- Mercredi 16 décembre 2009
- Loi de finances rectificative pour 2009 - Examen du rapport pour avis
- Audition de M. Serge Eyrolles, président du syndicat national de l'édition
- Situation du livre - Audition de M. Hervé Gaymard, député
- Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
Mercredi 16 décembre 2009
- Présidence de Mme Colette Mélot, vice-présidente, puis de M. Michel Thiollière, vice-président -Loi de finances rectificative pour 2009 - Examen du rapport pour avis
La commission a tout d'abord examiné le rapport pour avis de M. Michel Thiollière sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009 n° 157 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale.
En premier lieu, M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis, a indiqué que, conformément à l'engagement pris lors de la discussion du budget de l'enseignement scolaire, le Gouvernement avait déposé un amendement prévoyant le versement en faveur de l'enseignement technique agricole de 7,3 millions d'euros pour solder les reports de charges.
Puis il s'est félicité d'un certain nombre de dispositions adoptées par les députés lors de l'examen de ce collectif budgétaire pour 2009 et a cité notamment :
- l'article 27 quater, relatif à l'extension de la possibilité pour les communes d'exonérer de cotisation locale d'entreprise les petites et moyennes exploitations cinématographiques. Il a néanmoins proposé un amendement sur ce point afin d'en améliorer le dispositif ;
- l'article 29 quater, qui proroge d'un an le régime de la réduction d'impôt de 25 % en faveur des entreprises ayant souscrit au capital de certaines entreprises de presse ;
- l'article 29 quinquies, qui allonge la période de prise en compte des coûts de développement éligibles au crédit d'impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo en ligne ;
- l'article 29 sexies, qui abaisse le seuil d'éligibilité des coûts de développement au crédit d'impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo ;
- l'article 30 bis, qui instaure un mécanisme de taxation d'office en cas d'opposition au contrôle du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ;
- l'article 30 septies, qui prévoit une exonération de taxe à l'embauche pour certains organismes faisant appel à des chercheurs ou à des universitaires étrangers non européens. Il s'agit de contribuer au renforcement de l'attractivité de la France dans ces domaines ;
- l'article 30 nonies, qui vise à permettre aux fonctionnaires de recherche autorisés à apporter leur concours scientifique à une entreprise qui assure la valorisation de leurs travaux de demander que les rémunérations provenant de cette activité soient soumis à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires (et non comme des bénéfices non commerciaux). Il tend également à aménager légèrement le régime de la sous-traitance à des établissements publics de recherche au regard du crédit d'impôt recherche (CIR) ;
- l'article 30 undecies, qui prévoit une modulation de la taxe sur la publicité des chaînes de télévision privées. Il a rappelé que l'effet report de la suppression de la publicité sur France Télévisions n'avait pas eu lieu et que la taxe spécifique instituée sur les recettes des chaînes privées n'avait donc pas lieu d'être, ou devait à tout le moins être réduite. Il s'est félicité que l'Assemblée nationale ait en grande partie repris le dispositif progressif imaginé par le Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, mais en a limité l'impact, ce qu'il a jugé regrettable.
Par ailleurs, M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis, a proposé un certain nombre d'amendements concernant les secteurs culturels.
A l'article 27 quater (régime d'exonération de cotisations foncières des entreprises des établissements de spectacles cinématographiques), la commission a adopté un amendement tendant à améliorer le dispositif en faveur de la petite et moyenne exploitation cinématographique, d'une part en permettant son application en 2010, plutôt que 2011, et d'autre part en supprimant la référence à la procédure « de minimis ». La commission a ainsi souhaité revenir à la rédaction défendue par son rapporteur pour avis, M. Serge Lagauche, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.
M. Serge Lagauche a formé le voeu que la commission des finances du Sénat et le Gouvernement fassent évoluer leur position sur cette importante question. Il a dénoncé l'insuffisante prise en compte, par la commission des finances, des amendements défendus par les commissions saisies pour avis dans leurs domaines de compétences. Il a jugé que cette commission ne devait pas, à elle seule, emporter la décision du Sénat sur l'ensemble des sujets, notamment s'agissant des politiques culturelles.
Il a insisté sur la nécessité de permettre aux communes le souhaitant de soutenir les salles de cinéma en difficulté. Il a donc regretté la rédaction adoptée par les députés, qui empêcherait notamment les communes de prendre de telles décisions en 2010.
Soulignant le rôle historique des salles classées « Art et essai », M. Jack Ralite a regretté que l'amendement proposé, en élargissant le dispositif et en se préoccupant de l'équilibre commercial de l'ensemble de la petite et moyenne exploitation cinématographique, ne prenne plus en compte les spécificités de ces salles. Il a déclaré qu'il le soutiendrait néanmoins, sous réserve de modification, tout en estimant que ce type d'aide devait plutôt relever de la responsabilité de l'Etat.
