Mardi 28 avril 2009
- Présidence de Mme Raymonde Le Texier, présidente -Table ronde avec des représentants de syndicats représentatifs nationaux de salariés
La mission d'information a organisé la tenue d'une table ronde avec des représentants de syndicats représentatifs nationaux de salariés.
M. Christian Demuynck, rapporteur, a indiqué qu'il souhaitait aborder successivement trois thèmes : la formation initiale des jeunes, leur accès à l'emploi, puis leur engagement civique. Abordant le premier thème, il a demandé en particulier si les organisations syndicales étaient favorables à un resserrement des liens entre l'école et le monde de l'entreprise, notamment par un recours plus fréquent aux stages et un développement des formations en alternance.
M. Hervé Garnier, représentant de la confédération française démocratique du travail (CFDT), a indiqué que son organisation était favorable à un tel rapprochement et a déploré que ces deux univers, trop cloisonnés, aient souvent tendance à s'ignorer. Il a souhaité que la France s'inspire des pratiques en vigueur dans d'autres pays européens, où les allers et retours entre le monde du travail et la formation sont beaucoup plus fréquents.
Au sujet de l'alternance, il a estimé qu'elle constituait une solution, parmi d'autres, au problème de l'emploi des jeunes, à condition de ne pas être utilisée de façon un peu artificielle pour faire baisser les chiffres du chômage.
Mme Catherine Dumont, représentante de la confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres (CFE-CGC), a d'abord souligné que l'orientation était encore largement contrainte par l'offre de formation puis elle a déploré qu'elle ne prenne pas suffisamment en compte le parcours des jeunes. Elle s'est ensuite prononcée en faveur d'une organisation de l'enseignement sous forme de modules, afin de pouvoir reconnaître les acquis des jeunes même s'ils n'ont pas obtenu leur diplôme. Elle a également jugé utile que l'apprentissage se développe, y compris dans l'enseignement supérieur. Rappelant que nombre d'apprentis peinaient à trouver une entreprise d'accueil, elle a suggéré que les universités aident leurs étudiants dans leur recherche d'une place d'apprentissage. Pour que leur formation ne débouche pas sur une période de précarité, l'entreprise devrait avoir un poste à offrir au jeune apprenti une fois qu'il a obtenu son diplôme.
Mlle Géraldine Miralles, représentante de la confédération générale du travail-force ouvrière (CGT-FO), a plaidé en faveur d'une meilleure information des jeunes sur les structures d'orientation ; un petit livret d'information pourrait leur être remis à cet effet. Elle a mis en garde contre le risque que l'orientation ne se transforme en une sélection par l'échec et a proposé que les jeunes disposent de plus d'informations sur les métiers d'avenir. Des spécialistes du monde du travail devraient, dans ce but, faire partager aux jeunes leurs connaissances. Elle a également souhaité que les métiers manuels soient revalorisés, au motif qu'ils offriront toujours des débouchés. En ce qui concerne les stages, elle a noté qu'ils permettaient une meilleure connaissance de l'entreprise mais qu'ils pouvaient aussi donner lieu à des dérives et se substituer à des embauches.
Mme Raymonde Le Texier, présidente, a estimé que les stages permettaient de découvrir les codes de l'entreprise mais qu'ils ne constituaient sans doute pas une solution adaptée pour les jeunes qui ont achevé leur parcours de formation.
M. Fabrice Hallais, représentant de la confédération générale du travail (CGT), a d'abord indiqué que son organisation était favorable à un droit à l'éducation et à une sécurisation des parcours professionnels pour permettre une qualification tout au long de la vie, qui pourrait passer par l'attribution d'un droit individuel à la formation (Dif) aux jeunes avant qu'ils ne soient salariés. Concernant les stages, il a estimé que ceux effectués en cours de formation étaient, le plus souvent, de simples stages d'observation, peu formateurs, et que ceux effectués hors cursus étaient un moyen pour les entreprises de disposer d'une main d'oeuvre à faible coût. Au sujet des formations en alternance, il a fait observer que les contrats de professionnalisation étaient généralement des contrats à durée déterminée, rémunérés à un niveau inférieur au Smic, et en a conclu qu'ils pouvaient donc être facteurs de précarité. Il a appelé de ses voeux l'organisation d'un « Grenelle de la formation » afin d'apporter des garanties nouvelles aux jeunes salariés en formation.
