une transition au cours de laquelle une série d'expérimentations pourraient être conduites dans le but de procéder, ensuite, au transfert de l'ensemble du réseau selon un calendrier échelonné.

Mme Françoise Laborde a indiqué que la plupart des amendements que son groupe déposerait iraient dans le sens des propositions du rapporteur pour avis. Elle s'est ensuite interrogée sur les tutelles respectives des deux agences qui devraient être clairement identifiées. Elle a souhaité que les tutelles soient suffisamment solides pour veiller au respect des orientations stratégiques qu'elles auront fixées ; dès lors, il serait judicieux que le ministère des affaires étrangères en délègue l'exercice à un secrétariat d'État aux relations culturelles extérieures. En outre, elle a considéré que les responsabilités en matière de formation professionnelle et de politique de recrutement étaient profondément liées et que, à ce titre, l'agence devait être associée pleinement à l'ensemble de la gestion des ressources humaines du réseau culturel. Enfin, elle s'est interrogée sur l'articulation des deux agences, culturelle et de mobilité, sur le terrain, à l'étranger.

Rappelant qu'il avait été, pendant de nombreuses années, rapporteur pour avis, des crédits de la francophonie, au nom de la commission, M. Jacques Legendre, président, a indiqué qu'il avait déjà eu l'occasion, à maintes reprises, de constater l'immobilisme de l'administration du ministère des affaires étrangères en matière de diplomatie culturelle. Il a rappelé que la commission de la culture militait depuis longtemps pour la mise en place d'un secrétariat d'État aux relations culturelles extérieures et à la francophonie, afin de donner du poids à ces problématiques au sein du Quai d'Orsay, notamment à l'occasion d'arbitrages budgétaires.

Compte tenu des dysfonctionnements de l'administration du ministère des affaires étrangères en matière de gestion des ressources humaines au sein du réseau culturel à l'étranger, les commissions de la culture et des affaires étrangères ont adopté une position unanime et résolument offensive en formulant des propositions concrètes. Elles ont souligné, en particulier, la nécessité d'une transparence et d'une objectivité accrues des critères de recrutement et d'un allongement de la durée d'immersion au sein du pays d'accueil, afin de mettre un terme à certaines situations aberrantes observées sur le terrain.

Ainsi, M. Jacques Legendre, président, a réaffirmé la volonté de la commission de la culture de soutenir une réforme ambitieuse de notre politique culturelle extérieure en donnant à la future agence les moyens d'agir à l'étranger, ce qui suppose de lui rattacher à terme le réseau de nos établissements culturels à autonomie financière à l'étranger.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, s'est déclaré déterminé à défendre le volontarisme de la commission de la culture et à refuser le statu quo. Il a souligné que les deux agences créées par le projet de loi avaient vocation à intervenir dans deux coeurs de métiers distincts, mais que leurs interventions à l'étranger seraient articulées sous l'autorité de l'ambassadeur qui représente le Gouvernement dans toutes ses composantes à l'étranger et, à ce titre, garantit la cohérence globale de l'action extérieure de l'État. Il a fait observer le paradoxe suivant : inventeur du concept de diplomatie culturelle dans la deuxième moitié du XIXe siècle, notre pays fait preuve aujourd'hui d'un attentisme surprenant compte tenu de l'activisme déployé par nos concurrents étrangers dans ce domaine.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur pour avis sur le projet de loi :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

1

Précision de la spécialité de la nouvelle catégorie d'établissements publics.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

2

Rédactionnel

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

3

Rédactionnel

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

4

Principe de la conclusion impérative d'un contrat d'objectifs et de moyens avec l'État.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

5

Rédactionnel

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

6

Mise à disposition au profit des établissements publics concernés des moyens du réseau diplomatique.

Adopté

Article 2

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

7

Modification du nombre de parlementaires présents au conseil d'administration des établissements publics.

Adopté

Article 3

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

8

Précision sur les ressources des établissements publics et garantie de la pérennité de leur financement public.

Adopté

Titre Ier - Chapitre II

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

9

Dénomination du nouvel établissement public pour l'expertise et de la mobilité internationales.