Après avoir exposé l'évolution du concept des salles « Art et essai » au cours du temps, M. Serge Lagauche a souligné les difficultés de l'ensemble de la petite et moyenne exploitation, alors qu'elle joue un rôle majeur dans l'accès du public aux films. Il a rappelé qu'il appartenait aux municipalités d'évaluer la nécessité ou non de soutenir les salles présentes sur leur territoire.
Mme Colette Mélot, présidente, a relevé que la rédaction proposée était plus large que le dispositif actuel et incluait les salles « Art et essai ».
M. Jean-Pierre Leleux s'est déclaré favorable à l'amendement, estimant que le dispositif constituait un levier à la disposition des municipalités et qu'il n'y avait donc aucune raison de s'y opposer. Il s'est interrogé cependant sur la situation des salles n'ayant pas encore trois ans d'activité.
Puis la commission a adopté cinq amendements portant articles additionnels après l'article 27 quater :
- après les interventions de MM. Michel Thiollière, rapporteur, Serge Lagauche, Jack Ralite et Claude Bérit-Débat, la commission a adopté un amendement tendant à prendre en compte les spécificités auxquelles les entreprises de production d'oeuvres cinématographiques sont soumises en matière de comptabilisation des charges et produits pour la détermination de la valeur ajoutée servant d'assiette pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, le groupe socialiste s'abstenant ;
- puis elle a adopté un amendement tendant à relever le taux de la taxe sur les appareils de reproduction ou d'impression à 3,25%, contre 2,25 % aujourd'hui. En effet, le rendement de cette taxe, qui constitue la principale ressource du Centre national du livre (CNL), est en diminution constante, alors même que le développement de la politique du livre nécessite d'accroître ses ressources (en particulier pour les nouvelles aides financières en faveur des librairies de référence et les aides à la numérisation des fonds des éditeurs privés) ;
- après l'intervention de M. Serge Lagauche, la commission a étendu le régime du mécénat aux particuliers qui effectuent des versements à des sociétés dont le capital est entièrement détenu par l'Etat ou par un ou plusieurs établissements publics nationaux, et qui ont pour activité principale la présentation au public d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l'organisation d'expositions d'art contemporain, à l'instar du dispositif du mécénat existant pour les entreprises ;
- après les interventions de MM. Jack Ralite, Michel Thiollière, rapporteur, et Serge Lagauche, la commission a adopté un amendement ayant pour objet de porter de douze à vingt-quatre mois le délai d'obtention de l'agrément définitif prévu dans le dispositif de crédit d'impôt en faveur de la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles à caractère international, afin de prendre en compte la réalité des conditions de production de ces oeuvres ;
- enfin, elle a adopté un amendement tendant à prolonger la durée du crédit d'impôt en faveur de la production phonographique pour quatre années supplémentaires, soit pour la période 2010-2013, le dispositif ayant tardé à produire son plein effet et le marché de la musique connaissant une récession pour la septième année consécutive.
Puis la commission a adopté un amendement à l'article 30 undecies (modulation de la taxe sur la publicité des chaînes de télévision) tendant à rendre cette modulation plus pérenne. Elle a modifié le dispositif exceptionnel adopté par l'Assemblée nationale pour l'année 2009, en fixant une règle générale et juste pour l'ensemble des chaînes jusqu'à la suppression totale de la publicité sur France Télévisions, au moment où sera éteint le signal analogique (à la fin de l'année 2011). Par ailleurs, s'agissant des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT), dont le chiffre d'affaires publicitaire est en hausse, mais qui perdent de l'argent, la commission a prévu un dispositif spécifique : seules celles qui sont déficitaires se verraient appliquer un taux réduit, de 0,5 % en 2009, de 1 % en 2010 et de 1,5 % en 2011.
M. Jack Ralite s'est déclaré radicalement opposé à l'amendement, considérant que les recettes publicitaires des chaînes remontaient.
Estimant que les chaînes privées - et notamment TF1 - n'étaient pas en difficulté, M. Serge Lagauche s'est également déclaré opposé à cet amendement.
Mme Catherine Morin-Desailly a rappelé que la commission avait pris l'engagement, à l'occasion du débat relatif à la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, de reconsidérer le niveau de la taxe en fonction de l'évolution du contexte. Elle a aussi insisté sur la stratégie défendue par la commission tendant à prévoir l'indexation de la redevance audiovisuelle, afin qu'elle constitue la ressource principale de France Télévisions, plutôt que de recourir à des taxes.
Puis la commission a adopté deux amendements portant articles additionnels après l'article 30 undecies :
- le premier tendant à réactualiser le seuil anticoncentration applicable aux radios, en le portant de 150 à 180 millions d'habitants, afin d'améliorer la couverture du territoire des grandes radios généralistes ; M. Ivan Renar a indiqué que son groupe réservait son vote ;
- le second modifiant le champ des rémunérations versées aux auteurs éligibles au crédit d'impôt cinéma et audiovisuel, afin de permettre la prise en compte de l'ensemble des rémunérations des auteurs et non exclusivement de celles prenant la forme d'avances à valoir sur les recettes.