M. Christian Demuynck, rapporteur, a souhaité connaître l'analyse des organisations syndicales concernant les causes des difficultés d'insertion professionnelle des jeunes et les moyens d'y remédier. Il a ensuite souhaité savoir s'ils avaient des propositions à formuler pour réduire la précarité sociale des jeunes et s'il était possible d'améliorer l'indemnisation des jeunes demandeurs d'emploi.
M. Hervé Garnier a souligné que le marché du travail français était cloisonné et qu'il excluait les jeunes et les seniors. Il a ensuite jugé injustifiées les différences de traitement entre les jeunes, selon qu'ils sont âgés de plus ou de moins de vingt-six ans, par exemple en ce qui concerne le versement du revenu de solidarité active (RSA). Il a dénoncé l'existence d'une forme de « bizutage social » au moment de l'entrée des jeunes dans la vie active.
Puis il a proposé la création d'un dispositif « jeunes actifs », qui offrirait à chacun de ses bénéficiaires, dans un cadre contractualisé, un emploi, une formation ou un engagement dans le service civique, accompagné d'un revenu qui serait fonction de la situation individuelle du jeune. Ce revenu pourrait être versé sous la forme d'une allocation de formation ou via le RSA, et constituerait un utile investissement pour l'avenir.
Il a insisté sur les difficultés que rencontrent les jeunes pour se loger : dans la mesure où les changements de locataires sont plus fréquents dans les logements de faible superficie, leurs propriétaires ont plus souvent l'occasion de réviser leur loyer, ce qui explique que ces logements soient relativement plus coûteux que les logements de grande dimension.
Réagissant au « plan d'urgence » présenté récemment par le Président de la République en faveur de l'emploi des jeunes, il a estimé qu'il constituait une réponse conjoncturelle, qui ne permettrait pas de traiter les problèmes de fond. S'il a considéré que certaines mesures étaient positives, il a aussi mis en garde contre le risque d'effets d'aubaine induit par le versement de nouvelles primes pour l'embauche de jeunes. Il s'est interrogé sur la responsabilité sociale des entreprises face au problème de l'emploi des jeunes et sur le financement des mesures annoncées.
Mme Catherine Dumont a d'abord déploré que trop de jeunes s'engagent dans des filières sans débouchés ou offrant des formations obsolètes. Elle a ensuite plaidé en faveur d'une harmonisation européenne des diplômes et pour un développement des programmes européens, comme Erasmus, qui permettent d'acquérir une ouverture à l'international.
Les jeunes sortis du système scolaire devraient, quant à eux, bénéficier d'un accompagnement de qualité, qui ne doit pas être confondu avec de l'assistanat. Il serait utile, à cet égard, que les conseillers des missions locales disposent d'une formation économique et pas seulement d'une formation dans le domaine social.
Pour lutter contre la précarité, un travail conjoint des différents acteurs est nécessaire, ce qui suppose une forte volonté politique. Des partenariats devraient notamment être établis, dans les bassins d'emploi, entre l'éducation nationale et les acteurs de l'insertion professionnelle.
Mme Catherine Dumont a ensuite estimé que les emplois-jeunes, créés à l'époque du gouvernement de M. Lionel Jospin, avaient eu quelques vertus : ils étaient d'une durée suffisamment longue pour permettre à un jeune de découvrir un métier et exercer une fonction dans un cadre précis.
Elle a ensuite proposé que soient créées des « plates-formes de mobilisation aux métiers », qui permettraient aux jeunes de découvrir concrètement un métier, avec toutes les contraintes qu'il comporte.
Au sujet du plan d'urgence pour l'emploi des jeunes, elle a estimé qu'il s'agissait d'une mesure ponctuelle, utile cependant pour faire face à la crise.
Enfin, s'agissant de l'indemnisation du chômage, elle s'est félicitée que la nouvelle convention d'assurance chômage ouvre droit à une indemnisation à compter de quatre mois d'affiliation, puis elle a proposé de réformer les différents fonds qui versent des prestations aux jeunes, afin que leurs interventions se complètent dans une démarche d'accompagnement.
