Jeudi 25 juin 2009
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -Les femmes dans les lieux privatifs de liberté - Audition de M. Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller référendaire à la Cour des comptes, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice, accompagné de M. Damien Mulliez, directeur-adjoint
La délégation a procédé à l'audition de M. Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller référendaire à la Cour des comptes, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice, accompagné de M. Damien Mulliez, directeur-adjoint.
Mme Michèle André, présidente, a souhaité la bienvenue aux intervenants et leur a indiqué que, dans le cadre de ses travaux sur le thème des femmes dans les lieux privatifs de liberté, la délégation avait souhaité aborder la question des jeunes femmes mineures en détention ou dans les centres éducatifs fermés. Elle leur a demandé d'en décrire aux membres de la délégation les caractéristiques, les spécificités et les difficultés, même si les jeunes femmes représentent une très faible proportion des mineurs incarcérés ou placés en centres fermés.
A titre liminaire, M. Philippe-Pierre Cabourdin a précisé que l'une des caractéristiques principales de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) consistait en une capacité d'adaptation permanente dans le cadre de ses missions. Il a souhaité ensuite préciser les chiffres clés de la délinquance des mineurs, non sans relever que les statistiques établies par les services de la PJJ ne comprenaient pas, pour les mineurs, de distinction selon le sexe en raison du très faible nombre de jeunes femmes concernées par rapport au nombre total. Il a indiqué que, pour le mois de mai 2009, 2 825 mineures seulement avaient été mises en cause contre 15 000 jeunes hommes mineurs. Il a ajouté que, pour l'année 2008, sur un nombre total de 207 000 mineurs mis en cause, 30 000 étaient des jeunes femmes et 177 000 des jeunes hommes. Il a souligné que, malgré cette faible proportion, l'aspect qualitatif de la prise en charge de ces jeunes mineures était un sujet important. Il a indiqué que, selon le dernier rapport de l'Observatoire national de la délinquance (OND), le nombre de mineures impliquées dans des faits de violence et de menaces avait doublé entre 2003 et 2008, ce qui mettait en évidence une forte et rapide augmentation du nombre de jeunes femmes concernées. Par ailleurs, il a observé que les filles commençaient aujourd'hui à imiter des comportements violents, qui étaient généralement le fait des garçons.
M. Philippe-Pierre Cabourdin a ensuite exposé aux membres de la délégation les caractéristiques de la situation des jeunes filles mineures placées en détention ou dans des centres éducatifs fermés (CEF), estimant qu'il s'agissait des lieux privatifs de liberté où les spécificités et les difficultés de prise en charge pour les jeunes femmes étaient les plus significatives.
S'agissant de la détention, il a rappelé qu'elle ne concernait qu'un nombre limité de jeunes femmes mineures, de l'ordre de trente à quarante par mois en moyenne. Il a par ailleurs rappelé que la situation des jeunes femmes en prison, de même que celle de tous les mineurs, était régie par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, qui impose une incarcération de tous les mineurs dans des lieux strictement séparés des lieux d'incarcération des personnes majeures. Il a indiqué que cette obligation était aujourd'hui toujours respectée pour les jeunes hommes mineurs, mais qu'il existait encore quelques exceptions pour les jeunes filles. Il a ajouté qu'un décret, pris en mai 2007, c'est-à-dire avant l'ouverture des établissements pénitentiaires pour mineurs, avait fixé les règles générales de détention des mineurs, à savoir : obligation d'incarcérer les mineurs dans des établissements spécifiquement habilités, que ce soit des établissements pénitentiaires pour mineurs ou des quartiers pour mineurs au sein des maisons d'arrêt ; obligation de faire bénéficier les mineurs incarcérés d'un programme d'enseignement général ou de formation, d'activités sportives et de plein air, d'un régime alimentaire amélioré et, enfin, d'un suivi éducatif par les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Il a relevé que cette dernière disposition était aujourd'hui pleinement mise en oeuvre, malgré une réticence initiale des éducateurs à intervenir au sein des prisons, et qu'elle prouvait l'utilité sociale de l'accompagnement éducatif, même dans les cas les plus difficiles. Il a précisé que les mineurs de 13 à 16 ans devaient strictement être séparés des adultes et ne jamais être en contact avec les détenus majeurs, tandis que les mineurs de 16 à 18 ans pouvaient, pour certaines activités comme l'enseignement, côtoyer des détenus adultes.
