Mercredi 10 juin 2009
- Présidence conjointe de M. Jacques Legendre, président et de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères et de la défense -Action culturelle extérieure de la France - Examen du rapport d'information
Au cours d'une séance tenue dans la matinée, la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Jacques Legendre et Josselin de Rohan sur la réforme de l'action culturelle extérieure.
M. Josselin de Rohan, président, a d'abord rappelé que les deux commissions avaient décidé, en mars dernier, de procéder à une série d'auditions conjointes sur le thème de l'action culturelle de la France à l'étranger, et que, dans ce cadre, elles avaient entendu notamment des représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture, le directeur de CulturesFrance, le secrétaire général de l'Alliance française de Paris, mais aussi les directeurs du British Council et du Goethe Institut de Paris, ainsi que M. Bernard Faivre d'Arcier, auteur d'une étude comparative sur le sujet.
M. Josselin de Rohan, président, a également rappelé que le Parlement, et le Sénat en particulier, s'étaient préoccupés, depuis déjà de nombreuses années, du réseau culturel de la France à l'étranger, comme en témoignent les rapports de M. Yves Dauge, alors député, de 2001, de M. Louis Duvernois, de 2004, ou encore les rapports budgétaires pour avis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Yves Dauge, Louis Duvernois et Joseph Kergueris, ainsi que le rapport du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Adrien Gouteyron.
Il a également indiqué que, à l'initiative de M. Louis Duvernois, une proposition de loi transformant CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) avait été adoptée à l'unanimité par le Sénat en 2007.
M. Josselin de Rohan, président, a souligné que la diplomatie culturelle française était aujourd'hui à la veille d'une réforme d'ampleur, annoncée par le ministre des affaires étrangères et européennes le 25 mars dernier, avec notamment le projet de création d'une agence chargée de la coopération culturelle et linguistique et que, dans ce contexte, il semblait utile que les deux commissions puissent faire entendre suffisamment en amont un certain nombre de préconisations tirées de leurs auditions.
M. Josselin de Rohan, président, a souhaité ensuite présenter les principaux enseignements tirés des auditions des deux commissions :
- premier constat : la France dispose d'un réseau culturel exceptionnellement dense et diversifié qui comprend à la fois des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) au sein de ses ambassades, ainsi que des instituts et centres culturels, qui dépendent du ministère des affaires étrangères, mais qui bénéficient d'un régime d'autonomie financière ; une autre originalité du dispositif français tient au vaste réseau des Alliances françaises, qui sont des associations de droit privé issues d'initiatives de la société civile locale. Enfin, l'action culturelle extérieure de la France repose également sur un grand nombre d'opérateurs, parmi lesquels CulturesFrance.
Il a estimé cependant que, à la différence des partenaires et concurrents de la France, comme le Royaume-Uni, avec le British Council, l'Allemagne, avec le Goethe Institut ou l'Espagne, avec l'Institut Cervantès, le réseau culturel français souffrait d'un manque de lisibilité et de visibilité.
De ce point de vue, la création d'une agence chargée de l'ensemble de la coopération culturelle et dotée d'un label unique représenterait une avancée.
- deuxième constat : l'action culturelle extérieure de la France souffre avant tout aujourd'hui d'un déficit de pilotage stratégique.
M. Josselin de Rohan, président, a estimé que le ministère des affaires étrangères et européennes devait conserver un rôle de premier plan dans ce domaine, puisque la culture est une composante essentielle de la diplomatie d'influence de la France. A ce titre, il doit exercer la tutelle de la future agence, le ministère de la culture et les autres ministères concernés n'étant pas suffisamment impliqués dans la mise en oeuvre de la coopération culturelle de la France à l'étranger.
Par ailleurs, il a indiqué que, au sein de l'administration du Quai d'Orsay, l'ancienne direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) n'avait pas réussi à élaborer une véritable stratégie, ni à exercer réellement sa tutelle sur les opérateurs, étant absorbée dans les tâches de gestion quotidienne du réseau, et que la mise en place récente d'une nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGMDP), était directement tirée de ce constat.
- troisième enseignement : il est nécessaire de mettre un terme à la forte diminution des crédits consacrés à l'action culturelle française à l'étranger.
M. Josselin de Rohan, président, a estimé que, au moment où les partenaires britanniques, allemands et espagnols, et même chinois, avec les Instituts Confucius, augmentent fortement les moyens consacrés à leurs réseaux culturels, et où la nouvelle secrétaire d'État américaine, Mme Hillary Clinton, a fait de la diplomatie dite « de l'intelligence » une priorité de son action, il peut sembler paradoxal que la France soit le seul pays à diminuer fortement les crédits consacrés à son rayonnement culturel et linguistique dans le monde.
Il a rappelé, à cet égard, que le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France avait souligné qu'on ne pouvait réduire indéfiniment les effectifs et les moyens sans remettre en cause les ambitions européennes et internationales assignées à l'action extérieure.
- enfin, quatrième et dernière observation : la gestion des ressources humaines constitue sans doute le « point noir » du réseau culturel de la France à l'étranger.