Mlle Géraldine Miralles a insisté sur le problème posé par le travail des étudiants, puis a fait part de la réaction de son organisation au plan présenté par le Chef de l'Etat : pour Force ouvrière, ce plan présente certes des aspects positifs, mais il est insuffisant face à l'ampleur des enjeux. Evoquant l'indemnisation des jeunes demandeurs d'emploi, elle a souligné que se posait aussi la question du rôle joué par Pôle emploi dans la nouvelle architecture du service public de l'emploi.
M. Fabrice Hallais a indiqué que son organisation soutenait la proposition de l'Union nationale des étudiants de France (Unef) de créer une allocation d'autonomie. Les dispositifs actuels, notamment fiscaux, bénéficient beaucoup aux familles favorisées mais ne permettent pas d'aider l'ensemble des jeunes.
Concernant l'accès à l'emploi, il a défendu la création d'une allocation de recherche d'emploi, qui éviterait aux jeunes de devoir se contenter de « petits boulots » faiblement rémunérés, en attendant mieux. Il a ensuite affirmé que certains employeurs se réjouissaient à l'idée de pouvoir profiter de la crise pour embaucher des jeunes à moindre coût.
Enfin, il a déploré que le plan d'urgence présenté par le Président de la République ne comporte aucun volet consacré au logement. La CGT propose d'augmenter le nombre de logements dans les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) et de réserver 30 % des programmes de construction de logements neufs aux jeunes salariés.
M. Christian Demuynck, rapporteur, a souhaité connaître la position des autres organisations syndicales concernant la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes.
Mme Raymonde Le Texier, présidente, a demandé si la CGT approuvait la proposition de l'Unef de financer l'allocation d'autonomie par la suppression de la demi-part fiscale dont bénéficient les familles ayant un enfant à charge, au titre de l'impôt sur le revenu.
M. Hervé Garnier a indiqué que le « revenu du jeune actif » préconisé par la CFDT obéissait à une logique différente. Ce revenu serait versé en contrepartie d'engagements contractuels et viendrait en appui d'un parcours. La CFDT est opposée à la création d'une allocation universelle et égalitaire qui ne répondrait pas à la diversité des situations.
Mme Catherine Dumont a déclaré que son organisation était, elle aussi, opposée à la création d'une allocation versée à tous les jeunes sans distinction. Il est préférable d'examiner les difficultés de chaque jeune et de prévoir une aide adaptée, en ayant le souci de permettre à chacun de vivre décemment.
Mlle Géraldine Miralles a indiqué que FO partageait le même point de vue : l'allocation d'autonomie devrait être liée à certaines contreparties. Se poserait par ailleurs la question du maintien ou non des aides existantes, telles que les bourses ou les aides au logement.
Soulignant que la question de l'allocation d'autonomie était différente de celle du RMI jeunes, M. Fabrice Hallais, a insisté sur l'intérêt de l'étude produite par l'Unef relative à cette question, qui préconise la mise en place d'un accompagnement à l'insertion des jeunes dans la vie active. Alors que l'on peut voter et conduire à 18 ans, on dépend encore de sa famille du point de vue fiscal et social, ce qui n'est pas favorable à l'autonomisation des jeunes.
A la question de M. Christian Demunyck, rapporteur, qui souhaitait savoir si la politique de contractualisation entre l'État, les jeunes et les entreprises devait être renforcée, M. Hervé Garnier a répondu que les dispositifs mis en place depuis une trentaine d'années avaient été peu incitatifs et que la situation actuelle était catastrophique : le chômage des jeunes diplômés en banlieue a ainsi augmenté de 104 % depuis le début de la crise, avec des effets sociaux dramatiques. Il paraît donc cohérent de passer à une logique où les projets ne sont plus décidés de manière verticale, mais sont issus d'une volonté partagée de l'Etat et des partenaires sociaux.