S'agissant des jeunes filles, M. Philippe-Pierre Cabourdin a indiqué qu'elles devaient être détenues dans des unités prévues à cet effet et sous la surveillance de gardiennes. Il a indiqué que, si la mixité avait été prévue dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, elle était plus difficile à mettre en oeuvre dans les unités spéciales en raison du faible nombre de jeunes filles incarcérées et de la disposition de ces établissements qui ne permet pas une séparation absolument totale entre les différentes unités. Il a indiqué que, en accord avec M. Claude d'Harcourt, directeur de l'Administration pénitentiaire, il avait ainsi conditionné le maintien de ces unités à la présence d'un nombre suffisant de jeunes filles, citant pour exemple l'unité pour filles de l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Quiévrechain près de Lille et celle de l'EPM de Lavaur, près de Toulouse. Il a indiqué que la PJJ et l'administration pénitentiaire avaient prévu, ensemble, de regrouper les femmes mineures incarcérées dans quatre centres de détention pour femmes : l'EPM de Quiévrechain ; le quartier de femmes de la prison des Baumettes à Marseille, préféré à l'EPM de La Valentine ; le centre pénitentiaire de Rennes, qui devrait regrouper les mineures de Rennes et de la maison d'arrêt pour femmes de Nantes et la maison d'arrêt de femmes de Fleury-Mérogis, préférée à l'EPM de Porcheville en raison du nombre faible et variable de jeunes filles concernées. Il a souligné que la question de savoir s'il fallait, pour l'incarcération des jeunes femmes, privilégier la minorité ou le sexe, suscitait un important débat et qu'un groupe de travail sur ce sujet avait été mis en place au sein de la PJJ. Il a précisé qu'il était néanmoins nécessaire de disposer d'un quartier de filles mineures au sein d'une maison d'arrêt pour femmes. Enfin, il a indiqué que la PJJ et l'administration pénitentiaire envisageaient de consacrer au centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis (CJD) les mêmes moyens que pour un EPM, dans la mesure où, a priori, l'EPM de Meaux ne sera pas ouvert. Il a rappelé qu'il ne serait pas nécessaire d'ouvrir les sept établissements pénitentiaires pour mineurs prévus par la loi, en plus du centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis, en raison de la diminution du nombre de mineurs incarcérés.
M. Philippe-Pierre Cabourdin a ensuite abordé la question des centres éducatifs fermés, précisant d'emblée que le nombre de jeunes femmes mineures concernées était, là encore, très faible et très variable. Il a indiqué qu'il existait actuellement trente-huit centres éducatifs fermés offrant au total 413 places disponibles et qu'une dizaine de centres devait ouvrir avant 2010. Il a estimé que, dans le choix de l'implantation d'un centre éducatif fermé, il ne convenait pas tant de privilégier l'espace disponible que la proximité d'un tissu d'insertion, qu'il soit scolaire ou professionnel. Il a indiqué qu'un seul centre éducatif fermé était aujourd'hui strictement réservé aux jeunes filles, celui de Doudeville en Normandie et que dix autres étaient mixtes, sous réserve de pouvoir héberger au moins deux ou trois jeunes filles. Il a ensuite brièvement évoqué les conditions du séjour d'un mineur en centre éducatif fermé, qui comprenait généralement trois temps : deux mois au cours desquels le mineur reste dans le centre sans en sortir ; deux mois où les sorties accompagnées sont autorisées ; enfin deux mois où le mineur est autorisé à sortir seul du centre. Il a considéré que la présence de jeunes filles au sein des centres mixtes pouvait contribuer à créer une atmosphère plus apaisée.
