Mardi 19 mai 2009
- Présidence de Mme Raymonde Le Texier, présidente -Audition de M. Bernard Saint-Girons, délégué interministériel à l'orientation, accompagné de M. Jean-Marie Lenzi
La mission a procédé à l'audition de M. Bernard Saint-Girons, délégué interministériel à l'orientation, accompagné de M. Jean-Marie Lenzi, chargé de mission auprès du délégué interministériel à l'orientation.
Mme Raymonde Le Texier, présidente, a accueilli l'intervenant en rappelant l'importance de l'orientation pour les jeunes, les critiques adressées au système actuel et la nécessité d'y apporter des améliorations.
M. Christian Demuynck, rapporteur, s'est tout d'abord interrogé sur la traduction concrète du principe selon lequel la délégation à l'orientation avait vocation à assurer un véritable service public de l'orientation. Rappelant ensuite que, par réaction au « mille-feuille » des dispositifs d'orientation et d'insertion, se manifestait une demande de « guichet unique », il a demandé à l'intervenant comment et à quel échelon local il convenait, à son sens, d'organiser la simplification des démarches d'orientation. Il a également souhaité des précisions sur les priorités en matière de rééquilibrage des effectifs dans les diverses filières d'enseignement et sur les expériences réussies, en France ou à l'étranger, qui mériteraient d'être généralisées pour améliorer l'orientation.
Après avoir rappelé que les travaux de la délégation interministérielle à l'orientation s'inscrivaient, tout comme les travaux de la mission d'information, dans un calendrier serré, M. Bernard Saint-Girons a évoqué notamment les propositions relatives à la réforme des lycées qui devraient être prochainement formulées par la mission de concertation présidée par M. Richard Descoings. Il a annoncé la remise à la ministre en charge de l'enseignement supérieur, dans les prochains jours, d'un rapport sur l'orientation active à l'université.
Il a précisé que la délégation interministérielle à l'orientation (DIO) n'avait pas directement en charge une mission de service public de l'orientation mais qu'elle avait vocation à renforcer la cohérence et la complémentarité des actions conduites par les divers acteurs de l'orientation. Il a alors souligné la dispersion des intervenants en matière d'orientation : ceux-ci relèvent de compétences ministérielles différentes (l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et l'emploi) et sont segmentés selon des logiques de parcours scolaires ou professionnels, l'ensemble du système étant difficilement lisible.
Puis il a illustré l'impulsion donnée par la DIO pour faire progresser l'approche interministérielle en évoquant trois avancées : la première s'est concrétisée, il y a deux ans, par la présentation d'un schéma national de l'orientation et de l'insertion qui, d'une part, a servi de fondement aux mesures prises en faveur de l'orientation active à l'université et, d'autre part, a souligné la nécessité d'améliorer la jonction entre les choix de formation et les perspectives d'insertion. Il a ensuite indiqué que l'interministérialité se concrétisait par la circulaire du 22 avril 2009 relative à la prévention du décrochage scolaire et à l'accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire : signée par huit ministres, elle repose notamment sur le principe de la coordination et de l'interconnexion entre les systèmes d'information de l'éducation nationale, du service public de l'emploi et des mission locales. Enfin il a évoqué le document de politique transversale (DPT), annexé au projet de loi de finances pour 2009, consacré à l'orientation et à l'insertion professionnelle des jeunes qui permet, selon une vision large, de prendre la mesure de l'impact des moyens mobilisés par l'Etat, en observant que les indicateurs permettant d'évaluer l'efficacité des actions conduites étaient perfectibles. Il a conclu cette première série de remarques en observant que les éléments d'approche interministérielle progressaient et se traduisaient par une vision plus nette de l'action de l'Etat, tout en estimant souhaitable de continuer à faire progresser cette « culture » et de renforcer la lisibilité des circuits d'orientation. Il a rappelé qu'on recensait quelque 8 500 points d'information sur le territoire, ce qui représente à la fois une richesse et une certaine perte d'énergie, et que ces entités relevaient de vingt-deux réseaux différents, ce qui suscite des difficultés de pilotage et nécessiterait une démarche de labellisation de ces réseaux.
Puis il a recommandé de travailler à la constitution de plateformes multiservices, ce qui permettrait, à terme, de donner corps à la formation tout au long de la vie en réduisant la segmentation entre formation initiale et continue. Estimant qu'elles répondent à un réel besoin, il a également préconisé la généralisation de l'expérience des cités des métiers, signalant que les familles y trouvent des informations utiles à la fois pour l'orientation de leurs enfants mais aussi pour la réorientation professionnelle des parents.
Se fondant sur le besoin d'une certaine spécialisation des acteurs de l'orientation, il s'est ensuite montré réservé à l'égard de la logique du « guichet unique » stricto sensu - sauf à considérer que celui-ci exerce une fonction d'aiguillage auquel cas il se rapproche du concept de « plateforme » qu'il a estimé souhaitable d'encourager.
Il a alors ajouté qu'il convenait de s'interroger sur les relations et la répartition des rôles entre l'Etat et les collectivités locales. Illustrant les pratiques existantes, il a précisé que ces relations, à Lyon, avec le Pôle Rhône-Alpes de l'orientation (Prao) ou à Lille, où a été mise en place la Plateforme régionale d'information sur les métiers (PRIM), étaient institutionnalisées, notamment par le biais du Plan régional de développement des formations (PRDF). D'autres le sont moins mais fonctionnent également avec succès grâce à un partenariat entre l'Etat et la région : il a signalé, par exemple, que le rapport du conseil économique et social de la région Ile-de-France du 16 mars 2009 préconisait de généraliser une démarche qui se rapproche du programme Etoile mis en place dans la région Centre.
