Mardi 23 juin 2009
- Présidence de Mme Raymonde Le Texier, présidente -Audition de M. Tarald Brautaset, ambassadeur de Norvège en France, et de Mme Brynhild Sirevag, conseiller aux affaires d'éducation
La mission a procédé à l'audition de M. Tarald Brautaset, ambassadeur de Norvège en France et de Mme Brynhild Sirevag, conseiller aux affaires d'éducation.
A titre liminaire, Mme Raymonde Le Texier, présidente, a présenté les principaux objectifs et axes de réflexion de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes, qui a adopté récemment un rapport, après avoir travaillé parallèlement à la commission sur la politique de la jeunesse présidée par M. Martin Hirsch, haut commissaire à la jeunesse.
Puis après avoir précisé que la mission poursuivait sa réflexion sur le thème de l'autonomie financière des jeunes, M. Christian Demuynck, rapporteur, a souhaité connaître les mécanismes et les raisons d'être du système d'aides aux jeunes existant en Norvège.
M. Tarald Brautaset, ambassadeur de Norvège, a tout d'abord expliqué que l'État providence norvégien était fondé sur le principe que l'État devait subvenir aux besoins de toute personne éloignée du marché du travail. En conséquence, l'État a le devoir de donner accès à une formation ou à un emploi à toute personne âgée de 16 à 24 ans. Pour parvenir à cet objectif, une caisse nationale des prêts (« Länekassen ») a été instituée en 1947. Par ailleurs, un dispositif de plan d'épargne logement, mis en place en 1991, permet aux jeunes âgés de moins de 33 ans de bénéficier d'avantages fiscaux pour leur faciliter l'achat d'un premier logement.
S'agissant de la caisse des prêts, elle a pour vocation de permettre à tout jeune d'accéder à l'enseignement supérieur indépendamment des revenus de ses parents. Elle répond à un double objectif : promouvoir l'égalité des chances et assurer l'existence d'une main d'oeuvre qualifiée dans le système économique. Au cours de l'année universitaire 2007-2008, 90 % des étudiants, soit 290 000 personnes, bénéficiaient d'un prêt dont le montant moyen s'élevait à 8 250 euros, le montant maximal du prêt étant de 10 000 euros. Ces prêts sont accordés à partir de 16 ans, au titre de toute forme de scolarité s'effectuant loin du domicile parental. Le nombre de bénéficiaires de ce système d'aides n'a cessé de croître, passant de 10 000 en 1947 à 80 000 dans les années 1970, puis à 290 000 aujourd'hui.
Jusqu'à 40 % de ce prêt est transformé en bourse si l'étudiant réussit aux examens dans les délais fixés et s'il n'habite pas chez ses parents. Le remboursement et le paiement des intérêts ne commencent que quelques mois après la fin des études et se font sur une période maximum de vingt ans, toutes les dettes devant être remboursées avant l'âge de 65 ans. Les taux d'intérêt sont régulés par l'État. Environ 4 % des dossiers de prêts, soit 35 000 sur 850 000 actuellement en cours, font l'objet d'un défaut de remboursement. Il existe par ailleurs toute une série de conditions qui donnent droit à des dispenses d'intérêt et à des remboursements différés avec transformation d'une partie du prêt en bourse (bas revenus, reprise des études, service militaire, chômage, problèmes de santé, maternité et congé parental, peine de prison...). En 2008, l'État a consacré 1,8 milliard d'euros à ces prêts et bourses, par l'intermédiaire de la Caisse des prêts dont le budget total s'élève à 3,3 milliards d'euros.
Un large débat s'est ensuite instauré.
Répondant à une question de Mme Raymonde Le Texier, présidente, qui s'inquiétait des contraintes financières pesant sur les jeunes actifs, compte tenu de ce système de prêts, M. Tarald Brautaset a souligné la grande flexibilité du remboursement : celui-ci est différé, peut s'échelonner sur vingt ans et faire l'objet de modifications d'échéances à tout moment.