Sous le bénéfice de ces observations et amendements, la commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Audition de M. Serge Eyrolles, président du syndicat national de l'édition
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Serge Eyrolles, président du syndicat national de l'édition.
M. Serge Eyrolles a tout d'abord souligné que son audition devait permettre d'exprimer la position des éditeurs à l'égard de la société Google et de son projet de numérisation de livres. Il a relevé que la question du numérique dans le domaine des livres devait distinguer les oeuvres qui appartiennent au patrimoine et celles encore sous droits.
Après avoir rappelé que ce projet avait débuté, dès 2005, par la numérisation d'ouvrages de bibliothèques américaines puis européennes, il a indiqué que Google avait à l'heure actuelle numérisé 10 millions d'ouvrages, 80 % étant encore sous droits dont une majorité de titres épuisés. Cette opération s'est réalisée sans aucun respect des principes afférents au droit d'auteur et aux ayants droit. Il s'est indigné de la réponse apportée par Google qui tend à fixer ses propres règles en dehors de toute application du code de la propriété intellectuelle.
Il a indiqué ainsi qu'une action en justice auprès des tribunaux français avait été intentée, en 2006, par les éditeurs français à l'encontre de la société Google pour non-respect du droit de la propriété littéraire et artistique dont le jugement, très probablement favorable aux éditeurs, devrait être rendu le 17 décembre 2009.
Il a noté que les auteurs et éditeurs américains avaient également entamé une procédure judiciaire sur le territoire américain qui les avait conduits à engager des discussions avec Google pour envisager une solution dans le cadre d'un règlement autorisant la numérisation des livres en échange d'une rémunération des auteurs et des éditeurs. Il a précisé que, lors de ces négociations, les éditeurs français étaient intervenus, avec l'appui du ministre de la culture français et du ministère de la justice américain, pour objecter que le projet américain portait notamment sur des livres sous droits. Pour l'instant, cet accord est repoussé à une décision du juge américain qui devrait intervenir au cours du deuxième trimestre 2010. Dans le même temps, des sociétés présentes sur Internet telles que Yahoo, Microsoft ou Amazon attaquent Google pour position dominante sur le marché de la connaissance mondiale.
Il a déploré la poursuite du processus de numérisation des ouvrages par Google sans aucune autorisation pour les pays qui bénéficient d'une législation protectrice du droit d'auteur.
S'interrogeant sur la définition d'une stratégie, il a relevé les difficultés d'engager des négociations avec Google, compte tenu du nombre de titres français déjà numérisés. Il a considéré également que la numérisation réalisée par la société Google était effectuée sans aucune valeur ajoutée, réfutant ainsi ses arguments sur la contribution susceptible d'être apportée pour redonner une « seconde vie » aux oeuvres épuisées ou orphelines.
M. Serge Eyrolles a abordé ensuite la question de la définition du livre numérique, le problème de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur le livre numérique alors que l'Espagne et l'Allemagne ont appliqué très récemment le taux réduit au livre numérique, ainsi que celui du prix unique du livre numérique qui requiert de distinguer précisément livre et service.
Evoquant la question de la numérisation des ouvrages du domaine public, M. Serge Eyrolles a considéré que la proposition faite par Google à la Bibliothèque nationale de France de procéder à cette opération à titre gratuit était un piège, comme le prouve le contrat signé par la bibliothèque municipale de Lyon, qui a permis à la société américaine, en échange d'une numérisation de l'ensemble des livres du domaine public, d'obtenir la propriété à vie des fichiers numériques et l'exclusivité des droits commerciaux sur ces fichiers pendant vingt-cinq ans.
Relevant l'omniprésence de Google dans le paysage numérique quotidien, il a condamné les méthodes pratiquées qui bafouent les dispositions législatives françaises en matière de protection de la propriété littéraire et artistique. Il a fait part de ses craintes d'une éventuelle disparition du patrimoine culturel français, compte tenu du risque existant que les fichiers ainsi numérisés soient disponibles sur des plateformes accessibles gratuitement ou à bas coûts, mais aussi de ses inquiétudes quant à l'avenir des libraires et des éditeurs.
M. Michel Thiollière a rappelé que, au moment de la préparation de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, les éditeurs n'avaient pas semblé avoir pris la mesure du danger représenté par le piratage dans le secteur du livre. Puis il a demandé quelles mesures les éditeurs envisagent pour faire face à cette révolution.
M. Serge Eyrolles s'est prononcé pour l'émergence d'une offre concurrente à Google associant les éditeurs et les libraires. Il a cité notamment la plateforme Gallica 2, à l'initiative de la BnF, financée par le Centre national du livre et destinée au grand public. Actuellement une vingtaine de milliers d'ouvrages ont été numérisés, la BnF ayant pris des dispositions pour accélérer le processus. Au niveau européen, sont disponibles les plateformes Europeana et Arrow, cette dernière visant plus spécialement les oeuvres orphelines et épuisées.