Puis, interrogé par M. Christian Demuynck, rapporteur, sur la formation des conseillers d'orientation, M. Bernard Saint-Girons a répondu qu'il était souhaitable que l'ensemble des personnels de l'éducation nationale s'approprient la problématique de l'orientation et que tout établissement scolaire devait avoir un véritable projet d'orientation adossé à des indicateurs permettant d'en évaluer les résultats. Dans un tel contexte, il a montré comment les conseillers d'orientation pouvaient contribuer à nourrir la réflexion collective, sous le pilotage du chef d'établissement, tout en exerçant par ailleurs un rôle de soutien personnalisé pour les élèves en difficulté. Il a insisté sur la nécessité d'améliorer, dans la formation des conseillers d'orientation, la connaissance de l'environnement économique et de les sensibiliser à la démarche de parcours de formation et d'insertion. Il a également estimé que, dans l'hypothèse où le socle de la formation des conseillers d'orientation demeurerait la psychologie, il conviendrait d'organiser un recrutement au « tour extérieur » permettant à d'anciens professeurs ou à des personnes issues du monde de l'entreprise d'intégrer ce corps de fonctionnaires. Puis, revenant sur la nécessité d'« outiller » l'ensemble des enseignants en matière d'orientation et d'y former tout particulièrement les professeurs principaux, il a suggéré de saisir l'opportunité de la « mastérisation » de la formation des maîtres pour mettre en oeuvre cet objectif. Il a souligné que, depuis dix ans, divers rapports insistaient sur la nécessité de faire en sorte que les résultats scolaires ne commandent plus à eux seuls l'orientation et que le moment était venu d'appliquer ces recommandations. Il a également estimé souhaitable d'ajouter dans les plans académiques des exigences relatives à la formation continue des maîtres en matière d'orientation.
Interrogé par M. Christian Demuynck, rapporteur, sur les expériences méritant d'être généralisées, M. Bernard Saint-Girons a alors témoigné qu'à Lille la concertation auparavant trop limitée entre les services de l'emploi, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur avait été particulièrement développée. Il a également cité en exemple les démarches des universités de Paris XII, de Marne-la-Vallée ou de Lyon II qui proposent aux étudiants des plateformes permettant de les guider afin de renforcer la cohérence de leurs projets. Il a conclu son exposé en soulignant que « c'est dans le partenariat que se trouve la clef » qui permettra notamment de réduire le chiffre de 80 000 étudiants qui se retrouvent en situation d'échec dans l'enseignement supérieur.
Mme Christiane Demontès a relativisé le rôle des 4 300 conseillers d'orientation en rappelant qu'il y avait également 15 000 conseillers dans les missions locales. Elle a estimé souhaitable la mise en réseau des acteurs de l'orientation sur les territoires, en créant des lieux de formation communs et d'échanges. Soulignant les cloisonnements qui perdurent dans l'offre de formation professionnelle et les inconvénients de l'éloignement géographique pour les élèves désireux de s'orienter dans certaines filières spécialisées, elle a préconisé de réunir ou de rapprocher géographiquement l'apprentissage, la formation professionnelle et l'enseignement général. Elle a, par ailleurs, estimé que l'échelon régional était le mieux adapté à la coordination des réseaux d'orientation.
Interrogé par M. Christian Demuynck, rapporteur, sur l'organisation de services uniques d'accueil efficaces, M. Bernard Saint-Girons a précisé qu'il n'émettait des réserves qu'à l'égard d'une conception étroite du « guichet unique » et qu'il souhaitait avant tout mettre en évidence l'intérêt des plateformes qui démontrent leur efficacité, notamment à la cité des métiers de la Villette. Il a également observé que l'expérience des lycées des métiers avait permis de diversifier l'offre de formation initiale et continue, en s'inscrivant dans des logiques de parcours de formation et d'insertion professionnelle.
Puis il a recommandé de dédramatiser les réorientations en améliorant la lisibilité des passerelles et en validant la partie de la formation qui a été réussie par l'élève grâce à la mise en place de modules capitalisables. Il a souligné que ces avancées permettraient enfin de sortir de la logique du « tout ou rien » et de donner un espoir aux jeunes sans diplôme en valorisant leur expérience. Citant des exemples concrets, il a rappelé que de nombreux jeunes qui ne parvenaient pas à obtenir le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en raison de leur niveau insuffisant dans les matières générales, n'avaient pas la possibilité d'en valider la partie pratique, même si leur compétence est satisfaisante à cet égard. Afin de diversifier les voies de la certification, il a appelé à revisiter les pratiques conduites par le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) en précisant notamment que cet établissement obtenait des résultats remarquables en matière de poursuites d'études réussies dans l'enseignement supérieur par des titulaires de baccalauréats professionnels.
Evoquant la proposition de son rapport annuel d'activité pour 2008 relatif à la création d'une agence regroupant les moyens de l'Etat dévolus à l'information, à l'orientation et à l'insertion, il a estimé souhaitable de réfléchir au rôle que l'Etat devait jouer dans la définition des grands principes et dans la structuration des grands réseaux en soulignant la nécessité de disposer d'un outil interministériel fédérateur susceptible de rationnaliser et d'élaguer les réseaux en place.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a estimé nécessaire d'en finir avec le déterminisme social de l'échec scolaire en intervenant le plus en amont possible pour soutenir les élèves en difficulté. Puis elle a plaidé pour le rapprochement de l'école et du monde de l'entreprise.
Mme Françoise Laborde, rappelant que tous les professeurs avaient vocation à devenir professeurs principaux, a estimé qu'il conviendrait de généraliser les mesures de formation des maitres à l'orientation et de reconnaitre que la formation est un droit tout au long de la vie.
Mme Maryvonne Blondin a demandé des précisions sur la « masterisation » de la formation des maîtres et sur les mesures à prendre en faveur des jeunes considérés comme en échec scolaire.