Adopté

M M. Yves Dauge et Pierre Bordier ont exprimé des doutes quant à la capacité de la future agence de mobilité d'asseoir sa notoriété sur l'appellation « Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales » qui paraît, à première vue, quelque peu aride. M. Yves Dauge a souligné que le groupement d'intérêt public CampusFrance avait réussi à solidement ancrer sa réputation à l'étranger en s'appuyant sur un label attractif.

Conscient du manque d'attrait d'une telle dénomination, M. Jacques Legendre, président, a néanmoins fait observer la nécessité de faire figurer dans le libellé de l'agence son identité française et sa responsabilité en matière d'expertise, notamment au niveau des appels d'offre internationaux. Il a rappelé que le label CampusFrance avait vocation à demeurer présent à l'étranger, au niveau des espaces CampusFrance placés auprès de nos services culturels à l'étranger.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 5

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

10

Amendement de coordination

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

11

Garantir une unité de commandement à la tête de l'agence de la mobilité.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

12

Périmètre d'intervention de la future agence de la mobilité et caractère interministériel présidant à l'élaboration de sa stratégie.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

13

Amendement de coordination

Adopté

Article additionnel après l'article 5

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

14

Création de deux instances consultatives auprès de l'établissement public pour l'expertise et la mobilité internationales.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

15

Rapport au Parlement sur le transfert de la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers du CNOUS à l'agence de la mobilité.

Adopté

M. Jacques Legendre, président, a souligné la nécessité de garantir la continuité de la chaîne de l'accueil des étudiants étrangers en France, en assurant, autant que faire se peut, une logique de guichet unique en matière de bourses au sein de la future agence de mobilité. Celle-ci devra ensuite s'appuyer sur les services du CNOUS s'agissant de leur hébergement et de l'organisation de leur participation à la vie étudiante.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Titre Ier - Chapitre III

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

16

Désignation de l'opérateur culturel sous le nom d' « Institut français »

Adopté

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, a estimé que la récente proposition du ministre des affaires étrangères et européennes de nommer la future agence culturelle « Institut Victor Hugo » aurait pour effet contradictoire de lui donner un ancrage quelque peu passéiste qui ne correspond pas nécessairement à l'esprit d'une diplomatie culturelle prenant pleinement en compte l'apport des nouvelles technologies de la communication. En outre, cette appellation ne permettrait pas d'identifier clairement la vocation de l'agence de représenter l'image culturelle de la France à l'étranger. À ce titre, il a déclaré lui préférer l'appellation CulturesFrance permettant de bien identifier l'objet du futur établissement.

M. Yves Dauge a estimé que conserver le nom de « CulturesFrance » aurait pour conséquence d'adresser un signal pour le moins contradictoire à nos personnels culturels en poste à l'étranger, qui sont dans l'attente d'une véritable rupture dans la conduite de notre politique culturelle extérieure. Le choix d'un nouveau label permettrait d'afficher une volonté d'évolution.

Mme Colette Mélot a souligné la nécessité de ne pas faire figurer dans le nom de l'établissement le mot « agence », du fait de la dimension commerciale qui s'attache en général à ce terme.

M. Jacques Legendre, président, a fait observer que le débat sur l'appellation de la future agence culturelle était d'une importance particulière dans la mesure où il s'agit d'un instrument de communication auprès des publics étrangers. La dénomination de l'établissement doit donc permettre de bien identifier sa vocation, à savoir incarner à l'étranger le riche héritage culturel de notre pays. Le nom de « CulturesFrance » avait, du reste, le mérite de bien mettre en valeur cet objet. Si les consultations conduites par le Quai d'Orsay auprès de ses postes diplomatiques ont conclu que la personnalité de Victor Hugo était celle qui avait le plus de notoriété, choisir le nom d'un écrivain connu au détriment de celui d'un autre pourrait sensiblement compliquer le débat.

M. Yves Dauge a souligné la nécessité de choisir une appellation capable d'incarner le changement.

Citant les propos de M. Dominique Wolton, sociologue, sur la nécessité de ne pas changer des marques qui ont fait la preuve de leur efficacité, M. Jacques Legendre, président, a suggéré d'appeler la future agence culturelle « Institut français », dès lors que plusieurs de nos centres culturels prestigieux à l'étranger se nomment déjà ainsi. La commission s'est ralliée à cette dernière proposition.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 6

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

17

Tutelle de l'opérateur culturel confiée au ministre des affaires étrangères.