Il a rappelé que les personnels appelés à diriger les centres culturels ne se voyaient proposer qu'une formation de cinq jours, alors que la formation initiale est de six mois en Allemagne, et que la durée d'immersion dans un pays était relativement courte, de l'ordre de trois ans, contre cinq ans pour les agents du British Council et du Goethe Institut, et enfin que l'Allemagne et le Royaume-Uni offraient de bien meilleures perspectives de carrière aux agents de leur réseau culturel à l'étranger.
M. Josselin de Rohan, président, a donc estimé que la rénovation de la gestion des ressources humaines du personnel du réseau culturel de la France à l'étranger devait constituer un axe central de la réforme.
M. Jacques Legendre, président, a ensuite présenté les principales recommandations du rapport d'information destinées à répondre aux différentes questions soulevées par le projet de création d'une agence chargée de la coopération culturelle et linguistique, concernant son statut juridique, sa tutelle, son périmètre d'intervention et, enfin, ses relations avec le réseau culturel, ses personnels et les ambassades.
Il a rappelé que la future agence culturelle devrait se voir conférer le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. En effet, le Sénat s'était clairement prononcé en faveur de cette option en adoptant à l'unanimité, le 13 février 2007, la proposition de loi de M. Louis Duvernois transformant CulturesFrance en EPIC.
S'agissant de la tutelle, la première recommandation du rapport vise à répondre à l'urgence suivante : clarifier une fois pour toutes le pilotage stratégique de l'agence, au niveau tant politique qu'administratif.
En effet, il est ressorti des auditions conduites par les deux commissions que l'engagement financier du ministère de la culture ne lui permet pas de prendre autant d'initiatives dans la définition des orientations stratégiques de la politique culturelle extérieure de la France que le ministère des affaires étrangères.
Dans ces conditions, le rapport propose de placer la future agence culturelle sous la tutelle d'une autorité politique clairement identifiée, à savoir le ministère des affaires étrangères.
Toutefois, M. Jacques Legendre, président, a souligné le risque de voir à terme la politique de coopération culturelle et linguistique de la France diluée, voire effacée au profit d'enjeux plus globaux, sans réelles visibilité et lisibilité sur les plans politique, administratif et surtout budgétaire.
En conséquence, il a émis le voeu que la simplification de la tutelle politique de la future agence s'accompagne de la mise en place d'un secrétariat d'État chargé de la francophonie, de l'audiovisuel extérieur et des relations culturelles extérieures, placé auprès du ministre des affaires étrangères, sur le modèle de la formule ministérielle inaugurée par Mme Catherine Tasca de 1992 à 1993.
En outre, il a jugé indispensable de dynamiser la concertation interministérielle en matière de diplomatie culturelle. A ce titre, une place privilégiée devrait être réservée au ministère de la culture au stade tant de l'élaboration que de la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France :
- au stade de l'élaboration d'abord : il s'agit d'instituer un conseil d'orientation stratégique associant le ministère de la culture mais aussi les autres ministères concernés à la définition de la stratégie culturelle de la France à l'étranger ;
- au stade de la mise en oeuvre, ensuite : au-delà du maintien de représentants du ministère de la culture au sein du conseil d'administration de la future agence, il est également nécessaire de faire signer le contrat d'objectifs et de moyens liant l'agence à l'État par tous les ministres concernés (affaires étrangères, culture, enseignement supérieur et recherche et éducation nationale).
Il a également semblé utile aux rapporteurs de proposer la mise en place, auprès du président de l'agence, d'un comité scientifique qu'il présiderait afin d'assurer l'information régulière des différents secteurs culturels intéressés et, en tant que de besoin, d'organiser toute concertation qu'il estime nécessaire. Ce conseil devrait comprendre également des représentants des Alliances françaises et des représentants des collectivités territoriales.
S'agissant du périmètre d'intervention de la future agence, M. Jacques Legendre, président, a fait valoir que l'élargissement du champ de compétences de la future agence à la coopération universitaire, scientifique et technique présentait le risque principal d'affaiblir sa vocation culturelle première.
Dès lors, le rapport propose que le périmètre d'intervention de la future agence soit cohérent et centré sur son coeur de métier, c'est-à-dire la coopération culturelle et linguistique. Dans ces conditions, la future agence culturelle devrait se voir confier les missions exercées jusqu'à présent par CulturesFrance, auxquelles s'ajouteraient la diffusion de la langue française et la promotion du patrimoine audiovisuel français. En revanche, la coopération universitaire, scientifique et technique devrait en être exclue et confiée à un opérateur distinct en charge de la mobilité et de l'expertise internationales.
M. Jacques Legendre, président, a ensuite abordé la question complexe des relations entre la future agence, le réseau culturel et ses personnels, et les ambassades.
A cet égard, il a tout d'abord rappelé la position de la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France qui avait jugé que le futur opérateur de la coopération culturelle devrait être « pleinement responsable de la mise en oeuvre de la politique qui lui est confiée » et que cela supposait que « le réseau culturel et le personnel qui le compose relèvent de sa compétence ».
Il a également relevé que la mise à la disposition auprès d'un établissement public à caractère industriel et commercial de services déconcentrés de l'État à l'étranger avait connu un précédent dans le transfert progressif du réseau commercial des missions économiques du ministère de l'économie à l'opérateur Ubifrance en charge de la politique de soutien au développement international des entreprises françaises.