M. Bernard Saint-Girons a alors apporté les précisions suivantes :
- les professeurs principaux doivent être préparés de manière systématique à exercer leurs responsabilités. Il convient, à cette fin, de dédier des unités ou des modules à l'orientation dans la formation des maîtres ;
- pour donner une impulsion concrète au principe de la formation tout au long de la vie affirmé dans les textes depuis plus de trente ans, il est souhaitable de développer l'« éducation des choix » de formation ou d'insertion professionnelle ;
- les reprises d'études doivent être encouragées tout en veillant à ne pas replacer les élèves qui ont connu un échec dans les conditions qui les y ont conduits ; parallèlement, il convient de privilégier les dispositifs comme la mission générale d'insertion (MGI) et de perfectionner l'intervention des missions locales.
M. Jean-Marie Lenzi a enfin présenté de brèves remarques en matière de systèmes d'éducation et d'orientation comparés. Il a synthétisé son propos en faisant apparaître le « désavantage comparatif » dont souffre le système français en rappelant, par exemple, que, en Angleterre ou au Danemark, la dichotomie entre CIO et mission locale n'existe pas, ce qui renforce la cohérence des maillons de la chaîne d'orientation.
Mercredi 20 mai 2009
- Présidence de Mme Raymonde Le Texier, présidente -Table ronde sur l'insertion professionnelle des jeunes diplômés
La mission a procédé à une table ronde sur l'insertion professionnelle des jeunes diplômés avec M. Patrick Hetzel, directeur général de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, M. Bruno Lucas, directeur général adjoint de Pôle Emploi, M. Xavier Baux, président de la Chambre syndicale des organismes de formation en alternance, M. Daniel Lamar, directeur de l'Association pour l'insertion professionnelle des jeunes diplômés (AFIJ), Mlle Ophélie Latil et M. Julien Bayou, membres de Génération précaire.
M. Patrick Hetzel, directeur général de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, a d'abord indiqué que sa direction générale avait été récemment rebaptisée pour faire figurer « l'insertion professionnelle des jeunes » dans son intitulé. Il a ensuite rappelé que l'article premier de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007 avait ajouté l'insertion professionnelle des étudiants parmi les missions des établissements d'enseignement supérieur. A cette fin, chaque université doit mettre en place un bureau d'aide à l'insertion professionnelle (BAIP) et se doter d'un schéma directeur de l'insertion professionnelle. Comme certaines universités ne disposaient pas de tels schémas, une circulaire a été diffusée, en novembre 2008, demandant qu'ils soient élaborés au plus tard en février 2009. Leur analyse révèle une volonté nouvelle des universités d'assurer une continuité entre orientation, formation et insertion professionnelle.
Les universités doivent collecter et mettre à la disposition des étudiants l'information qui leur sera utile pour arrêter leurs choix en matière d'orientation. Si les résultats sont contrastés selon les universités, d'importants efforts sont accomplis pour homogénéiser les pratiques. Un groupe de travail vient d'être créé, en partenariat avec le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq), pour approfondir la question de la collecte des données et de leur comparaison entre établissements.
M. Daniel Lamar, directeur de l'association pour l'insertion professionnelle des jeunes diplômés (Afij), a d'abord présenté son association, qui emploie 140 salariés dans une cinquantaine de points relais ; 50 000 jeunes sont inscrits auprès de l'association et 10 000 d'entre eux bénéficient d'un suivi individualisé. Il a ensuite précisé qu'il présidait le groupe « travail-formation » au sein de la commission sur la politique de la jeunesse mise en place par M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut-commissaire à la jeunesse.
Puis il a souligné que les politiques publiques s'adressaient surtout aux jeunes les moins qualifiés et avaient tendance à négliger les jeunes diplômés, dont le poids démographique est pourtant non négligeable : on compte un peu plus de 500 000 bacheliers chaque année et 42 % d'une classe d'âge est titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur.
Il a estimé que 50 % des jeunes diplômés rencontraient des difficultés d'insertion professionnelle, d'une gravité variable. Pour une part, ces difficultés résultent d'un échec en premier cycle universitaire ou en master ou d'un échec aux concours administratifs. Elles peuvent s'expliquer aussi par le caractère trop généraliste de certains diplômes ou par la faiblesse des débouchés de certaines formations. Enfin, des jeunes sont victimes de discriminations à l'embauche, notamment ceux issus des quartiers ou ceux en situation de handicap.
A ce problème structurel d'insertion professionnelle des jeunes s'ajoute, depuis l'automne dernier, un problème conjoncturel : le nombre d'offres d'emploi reçues par l'association a reculé de 40 % entre octobre et mars. Jamais un tel effondrement n'avait été observé au cours des quatorze années qui se sont écoulées depuis la fondation de l'Afij. Une enquête menée auprès des jeunes diplômés en 2008 a montré que seulement 38 % d'entre eux avaient un emploi en février 2009 ; la même enquête, réalisée un an plus tôt, avait montré que 60 % des jeunes diplômés avaient alors un emploi. Les contrats à durée déterminée (CDD) qui étaient autrefois renouvelés ou transformés en contrat à durée indéterminée (CDI) ne sont désormais plus prolongés lorsqu'ils arrivent à leur terme. Les jeunes diplômés en 2009 seront désavantagés lorsqu'ils se retrouveront en concurrence, sur le marché du travail, avec les jeunes diplômés de l'an prochain.
M. Xavier Baux, président de la chambre syndicale des organismes de formation en alternance, a indiqué que son organisation avait été créée en 1994 pour promouvoir les formations en alternance. Il a regretté l'imprécision de certains termes employés pour parler de l'emploi des jeunes : une insertion professionnelle réussie implique-t-elle, par exemple, de recevoir une feuille de paie, de disposer d'un emploi stable ou d'exercer un métier correspondant à son projet professionnel initial ?