Il a plaidé pour l'interopérabilité des plateformes des éditeurs et la mise en place de liens avec celles des libraires, permettant d'acquérir ainsi les livres en version imprimée.
Il a fait observer également que le coût élevé d'une numérisation de qualité, de l'ordre de quatre à dix euros la page, en l'absence d'une loi sur le prix unique du livre numérique et de l'application d'un taux réduit de TVA, ne contribuait pas à créer un modèle économique permettant l'émergence d'un marché de l'édition numérique. Celui-ci doit en effet se situer à un niveau inférieur de 20 à 30 % par rapport à celui de l'édition imprimée alors que les internautes plébiscitent une réduction de l'ordre de 60 %.
Tout en estimant que ce marché n'était pas actuellement quantifiable en France, il a indiqué qu'une offre à destination du public serait développée dans les années à venir.
M. Claude Bérit-Débat a souhaité connaître la stratégie des éditeurs en matière de numérisation et leur volonté d'être présents sur le réseau Internet, dont il a fait remarquer le rôle aujourd'hui en matière de diffusion culturelle, tout particulièrement auprès du public jeune. Il a reconnu enfin que Google disposait d'un certain nombre d'atouts.
M. Serge Eyrolles a fait valoir que la démarche adoptée par les éditeurs, consistant à prendre leur temps, s'était révélée pertinente. Il a fait observer que la numérisation en format PDF, pratiquée jusqu'en 2008, n'était pas adaptée à la consultation d'oeuvres de façon interactive, alors qu'un nouveau format XML se mettait désormais en place nécessitant des outils techniques. Il a indiqué que les éditeurs procédaient à la numérisation des titres nouveaux, mais que cette opération pour les titres anciens supposait d'obtenir l'accord des auteurs.
Il a mentionné la base de données bibliographiques Electre, financée par l'interprofession, et qui sert de support, suite à un accord passé avec les libraires, pour la création de leurs plateformes de vente numérique. Il a considéré que le développement d'une offre sur Internet dépendrait des services offerts à l'internaute.
Après avoir constaté la pauvreté de l'offre actuelle dans le domaine du livre numérique, il a estimé nécessaire la mise en oeuvre d'un système de protection des données pour lutter contre le piratage des contenus éditoriaux qui tend à se développer et qui touche particulièrement le secteur des bandes dessinées, des livres scolaires et universitaires, des encyclopédies ou des livres pratiques.
M. Jack Ralite s'est déclaré inquiet des premiers éléments du rapport d'étape de la commission Tessier, parus dans le journal La Tribune, qui semblent considérer que la société Google est incontournable dans la commercialisation du processus de numérisation.
Il s'est interrogé sur l'utilisation des 150 millions d'euros alloués à la numérisation du patrimoine culturel dans le cadre du grand emprunt national. Il s'est inquiété aussi des récentes déclarations sur la nécessité d'envisager un partenariat public-privé pour cet investissement, compte tenu de la position dominante de Google sur le marché.
Il a estimé que les professionnels de l'édition n'apparaissaient pas unis dans le contexte actuel.
M. Serge Eyrolles a jugé inacceptable tout accord qui déposséderait les ayants droit de leur droit de propriété sur les fichiers numériques, estimant que les enjeux étaient essentiellement commerciaux.
Mme Colette Mélot, présidente, a indiqué que la commission demanderait à être saisie pour avis du projet de collectif budgétaire relatif au grand emprunt pour 2010.
M. Jean-Pierre Leleux a estimé que les évolutions actuelles dans le domaine de la numérisation du patrimoine culturel étaient fortement dépendantes de la position dominante d'un acteur mondial sur le plan de la technicité, et qui bénéficiait par ailleurs de moyens financiers considérables.
Constatant le retard pris dans ce domaine par la France, il a souhaité savoir si le grand emprunt était de nature à renforcer sa position dans le cadre de futures négociations avec un partenaire privé.
Enfin, en tant que membre du conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel, il a salué le tournant exemplaire pris par cette institution dans la numérisation et la commercialisation de son fonds patrimonial.
M. Serge Eyrolles a précisé que le travail de numérisation réalisé par les éditeurs était conduit avec l'aide financière du Centre national du Livre, mais qu'ils devaient en assumer 40 % du coût.
Il a plaidé pour la recherche d'une solution dans un cadre européen, arguant des différentes initiatives qui se développent dans plusieurs pays de l'Union européenne.
Tout en se déclarant favorable au principe du grand emprunt pour le développement du numérique, il s'est interrogé sur les délais d'obtention des crédits et les conditions de son remboursement.
Il a fait observer que la conservation des livres numérisés sur des supports techniques était une opération plus complexe que la conservation des ouvrages imprimés, tout en reconnaissant que le processus de numérisation des éléments du patrimoine culturel s'inscrivait dans le sens de l'histoire.