Forts de ces enseignements, les présidents des deux commissions proposent de rattacher progressivement à l'agence le réseau culturel en faisant des établissements culturels à autonomie financière (c'est-à-dire les actuels instituts et centres culturels bientôt fusionnés avec les SCAC) les représentations locales de l'agence, qui continueraient d'être sous la tutelle des missions diplomatiques.
Cette recommandation prend précisément en compte l'exigence suivante : la nécessité de développer un label unique de la présence culturelle française à l'étranger, pour lui conférer une lisibilité et une cohérence qui lui font aujourd'hui cruellement défaut.
Parallèlement, il convient de consacrer le rôle de l'ambassadeur dans la déclinaison de l'action culturelle extérieure au niveau local, en lui confiant le cas échéant, la présidence d'un comité d'orientation stratégique et de programmation placé auprès de chaque établissement culturel.
S'agissant de la gestion des personnels du réseau culturel, l'objectif principal consiste à donner à l'agence les moyens de mener à bien une politique rénovée des ressources humaines, en lui permettant de jouer sur les leviers de la formation, de la professionnalisation des métiers de l'action culturelle extérieure et de la continuité des carrières. Cela suppose notamment que l'agence ait la responsabilité, en étroite collaboration avec l'ambassadeur, des affectations, des mutations et du recrutement des personnels relevant de sa compétence dans les établissements culturels à autonomie financière, notamment en ce qui concerne les personnels d'encadrement (c'est-à-dire les directeurs de centres).
En termes pratiques, il est possible de s'inspirer de l'exemple d'Ubifrance pour prévoir que les affectations et les mutations des responsables des établissements culturels à autonomie financière soient strictement soumises à l'avis de l'ambassadeur et que ce dernier instruira les demandes d'affectation des personnels affectés par l'agence dans ses bureaux à l'étranger.
M. Jacques Legendre, président, a regretté que les personnels du réseau culturel fassent trop souvent les frais des contraintes budgétaires et qu'ils servent en conséquence de variable d'ajustement. Il a souligné la nécessité de sanctuariser les moyens du réseau culturel de la France à l'étranger au sein d'une ligne budgétaire clairement identifiée au profit d'un opérateur soumis à un contrôle étroit, aussi bien à Paris sous la tutelle du Quai d'Orsay que sur le terrain sous la tutelle de l'ambassadeur. Dans ces conditions, la future agence aura la charge de mettre en oeuvre la rénovation de la politique des ressources humaines du réseau selon les axes suivants :
- remédier à l'insuffisance de la formation et de la professionnalisation des personnels, en leur garantissant une formation initiale minimale longue et en s'assurant que les directeurs de centres culturels disposent d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière ;
- garantir la continuité des parcours professionnels au sein du réseau culturel en alignant la durée d'immersion dans un pays d'accueil sur celle en vigueur chez nos principaux concurrents (idéalement cinq ans) ;
- renforcer la spécialisation des carrières en lien avec la coopération culturelle ;
- développer la mobilité interne (entre les administrations des différents ministères concernés) et externe ;
- s'appuyer sur une charte de la gestion des ressources humaines fondée sur une plus grande objectivité des critères de sélection et une transparence accrue des procédures de nomination, charte qui encadrera les affectations et les mutations ;
- enfin et surtout, revaloriser les conditions de travail et de formation des contractuels de droit local.
En conclusion, M. Jacques Legendre, président, a appelé de ses voeux un effort budgétaire substantiel en faveur de l'action culturelle extérieure et suggéré que les deux commissions se mobilisent en ce sens dès cet été, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, pour inviter le Gouvernement à revenir sur la diminution programmée des moyens du réseau culturel. Il a fait observer en effet qu'une nouvelle agence ne pourrait raisonnablement être créée à l'automne sans que lui soient consentis, en loi de finances, les moyens suffisants pour garantir la mise en oeuvre effective de cette réforme attendue de très longue date.
A la suite de la présentation des rapporteurs, un débat s'est engagé au sein des deux commissions.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est félicitée de ce que le Sénat ait manifesté un intérêt constant pour l'avenir du réseau culturel français à l'étranger. Souscrivant aux constats formulés par les rapporteurs, elle a ensuite détaillé sa position, partagée par Mme Catherine Tasca, sur les différentes propositions du rapport :
- les propositions des présidents des deux commissions sur la rénovation du cadre institutionnel de la diplomatie culturelle française vont dans le bon sens. La constitution d'un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures devrait permettre notamment de développer des synergies entre les différents leviers de l'action culturelle de la France à l'étranger. L'effort de mise en cohérence de la politique culturelle extérieure de la France sera renforcé aussi bien par la consécration de l'unité de la tutelle de la future agence culturelle que par la mise en place d'outils de concertation interministérielle et de consultation de la société civile, tels que le conseil d'orientation stratégique et le comité scientifique ;
- la gestion des personnels culturels en poste à l'étranger et leur formation constituent deux préoccupations centrales de la réforme. Dans ce domaine, une collaboration étroite doit être envisagée avec le ministère de la culture afin notamment de développer des passerelles entre le réseau culturel français à l'étranger et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). L'accent doit être mis, en particulier, sur la continuité des parcours professionnels dans le domaine de l'action culturelle extérieure ainsi que sur la valorisation des compétences acquises sur le terrain ;
- il n'est pas concevable que la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique se limite à une simple structure parisienne totalement déconnectée du réseau culturel. C'est pourquoi Mme Monique Cerisier-ben Guiga a défendu le bien-fondé de la proposition n° 6 du rapport qui vise à confier, à terme, à l'agence le pilotage du réseau culturel de la France à l'étranger, selon un processus négocié et échelonné dans le temps. Elle a souligné la nécessité de prévenir tout risque d'autonomisation de l'agence vis-à-vis de sa tutelle, afin de ne pas répéter les errements de l'expérience de l'Agence française de développement (AFD) ;
- une coopération étroite doit être établie entre les Alliances françaises et les centres culturels français à l'étranger ; à cet égard, la coordination de nos multiples instruments d'influence culturelle à l'étranger doit être pilotée par des directions régionales de l'agence. En effet, si la mise en place d'un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures devrait conférer une plus forte impulsion centrale à l'élaboration d'une politique culturelle extérieure cohérente, cette dernière doit faire l'objet d'une mise en oeuvre qui tienne compte des spécificités des grands ensembles géographiques sous l'égide de structures régionales adaptées.