Il a souligné que les problèmes d'insertion des jeunes étaient souvent liés à leur manque d'expérience du monde de l'entreprise. S'il a admis que certaines formations pouvaient être trop généralistes, il a insisté sur la nécessité de dispenser aux élèves un enseignement général en complément de leur formation pratique. Il a rappelé que les centres de formation en alternance travaillaient surtout avec des jeunes issus de milieux modestes, qui sont confrontés à des phénomènes de discrimination et ont souvent perdu confiance dans leur avenir. L'alternance constitue un recours pour ces jeunes, dans la mesure où elle leur permet d'acquérir l'expérience professionnelle qui leur fait défaut, de découvrir les réalités de l'entreprise et de reprendre confiance en eux. La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail a observé que le taux d'insertion dans l'emploi durable est de 85 % après un contrat en alternance. Pour conserver ces bons résultats, il a jugé indispensable de maintenir des formations diplômantes et transversales.
M. Bruno Lucas, directeur général adjoint de Pôle emploi, a souligné que le nombre d'offres d'emploi déposées auprès de Pôle emploi avait diminué de 30 % depuis le début de l'année alors que le nombre de demandes d'emploi s'était accru. Il a fait observer que le fait d'être diplômé constituait toujours une protection utile contre le chômage : le taux de chômage des jeunes diplômés est de l'ordre de 8 % alors qu'il s'élève à 31 % pour les jeunes sans diplôme.
Pôle emploi s'efforce de répondre aux problèmes rencontrés par les jeunes demandeurs d'emploi en mobilisant d'abord son offre de services de droit commun (aides à la recherche d'emploi et à la mobilité, suivi individualisé après quatre mois de chômage, etc.). Dans les grandes villes, Pôle emploi dispose en outre d'équipes spécialisées pour aider les jeunes diplômés. Certains sont suivis par l'association pour l'emploi des cadres (Apec), qui est liée à Pôle emploi par une relation de « cotraitance », ou par l'Afij, liée à Pôle emploi par une convention actuellement en cours de renouvellement.
Pôle emploi mène des actions destinées aux jeunes diplômés vivant dans les quartiers difficiles, par exemple l'opération « Nos quartiers ont du talent », conduite en partenariat avec des entreprises signataires de la charte de la diversité.
Enfin, Pôle emploi s'efforce de résoudre le problème d'inadéquation entre les formations et les besoins du marché du travail, en donnant aux jeunes des conseils et des informations sur les métiers et en prescrivant des formations destinées à faire évoluer leurs compétences. Le prochain appel d'offres relatif aux formations délivrées par Pôle emploi va permettre d'accueillir 50 000 jeunes supplémentaires en formation.
M. Julien Bayou, membre de « Génération précaire », a d'abord indiqué que ce collectif avait été créé, fin 2005, pour revendiquer un meilleur encadrement des stages en entreprise.
Il a ensuite rappelé que la loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 avait rendu obligatoires la signature d'une convention de stage et le versement d'une gratification pour les stages de plus de trois mois ; le montant de cette gratification est cependant inférieur à celui du revenu minimum d'insertion (RMI) et n'ouvre droit ni à protection sociale ni à congés. Trois grands problèmes restent à traiter : en premier lieu, les stagiaires ne bénéficient d'aucune protection juridique si leur stage se déroule dans de mauvaises conditions ; en deuxième lieu, l'accès aux stages demeure inégalitaire puisqu'il faut disposer d'un minimum de ressources pour pouvoir effectuer un stage plutôt qu'un job d'été ; enfin, sur le plan macroéconomique, les stages se substituent aux emplois juniors qui permettaient auparavant aux jeunes de débuter leur carrière. Les jeunes qui trouvent des stages pendant leur formation ne parviennent pas toujours à se faire embaucher une fois leur diplôme obtenu.
M. Julien Bayou a ensuite indiqué que « Génération précaire » proposerait, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, que les stages de longue durée soient effectués sous le régime de l'alternance. Evoquant les annonces faites par le Président de la République dans le cadre du « plan d'urgence pour l'emploi des jeunes », il a d'abord estimé que le fait de verser une prime de 3000 euros aux entreprises qui embauchaient en CDI un de leurs stagiaires risquait d'inciter les employeurs à recruter systématiquement leurs futurs salariés d'abord comme stagiaires afin de pouvoir toucher cette prime. Il a approuvé la proposition consistant à verser une gratification pour les stages de plus de deux mois. Il a fait observer que M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, s'était engagé à étendre, par décret, au secteur public les dispositions applicables dans le privé mais a craint que ce texte ne s'applique ni à la fonction publique hospitalière ni à la fonction publique territoriale.
Abordant la question des stages hors cursus, il a expliqué qu'un jeune diplômé qui se résignait à accepter un stage pour s'insérer professionnellement était contraint de s'inscrire fictivement à l'université, afin qu'une convention de stage lui soit délivrée. Jugeant cette pratique assez répandue, il a proposé que les conventions de stage ne puissent plus être signées si l'étudiant n'a pas validé au moins un examen. Il a déploré que les établissements d'enseignement n'aient pas les moyens de contrôler si les stages accomplis par leurs étudiants s'inscrivaient effectivement dans leur cursus de formation.
Il a ensuite dénoncé une forme de dépendance des entreprises aux subventions, les employeurs n'acceptant plus d'embaucher des jeunes qu'en contrepartie d'une aide publique. Après avoir rappelé qu'un stage de six mois coûte seulement 2 400 euros alors qu'un CDD de même durée coûte 10 000 euros, il a souligné que les employeurs trouvaient désormais normal d'exiger des jeunes diplômés qu'ils aient déjà de l'expérience. Il a enfin rappelé que les jeunes de moins de 25 ans ne disposaient d'aucun filet de protection sociale et jugé que leur exclusion du bénéfice du revenu de solidarité active (RSA) présentait un caractère discriminatoire très contestable.