En réponse à M. Christian Demuynck, rapporteur, M. Tarald Brautaset a précisé que les conditions de l'aide étaient les mêmes quel que soit le type de formation suivie par le jeune après ses 16 ans, à condition, pour ce qui est des bourses, que la scolarité s'effectue loin du domicile parental. Par ailleurs, les modalités d'orientation et de sélection sont souples, les étudiants étant, sauf exception, libres de s'inscrire dans les filières de leurs choix, en fonction de leurs résultats scolaires.
Répondant à plusieurs questions de Mme Annie Jarraud-Vergnolle, il a ajouté que la caisse des prêts, gérée par le ministère de l'éducation et de la recherche, était une banque spécifique financée, d'une part, par des dotations de l'État et, d'autre part, par les flux de remboursement de prêts. Par ailleurs, le taux de chômage des moins de 24 ans s'élève en Norvège à 7,5 %, et à 1,5 % pour les jeunes diplômés, dans un contexte où le taux de chômage moyen est de 3,2 %. Les jeunes sans emploi bénéficient soit de l'assurance chômage, soit d'aides sociales qui ne sont pas conditionnées, même si des efforts ont récemment été réalisés pour assortir ces aides de contrats impartissant des droits et des devoirs aux jeunes qui en bénéficient. Il a précisé, par ailleurs, qu'il n'existait pas, en Norvège, d'obligation d'entretien des parents à l'égard de leurs enfants.
Répondant à une question de Mme Christiane Demontès, Mme Brynhild Sirevag a ajouté que le contrôle des résultats scolaires par la caisse des prêts n'était pas fondé sur des rendez-vous réguliers, mais sur la transmission d'informations entre les établissements d'enseignement et la Caisse. Les rares fraudes susceptibles d'être commises le sont par ceux qui étudient à l'étranger, car le contrôle est alors plus malaisé.
En réponse à Mme Raymonde Le Texier, présidente, M. Tarald Brautaset a indiqué que les employeurs norvégiens étaient ouverts sans réserve à l'embauche de jeunes diplômés. La stabilisation des parcours professionnels y est beaucoup plus rapide qu'en France en raison d'un marché du travail plus flexible.
M. Jean-Claude Etienne a ensuite interrogé M. Tarald Brautaset au sujet des jeunes ne disposant pas de qualification. M. Tarald Brautaset a confirmé que peu de jeunes sortaient du système scolaire sans qualification en Norvège et qu'il existait pour eux des emplois dans des secteurs tels que le bâtiment et les services. La caisse des prêts contribue, selon lui, à cette réussite du système éducatif, puisqu'elle donne à chacun la possibilité de financer une formation, de façon éventuellement reportable dans le temps. Par ailleurs, il a précisé que, en Norvège, comme en Finlande, les élèves n'étaient ni notés ni classés avant l'âge de 16 ans. La scolarité n'est pas considérée comme une sélection mais comme un apprentissage de la vie sociale. Chacun a droit au diplôme de la scolarité obligatoire et, après 16 ans, chacun a le droit, depuis 1994, d'accéder à l'enseignement secondaire de niveau « lycée ». Au sein de cet enseignement secondaire, l'enseignement professionnel et l'enseignement général sont intégrés dans un cursus commun. Deux problèmes méritent néanmoins d'être mentionnés : d'une part, celui de la rémunération des enseignants, que ceux-ci jugent trop faible, et, d'autre part, la question de la pré-scolarité, à compter de l'âge de 3 ans, qui se heurte à des difficultés.
Répondant ensuite à plusieurs questions de Mmes Catherine Troendle et Annie Jarraud-Vergnolle, M. Tarald Brautaset et Mme Brynhild Sirevag ont formulé les précisions suivantes :
- l'adéquation entre l'offre et la demande de travail ne soulève pas de problème majeur en Norvège, même si, comme dans de nombreux pays, il faut déplorer un nombre insuffisant d'étudiants dans les filières scientifiques. Le marché du travail est toutefois flexible et des changements de voie professionnelle par rapport aux études effectuées sont possibles ;
- la formation continue contribue à cette flexibilité des compétences : par exemple, l'État et les collectivités publiques, qui sont les plus gros employeurs, ont développé des dispositifs de formation professionnelle continue. En Norvège, une formation est considérée comme valable pendant environ cinq ans. Elle n'est pas acquise pour la vie, mais doit être périodiquement réactualisée.