Remarquant que la CFE-CGC s'était déclarée favorable aux emplois-jeunes, M. Jean-François Voguet a souhaité connaître la position des autres organisations syndicales sur cette politique, sur la question de savoir si un lien entre les exonérations de charge et l'embauche de jeunes devait être établi et si le service civique devait constituer une mesure obligatoire. Les réponses suivantes ont été apportées :
- M. Fabrice Hallais a estimé que les emplois des jeunes devaient être des contrats à durée indéterminée et que la crise ne devait pas inciter les entreprises à rendre plus précaire la situation des jeunes. La CGT est donc opposée à des emplois jeunes qui seraient des CDD ; elle est par ailleurs réservée quant à la mise en place d'un service civique qui serait un moyen de faire travailler des jeunes à bas prix ;
- M. Hervé Garnier a considéré que le développement des emplois-jeunes n'était pertinent que dans le secteur marchand où il existe de réels débouchés, et a estimé que des contreparties devaient être demandées aux entreprises, notamment en matière de réduction du temps partiel contraint. La CFDT est, en outre, favorable au service civique facultatif qui constitue un moyen de satisfaire les besoins d'accompagnement exprimés par certains jeunes ;
- Mlle Géraldine Miralles a remarqué que si FO ne pouvait que s'opposer à un retour des emplois-jeunes « ancienne formule », un reformatage pertinent du dispositif pourrait être accueilli avec bienveillance, et elle a insisté sur le fait que la mise en place d'un service civique devait être conditionnée par l'existence d'une contrepartie en matière de formation et d'acquisition de qualifications.
Mme Christiane Demontès a regretté que le débat sur la formation professionnelle initiale soit souvent limité à l'alternance et souhaité connaître la position des différentes organisations sur l'intérêt de rémunérer les lycéens professionnels et sur la place respective de l'entreprise et de l'école dans la formation. Les réponses suivantes ont été apportées :
- Mme Catherine Dumont a considéré que la formation par les entreprises devait être exercée avec le soutien de tuteurs au sein de l'entreprise et a noté que la rémunération des élèves en alternance était extrêmement faible ;
- Mlle Géraldine Miralles a considéré que la filière du lycée professionnel devait être sérieusement revalorisée et que l'entreprise ne saurait constituer le lieu unique d'acquisition des savoirs ;
- M. Hervé Garnier a reconnu que la formation professionnelle sous statut scolaire était un enjeu majeur et que l'alternance n'était pas une solution unique ; elle a ensuite insisté sur l'importance de la reconnaissance respective de l'école et de l'entreprise pour assurer le succès de la formation professionnelle initiale ;
- M. Fabrice Hallais a considéré que la rémunération des lycéens professionnels était une bonne idée et a regretté que l'apprentissage ne soit bien souvent plus gratuit pour les jeunes en raison de la multiplicité des frais occasionnés.
M. Jacques Mahéas a profondément déploré qu'en dépit du principe de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, de nombreux élèves y échappent notamment à travers l'absentéisme et il a considéré comme un enjeu fondamental de notre société que le chômage ne soit plus la première expérience d'un jeune après ses études.
Mme Raymonde Le Texier, présidente, a estimé que les ruptures d'apprentissage en cours d'année étaient trop nombreuses et que l'une de leurs causes résidait dans la maltraitance dont les apprentis peuvent faire l'objet.
Mme Catherine Dumont a expliqué que les maltraitances étaient souvent dues à la méconnaissance respective des codes de l'école et de la société : certaines entreprises confient ainsi des tâches très subalternes et inadaptées aux jeunes apprentis en raison de leur propre incapacité, à les former souvent par manque de temps, alors que ces jeunes sont parfois très éloignés du mode de fonctionnement de l'entreprise.
M. Hervé Garnier a considéré qu'il était du devoir de l'éducation nationale de se pencher sérieusement sur les causes des ruptures d'apprentissage. S'agissant des cas de maltraitances, verbales ou physiques, les mesures répressives existantes doivent être utilisées pour y mettre fin.
Mme Elvida Arnaud a enfin insisté sur l'importance de la formation des formateurs des centres pour apprentis et a considéré que l'encadrement de ces derniers devait être constitué d'un tuteur pour la vie professionnelle et d'un parrain pour les considérations plus personnelles.
Audition de M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut commissaire à la jeunesse
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut-commissaire à la jeunesse.