M. Yves Dauge a partagé le constat des rapporteurs selon lequel la stratégie culturelle de la France à l'étranger souffre depuis trop longtemps de l'absence d'une autorité de commandement clairement identifiée. Il a regretté que ce déficit de pilotage stratégique conduise à systématiquement considérer l'action culturelle extérieure comme une simple annexe de la diplomatie.
En outre, il a insisté pour que la définition de la stratégie culturelle de la France à l'étranger prenne en compte les deux éléments fondamentaux suivants : une dimension européenne renforcée et la promotion de la diversité culturelle sur le fondement de la convention de l'UNESCO d'octobre 2005.
En effet, la reconnaissance de la culture comme une composante à part entière de la diplomatie d'influence française ne pourra s'imposer sans mettre en avant la dimension européenne de l'action extérieure. De plus, dans un contexte de crise, la France est « attendue au tournant » sur la réalité et la sincérité des principes qui forgent sa diplomatie d'influence, au premier rang desquels figurent la diversité culturelle et le multilatéralisme.
M. Yves Dauge a également plaidé pour le rattachement progressif du réseau culturel et le transfert de la gestion de ses personnels à la future agence, afin que celle-ci ne se résume pas à une simple « coquille vide ». Cette évolution apparaît indispensable dès lors que le système actuel de gestion des personnels culturels en poste à l'étranger ne permet pas la poursuite harmonieuse des carrières au sein du réseau.
Enfin, il a souligné l'apport essentiel de la coopération décentralisée dans la conduite de l'action culturelle extérieure de la France : l'action extérieure des collectivités territoriales françaises constitue un levier exceptionnel au service de la promotion de la diversité culturelle en multipliant les échanges entre les milieux culturels français et étrangers au travers de projets concrets.
M. Joseph Kergueris a estimé que ce rapport d'information commun constituera une base solide à l'appui d'un projet politique fort et cohérent, largement consensuel, qui permettra en particulier aux deux commissions de défendre énergiquement les crédits de l'action culturelle extérieure lors de la préparation du budget. Il a fait valoir que les propositions des deux présidents sur le renforcement du pilotage politique et administratif de l'opérateur en charge de la coopération culturelle et linguistique et sur la rénovation de la gestion des ressources humaines du réseau culturel constituaient les deux points forts du rapport d'information. A cet égard, il a souligné la nécessité pour les deux commissions de se montrer fermes sur leurs propositions communes afin de les défendre efficacement, dans une démarche pédagogique, contre d'éventuelles réticences de la part de l'administration.
M. Ivan Renar a salué la qualité de la réflexion menée par les deux rapporteurs. Il a approuvé notamment le souhait qu'ils ont émis de voir se mettre en place un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures : cette clarification institutionnelle va dans le sens d'un renforcement de la lisibilité tant politique et administrative que budgétaire de l'action culturelle de la France à l'étranger. Il a toutefois insisté pour que le rapport développe les points suivants :
- un lien étroit doit être aménagé entre l'ambassadeur et les représentations locales de l'agence, en permettant notamment à l'attaché culturel de l'ambassade de superviser la mise en oeuvre de la politique culturelle de la France sur le terrain ;
- au moment où les Etats-Unis d'Amérique et la Chine se sont engagés dans une politique d'influence conquérante et audacieuse, la France se doit de revenir sur la diminution programmée des ressources consenties à sa diplomatie culturelle. Il a appelé les deux commissions à interpeller énergiquement le Gouvernement sur ce sujet ;
- la coopération décentralisée a vocation à devenir un instrument central dans la mise en oeuvre de la stratégie culturelle de la France à l'étranger, au service des échanges entre artistes français et étrangers au niveau local.