M. Ivan Renar s'est déclaré tout à la fois réconforté et inquiet des propos entendus, compte tenu de la position dominante de la société Google qui s'est affranchie d'un certain nombre de droits propres à notre pays. Il a souhaité des initiatives politiques fortes dans ce domaine, accompagnées d'une réelle mobilisation financière.
En réponse, M. Serge Eyrolles a cité les récents propos du Président de la République : « Sur la numérisation de notre patrimoine, il n'est pas question de nous laisser déposséder de notre patrimoine au profit d'un opérateur, aussi sympathique, aussi américain soit-il ».
Il a rappelé que Mme Christine Albanel avait été chargée, par le Premier ministre, d'une mission sur l'adaptation du secteur de l'édition à la lutte contre le piratage de ses contenus et sur le développement d'une offre légale de livres numériques.
Il a souligné que son action en tant qu'éditeur avait pour fondement la défense de la diversité culturelle.
M. Serge Lagauche a souhaité connaître les principales critiques qui pouvaient être faites au contrat signé par la bibliothèque municipale de Lyon avec la société Google. Il s'est interrogé sur les termes du contrat concernant la maintenance du système de numérisation et son obsolescence rapide, et a jugé que des problèmes se poseraient probablement à la société prestataire, notamment au regard du nombre d'oeuvres numérisées.
Abordant la question des moyens, il a encouragé la constitution d'un grand groupe industriel au niveau européen capable de répondre aux besoins considérables des différentes institutions culturelles. Il a souligné la nécessité de former des personnels aux divers procédés techniques.
M. Serge Eyrolles a fait part de son désaccord avec l'ensemble des dispositions du contrat signé par la bibliothèque de Lyon pour la numérisation de son fonds et souligné que les problèmes n'étaient pas encore réglés en matière de maintenance.
Il a reconnu que les questions relatives à la numérisation du patrimoine culturel devraient être envisagées au plan européen et exigeaient une démarche pédagogique.
Situation du livre - Audition de M. Hervé Gaymard, député
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Hervé Gaymard, député, sur son rapport, remis au ministre de la culture et de la communication, sur la situation du livre.
M. Hervé Gaymard a indiqué que le Conseil du livre, placé auprès du ministre de la culture et de la communication, avait créé en son sein un groupe de travail dont il lui avait confié la présidence et dont étaient membres Mme Colette Mélot et M. Serge Lagauche, en vue d'établir un bilan sur la situation du livre près de trente ans après la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre.
Après six mois d'auditions et de déplacements, le groupe de travail a rendu ses conclusions en mars 2009. Le rapport porte sur l'évolution historique de la situation du livre, sur le bilan d'application de la loi de 1981 et il comporte un volet prospectif.
M. Hervé Gaymard a souligné que, contrairement aux idées reçues, la fixation du prix du livre par l'éditeur a toujours été réglementée, sauf durant l'entre-deux-guerres et de 1978 à 1981. En 1981, tant M. Jacques Chirac que M. François Mitterrand, candidats à l'élection présidentielle, ont pris position en faveur du prix unique, et la loi a été adoptée à l'unanimité.
Jugeant ce texte excellent, M. Hervé Gaymard a considéré qu'il s'agissait d'une loi de développement durable sur les plans :
- culturel, permettant la diversité de l'édition française ;
- économique, favorisant le maintien d'un réseau de librairies supérieur au réseau américain ;
- territorial, compte tenu des enjeux en termes d'aménagement du territoire et de diffusion de la culture pour le plus grand nombre.
Présentant ensuite des comparaisons internationales portant sur vingt-cinq pays, M. Hervé Gaymard a indiqué que treize d'entre eux s'étaient s'inspiré du dispositif français et avaient adopté une loi similaire, les autres étant régis par des accords interprofessionnels. Seul le Royaume-Uni a abrogé sa législation en la matière et les conséquences en sont douloureuses.
Evoquant ensuite le taux trop important de la mise de livres au pilon (entre 22 et 23 %), qui avait motivé certains amendements de députés sur la loi de modernisation de l'économie en 2008, M. Hervé Gaymard a estimé qu'on ne pourrait pas éradiquer ce phénomène mais que l'on pourrait, en revanche, le réduire grâce à un système consistant à faire remonter les informations du libraire vers l'éditeur. La Grande-Bretagne a ainsi réussi à diviser par deux son taux de mise au pilon.
S'agissant de la définition du livre numérique, M. Hervé Gaymard a opéré la distinction entre :
- l'objet culturel numérique qui est un nouveau mode d'expression artistique mêlant l'écrit, le son et l'image, et rendant possible l'interactivité avec le lecteur,
- et le livre numérisé ou numérique qui recouvre, d'une part, les livres numérisés à partir d'une version papier et, d'autre part, ceux dont le principe est numérique et lisible avec un équipement spécifique.