Répondant à M. Christian Demuynck, rapporteur, qui évoquait les liens entre mondes de l'éducation et de l'entreprise, ainsi qu'à Mme Raymonde Le Texier, présidente, et à Mme Catherine Troendle, M. Tarald Brautaset a confirmé la réactivité du monde de l'éducation aux évolutions économiques et technologiques. Il a indiqué que, à partir de 14 ans, tous les jeunes acquéraient une expérience de travail, au moins pendant les vacances scolaires, ce qui était propice à l'apprentissage des responsabilités et à la découverte du monde du travail. Les modalités de ces « jobs » sont très souples, puisqu'elles sont généralement fondées sur des contrats oraux, simplement assortis de fiches de salaires. Certains travaux ne sont toutefois pas accessibles aux jeunes (travaux de nuit notamment) et leur salaire minimum dépend de leur âge. Par ailleurs, il a souligné la mobilité des étudiants, qui conduisait à un accroissement de la population urbaine et à des fortes disparités entre centres urbains et périphéries.
En réponse à une question de Mme Raymonde Le Texier, présidente, s'agissant de l'aide allouée par la caisse des prêts, il a expliqué qu'elle se fondait sur le principe de l'indépendance de tout jeune après 18 ans et excluait toute autre forme d'aide. Les allocations familiales ne sont d'ailleurs versées qu'au titre des enfants âgés de moins de 16 ans.
En réponse à une question de M. Jean-Paul Fournier, il a confirmé l'existence en Norvège d'un système d'apprentissage rémunéré à partir de l'âge de 16 ans.
Puis, répondant à des questions de Mme Raymonde Le Texier, présidente, et de M. Christian Demuynck, rapporteur, M. Tarald Brautaset et Mme Brynhild Sirevag ont apporté les précisions suivantes, concernant l'exercice du métier d'enseignant :
- la formation des enseignants est pluridisciplinaire. Au collège et au lycée, les professeurs sont toujours spécialisés dans au moins deux matières. Ils suivent par ailleurs des enseignements de pédagogie ;
- les effectifs sont d'environ vingt-cinq à trente élèves par classe ;
- la majorité des enseignants exercent cette profession durant toute leur carrière professionnelle, même si des allers-retours avec d'autres professions sont possibles.
En réponse à Mmes Christiane Demontès et Annie Jarraud-Vergnolle, M. Tarald Brautaset a évoqué l'information donnée aux élèves sur les métiers, durant leurs dernières années de scolarité. De nombreux salons et colloques favorisent les rencontres entre professionnels et lycéens. Il n'existe pas d'équivalent des missions locales françaises mais les services sociaux exercent des missions d'information et d'orientation lorsque cela est nécessaire.
S'agissant de la question du logement, soulevée par Mme Raymonde Le Texier, présidente, il a admis que les étudiants rencontraient des difficultés à se loger dans les grandes villes, tout en soulignant l'existence d'un marché spécifique de logements pour ce type de public. En Norvège, les jeunes choisissent souvent de travailler pour pouvoir financer un logement privé.
Enfin, en réponse à une question de Mme Françoise Laborde concernant l'intégration des immigrés, M. Tarald Brautaset a mentionné l'existence d'une communauté pakistanaise en Norvège et évoqué l'outil d'intégration que constitue la langue norvégienne. L'utilisation quasi exclusive de cette langue à tous les niveaux de formation est d'ailleurs un frein à la mobilité des étudiants étrangers vers la Norvège, même si quelques universités ont développé des enseignements en anglais, au cours des années récentes.