Mme Marie-Christine Blandin a considéré que le souci principal de la réforme devait être de faire en sorte que les spécificités de la coopération culturelle et linguistique ne se retrouvent pas diluées au sein de la politique conduite par la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, essentiellement axée sur la compétition dans une mondialisation envisagée dans ses aspects économiques et commerciaux. Elle a estimé que les propositions des deux commissions en faveur du rattachement du réseau culturel et du transfert de la gestion de ses personnels à l'agence devaient être fermes et affichées clairement. Par ailleurs, elle s'est inquiétée de la diminution dramatique des moyens consentis au dispositif français d'action culturelle à l'étranger ; elle a relevé, à cet égard, que les collectivités territoriales étaient en passe de consacrer globalement plus de crédits à l'action culturelle extérieure que l'État. Elle a plaidé, enfin, pour une coopération étroite entre l'agence chargée de la coopération culturelle et linguistique et les établissements d'enseignement français à l'étranger gérés par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
M. Jean-Pierre Leleux a salué l'excellent travail réalisé par les deux rapporteurs. Il a estimé que, face à la forte dégradation de la présence culturelle française à l'étranger et à l'influence croissante des instituts culturels britanniques, allemands, espagnols et chinois, un sursaut était indispensable.
Il a mentionné, en particulier, les difficultés rencontrées par les jeunes étudiants marocains pour obtenir un visa afin de poursuivre leurs études en France, ce qui les incite bien souvent à se tourner vers les centres culturels d'autres pays, comme l'Espagne.
Il a également insisté sur l'importance de la coopération décentralisée en matière d'échanges et de coopération dans le domaine culturel, en rappelant que, par le biais des collectivités territoriales, la France pourrait multiplier sa présence culturelle hors de ses frontières.
M. Louis Duvernois a également félicité les deux présidents pour leur rapport, dont les orientations se situent dans le droit fil de son propre rapport sur la stratégie culturelle extérieure de la France qu'il actualise. A la lumière des précédentes interventions, il a souligné qu'un large consensus semblait se dégager sur les orientations proposées et il a émis le voeu que les deux commissions adressent un message fort et unanime au Gouvernement et, en particulier, au ministère des affaires étrangères et européennes concernant la réforme du dispositif culturel français à l'étranger.
Il a regretté que, au cours de ces dernières années, quels qu'aient été les gouvernements ou les ministres en place, l'action culturelle extérieure n'ait pas suscité toute l'attention qu'elle méritait de la part du Quai d'Orsay. La création d'un secrétariat d'Etat à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures constituerait, de ce point de vue, une avancée significative.
Il a également fait part des ses inquiétudes s'agissant des orientations actuelles concernant la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique, et, en particulier, des réticences manifestées par le ministère des affaires étrangères à ce que le réseau des établissements culturels à l'étranger ainsi que ses personnels soient rattachés à l'agence. Il a estimé que, si la mise en place de cette agence devait aboutir à une « coquille vide », le Parlement devrait s'y opposer, soulignant à cet égard que la gestion des personnels devrait être confiée à terme à la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique. Il a indiqué qu'il était favorable à la limitation du périmètre de la future agence à la coopération culturelle, de manière à aboutir à trois opérateurs distincts en charge de l'influence culturelle et intellectuelle française à l'étranger : un nouvel opérateur serait chargé de la mobilité internationale ; il serait issu de la fusion entre CampusFrance, Egide et France Coopération Internationale, et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Il conviendrait d'encourager les mutualisations et les synergies entre ces trois opérateurs, qui seraient regroupés à Paris au sein d'une « maison des opérateurs ».
Il a rappelé, à cet égard, que sa proposition de loi sur la transformation de CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial avait été adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Il a estimé que la création d'un secrétariat d'Etat à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures ainsi que la mise en place d'une agence chargée de la coopération culturelle seraient de nature à relancer l'action culturelle extérieure.
A son tour, M. Jean Faure a souligné l'importance de ce rapport, dont il a indiqué partager les principales orientations. Il a toutefois estimé nécessaire d'impliquer davantage les collectivités territoriales dans l'élaboration de la stratégie culturelle à l'étranger, eu égard à l'importance croissante de la coopération décentralisée dans ce domaine. A ce titre, il a regretté l'insuffisante coordination entre l'action extérieure de l'Etat et celle des collectivités territoriales, les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et les collectivités territoriales s'ignorant souvent mutuellement, ce qui entraîne parfois des chevauchements entre les initiatives et une moindre efficacité de la politique de coopération culturelle. Il a proposé l'élaboration d'une charte de la coopération décentralisée, dans laquelle les collectivités territoriales s'engageraient à informer au préalable les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et les services du Quai d'Orsay des projets de coopération culturelle qu'elles entendent mener avec des institutions étrangères. Il a également regretté l'attitude restrictive de certains consulats en matière de délivrance des visas, qui peut entraîner des obstacles à la mise en oeuvre de projets conduits dans le cadre de la coopération décentralisée. Il a indiqué que l'action culturelle extérieure ne pouvait pas reposer sur l'exportation du modèle culturel français mais sur un échange avec les cultures des pays d'accueil.
M. Jacques Blanc est allé dans le même sens en soulignant l'importance de la coopération décentralisée, tout en estimant indispensable de concilier le principe de libre administration des collectivités territoriales et la nécessité de renforcer la coordination de l'action culturelle à l'étranger. Il a indiqué partager les orientations du rapport concernant le projet de création d'une agence chargée de la coopération culturelle et linguistique.