M. Philippe-Pierre Cabourdin a ajouté que, pour trouver le placement approprié en centre éducatif fermé, le juge devait prendre en compte, en plus des contraintes liées à la mixité, des critères comme la proximité ou l'éloignement géographique de la famille, sur la base d'informations transmises par les éducateurs. Concernant l'organisation spatiale au sein des centres mixtes, il a indiqué que la plupart comportaient des aires distinctes pour les chambres réservées aux jeunes filles mais il a également évoqué l'exemple d'un centre dans la Marne, qui délimitait l'espace des jeunes filles et celui des jeunes hommes par un système de cloison mobile que l'on pouvait déplacer en fonction de l'effectif féminin présent dans le centre.
M. Damien Mulliez a rappelé que le nombre de femmes concernées par la délinquance était faible au début des années 1990 mais que l'on constatait une importante progression, de l'ordre de 20 %, entre 1995 et 2004. En revanche, il a souligné que le nombre de jeunes filles incarcérées - en pratique, récidivistes - était relativement stable, précisant qu'il était de 125 en 2005 et de 115 en 2008. Il a estimé que la délinquance des filles était plus occasionnelle que celle des garçons et que la sanction semblait être vécue de façon plus honteuse par les premières, tandis qu'elle était plutôt valorisée par les jeunes hommes. Il a ensuite insisté sur le fait que le profil de la délinquance des femmes avait évolué au cours des dernière années, passant d'une délinquance plutôt ponctuelle, marquée par une volonté d'opposition familiale ou par une réaction à des actes dont elles avaient été victimes, à une délinquance aujourd'hui plus proche de celle des hommes.
Il a indiqué que les comportements des jeunes mineures commençaient ainsi à se calquer sur ceux des garçons, y compris dans un recours à la violence dans les relations humaines, pouvant parfois même déboucher sur des actes de barbarie. Il a ensuite évoqué le phénomène de la délinquance de réseau touchant également les jeunes femmes, qui est lié à une certaine structure sociale et auquel on ne peut répondre qu'au niveau individuel, acte par acte.
M. Damien Mulliez a ensuite attiré l'attention des membres de la délégation sur le nombre inquiétant de jeunes adolescentes impliquées dans des actes d'agression à caractère sexuel. Insistant sur l'importance croissante des violences à caractère sexuel, il a précisé que, actuellement, tous les mineurs de 13 ans impliqués dans des affaires criminelles l'étaient pour des actes d'agression sexuelle, la proportion de ces infractions diminuant ensuite avec l'âge.
Illustrant la relative complexité de l'interprétation des données statistiques, M. Philippe-Pierre Cabourdin a ajouté que, selon la tendance observée au cours des dernières années, le nombre de mineurs délinquants avait augmenté en valeur absolue mais diminué en valeur relative, compte tenu de l'accroissement de la délinquance des adultes. Puis, il s'est inquiété de la rupture constatée au cours des cinq premiers mois de l'année 2009, avec une augmentation, au-delà du seuil de 18 %, de la proportion de mineurs délinquants interpelés par la police. Observant que le pourcentage de mineurs avait cependant continué à décliner au niveau des poursuites judiciaires, il s'est demandé si ces données ne reflétaient pas aussi un abaissement du seuil de tolérance de la société française. Il a cependant souligné le caractère incontestable de la forte augmentation du nombre de délinquants de moins de 13 ans en précisant que ces derniers étaient presque exclusivement mis en cause pour des délits sexuels.
Il a alors souhaité que la représentation nationale puisse très prochainement réfléchir à la spécificité de cette délinquance sexuelle des mineurs et aux solutions éducatives ou médicales appropriées, en évoquant l'inadaptation du droit en vigueur à ce phénomène nouveau : seule est prévue, pour les mineurs, une réduction de moitié de la peine encourue par les majeurs. Il a mis en garde contre l'erreur qui consisterait à se voiler la face dans ce domaine en soulignant que l'incarcération des mineurs ou les mesures éducatives étaient parfois insuffisantes pour prévenir la récidive tandis que la détection des besoins de soins et le recours à l'intervention médicale peut se révéler efficace : il a signalé, à ce sujet, la réticence de certains magistrats à faire appel à des unités médicales spécialisées, parfois considérées comme excessivement « comportementalistes ».