Il a estimé que l'on ne pouvait exclure une rupture technologique, même si le secteur n'a pas connu jusqu'ici de percée technologique comparable à celle du secteur de la musique. Il a relevé que les différents champs de l'édition sont et seront concernés, qu'il s'agisse des livres spécialisés ou scolaires, des guides pratiques (cuisine, tourisme...) ou des livres de sciences humaines, le support papier et le numérique pouvant parfois être complémentaires. Il a souligné que l'avenir de la littérature tenait peut-être à des questions de génération. Quant au secteur de la bande dessinée, il devra rapidement développer une offre légale attractive, au risque sinon de souffrir du piratage. En tout état de cause, il convient d'exclure toute vision globalisante et d'examiner les sujets secteur par secteur.
S'agissant des possibles modes d'intervention publique, M. Hervé Gaymard a souligné le caractère central de la rémunération de la chaîne de création, le développement du numérique pouvant faire disparaître les libraires mais aussi les professionnels chargés de la publication et de l'édition, ce qui nuirait à la qualité de la création. Il a jugé que les réponses, hormis à la question du piratage, étaient pour l'essentiel d'ordre professionnel et non législatif, éditeurs et libraires devant agir rapidement et créer des plateformes de téléchargement de nature à faire concurrence au duopole constitué par Amazon et Google Books, ces entreprises ne devant pas régir l'univers culturel de la planète.
M. Hervé Gaymard a aussi évoqué l'idée de partenariats entre éditeurs et libraires pour l'achat de livres numériques en librairie ou pour l'impression à la demande à partir d'un fichier numérique.
Puis M. Hervé Gaymard a observé la diversité des opinions relatives au bien-fondé d'une baisse de la TVA sur le livre numérique. Il a estimé que ce taux devrait être identique à celui du livre papier, car c'est la condition du développement d'une offre légale attractive.
Il a évoqué la difficulté de régler la question de l'application, par l'éditeur, du prix unique au livre numérique, le prix de revient de ce dernier n'étant pas encore parfaitement connu.
Puis il a indiqué que la proposition du rapport relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre, qui a fait l'objet d'une proposition de loi dont il est l'un des auteurs, tend à exempter la chaîne du livre de l'application du dispositif prévu en la matière par la loi de modernisation de l'économie, pour renouer avec les pratiques contractuelles existant auparavant. Ce texte a été voté à l'unanimité par les députés.
Mme Colette Mélot, présidente, a partagé cette préoccupation et soutenu cette proposition justifiée par les spécificités de la filière du livre. Elle a souligné l'enjeu du texte en termes d'aménagement culturel du territoire et de démocratisation de l'accès à la culture, dans toute sa diversité. Elle a indiqué que, en tant que rapporteur de la proposition de loi, elle proposerait à la commission de l'adopter conforme et de soutenir son inscription à l'ordre du jour du Sénat dans les meilleurs délais.
Après avoir félicité M. Hervé Gaymard pour son initiative, elle a formé le voeu que la commission adopte ce texte à l'unanimité. Puis elle a posé à l'intervenant deux questions sur la proposition de loi dont il est le premier signataire : l'une porte sur une expression pouvant paraître superfétatoire ; l'autre tient au fait que l'absence de codification du texte proposé pourrait nuire à la lisibilité du droit.
M. Serge Lagauche a souligné l'excellent travail du groupe de réflexion du Conseil du livre, politiquement pluraliste, et remercié son président pour la foi qui l'anime dans la défense du livre. Compte tenu des évolutions technologiques, il a relevé que les positions adoptées ne pouvaient qu'être relatives. Puis il a salué son souci de distinguer les aspects culturels des questions évoquées de leurs enjeux commerciaux.
Après avoir félicité l'intervenant pour la qualité et la limpidité de sa présentation, M. Jack Ralite a partagé son souhait de voir le législateur évaluer les lois adoptées. Puis il lui a fait part de ses fortes préoccupations concernant l'intervention de Google dans la numérisation des livres.
Après avoir déclaré partager les félicitations déjà exprimées, M. Jean-Pierre Leleux a relevé que les inquiétudes étaient toujours porteuses de réflexion et d'évolution. Puis, évoquant l'investissement important de la ville de Grasse dans une nouvelle médiathèque, il s'est interrogé sur la façon dont les acteurs de la lecture publique dans les territoires et les élus peuvent anticiper les évolutions liées au numérique.
Après s'être joint aux propos élogieux tenus précédemment, M. Jean-Claude Carle a demandé des précisions sur les procédures et les délais de paiement applicables aux achats publics de livres scolaires, et M. Michel Thiollière s'est inquiété de la lenteur de la réflexion des professionnels du livre relative au développement d'une offre légale et facilement accessible, laissant craindre qu'ils se sentiraient peu concernés par le phénomène du piratage.