M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut commissaire à la jeunesse, a tout d'abord fait valoir que les difficultés rencontrées par les jeunes font l'objet d'un constat unanimement partagé par les partis politiques, toutes tendances confondues, ainsi que par les organisations syndicales de salariés, étudiantes et patronales. Ces difficultés portent en particulier sur l'insertion dans l'emploi et concernent tous les jeunes quel que soit leur niveau de qualification, puisque les jeunes diplômés peinent aussi à trouver un emploi durable. Ce constat s'amplifie dans le contexte actuel de crise.
Les jeunes font l'objet de « politiques de l'entre-deux », qui ne permettent pas de désigner une autorité responsable de la continuité des parcours. En cas d'échec, le « passage de témoin » - entre l'éducation nationale, les missions locales, plus généralement, et le service public de l'emploi - est souvent mal assuré. Il en résulte une situation préoccupante pour certains jeunes qui sont « abandonnés » par le système, sans prise en charge.
La commission de concertation en faveur de la jeunesse s'est précisément donné pour objectif d'assurer la continuité de la prise en charge entre les sphères éducative et socioprofessionnelle, encore trop cloisonnées.
A cet égard, l'orientation constitue le problème central, les dysfonctionnements de son organisation étant le révélateur d'une situation typiquement française. Les propositions d'orientation s'apparentent le plus souvent à des choix fermés sur des voies qui réduisent le champ des possibles. Le système présente l'inconvénient de conduire à la sélection et à la spécialisation.
M. Martin Hirsch s'est dit pour sa part favorable à une « dédramatisation du moment de l'orientation », qui est souvent vécue comme un choix irréversible. Afin que tel ne soit pas le cas, il faut faire en sorte de créer des passerelles entre les filières et de mieux reconnaître les qualités acquises, étape après étape, au cours des différents cursus de formation et du parcours professionnel.
Par ailleurs, il a reconnu la complexité et le manque de lisibilité des dispositifs actuels, qui s'appuient sur une quarantaine de réseaux, composés de près de 4 000 antennes sur le territoire national, dont il est malaisé d'identifier et de différencier les rôles.
En ce qui concerne les difficultés financières rencontrées par certains jeunes, il s'est dit réservé sur la création d'une allocation qui se substituerait à une activité professionnelle ou à la poursuite d'une formation. Il a défendu l'idée d'une allocation assortie d'un contrat visant à soutenir et favoriser la formation et l'insertion professionnelle des jeunes.
Il a toutefois indiqué que le choix de la collectivité susceptible d'accepter une telle responsabilité n'était pas encore tranché. Cela suppose, en effet, que l'autorité responsable trouve un intérêt à ce que le système fonctionne. Dans le cas du revenu de solidarité active (RSA) et des politiques d'insertion, les conseils généraux sont indéniablement intéressés au résultat, l'efficacité des politiques mises en oeuvre devant permettre de dégager des marges de manoeuvre budgétaires. A l'inverse, le retour sur investissement des politiques en faveur de la jeunesse est plus diffus et difficilement imputable à telle ou telle collectivité. Il faudra donc qu'une collectivité s'engage de manière claire à endosser cette responsabilité et à être évaluée.
Puis, M. Martin Hirsch a expliqué que, dans un second temps, la commission de concertation sur la jeunesse ferait des propositions plus précises dans les domaines de l'orientation, de l'insertion et sur la question de l'autonomie financière.
M. Christian Demuynck, rapporteur, est convenu de la complexité et du manque de lisibilité du système d'orientation.
Puis il a souhaité savoir si le Gouvernement prévoit une évaluation des dispositifs et politiques existants, dont le coût pour la collectivité a été estimé, en 2002, par la commission de M. Jean -Baptiste de Foucauld, à près de 32 milliards d'euros.
Evoquant ensuite l'objectif de la commission de concertation de « traiter les jeunes comme des adultes à part entière », il a demandé s'il ne serait pas préférable, dans cette optique, de favoriser leur accès aux structures de droit commun (Pôle emploi, RSA...), plutôt que de prévoir des dispositifs ou structures qui leurs soient réservés (mission locales, emploi jeunes...) et qui peuvent avoir pour effet pervers de retarder leur entrée dans la vie adulte.
Il s'est également enquis des mesures prévues en direction des jeunes sortis sans qualification du système scolaire ainsi que des premiers résultats des contrats d'autonomie expérimentés par le secrétariat d'Etat à la ville dans les zones urbaines sensibles (ZUS).