Mme Michèle André, présidente, a demandé si la délinquance sexuelle des mineurs constituait un phénomène nouveau.
M. Damien Mulliez a relevé que la délinquance sexuelle était en augmentation dans les tranches d'âge très jeunes, en ajoutant qu'elle s'estompait par la suite, comme en témoigne le faible taux de récidive. Il s'est demandé si l'approche qu'avait la société de la sexualité ne rendait pas plus brutale l'entrée dans la vie sexuelle. Puis il a souligné la nécessité de réfléchir à l'évolution de la législation applicable, pour éviter qu'un mineur de 13 ans ne soit, du fait de son inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), considéré comme un délinquant sexuel pendant le reste de son existence. Il a également regretté que cet aspect ne soit pas encore pris suffisamment en compte dans la formation des éducateurs, compte tenu, non seulement des statistiques officielles de la délinquance sexuelle des mineurs mais, également, du « chiffre noir » des actes délictueux non déclarés et de la banalisation de l'agression dans certains lieux collectifs.
M. Philippe-Pierre Cabourdin a estimé souhaitable de remédier à l'absence de réponse institutionnelle à cette forme de délinquance en indiquant que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s'efforçait, conformément à une approche globale, non seulement de perfectionner la formation des éducateurs mais aussi d'inclure les magistrats et les services médicaux locaux dans cette démarche.
M. Damien Mulliez a rappelé les difficultés de mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire prévu par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, en soulignant l'insuffisance du nombre de services spécialisés et de réseaux de médecins coordonnateurs dont la mise en place avait été prévue par la loi. Indiquant qu'une seule et unique candidature s'était manifestée parmi les magistrats et d'autres professions pour participer à un programme de coopération avec le Québec sur le thème des mineurs auteurs et victimes d'abus sexuels, lancé par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, il en a déduit que cette problématique continuait sans doute d'inspirer un certain malaise.
Mme Michèle André, présidente, a fait observer que les problématiques sexuelles étaient plus fréquemment abordées par les femmes parce qu'elles en souffrent plus que les hommes et souhaitent trouver des solutions. Elle a évoqué l'approche plus pragmatique des Québécois dans ce domaine ainsi que l'évolution des mentalités en France. Puis elle a affirmé l'intérêt d'une réflexion préalable à la discussion législative et la nécessité d'instituer des repères, relevant que les parents étaient souvent réticents, aujourd'hui encore, à aborder ces questions de sexualité avec leurs enfants, au nom d'une certaine forme de respect de l'intimité.
M. Yannick Bodin a relativisé l'augmentation de la délinquance des mineurs en appelant à ne pas idéaliser la sexualité des adolescents qui existait autrefois dans la France rurale : il s'est demandé si les actes de violence sexuelle n'étaient pas aussi fréquents « dans les bottes de foin » d'hier, où ils étaient couverts par le non-dit, que dans les caves des quartiers sensibles d'aujourd'hui. Il a estimé que la gravité du problème ne devait pas, pour autant, être minimisée, et s'est demandé si l'entrée dans l'adolescence n'était pas, aujourd'hui, plus précoce qu'hier, et si l'environnement « médiatique » et l'accès fréquent à des films pornographiques n'affectaient pas le psychisme des adolescents, rendant plus brutale leur entrée dans la sexualité. Cependant, il a estimé que les formes actuelles d'initiation à la sexualité ne prédisposaient pas nécessairement les mineurs à la délinquance sexuelle ultérieure, estimant que le législateur devait apporter des réponses adaptées et éviter de stigmatiser inutilement les adolescents.
Mme Gisèle Printz s'est interrogée sur les causes de cette délinquance en évoquant la part que peut jouer le traumatisme subi par les victimes d'incestes.