Adopté

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, a rappelé que le recours à l'EPIC permettait le portage des contrats de droit privé de l'association CulturesFrance vers la nouvelle agence. Compte tenu de la précarité actuelle des contrats au sein de l'association, cette évolution représente une amélioration notable par rapport à la situation actuelle. Le Sénat avait approuvé à l'unanimité en février 2007 une proposition de loi ayant le même objet.

En revanche, la formule de l'EPA ne permet pas un tel portage. Le passage à un EPA suppose de mettre un terme à tous les contrats de droit privé, qui constituent la plupart des emplois de CulturesFrance aujourd'hui, et de ne recruter que des agents de droit public.

En outre, au-delà de ses missions de service public, la nouvelle agence assurera des activités de nature commerciale pour lesquelles elle sera rémunérée, comme les échanges d'ingénierie culturelle, ou encore la promotion sur les marchés étrangers d'artistes émergents.

M. Yves Dauge a indiqué que son groupe déposerait un amendement visant à faire de la future agence culturelle un établissement public à caractère administratif. Dans le cas où la formule de l'EPIC serait celle adoptée en dernier ressort, il a souligné la nécessité d'être suffisamment clair, en matière de mécénat, sur la dimension non lucrative d'un certain nombre d'activités de l'agence, le cas échéant en recourant à une double comptabilité, afin de lui permettre de bénéficier des dispositions communautaires relatives au statut de donateur européen.

Mme Marie-Agnès Labarre s'est également déclarée défavorable au recours à l'EPIC dans la mesure où la multiplication de ce type d'établissements s'accompagne en général d'un désengagement financier de l'Etat.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 6

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

18

Garantir une unité de commandement à la tête de l'établissement public pour l'action culturelle extérieure.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

19

Périmètre d'intervention de la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique et caractère interministériel présidant à l'élaboration de sa stratégie.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

20

Amendement de coordination

Adopté

Article additionnel après l'article 6

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

21

Institution d'un conseil d'orientation stratégique en matière d'action culturelle extérieure.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

22

Rapport au Parlement sur le transfert de la gestion du réseau culturel à l'établissement public pour l'action culturelle extérieure.

Adopté

M. Louis Duvernois

rapporteur pour avis

23

Mise en place d'un comité de suivi sur l'application du chapitre III du titre Ier de la loi.

Adopté

Sous réserve de la prise en compte de ces amendements, la commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État.

Jeux d'argent et de hasard en ligne - Examen du rapport pour avis

Ensuite, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Ambroise Dupont sur le texte de la commission des finances pour le projet de loi n° 29 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a rappelé que le droit des paris, des courses et des jeux s'insérait dans un cadre législatif stable fondé sur la restriction de l'offre afin de préserver la sécurité et la santé publiques. Plusieurs dérogations successives ont été cependant apportées au régime de prohibition organisé par la loi du 21 mai 1836 et réitéré par la loi du 12 juillet 1983. La loi de finances pour 1933 a autorisé la mise en place d'une loterie nationale, et la loi de finances pour 1985 les paris sportifs. La Française des jeux, société anonyme contrôlée par l'Etat, en détient toutefois le monopole.

Il a souligné que parallèlement, la loi du 2 juin 1891 réglementait les courses de chevaux et confiait l'organisation des paris, restreints à la seule forme mutuelle, aux sociétés mères du trot et du galop agréées par le ministre de l'agriculture. Les sociétés de courses ont constitué un groupement d'intérêt économique, le Pari mutuel urbain (PMU), dont l'intégralité du résultat leur est reversée afin de financer la filière équine.