En outre, Il a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes sur le modèle retenu par certains pays européens.
Par ailleurs, M. Christian Demuynck, rapporteur, s'est dit plutôt favorable à la proposition de financer une seconde vague d'emplois jeunes dans les collectivités territoriales en insistant toutefois sur la nécessité de les accompagner systématiquement d'une formation et de prévoir un débouché sur un emploi durable.
Il a souhaité recueillir l'avis du Haut commissaire sur l'arbitrage entre des mesures contraignantes de « discrimination positive », telles que les quotas, et des mesures plus incitatives (charte, diffusion des bonnes pratiques,...) pour favoriser l'embauche des jeunes les plus en difficulté (jeunes résidant en zone urbaine sensible, ZUS, ou issus de l'immigration...).
Enfin, il a évoqué la possibilité de supprimer les stages pour les jeunes en recherche d'emploi, estimant qu'ils devraient avoir directement accès, dès la fin de leurs études, à un véritable contrat de travail, comme c'est le cas dans de nombreux autres pays européens. En contrepartie, les stages seraient renforcés pour les jeunes en cours de formation afin qu'ils arrivent sur le marché du travail avec une expérience professionnelle.
M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut commissaire à la jeunesse, a dit procéder à une estimation de la somme consacrée actuellement aux politiques de jeunesse par la collectivité, indiquant qu'il approuvait pleinement le principe d'une évaluation des dispositifs existants. En tout état de cause, les résultats ne sont guère satisfaisants si l'on compare les montants investis et le taux de pauvreté des jeunes, la proportion de ceux qui accèdent à l'enseignement supérieur et la durée moyenne de leur insertion dans l'emploi durable.
Les dispositifs spécifiques, tels que les écoles de la deuxième chance (E2C) que le Gouvernement souhaite développer, feront l'objet d'une évaluation systématique. Cette dernière consistera à comparer la situation des jeunes ayant bénéficié de ce dispositif avec celle des publics accompagnés par les missions locales.
Par ailleurs, une étude est en cours sur la rupture anticipée des contrats d'apprentissage et de professionnalisation, qui concerne en moyenne 20 à 25 % des jeunes recevant une formation en alternance, le taux d'échec s'échelonnant de 10 à 40 % selon les secteurs d'activité. Il s'agit de prévenir ces situations afin de mieux assurer la continuité des parcours. L'évaluation, mise en oeuvre depuis un an en partenariat avec l'Ecole d'économie de Paris, la mission locale de Tulle et le centre de formation des apprentis (CFA) des Quatre Vents, et qui devrait concerner environ trois cents jeunes chaque année, vise à déterminer l'impact des mesures de prévention des ruptures sur la qualité de l'insertion professionnelle des élèves apprentis.
En outre, plusieurs membres du Gouvernement ont co-signé une circulaire relative à la prévention du décrochage scolaire et à l'accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire, qui sera applicable dès la prochaine rentrée scolaire. Plus de 10 millions d'euros y seront consacrés, afin qu'aucun jeune ne reste sur le bord du chemin.
A la question de savoir si les jeunes doivent être traités comme des adultes à part entière et être orientés de préférence vers des structures de droit commun plutôt que vers des dispositifs spécifiques, M. Martin Hirsch a répondu de façon nuancée que les faits conduisaient à penser qu'il fallait privilégier le partenariat entre ces différentes structures. Il revient en effet aux missions locales d'apprécier au cas par cas la situation des jeunes qu'elles accueillent et de les orienter, si nécessaire, vers le système éducatif, le Pôle emploi ou encore des organismes de formation. Au final, l'évaluation des dispositifs portera sur le nombre de jeunes ayant trouvé une solution au cours de l'année, en tenant compte des publics accueillis et du niveau des difficultés qu'ils rencontrent. A cet égard, il a regretté que les structures spécialisées (missions locales, centres d'information et d'orientation -CIO- ...) fonctionnent encore trop souvent en circuit fermé.