M. Jean-Louis Carrère a également rendu hommage au travail réalisé par les deux rapporteurs et s'est déclaré en accord avec les principales orientations du rapport. Il a souhaité toutefois que ce rapport mette davantage l'accent sur la dimension européenne de l'action culturelle nationale, l'Union européenne ayant un rôle essentiel à jouer en matière de diversité culturelle dans le cadre de la mondialisation et face au risque consécutif d'un nivellement de la culture. Il a également souhaité que le rapport insiste davantage sur l'importance de la coopération décentralisée, jugeant que les collectivités territoriales devaient être associées non seulement à la mise en oeuvre de l'action culturelle à l'étranger, mais aussi à la définition de la stratégie à poursuivre dans ce domaine. Il a aussi fait part de ses préoccupations concernant la mauvaise image de la France à l'étranger véhiculée par la politique d'immigration du Gouvernement. Enfin, s'agissant des moyens budgétaires et humains consacrés à la diplomatie culturelle, il a indiqué avoir pris note des positions exprimées par les deux commissions en vue du futur débat d'orientation budgétaire et de la discussion de la prochaine loi de finances.
Mme Bernadette Bourzai a indiqué que, à l'occasion d'un déplacement en Roumanie, notamment dans la ville de Cluj, elle avait pu mesurer l'attente des Roumains à l'égard de la France et elle a déploré la diminution des moyens de la coopération culturelle avec ce grand pays membre de l'Union européenne, francophone et francophile.
Elle a également regretté la suppression de la subvention du ministère des affaires étrangères au festival des Francophonies en Limousin.
Mme Gisèle Gautier s'est félicitée du large consensus entre les deux commissions sur la nécessité de réformer en profondeur le dispositif français d'action culturelle à l'étranger. Au regard des déficiences multiples constatées, elle a estimé que les deux commissions devraient manifester leur détermination commune auprès des plus hautes autorités de l'Etat.
En réponse, M. Josselin de Rohan, président, a constaté que les principales orientations proposées semblaient recueillir un large consensus au sein des deux commissions.
Afin de tenir compte des observations formulées, et dans le souci de peser véritablement sur les décisions qui seront prises concernant la réforme de l'action culturelle extérieure, il a indiqué que le rapport insisterait davantage sur la dimension européenne de la coopération culturelle, qu'il insisterait clairement sur la nécessité de rattacher le réseau des établissements culturels et de confier la gestion des ressources humaines du personnel de ce réseau à la future agence chargée de la coopération culturelle et qu'il mettrait davantage l'accent sur la coopération décentralisée en proposant de mieux associer les collectivités territoriales à l'élaboration de la stratégie culturelle à l'étranger.
M. Jacques Legendre, président, s'est également félicité que les deux commissions soient parvenues à s'accorder sur des propositions communes concernant la réforme de l'action culturelle à l'étranger, en indiquant que sur certains aspects, comme la tutelle de la future agence chargée de la coopération culturelle, des divergences auraient pu apparaître entre les deux commissions, notamment sur les places respectives du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture.
Il a rappelé que la France avait été à l'origine du concept de diplomatie culturelle, dès la fin du XIXème siècle, et que notre pays avait un rôle essentiel à jouer concernant la diffusion de sa culture et de sa langue dans le monde et la promotion de la diversité culturelle.
Il a souligné à cet égard l'importance de la mise en place d'un secrétariat d'Etat à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures ainsi que celle des échanges culturels, notamment par le biais des saisons culturelles croisées, à l'image de l'année du Brésil en France en 2009 ou de l'année de la Russie en 2010.
S'agissant des orientations du rapport, et afin de favoriser un large consensus entre les deux commissions, il s'est également déclaré favorable à ce que le rapport mette davantage l'accent sur le rôle des milieux culturels et artistiques, ainsi que sur celui des collectivités territoriales non seulement dans la mise en oeuvre, mais aussi dans la définition des priorités stratégiques de l'action culturelle à l'étranger. Il a rappelé, à ce titre, qu'une proposition de loi avait été adoptée, à l'initiative de M. Michel Thiollière, et que son prédécesseur à la présidence de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, avait été désigné ambassadeur itinérant pour l'Asie plus particulièrement chargé de la coopération décentralisée.
M. Jacques Legendre, président, s'est déclaré favorable à ce que le réseau des établissements culturels à l'étranger ainsi que la gestion des ressources humaines du personnel de ce réseau soient rattachés à cette agence. Il a indiqué, à cet égard, que l'agence devait conserver des liens étroits avec le ministère des affaires étrangères qui exercera seul la tutelle sur cette agence.
M. Ivan Renar, au nom du groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, et M. Jean-Louis Carrère, au nom du groupe socialiste, ont alors indiqué que, compte tenu de la prise en compte de leurs observations, les membres de leur groupe respectif voteraient les recommandations proposées par les deux rapporteurs.
A l'issue de ce débat, et en tenant compte des observations précédemment formulées, la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont adopté à l'unanimité les recommandations proposées par les deux rapporteurs et en ont autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
- Présidence de M. Jacques Legendre, président -
Situation de Radio France Internationale - Audition de M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général, et de Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de cette société, sur la situation de Radio France Internationale (RFI).