M. Damien Mulliez a répondu qu'aucune étude ne démontrait un lien de causalité entre le fait d'avoir été victime d'un abus sexuel et d'en devenir ensuite l'auteur ; en revanche, selon les psychiatres, l'absence de réponse ou de soutien apporté à une victime peut conduire cette dernière à tenter, inconsciemment, de tester si de tels faits sont bien dispensés de sanction en les commettant à son tour. Evoquant son expérience de magistrat, il a constaté qu'il avait fallu attendre le milieu des années 1980 et la réforme du code pénal de 1989 pour que les parquets investissent le champ de la délinquance sexuelle des mineurs, autrefois considéré comme d'importance secondaire, et qu'il s'en était suivi une explosion des statistiques. Cependant, il a constaté, depuis 2000, le rajeunissement de la population des délinquants sexuels mineurs et qu'il convenait, dès lors, de prendre les mesures permettant d'éviter de les transformer en adultes dangereux.
M. Philippe-Pierre Cabourdin a estimé qu'une sanction était nécessaire mais devait aussi être spécifique et adaptée. Il a ajouté que certaines formes d'incarcération risquaient d'ancrer les mineurs dans la spirale de la délinquance. Il a complété son propos en évoquant l'importance du « message » à adresser aux parents, non seulement pour les inciter au dialogue avec leurs enfants mais aussi pour éviter de laisser à leur portée des films ou des outils d'accès à des images pornographiques, Mme Christiane Kammermann insistant également sur les films mettant en scène d'autres formes de violence.
M. Alain Gournac a estimé que, dans la France rurale du siècle dernier, la délinquance sexuelle des jeunes n'était pas aussi importante qu'à l'heure actuelle et qu'elle avait changé de nature. Témoignant ensuite de son expérience d'élu de terrain, il a souligné l'apparition depuis les années 1990 de nouveaux comportements violents chez les enfants, y compris ceux de familles aisées, dès la classe de maternelle. Il a insisté sur le caractère brutal et non pas simplement sexuel de leurs comportements. Puis il a signalé la fréquence de l'implication de certaines filles dans ces violences en citant le cas d'instigatrices de « tournantes » dont sont victimes d'autres mineures. Rappelant que la prison, qui pouvait entrainer parfois un choc salutaire, était loin d'être toujours une bonne solution, il a souhaité que le législateur fasse preuve d'une approche intelligente et non uniquement répressive.
Mme Christiane Kammermann a demandé à connaître l'âge à partir duquel les mineurs pouvaient être incarcérés, les qualifications des éducateurs spécialisés, les solutions à apporter à l'insuffisance du nombre des médecins coordonateurs, et, enfin, les conditions de vie des mineurs dans les centres de détention.
M. Philippe-Pierre Cabourdin a rappelé que la loi ne permettait pas d'incarcérer un mineur de moins de 13 ans, tout en précisant que le droit français ne fixe aucun plancher à l'âge de la responsabilité pénale subordonnée à la notion de discernement. Il a ensuite estimé satisfaisant, compte tenu des contraintes pesant sur le service public, le nombre - 4 600 - et la qualité des éducateurs, tout en rappelant les efforts d'investissement consentis pour leur formation initiale et, surtout, continue, afin d'adapter leurs compétences aux évolutions sociologiques et pénales. Puis il a évoqué très concrètement les conditions de détention des mineurs en soulignant que l'administration s'efforce de leur redonner des bases et des repères qui leur ont manqué, comme de se lever le matin et de se coucher tôt le soir, ou de maitriser les bases de la communication ainsi que du « savoir être » minimal. Rappelant qu'un mineur qui ne sait pas lire en classe de sixième a trois fois plus de risques de verser dans la délinquance, il a souligné l'importance de l'apprentissage des bases de la lecture ; il a également pris l'exemple des bienfaits de l'équitation ou du « rafting » qui placent les jeunes dans une situation suffisamment difficile pour qu'ils aient besoin de créer une relation avec l'éducateur et d'écouter ses conseils. Il a estimé que, même si chaque mineur devait être considéré comme un individu, il pouvait cependant être pris en charge collectivement, tout particulièrement dès lors qu'il s'agissait de l'apprentissage des règles de la vie en société.