S'agissant du contrat d'autonomie, il a indiqué que sa mise en oeuvre ne permet pas encore de disposer d'éléments d'appréciation substantiels et d'en comparer l'efficacité par rapport à d'autres dispositifs tels que le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis). Soulignant la pertinence du principe qui prévoit un contrat équilibré entre le jeune et l'Etat (engagement contractuel du signataire à s'insérer, en contrepartie d'un accompagnement et du versement d'une allocation), il a signalé que l'objectif de 4 500 signatures n'a été atteint qu'à 70 %.
Puis il a fait valoir l'intérêt des contrats aidés qui, à condition que les collectivités territoriales s'engagent à ce qu'ils soient suivis d'une formation ou qu'ils débouchent sur emploi durable, peuvent être activés rapidement et répondre, de façon immédiate, aux difficultés d'embauche que rencontrent les jeunes dans le contexte de crise actuel. Il a également suggéré que les trois fonctions publiques recourent davantage aux contrats en alternance, encore peu développés aujourd'hui (6 000 seulement). La formation en alternance pourrait ainsi être proposée aux jeunes à la fin de leur contrat aidé. Plusieurs secteurs offrent des perspectives en la matière, en particulier dans la fonction publique hospitalière (métiers des filières sanitaires et sociales, infirmières, aides-soignants, etc.). L'alternance présente de surcroît l'avantage d'offrir des possibilités de logement aux jeunes qui le souhaitent.
S'agissant de la lutte contre les discriminations, il s'est dit favorable aux dispositifs qui visent à créer les conditions d'une véritable égalité des chances pour les jeunes issus des lycées ou collèges implantés en ZUS et qui n'ont pas démérité. Il a dit préférer la démarche qui consiste à réserver une partie des places dans les filières d'excellence pour 10 % des meilleurs élèves de ces établissements, plutôt que de fixer des quotas en fonction de l'origine ethnique.
Il a ensuite rappelé que plusieurs mesures ont été annoncées par le Président de la République concernant les stages, qui constituent une étape décisive dans le parcours des jeunes : rémunération des stages dès le deuxième mois avec une gratification égale au minimum à 30 % du SMIC et versement d'une aide ponctuelle de 3 000 euros pour les entreprises pour toute embauche de jeunes stagiaires en contrat à durée indéterminée (CDI), entre le 1er mai et la fin du mois de septembre 2009.
Mme Bernadette Dupont a souligné la difficulté des jeunes à quitter leur environnement (famille, amis, etc.), ce qui peut représenter un frein considérable pour leur formation et leur insertion professionnelle. Elle a indiqué que la mission locale de Versailles a développé des actions spécifiques dans ce domaine, visant à favoriser la mobilité des jeunes, y compris au sein de l'Union européenne.
M. Martin Hirsch a confirmé la réalité de cette situation, qui s'explique davantage par la culture française que par de réels obstacles matériels. Toutefois, l'éloignement de certaines zones rurales ou urbaines peut justifier la mise en oeuvre de politiques spécifiques en faveur de la mobilité des habitants de ces régions, souvent mal desservies et coupées des bassins d'emploi. Il a ainsi mentionné l'exemple des mesures prises par le conseil général de la Côte-d'Or pour favoriser la mobilité des habitants du Châtillonnais (financement du permis de conduire, aide à l'acquisition d'un deux-roues ou d'une voiture, développement des transports publics, ...). Il a également rappelé que 10 % des crédits destinés au financement de l'aide personnalisée de retour à l'emploi seraient versés sous forme de primes à la mobilité aux allocataires du RSA. Pour les moins de 25 ans, il s'est engagé à financer 10 000 permis de conduire en partenariat avec l'entreprise Total.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a approuvé les mesures annoncées par le Président de la République en faveur du développement des formations en alternance, souhaitant qu'elles ne soient pas de simples réponses conjoncturelles mais permettent des évolutions à plus long terme. Elle a suggéré qu'un accompagnement spécifique soit systématiquement assuré par un tuteur ou un référent nommé par le CFA pour prévenir les ruptures des contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Elle a fait valoir l'importance du rôle de suivi que jouent les missions locales et les points accueil information orientation (PAIO) qui, à la fois, procèdent à un diagnostic, proposent une orientation et contribuent à la préparation psychologique des jeunes à l'entrée sur le marché du travail. Elle a souligné, à cet égard, la nécessité de faire évoluer les représentations des jeunes sur le monde du travail, en particulier par une sensibilisation plus précoce - avant 16 ans - à l'univers de l'entreprise.