M. Christian Demuynck, rapporteur, a souhaité savoir plus précisément de quelles informations disposaient les étudiants concernant les débouchés des différentes filières de formation, avant de s'interroger sur les modalités du partenariat entre le service public de l'emploi (SPE) et les associations qui s'occupent des jeunes diplômés. Il a ensuite demandé s'il serait opportun de généraliser les stages dans toutes les filières de formation et de créer une structure chargée de centraliser les offres de stage afin de faciliter les recherches des étudiants.
M. Daniel Lamar a estimé que « Génération précaire » soulevait le problème posé par les stages de longue durée, qui se substituent à des emplois, mais négligeait le fait qu'un grand nombre d'étudiants arrivaient à la fin de leurs études sans avoir accompli aucun stage. Certains jeunes ne parviennent pas à en trouver et le problème s'aggrave cette année en raison du contexte général d'attentisme en matière d'embauche. Il a souligné que les jeunes dépourvus de réseau relationnel rencontraient le plus de difficultés et indiqué que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) vient de constituer un groupe de travail pour étudier cette question. Il a suggéré d'interdire le renouvellement des stages d'une durée de plus de six mois et considéré que l'idée de basculer vers un régime d'apprentissage pour les stages d'une durée supérieure était intéressante mais supposait une forte implication des entreprises.
Il a ensuite rappelé que la loi relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi du 13 février 2008 avait prévu une coopération entre Pôle emploi et les associations nationales spécialisées. Il a précisé que le public accueilli par Pôle emploi était un peu différent de celui pris en charge par l'Afij, qui accueille des étudiants et des jeunes diplômés qui ne sont pas nécessairement inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi.
M. Patrick Hetzel a d'abord fait observer que le retournement du marché de l'emploi depuis l'automne 2008 s'était accompagné d'une diminution du nombre d'offres de stages. Il a estimé que l'information sur les débouchés professionnels des filières de formation était disponible mais qu'il fallait maintenant s'attacher à ce que les étudiants s'y intéressent et l'exploitent. Pour éviter une approche trop réductrice du lien entre formations et emplois, il convient de montrer quelles compétences chaque formation permet d'acquérir et quels sont ses débouchés potentiels. Les universités veillent à donner aux étudiants des connaissances de base relatives au monde de l'entreprise, à la bureautique et en langues étrangères.
Au sujet de l'orientation, il a souligné que divers organismes, tels l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) ou le Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente (Centre INFFO), effectuaient un travail considérable, de même que les conseils régionaux, et il a jugé essentiel de mieux articuler l'ensemble de leurs interventions, ce qui est le rôle du délégué national à l'orientation.
M. Xavier Baux a fait remarquer que, dans l'hypothèse où la suggestion de « Génération précaire » relative aux stages de longue durée serait retenue, le contrat de professionnalisation constituerait un outil plus adapté, car plus simple d'utilisation, que le contrat d'apprentissage. Il a souligné que l'apprentissage avait été en léger recul l'an dernier, alors que le nombre de contrats de professionnalisation avait augmenté, malgré la faiblesse des incitations économiques à la conclusion de tels contrats. Il a indiqué que des jeunes titulaires d'un diplôme universitaire se tournaient parfois vers l'alternance, qui leur permet de bénéficier immédiatement d'un revenu et accroît leurs chances d'insertion professionnelle.
M. Bruno Lucas a considéré comme essentielle la coopération entre l'opérateur du service public de l'emploi et les associations nationales spécialisées, car ces dernières se concentrent sur des cibles précises alors que l'action de Pôle Emploi s'exerce en direction de l'ensemble des actifs.
Il a fait observer que les périodes de stages permettaient de confronter le demandeur d'emploi et l'entreprise afin de vérifier son aptitude à occuper le poste tout en procédant à une évaluation de ses capacités.
Mme Catherine Tasca a demandé des précisions sur le contenu du décret relatif aux stages dans la fonction publique d'Etat. Elle s'est également interrogée sur les inégalités d'accès au marché du travail entre les jeunes femmes et les jeunes hommes.
Mme Bernadette Dupont a formulé des réserves sur la capacité des professeurs d'université et des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle à orienter vers le marché du travail les étudiants, compte tenu du caractère non professionnalisant de la plupart des formations dispensées dans les universités. Elle a souligné aussi l'importance de sensibiliser les entreprises aux qualités des diplômés issus de l'université.
Mlle Ophélie Latil, membre de Génération précaire, a fait remarquer que les offres de stages étaient encore nombreuses mais souvent réservées à des jeunes ayant déjà une expérience professionnelle. Elle a indiqué également que les jeunes femmes étaient très souvent interrogées sur leur situation familiale et sociale, au contraire des jeunes gens.
Enfin, elle a précisé que les dispositions du décret précédemment évoqué n'étaient pas encore connues, mais que l'interrogation principale portait sur son application aux fonctions publiques territoriale et hospitalière.
M. Patrick Hetzel a relevé que les universités s'étaient engagées dans une démarche de professionnalisation et d'ouverture à l'environnement, en exerçant leurs missions d'insertion professionnelle en partenariat avec différents acteurs tels que l'AFIJ, l'APEC ou Pôle Emploi. Il a noté également le travail réalisé par certaines associations spécialisées en direction de publics spécifiques, à l'exemple des titulaires de doctorat.
M. Daniel Lamar a indiqué qu'actuellement les jeunes filles représentaient 56 % des diplômés de l'enseignement supérieur, contre 44 % de jeunes gens. Il a précisé que l'AFIJ recevait un public majoritairement féminin, à 66 % et en augmentation régulière depuis cinq ans.
Tout en distinguant les inégalités ressenties de celles réellement subies, il a affirmé que les conditions d'accès à l'emploi demeuraient plus difficiles pour les jeunes femmes, même si les disparités s'étaient atténuées.