M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, a indiqué, en préambule, que le plan de relance de RFI devait répondre aux trois objectifs suivants :
- mettre un terme aux déficits qui n'ont cessé de s'accumuler ces dernières années ;
- restaurer une audience considérablement érodée ;
- développer la compétitivité de la radio vis-à-vis de ses principaux concurrents.
Afin d'atteindre ces trois objectifs, le processus de modernisation de RFI doit s'appuyer sur l'expertise exceptionnelle de ses équipes. M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, a rappelé que la société Audiovisuel extérieur de la France avait sollicité de l'État une enveloppe supplémentaire de 16,9 millions d'euros afin de combler les déficits accumulés par la radio en 2006, 2007 et 2008. En dépit des observations de la Cour des comptes, qui, dès 1999, avait souligné l'engagement de RFI dans une spirale déficitaire, aucune réponse n'a véritablement été apportée, jusqu'à présent, aux difficultés financières de la radio. Or, il est indispensable de remédier à la situation budgétairement insoutenable de RFI, dans la mesure où, si aucun plan de restructuration n'intervenait dans l'immédiat, un déficit de 15 millions d'euros pourrait venir s'ajouter, en 2009, aux 17 millions d'euros de besoins de financement de la station.
M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, a notamment relevé que RFI était la seule société audiovisuelle publique française à accuser des déficits alors même qu'elle dispose, parmi les entités composant l'audiovisuel extérieur de la France, du budget le plus conséquent, celui-ci atteignant près de 130 millions d'euros en 2009, contre 91,5 millions d'euros pour France 24 et 70 millions d'euros pour TV5 Monde.
Dans ces conditions, le message de l'État sur la nécessité de redresser la situation financière de RFI est parfaitement clair : les moyens consentis par le Gouvernement pour soutenir le processus de modernisation de la radio seront conditionnés aux efforts menés par la direction pour résorber ses déficits.
Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France, a insisté sur le fait que RFI cumulait des déficits financiers, mais également des déficits d'audience. En effet, si RFI est reconnue comme une grande radio internationale à l'expertise incontestée, elle a longtemps été gérée sur la base d'un postulat erroné, à savoir que la station continuait d'être écoutée partout et par tous.
Or la réalité des chiffres doit conduire RFI à se ressaisir très rapidement et à prendre conscience de l'évolution de l'environnement international, hautement concurrentiel, dans lequel elle évolue. En l'espace de quatre ans, de 2004 à 2008, la radio a en effet perdu 8,4 millions d'auditeurs réguliers. Cette baisse est d'autant plus préoccupante que la démographie mondiale a connu, sur la même période, un bond de 8,7 %.
Les parts de marché de RFI dans la plupart des grandes régions du monde se sont ainsi considérablement érodées. Ses défauts de compétitivité ne tiennent pourtant pas à son statut de société nationale de programme puisque ses principaux concurrents, la BBC et la Deutsche Welle, sont également des entreprises publiques. En 2008, la part de marché globale de RFI était descendue en dessous de la barre symbolique de 1 %, pour n'atteindre que 0,75 %.
Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France, a relevé que, même en Afrique francophone, RFI est en perte de vitesse significative. Si le nombre de ses auditeurs y a légèrement augmenté en valeur absolue, sa part de marché est passée de 19,3 % en 2004 à 17,2 % en 2008, alors que la zone connaissait dans le même temps une croissance démographique de 14,7 %. Le constat est identique pour la grande majorité des zones géographiques couvertes par RFI, tant en Amérique du Nord et du Sud qu'au Proche et Moyen-Orient ou en Europe. Seule l'Afrique non francophone présente un maintien de l'audience de RFI à un niveau stable.
Les performances décevantes de RFI en termes de parts de marché traduisent l'incapacité structurelle de la station à s'adapter aux évolutions démographiques et géopolitiques de son environnement international. RFI accuse, en particulier, un retard significatif en matière de diffusion via les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Celles-ci ont produit une véritable révolution de l'accès à l'information au cours des quinze dernières années. Les faiblesses de RFI sont d'autant plus criantes que ses principaux concurrents jouissent d'un dynamisme exceptionnel, notamment la BBC qui continue de battre régulièrement des records d'audience. La station radiophonique britannique s'est appuyée notamment sur une politique d'adaptation de ses effectifs et de ses compétences aux besoins du marché : après avoir supprimé 7 400 postes en quatre ans, elle a procédé récemment à l'embauche de personnels en leur offrant une formation spécifique à l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France, a regretté que les rédactions de RFI en langues étrangères ne soient pas toujours coordonnées, sur le plan éditorial, avec la ligne suivie par la rédaction française. Elle a souligné, de plus, que le maintien de certaines rédactions en langues étrangères ne se justifie plus dès lors que celles-ci ne bénéficient plus que d'une audience presque nulle, comme c'est le cas en Allemagne.
M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, a insisté sur la nécessité pour RFI de rattraper son retard de compétitivité sur le plan technologique. Il a souligné que le passage des ondes courtes aux ondes moyennes relevait d'un débat essentiellement dépassé et qu'il était désormais indispensable pour la radio de prendre la pleine mesure de la révolution numérique.