Cette organisation juridique, pensée pour les points de vente physiques de la Française des jeux, du Pari mutuel urbain et des hippodromes (jeux dits en dur), est fragilisée par la prolifération de sites de paris en ligne illégaux mais de fait très aisément accessibles, les clients français s'y pressant déjà pour des mises annuelles estimées à deux milliards d'euros.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué que des fraudes aux moyens de paiement, des opérations de blanchiment de capitaux et le développement de comportements addictifs étaient avérés. L'adaptation du cadre législatif, pour tenir compte des nouvelles modalités de jeu offertes par Internet, est dictée par le souci de préserver l'ordre public et social. À bien des égards, le projet de loi tente de refermer un marché de facto ouvert et soumis à la concurrence la plus sauvage.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a attiré l'attention sur le fait que le droit communautaire n'imposait aucune reconnaissance mutuelle des opérateurs légalement installés dans un pays de l'Union, au nom du principe de la libre prestation de services. Cependant, les mesures de régulation devaient être justifiées par des motifs d'intérêt général, proportionnées et exemptes de tout caractère discriminatoire.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a estimé que le projet de loi reposait sur une idée simple et pragmatique : organiser une offre de jeux en ligne légale, nettement délimitée et bien contrôlée afin d'assécher l'offre illégale.

Le nouveau marché des paris hippiques et sportifs et du poker en ligne sera contrôlé par une autorité administrative indépendante, dénommée Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Elle aura la charge d'agréer les opérateurs sur la base d'un cahier des charges précis tendant à assurer la transparence des transactions financières et à prévenir le jeu excessif. De plus, elle pourra sanctionner les manquements des opérateurs agréés à leur cahier des charges et solliciter du juge des référés la fermeture de l'accès aux sites d'opérateurs illégaux.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué que la fiscalité sur les jeux était remaniée dans le souci de concilier le maintien des recettes de l'Etat et l'efficacité économique, les prélèvements devant rester suffisamment attractifs et compétitifs pour inciter les plus gros opérateurs à légaliser leur offre. Des retours sur recettes sont prévus à destination notamment du Centre des monuments nationaux et du Centre national pour le développement du sport. La redevance en faveur de la filière équine, assise sur les paris hippiques en ligne, trouve également une consécration législative.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a souligné que le texte, clarifié et enrichi par la commission des finances, lui apparaissait réaliste et équilibré.

Sa propre réflexion s'est articulée autour de quatre axes :

- assurer la pérennité de la filière équine, qui représente près de 90 000 emplois répartis sur l'ensemble du territoire français. Il lui a semblé important de différencier la fiscalité sur le pari hippique et sur le pari sportif en réduisant la taxation des paris hippiques, qui doivent rester concurrentiels par rapport aux paris sportifs. L'écart entre ces deux prélèvements, lié à l'importance de la redevance en faveur de la filière équine, se répercute en effet sur les taux de retour au joueur, ce qui risque d'inciter les adeptes du pari hippique à s'orienter vers le pari sportif et d'assécher par contrecoup les ressources de la filière équine ;

- accroître les ressources destinées à la lutte contre le dopage par un relèvement des prélèvements sur les paris sportifs ;

- renforcer l'indépendance et les pouvoirs de l'autorité de régulation. L'octroi de la personnalité morale lui permettrait, sur le modèle de l'Autorité des marchés financiers, de gagner une pleine capacité juridique et d'asseoir sa crédibilité vis-à-vis des opérateurs. Afin de lutter contre l'offre illégale, il est proposé de lui conférer le pouvoir d'ordonner directement le blocage des sites, sans l'intermédiaire du juge des référés ;

- prévoir une période transitoire, dans l'hypothèse qui ne peut être écartée, que l'ensemble du dispositif ne soit pas opérationnel avant le début de la coupe du monde de football en juin 2010. En effet, les opérateurs ne passeront pas à côté de cet événement, qu'ils soient agréés ou pas. Tout retard dans l'application de la loi favoriserait donc l'offre illégale au détriment de l'offre légale présente et future. Les positions acquises sur le marché à l'issue de la coupe du monde détermineront pour longtemps la structure concurrentielle du marché des paris en ligne. C'est pourquoi il semble utile de retenir un régime d'autorisation provisoire, le temps du traitement de la demande d'agrément par l'ARJEL, au profit des opérateurs légalement installés dans un pays de l'Union et respectant par avance le cahier des charges prévu par le projet de loi.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jean-Jacques Lozach, rappelant que ce projet visait à libéraliser un secteur tout en le régulant, a considéré que le premier objectif avait clairement primé sur le second. Il a ensuite émis les remarques suivantes :