Mme Maryvonne Blondin a interrogé les intervenants sur la surévaluation des diplômes et le principe d'une trajectoire linéaire qui caractérisent la société française.
M. Daniel Lamar a fait remarquer que les éléments d'appréciation se fondent sur les indications figurant dans les offres d'emploi en matière de diplômes demandés, tout en soulignant que certains diplômes universitaires n'étaient jamais cités. Il a insisté sur la nécessité d'une diversification du recrutement des entreprises en termes de diplôme et de parcours individuel, pour laquelle une collaboration avec le mouvement des entreprises françaises (MEDEF) a été initiée récemment. Il a déploré ainsi que pour l'instant la décision de recrutement intègre l'ensemble de la durée du cursus, depuis la prise en considération de l'âge d'obtention du baccalauréat jusqu'à celui de la validation du master 2.
M. Christian Demuynck s'est interrogé sur les modalités d'organisation des offres de stages et sur les rôles respectifs des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle et des agences de Pôle Emploi.
M. Daniel Lamar a précisé que les offres de stages proposées par les différents acteurs étaient regroupées sur un site internet, mais que leur nombre était largement insuffisant. Par ailleurs, le réseau relationnel joue un rôle essentiel dans l'octroi des stages, échappant ainsi à toute publication.
M. Bruno Lucas a rappelé que la vocation de Pôle Emploi était celle de l'insertion dans l'emploi et que son action sur l'offre de stages était accessoire au regard d'autres acteurs. Il a toutefois considéré que la fluidité de l'information primait sur des actions centralisatrices.
Table ronde sur l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans qualification et sur les dispositifs d'accompagnement
La mission a ensuite procédé à une table ronde sur l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans qualification et sur les dispositifs d'accompagnement : MM. Bruno Lucas, directeur général adjoint de Pôle Emploi, Jean-Patrick Gille, représentant de l'Union nationale des missions locales (UNML) auprès des pouvoirs publics, président de la mission locale de Tours, président de l'Association régionale des missions locales de la région Centre et député d'Indre-et-Loire et Mme Christelle Tavarès, déléguée générale de l'UNML, MM. Xavier Baux, président de la Chambre syndicale des organismes de formation en alternance, Thierry Berlizot, directeur général de l'Etablissement public d'insertion de la défense (EPiDe) et Mme Estelle Piernas, chargée d'études au département d'aide à la décision de l'EPiDe, MM. Dominique Dujardin, vice-président du Réseau E2C France, directeur de l'E2C en Essonne, Thierry Mourotte, directeur du GEIQ BTP 49 et Mmes Marie-Françoise Rennuit, secrétaire générale du CNCE-GEIQ (groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification), Jeanne Dietrich, conseillère technique à l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Unioppss), Marie-Christine Theron, directrice générale des ressources humaines de SFR, Antonella Desneux, directeur de la citoyenneté de SFR, Agnès Baer, responsable insertion et M. Jérôme Boroy, responsable du programme diversité de SFR.
Après avoir présenté le groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ), M. Thierry Mourotte, directeur du GEIQ, a indiqué que les entreprises participant à la charte du groupement choisissent de recruter des personnes en difficulté d'insertion en contrat à durée déterminée. A l'issue de ce contrat, 69 % de ces personnes trouvent un emploi dans l'une des entreprises adhérentes et 89 % obtiennent un diplôme. Les jeunes sont en général orientés par les centres EPIDe, les conseils généraux et les missions locales. Le principal problème à résoudre est en général lié au « savoir être » de ces jeunes, dont la très grande majorité ne sait pas comment se comporter dans l'entreprise.
M. Bruno Lucas, directeur général adjoint du Pôle emploi, a souligné que le principal obstacle à l'emploi des jeunes est l'absence de diplôme. Le Pôle emploi éprouve au demeurant des difficultés à les approcher. Les plateformes de vocation sont l'une des solutions mises en place. Les 110 plateformes au niveau national couvrent 120 métiers et ont accueilli 43 000 jeunes en 2006, dont 36 % ont ensuite été recrutés. Elles permettent de repérer les compétences, de renforcer la diversité du recrutement, et d'élargir les horizons des jeunes. Les plateformes ont récemment étendu leur champ d'activité à la promotion de la création d'entreprise en accompagnant l'association pour le droit à l'initiative économique (ADIE) dans le programme « Créajeunes ». Les missions locales sont un relais précieux pour orienter les jeunes vers les plateformes.
Après avoir fait le constat que les difficultés d'insertion des jeunes sont réelles, M. Thierry Berlizot, directeur général de l'EPIDe, a estimé qu'elles s'expliquaient par un manque de confiance en soi des jeunes, leur défiance à l'égard de la société, une mauvaise maîtrise du savoir scolaire et une absence de projet porteur de sens. Les établissements Défense deuxième chance ont pour objet de proposer des solutions pour chacune de ces difficultés. Ainsi les jeunes sont tout d'abord rassurés lorsqu'ils parviennent à obtenir leur premier diplôme, comme l'attestation de formation aux premiers secours (brevet de secourisme). Ils sont également bien encadrés, pour être peu à peu mis en situation d'autonomie. La formation dispensée est enfin adaptée à la demande précise de l'entreprise.
M. Dominique Dujardin, vice-président du réseau des écoles de la deuxième chance (E2C) France, directeur de l'E2C en Essonne, a tout d'abord souligné que la proportion de jeunes en situation d'échec scolaire n'était pas plus importante qu'au cours des décennies précédentes. Il a toutefois reconnu que cet échec était aujourd'hui très circonscrit socialement et géographiquement. Par ailleurs, il a fait observer que les emplois auxquels pouvaient auparavant prétendre ces jeunes avaient disparu ou étaient occupés, notamment ceux de cadre C de la fonction publique, par des diplômés.