M. Philippe-Pierre Cabourdin a expliqué que, à sa prise de fonctions, il avait trouvé une administration bien gérée, qu'il s'attachait à mettre au service de la prise en charge des mineurs, de façon à leur permettre de retrouver leur place dans la société. Il a estimé que les 380 000 mineurs, soit 10 % des jeunes entre 10 et 18 ans, confiés chaque année par la justice à la protection judiciaire de la jeunesse, devaient être pris en compte pour ce qu'ils sont : des citoyens français à part entière.
M. Yannick Bodin a estimé qu'il convenait de prendre en compte les cultures familiales traditionnelles de certains mineurs, qui leur imposent, par exemple, de baisser les yeux lorsqu'ils s'adressent à un adulte, en marque de respect, alors que dans nos usages, cela est plutôt vu comme une marque de fausseté. Il a estimé que les jeunes filles étant aujourd'hui bien plus précoces, c'était à l'âge psychologique et physiologique qu'il convenait de s'attacher.
Mme Michèle André, présidente, a déclaré partager pleinement les propos de M. Philippe-Pierre Cabourdin suivant lesquels la bonne gestion des deniers publics était une exigence qui ne pouvait tenir lieu, à elle seule, de projet. Partageant le point de vue défendu par M. Alain Gournac, elle a estimé nécessaire de légiférer intelligemment plutôt que de manière répressive.
Questions diverses
Mme Michèle André, présidente, a annoncé à la délégation que les auditions consacrées à son thème d'études annuel pourraient reprendre à partir de la mi-septembre 2009, en fonction du calendrier de la session extraordinaire. Elle a indiqué que le bureau de la délégation, qui s'est réuni le 11 juin, avait posé le principe d'un déplacement en Espagne, qui pourrait se dérouler sur deux jours, fin septembre ou début octobre, en fonction du calendrier des missions et des commissions permanentes. Cette mission permettrait d'étudier les conditions de détention et de recueillir des informations sur la législation espagnole en matière de violences conjugales.
Elle a signalé que l'Observatoire de la parité était en cours de renouvellement tout en souhaitant que ses missions restent centrées sur la parité et ne soient pas étendues à l'ensemble des problématiques de la diversité.
M. Alain Gournac a souhaité que le déplacement en Espagne soit de courte durée. Il a également proposé que la délégation s'intéresse aux centres de rétention.
Mme Michèle André, présidente, a ensuite rappelé que le dixième anniversaire de la création des délégations parlementaires aux droits des femmes donnerait lieu, le 8 juillet à 11 heures 30, à une cérémonie commune avec la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, permettant d'effectuer un bilan de leurs travaux et de tracer des perspectives d'action.
Analysant la nouvelle composition du Gouvernement, Mme Gisèle Printz a déploré la diminution du nombre de femmes et l'absence de secrétariat d'Etat à la condition féminine. Elle a souhaité que la délégation s'en fasse l'écho.
Mme Odette Terrade a relevé que cette lacune coïncidait avec le moment précis où les délégations célébraient leur dixième anniversaire. Elle a ensuite rappelé les préoccupations exprimées par le Comité de défense de la gynécologie médicale, lors de sa dernière conférence, à laquelle elle avait assisté.
M. Yannick Bodin a évoqué la création d'une mission d'information parlementaire à l'Assemblée nationale sur le port du voile intégral - burqa ou niqab - et souhaité que la délégation sénatoriale reste attentive à l'évolution de ses travaux.
Mme Michèle André, présidente, a jugé positive la création de cette mission d'information, qui permettra à des parlementaires de tous bords de prendre le temps de réfléchir à cette question sensible. Elle s'est proposé de préparer un communiqué de presse pour prendre position sur ce sujet qui touche au coeur du problème de la liberté des femmes.
M. Alain Gournac a observé que le port du voile ne pouvait être acceptable que s'il résultait d'un choix libre, en l'absence de toute contrainte extérieure.