A titre d'exemple, il a relevé qu'un nombre significatif de Chinois écoute la radio sur Internet, dans un pays où les ondes courtes sont facilement censurables ; c'est également le cas de 23 % des leaders d'opinion iraniens. En outre, il a constaté que 4,4 milliards de personnes, dans le monde, accèdent désormais à l'information via Internet et la téléphonie mobile. Ces éléments doivent conduire RFI à relancer ses efforts pour relever le défi de la production numérique de ses contenus.
Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France, a fait savoir qu'une nouvelle grille de programmes en français avait été mise au point pour RFI à la mi-janvier 2009, afin d'offrir à ses audiences une palette plus diversifiée d'émissions. La légitimité et la qualité des services de RFI ne sont absolument pas remises en cause et doivent, au contraire, lui permettre de repartir à la conquête de son public.
M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, a regretté que le conflit social en cours conduise au blocage de RFI qui connaît à l'heure actuelle sa cinquième semaine de grève. Il a déploré que trois syndicats (la Confédération générale du travail, le Syndicat national des journalistes et Force ouvrière) refusent de revenir à la table des négociations et organisent la reconduction quotidienne de la grève, alors même que la principale organisation syndicale -la Confédération française démocratique du travail- et la Confédération générale des cadres continuent de négocier avec la direction en vue d'améliorer les conditions des départs volontaires. Il a dénoncé le fait que, depuis plus de dix ans, le recours systématique au conflit social a servi de technique d'obstruction pour faire échouer les tentatives des directions successives de moderniser RFI. Il a réaffirmé son entière détermination, partagée par Mme Christine Ockrent, à conduire les réformes nécessaires pour assurer la pérennité de la station.
Mme Marie-Christine Blandin, après avoir déploré le ton polémique des dirigeants de RFI, a déclaré qu'elle ne pouvait, dans ces conditions, continuer à participer aux travaux de la commission.
M. Jacques Legendre, président, a rappelé que la commission des affaires culturelles était particulièrement inquiète de la situation actuelle à RFI et que ses membres étaient attachés à ce que la qualité exceptionnelle de ses services et de ses personnels, tout autant que son rang de radio internationale incontournable, soient préservés. Ces exigences seront naturellement défendues par la commission avec autant de passion que celle manifestée par la direction de la société Audiovisuel extérieur de la France.
M. Serge Lagauche a souligné que cette audition n'était pas destinée à stigmatiser un responsable dans l'analyse des problèmes qui affectent RFI, mais qu'elle devait être l'occasion pour sa direction d'exposer à la commission les détails du projet de développement qu'elle envisage pour redresser la situation de la station. Il a souhaité ainsi avoir des précisions sur la stratégie de Radio France Internationale à moyen terme.
M. Alain de Pouzilhac a insisté sur le fait que le développement stratégique de RFI se décline pays par pays et cible par cible. Ainsi, dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens de la radio, les objectifs seront détaillés précisément sur la période 2009-2013. En Afrique, la diffusion en langue véhiculaire sera développée pour éviter une chute des parts de marché de la radio. Le portugais et l'anglais seront aussi davantage utilisés. En Asie, il s'agit de créer des « web radios » moins onéreuses et susceptibles de pénétrer plus largement des marchés tels que la Chine ou l'Iran. En Amérique du Sud, l'accent est mis sur les partenariats universitaires avec pour objectif de toucher les leaders d'opinion. En France, enfin, le chantier des prochaines années sera celui de la radio numérique terrestre.
M. Louis Duvernois a insisté, quant à lui, sur l'échec de la tutelle à réformer RFI ces dernières années, ce qui a entraîné les problèmes d'aujourd'hui, et a demandé quelles étaient les perspectives de sortie de crise pour RFI.
M. Alain de Pouzilhac a indiqué que les évolutions suivantes pouvaient être attendues :
- d'une part, le contrat avec TDF arrivera à échéance en 2011 et devra impérativement être renégocié, afin que de nouvelles marges de manoeuvre soient dégagées ;
- et, d'autre part, les ressources propres devront être développées sur le modèle de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne dont les radios publiques à vocation internationale s'autofinancent assez largement.
La suspension du plan social par décision judiciaire aurait pour conséquence d'augmenter le déficit de RFI de deux millions d'euros.
Prenant acte du déficit de RFI, M. Ivan Renar s'est interrogé sur le périmètre des missions de RFI, sur son sous-financement chronique et sur le versement par France 24 à TF1 d'une somme de deux millions d'euros, au moment de sa sortie du capital de la chaîne internationale, ainsi que sur l'existence d'un contrat d'un montant de 1,7 million d'euros portant sur l'achat d'images de TF1.
M. Alain de Pouzilhac a estimé que la principale difficulté de RFI résidait dans le volume de sa masse salariale qui représente 52 % du budget global, ce qui est un taux bien supérieur aux autres chaînes de radio. La dotation de l'Etat à RFI lui paraît au demeurant assez élevée au regard de celles attribuées à France 24 et à TV5. Les informations relatives à TF1 sont effectivement exactes, deux millions d'euros ayant été versés à TF1 et à France Télévisions au moment de leur sortie du capital et un contrat ayant été signé avec TF1 sur l'utilisation d'images d'archives de la chaîne privée.
Enfin, Mme Christine Ockrent a considéré que les missions de RFI, radio francophone devant faire rayonner l'expertise française à l'étranger, étaient bien calibrées.