Il a indiqué que les écoles de la deuxième chance proposaient paradoxalement à des jeunes ayant échoué dans le système scolaire de retrouver les bancs de l'école. Ces écoles, qui fonctionnent depuis plus de dix ans, ont pour ambition de permettre d'acquérir les fondamentaux de base, de travailler sur l'estime de soi et d'assurer une insertion sociale et professionnelle. Elles s'adressent essentiellement à des jeunes âgés de 16 à 25 ans sortis du système scolaire sans qualification ni diplôme, auxquels est proposé un parcours de formation en alternance d'une durée de dix mois, après une période de test de six semaines.
Il a signalé que le réseau E2C France regroupait actuellement seize écoles labellisées, réparties sur quarante-quatre sites de formation, situées dans douze régions et vingt-cinq départements, et installées au sein du tissu économique. En 2008, 5 000 stagiaires ont été accueillis, l'objectif étant d'atteindre rapidement le nombre de 12 000.
M. Xavier Baux, président de la Chambre syndicale des organismes de formation en alternance, a fait remarquer que, parallèlement au flou sémantique qui entoure l'expression de jeune en difficulté ou non qualifié, le risque se pose que les actions menées en direction des publics les plus en difficulté ne se fassent au détriment de ceux qui sont un peu qualifiés.
Il a également dénoncé le problème des contrats dits « orphelins » en raison de l'absence de financement par certaines branches professionnelles alors même que le jeune dispose d'un employeur, cela résultant d'une politique défavorable aux contrats de longue durée. Il a ainsi exhorté à ne pas réserver l'alternance aux formations courtes et aux publics en difficulté, afin d'en faire aussi une voie d'accès à des formations diplômantes.
Enfin, il a relevé différents obstacles rencontrés plus particulièrement par les jeunes sans qualification. Ces obstacles sont tout d'abord d'ordre économique, car ces jeunes se dirigent vers des emplois précaires, voire vers des formes d'économie parallèle. Il a considéré que la formation en alternance doit être encouragée pour l'ensemble des jeunes à condition de protéger les formations longues et diplômantes. Il a constaté que les incitations financières à l'embauche d'un jeune en alternance étaient plus conséquentes si ce dernier était issu d'une grande école plutôt qu'inscrit en première année de baccalauréat professionnel. Enfin, il a appelé de ses voeux la construction de véritables parcours de formation en alternance pour l'ensemble des jeunes.
Mme Jeanne Dietrich, conseillère technique à l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), a mentionné que l'Uniopss avait répertorié, dans le cadre du collectif national « Alerte » dont elle assume le fonctionnement, les principaux obstacles à l'insertion professionnelle des publics les plus fragiles, en termes d'accès aux moyens - santé, logement, réseau relationnel - pour envisager une activité professionnelle, et à l'emploi, notamment au regard des contraintes et des pratiques des entreprises.
A ce titre, elle a formulé cinq préconisations :
- améliorer la formation continue des jeunes peu qualifiés, par exemple en proposant un contrat d'orientation, qui bénéficie d'un suivi renforcé ;
- ne pas orienter de manière systématique les jeunes peu qualifiés vers les métiers dits en tension ;
- renforcer l'accompagnement dans et vers l'emploi des personnes en difficulté, en accordant des crédits supplémentaires aux associations en charge de la lutte contre l'exclusion et en valorisant, y compris financièrement, le tutorat dans les entreprises ;
- modifier les modalités de recrutement des entreprises et de la fonction publique en promouvant la méthode des habiletés qui permet de lutter contre les inégalités ;
- s'assurer des conditions de formation et d'accompagnement dans la mise en oeuvre des contrats en alternance et des contrats aidés.
Elle s'est ainsi réjouie - tout en se déclarant attentive à sa mise en place - de la réforme envisagée par le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui prévoit la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels en direction des publics les moins qualifiés. Elle a considéré que cette mesure ne permettrait pas de résoudre le problème de l'accompagnement des personnes qui ne bénéficient pas pour l'instant d'un financement alors qu'elle permet de lever certains freins en termes de logement et de santé notamment.
Pour conclure, elle a salué le travail remarquable réalisé par les missions locales.
M. Jean-Patrick Gille, représentant de l'Union nationale des missions locales (UNML) auprès des pouvoirs publics, président de la mission locale de Tours et député d'Indre-et-Loire, a tout d'abord relevé que le réseau des missions locales était à la fois connu et reconnu par les jeunes. Composé de 500 missions locales, réparties sur plus de 5 000 lieux d'accueil, il reçoit un million de jeunes chaque année, permettant d'offrir à 48 % d'entre eux une solution en termes de formation ou d'insertion dans l'emploi.
Il a abordé ensuite les difficultés d'exploitation et d'utilisation des données statistiques recueillies, très précisément, dans le cadre du dispositif « parcours 3 », par les conseillers des missions locales.
Il a fait observer l'engagement essentiel des collectivités territoriales en faveur des missions locales, et tout particulièrement des communes qui participent à hauteur de 46 % au financement de leur budget.
Après avoir considéré que le Civis, dispositif d'insertion à l'emploi des jeunes géré par les missions locales, qui bénéficie à près de 700 000 jeunes, était un outil approprié à la cible qui lui avait été assignée, c'est-à-dire les jeunes en difficulté, par une approche locale reposant sur un référent unique et une contractualisation, il suggéré de lever l'ambiguïté contenue dans le terme contrat, puisque ce dispositif ne constitue pas un contrat de travail.
Il s'est interrogé sur les modalités financières de versement de l'allocation prévue dans le cadre du Civis, qui n'ont été appliquées que partiellement en raison du nombre important d'allocataires. L'allocation mensuelle se situe en moyenne autour de 300 euros, alors que le taux maximum est fixé à 900 euros.