M. Hervé Gaymard a apporté les éléments de réponse suivants :
- le combat culturel doit dépasser les clivages politiques, la culture contribuant à la construction de la liberté intérieure de chacun ;
- la proposition de loi précitée distingue les activités relevant du secteur du livre de celles concernant des brochures commerciales et publicitaires, afin de ne viser que les premières ;
- l'absence de codification du texte se justifie par les spécificités du secteur du livre, liées notamment à la loi de 1981 sur le prix unique du livre ;
- il est utile que le Parlement suive avec attention l'évolution du secteur du livre, en liaison avec les institutions européennes ;
- s'agissant de la numérisation des livres, le pragmatisme doit prévaloir. Il convient de distinguer la numérisation des oeuvres patrimoniales de celle des oeuvres sous droit :
. la première pose plusieurs questions : en premier lieu, celle des moyens que l'Etat - et les collectivités territoriales pour ce qui concerne leurs archives - doivent y consacrer, car cela relève de la responsabilité publique, et il indispensable de « changer de braquet » : le grand emprunt devrait répondre à cette exigence ; en second lieu, celle de l'opérateur chargé de la numérisation et, à cet égard, il est choquant qu'il ait fallu saisir la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) pour avoir connaissance des conditions du contrat liant la bibliothèque de Lyon à Google. D'une manière générale il est nécessaire de faire preuve d'une grande vigilance concernant l'indexation par les moteurs de recherche, qui doit être de même rang que celle de la bibliothèque ou du centre d'archives concerné ;
. pour ce qui concerne la numérisation des oeuvres sous droit, il est nécessaire de suivre avec attention la situation américaine. Dans le cadre du procès engagé par la Guilde des auteurs américains contre Google, la procédure judiciaire de la transaction a conduit la Guilde à se désister de sa plainte en contrepartie de la prise en charge de ses frais d'avocats et d'un paiement forfaitaire ridiculement bas pour la cession de ses droits. L'opposition du gouvernement américain à cette transaction a permis à d'autres parties d'intervenir, dont des acteurs européens. Le problème des oeuvres orphelines reste cependant posé ;
- la fréquentation des bibliothèques a triplé depuis 1990, mais elle est surtout le fait des classes moyennes et moyennes supérieures. Il convient donc de renforcer la lecture populaire ;
- les nouvelles bibliothèques publiques devront intégrer l'approche numérique ;
- les procédures d'appel d'offres pour l'achat de livres scolaires par les collectivités publiques seront évoquées à l'occasion d'une table ronde qui sera organisée à l'Assemblée nationale.
Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
La commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Colette Mélot sur la proposition de loi n° 125 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre.
Mme Colette Mélot, rapporteur, a d'abord rappelé que cette proposition de loi avait été déposée par le député Hervé Gaymard et par plusieurs de ses collègues issus de tous les groupes politiques. Cette proposition traduit l'une des recommandations du rapport du groupe de travail du Conseil du livre, dont M. Serge Lagauche et elle-même étaient membres.
Elle a souligné que l'application de l'article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) - devenu l'article L. 441-6 du code de commerce - qui plafonne les délais de paiement entre entreprises à un niveau très inférieur aux usages en cours dans la filière du livre, rendait ce texte nécessaire.
En effet, à compter du 1er janvier 2010, ces délais de paiement s'établiront à 45 jours fin de mois ou à 60 jours calendaires à compter de la date de facturation (ou à la date de réception des marchandises, ou d'exécution de la prestation demandée, si cette disposition est prévue par un accord interprofessionnel et validée par décret). En outre, en l'absence de convention entre les parties, le délai de paiement est fixé au trentième jour suivant cette date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation.
La loi LME prévoit la possibilité de reporter au 1er janvier 2012 le raccourcissement des délais de paiement dans le cadre d'accords interprofessionnels au sein d'une branche, à certaines conditions.
Après avoir indiqué que les professionnels avaient décidé d'exercer cette option et que trois accords interprofessionnels avaient été signés par les différentes parties prenantes, fin 2008 et début 2009, Mme Colette Mélot, rapporteur, a fait observer que ces accords avaient reçu un avis globalement favorable de l'Autorité de la concurrence le 9 avril 2009 et qu'ils avaient été validés par un décret du 26 mai 2009. Ce dernier a aussi étendu la mesure dérogatoire à l'ensemble des acteurs du secteur du livre, depuis l'édition et l'imprimerie jusqu'à l'ensemble des réseaux de distribution.
Toutefois ces accords permettent seulement une application progressive de la réduction des délais de paiement, selon le calendrier suivant : 180 jours fin de mois au 1er janvier 2009, 150 jours fin de mois au 1er janvier 2010, 120 jours fin de mois au 1er janvier 2011 et, enfin, 60 jours fin de mois au 1er janvier 2012.
Or, le commerce de la librairie se caractérise par des délais de paiement particulièrement longs. Ils se situent en moyenne, tous circuits confondus (librairies, grandes surfaces, grossistes, librairies en ligne...), à 94 jours. Cette particularité s'explique par la spécificité de l'économie du secteur du livre, caractérisée par une offre extrêmement diversifiée et des cycles d'exploitation très longs, qui permettent aux libraires de présenter au public l'ensemble de la production éditoriale.