- en dépit de l'absence de véritable contrainte européenne sur la libéralisation du secteur des jeux, le dépôt d'un projet de loi encadrant l'activité du secteur demeure pertinent ;

- il aurait pu sagement être proposé de confier aux monopoles historiques le soin de s'ouvrir aux paris et jeux de cercle en ligne ;

- le volet du projet de loi relatif à la lutte contre la dépendance aux jeux est clairement insuffisant ;

- les retombées économiques dans les domaines de la culture et du sport, grâce aux prélèvements institués, sont très limitées au vu des taux proposés ;

- les règles relatives aux conflits d'intérêt semblent encore trop souples, notamment s'agissant des diffuseurs de compétitions sportives.

Mme Françoise Férat a estimé que l'objectif de moralisation des paris était atteint par le projet de loi, mais s'est inquiétée des difficultés à repérer les sites illégaux et à définir des solutions efficaces de lutte contre les fraudeurs.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a tenu à rassurer les commissaires sur sa détermination à préserver l'équilibre de la filière équine, maintenir un financement suffisant du sport amateur et favoriser la lutte contre les sites illégaux, plusieurs amendements tendant à atteindre ces objectifs.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements déposés sur le texte de la commission des finances pour le projet de loi.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 3

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

1

Suppression de l'obligation de renseignement de la date de naissance à chaque visite sur le site de l'opérateur

Adopté

Article 4

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

2

Interdiction des systèmes de « bourses aux paris »

Adopté

Article 4 ter A

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

3

Suppression de la référence à l'autorité de régulation professionnelle de la publicité

Adopté

Article 6

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

4

Précision rédactionnelle

Adopté

Article 7

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

5

Clarification des types de paris autorisés

Adopté

Article 8

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

6

Amendement de précision

Adopté

Article 12

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

7

Autorisation des opérations de compte à compte pour un même joueur chez un même opérateur

Adopté

Article 25

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

8

Octroi de la personnalité morale à l'ARJEL

Adopté

Article 26

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

9

Clarification

Adopté

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

10

Irrévocabilité et non-renouvelabilité du mandat des membres du collège de l'ARJEL

Adopté

Article 27

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

11

Délai de viduité imposé aux membres de l'ARJEL et à son directeur général

Adopté

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

12

Extension du respect du secret professionnel aux personnalités qualifiées nommées dans les commissions spécialisées de l'ARJEL

Adopté

Article 28

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

13

Nomination du directeur général par le collège sur proposition du président de l'ARJEL

Adopté

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

14

Incompatibilité des fonctions de membre de l'autorité et de directeur général

Adopté

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

15

Amendement de conséquence

Adopté

Article 29

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

16

Précision assurant la traçabilité des opérations sur les comptes joueurs

Adopté

Article 39

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

17

Différenciation des taux de fiscalité sur les paris hippiques et sportifs

Adopté

Article 43

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

18

Création d'un prélèvement sur les paris sportifs affecté à l'Agence française de lutte contre le dopage

Adopté

Article 50

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

19

Possibilité pour l'ARJEL d'ordonner directement le blocage des sites d'opérateurs illégaux

Adopté

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

20

Dégagement de la responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet mettant en oeuvre de bonne foi la décision de blocage des sites illégaux

Adopté

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

21

Renvoi au décret de la fixation des modalités de compensation financière des charges imposées aux fournisseurs d'accès à Internet

Adopté

Article 52

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

22

Amendement de précision

Adopté

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

23

Suppression de la notion d'actifs incorporels des clubs sportifs

Adopté

Article additionnel après l'article 57

M. Ambroise Dupont rapporteur pour avis

24

Organisation d'une période transitoire précédant la délivrance des agréments aux opérateurs de paris

Adopté

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, la commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi d'ouverture à la concurrence et de régulation des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Nomination d'un rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a nommé M.  Jean-Pierre Leleux rapporteur sur le projet de loi n° 217 (2009-2010) ratifiant l'ordonnance n° 2009-1358 du 5 novembre 2009 modifiant le code du cinéma et de l'image animée.