Il a souligné que le contrat d'autonomie, géré par des opérateurs privés de placement, rencontrait des difficultés de mise en oeuvre, puisque seuls 8 000 contrats ont été signés sur un objectif de 45 000, et créait des distorsions de traitement entre les jeunes, l'allocation étant fixée à 300 euros par mois pendant six mois. Il a fait observer, par ailleurs, que ce dispositif n'avait pas permis de faire émerger de nouveaux publics éloignés de l'emploi.
Il a précisé que la politique de contractualisation mise en place entre Pôle emploi et les missions locales avait très largement dépassé les objectifs qui lui avaient été fixés. Les missions locales tendent à devenir l'opérateur spécialisé du service public de l'emploi pour l'accompagnement des jeunes.
Tout en approuvant les dispositifs de formation en alternance, il a mis en garde contre toute tentative d'en détourner la finalité qui aurait pour effet d'aubaine de permettre aux entreprises de proposer aux jeunes des emplois moins rémunérés.
Enfin, il a mentionné l'engagement des missions locales en faveur de la lutte contre les discriminations.
Mme Marie-Christine Théron, directrice générale des ressources humaines de SFR, a indiqué - à titre d'exemple - que la société SFR avait mis en place une politique de développement durable autour de l'égalité des chances et de la diversité. Arguant de l'impact de la gamme des produits de cette entreprise sur près de la moitié de la population française, elle a insisté sur l'importance de disposer parmi les collaborateurs d'un échantillon représentatif de la diversité française.
Elle a cité ensuite les actions menées par SFR en amont du recrutement de futurs collaborateurs, en direction des collèges et des quartiers défavorisés, par l'intermédiaire des associations, pour lutter contre la méconnaissance du monde de l'entreprise par les jeunes, considérée comme un obstacle majeur à leur insertion dans l'emploi.
Elle a signalé également la participation de l'entreprise SFR à la mission de promotion des contrats d'apprentissage et de professionnalisation, confiée par le Président de la République au président directeur-général de Véolia, tout en précisant que ces contrats étaient déjà privilégiés au sein de son entreprise, réduisant ainsi la pratique des stages.
Soulignant le rôle du tutorat, et les limites de son développement, elle a suggéré la mise en oeuvre de mesures d'incitation économique en sa faveur, notamment pour les petites et moyennes entreprises pour lesquelles il représente une charge notable.
M. Thierry Mourotte a précisé que, dans l'exercice de ses fonctions, il ne rencontrait aucune difficulté de placement des jeunes dans les entreprises adhérentes du GEIQ. Il a mis en avant les notions de confiance, d'alternance et de durée, qui président aux objectifs des GEIQ. Il a estimé ainsi que l'insertion s'inscrivait dans une certaine durée, à partir d'une formation personnalisée.
Abordant la question du choix de recrutement, il a relevé que l'échec dans les centres de formation des apprentis, qui est de plus de 50 %, devait conduire à envisager une meilleure préparation des futurs apprentis au monde de l'entreprise. Il a considéré que l'organisation, en classe de troisième, d'un stage d'une semaine en entreprise n'était pas suffisante et a encouragé le ministère de l'éducation nationale à proposer aux jeunes susceptibles de s'engager dans la voie de l'apprentissage d'effectuer un stage durant les périodes de vacances scolaires afin qu'ils puissent découvrir les différents aspects d'un métier et de l'entreprise.
Mme Christiane Demontès a souhaité obtenir des précisions sur la politique de recrutement d'apprentis au sein du groupe SFR, ainsi que sur le statut des jeunes inscrits dans les dispositifs de deuxième chance.
Elle s'est interrogée sur les possibilités de généraliser et de valoriser les différentes expériences menées en direction des jeunes en difficulté.
Mme Marie-Christine Théron a mentionné que les contrats d'apprentissage et de professionnalisation représentaient plus de 3 % des effectifs annuels, soit 300 à 350 personnes par an, tout en soulignant que se posait le problème de leur renouvellement et de la diversité du recrutement avec une approche en direction des universités. Les contrats de professionnalisation font l'objet d'un partenariat avec l'Etablissement public de l'insertion de la défense (EPIDe) et les écoles de la deuxième chance. Un apprenti sur trois est engagé au sein de la société SFR à l'issue de sa période de formation, une réflexion est menée pour accroître cette proportion.
M. Dominique Dujardin a précisé que les stagiaires des écoles de la deuxième chance bénéficiaient des dispositions statutaires de la formation professionnelle et relevaient du code du travail.
M. Thierry Berlizot a indiqué que les jeunes accueillis à l'EPIDe ont un statut légal de volontaire pour l'insertion, qui est proche de celui de stagiaire de la formation professionnelle. La rémunération des stagiaires est versée par l'EPIDe sur la dotation qui lui est attribuée par différents ministères. La couverture sociale et médicale du stagiaire est également assurée par l'école.
Il a fait remarquer que le découragement avait très souvent marqué leur parcours scolaire de ces jeunes en dépit des efforts éventuels accomplis et que l'ambition de l'EPIDe était de modifier progressivement cette attitude afin de leur permettre d'accomplir un parcours durable dans l'entreprise, par l'amélioration des conditions d'employabilité et un accompagnement social adapté. Il a ainsi noté, par exemple, que l'obtention d'un logement constituait un facteur de stabilité dans l'emploi.
Il a déploré une forme de méconnaissance des métiers en tension, alors que la découverte de ces métiers résulte en partie de l'approche qui en est faite au sein de l'entreprise.
Mme Christelle Tavares, déléguée générale de l'Union nationale des missions locales (UNML), a insisté sur le fait que la multiplication des contrats à durée déterminée était l'une des voies vers l'emploi durable.
M. Jean-Patrick Gille a conclu en estimant que la problématique de l'insertion des jeunes devait être traitée de manière globale, dans une logique de contractualisation, et s'inscrire dans une dynamique territoriale.