Mme Colette Mélot, rapporteur, a aussi expliqué que ces délais de paiement pouvaient même s'élever jusqu'à 150, voire 180 jours, dans certains cas comme la reprise ou la création d'une librairie ou d'un fonds éditorial spécifique.
Elle a relevé que la réduction des délais de paiement appliquée au secteur du livre aurait pour conséquence d'amplifier les difficultés de trésorerie rencontrées par de nombreuses librairies, de réduire leurs achats de nouveautés, ainsi que la durée d'exposition des titres, favorisant à terme une « best-sellerisation » du marché du livre. Cette fragilisation du secteur de la distribution de livres risquerait d'affaiblir également celui de l'édition et donc d'engendrer un appauvrissement de l'offre éditoriale adressée aux lecteurs.
Par ailleurs, l'application du plafonnement des délais de paiement aux imprimeurs conduit à placer ces derniers dans un étau : ils sont pris en tenailles entre les longs délais de l'amont de la filière et les courts délais pratiqués par leurs propres fournisseurs.
Mme Colette Mélot, rapporteur, a relevé que la proposition de loi avait été adoptée par les députés à l'unanimité, le 1er décembre 2009, sous réserve de certaines modifications. Elle a pour objectif d'exempter définitivement la filière du livre du plafonnement des délais de paiement, pour revenir au système conventionnel en vigueur avant l'adoption de la loi LME. Il s'agit de laisser aux acteurs le soin de négocier entre eux, librement et selon les opérations concernées, leurs délais de paiement.
L'Assemblée nationale a modifié la proposition de loi initiale sur les points suivants :
- en premier lieu, elle a jugé inutile de codifier cette dérogation consistant à créer une « exception livre », dont ne sauraient se prévaloir d'autres secteurs d'activité ;
- en deuxième lieu, les opérations de vente par courtage ne concernant que des opérations entre entreprises et particuliers, l'Assemblée nationale a considéré, à juste titre, qu'elles n'avaient pas à être mentionnées dans le périmètre de la proposition de loi, qui ne vise que le crédit interentreprises ;
- enfin, il est apparu nécessaire d'inclure dans le dispositif le secteur de l'imprimerie, s'agissant de ses relations avec le secteur du livre. Mme Colette Mélot, rapporteur, s'en est réjouie, car les délais de paiement pratiqués en France par les imprimeurs au profit des éditeurs de livres sont en moyenne de l'ordre de 125 jours, alors que les délais de règlement de ces mêmes imprimeurs à leurs fournisseurs sont de l'ordre de 90 jours sur les achats de consommables (papiers, encre, colles...).
Elle a estimé indispensable de revenir rapidement au système conventionnel en vigueur en matière de délais de paiement dans le secteur du livre. Grâce à une politique de soutien de la filière du livre qui ne s'est pas démentie au cours du temps, et dont la loi de 1981 sur le prix unique marque une étape importante, la France peut s'enorgueillir de la vitalité de sa filière du livre. La création éditoriale est riche et diverse et le réseau de diffusion du livre est très dense.
Cependant la fragilité économique du secteur étant réelle, en particulier s'agissant des librairies indépendantes et des imprimeurs, le rapporteur a insisté sur la nécessité de veiller à ne pas déstabiliser l'équilibre difficilement trouvé à travers une mesure générale inopportune dans la situation actuelle.
C'est pourquoi Mme Colette Mélot, rapporteur, a demandé à la commission d'adopter conforme la proposition de loi et de soutenir son inscription à l'ordre du jour du Sénat dans les meilleurs délais.
Mme Colette Mélot, rapporteur, s'est interrogée sur l'absence de codification du texte adopté par l'Assemblée nationale, alors que celle-ci figurait dans la proposition de loi initiale. Elle a toutefois indiqué que l'urgence du sujet pour la filière du livre l'avait conduite à écarter cet inconvénient. De même, elle a indiqué que son rapport lèverait une légère ambiguïté rédactionnelle. En tout état de cause, elle a jugé que « l'exception livre » justifiait un traitement spécifique, dont dépendaient aussi l'aménagement culturel du territoire et la démocratisation de l'accès à la culture, dans toute sa diversité.
Après s'être déclarée favorable à l'adoption de la proposition de loi, Mme Maryvonne Blondin a souligné que le Sénat devrait se préoccuper des problèmes liés à la lecture publique, notamment à l'accès des plus défavorisés au livre
M. Jack Ralite a souhaité que le rapport évoque aussi le débat sur la numérisation des livres.
M. Jean-Claude Carle a souscrit à la proposition du rapporteur d'adopter sans modification la proposition de loi issue de l'Assemblée nationale, compte tenu à la fois de la qualité des travaux réalisés par le groupe de travail présidé par M. Hervé Gaymard et de la nécessité de légiférer rapidement afin de ne pas remettre en cause l'équilibre économique des entreprises concernées.
Puis la commission a adopté conforme la proposition de loi à l'unanimité.