M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut-commissaire à la jeunesse, a rappelé qu'il existe déjà un système de tutorat dans le cadre des contrats d'apprentissage et de professionnalisation.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a objecté que ce système ne fonctionne souvent pas de façon optimale, les problèmes les plus fréquents étant observés dans le secteur de la restauration.
M. Martin Hirsch est convenu de ce que les conditions de travail mériteraient d'être améliorées dans certains secteurs. Ce sujet devrait d'ailleurs faire l'objet d'un accord, actuellement en cours de signature. Par ailleurs, la diminution du nombre de référents extérieurs expliquerait une partie de la recrudescence des ruptures anticipées de contrats. L'expérimentation en cours à Tulle devrait confirmer cette hypothèse et, ce faisant, permettre au Gouvernement de prendre les décisions appropriées en la matière.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a fait valoir les excellents résultats des programmes TRACE (Trajectoire d'accès à l'emploi) mis en oeuvre en 1999 et abandonnés depuis lors et qui s'inscrivaient pourtant dans cette même logique de continuité des parcours et de suivi.
M. Martin Hirsch a fait observer que le coût de l'accompagnement et la nécessaire formation des référents en entreprise ne devaient pas être sous-estimés. Avant de s'engager dans une politique globale et coûteuse, il a dit préférer expérimenter les modèles sur des territoires volontaires afin de pouvoir en évaluer la pertinence et l'efficacité, et justifier ensuite un investissement massif de la collectivité.
Il s'est également montré favorable à un rapprochement de l'école et de l'entreprise, s'interrogeant sur ses modalités concrètes.
Mme Christiane Demontès a tout d'abord rappelé que chaque région doit signer avec l'Etat une convention d'objectifs et de moyens concernant le tutorat dans le cadre des formations en alternance et relatives aux formations nécessaires pour offrir un accompagnement de qualité.
M. Martin Hirsch a précisé que la date de signature desdites conventions a été avancée et devrait permettre à l'Etat de consacrer, dès cette année, une enveloppe de 100 millions d'euros au titre de ce type de formations.
Mme Christiane Demontès a souhaité savoir à quelle collectivité incomberait la responsabilité de garantir la continuité des parcours et de valider les acquis à chaque étape. Elle s'est également inquiétée de l'absence de mesures d'urgence pour les jeunes diplômés qui peinent à trouver un emploi, en particulier lorsqu'ils résident dans les quartiers populaires. Elle a fait valoir la nécessité de mobiliser les employeurs pour recruter ces jeunes au plus vite, afin que leur parcours exemplaire soit récompensé. A l'inverse, l'absence de réponse, pour ces jeunes qui n'ont pas démérité, risquerait d'avoir des conséquences dramatiques, en particulier pour la motivation de la génération suivante, pour laquelle ils sont un modèle à suivre.
M. Jacques Mahéas s'est inquiété de l'inadéquation persistante des filières aux besoins du marché du travail, qui conduit à la situation paradoxale d'un chômage élevé et d'emplois non pourvus. Il a plaidé en faveur d'une évolution profonde de l'éducation nationale sur ce point, et, en particulier, de l'orientation. Il a également déploré que les antennes du Pôle emploi soient trop souvent difficiles d'accès, faute de réseaux de transport à proximité, et que les emplois se concentrent dans certaines villes au détriment d'autres qui se retrouvent sans emploi. Il a souhaité que les bassins d'emploi soient mieux reliés aux villes interstitielles dont le taux de chômage est élevé et que les entreprises soient davantage incitées à s'y installer. Face à la volonté du Gouvernement de développer les formations en alternance, il a fait observer la difficulté de trouver des candidats souhaitant s'orienter vers ce type de formation.
Il a souhaité que des solutions soient apportées afin de réduire le nombre d'élèves - souvent issus de milieux défavorisés - qui se retrouvent, avant 16 ans, en situation de décrochage scolaire.
En outre, il s'est félicité que l'Etat s'engage à participer au financement des E2C, alors que tel n'était pas le cas auparavant.
Enfin, évoquant la difficulté des jeunes à trouver un stage dans la commune dont il est l'élu, il a suggéré de contraindre les entreprises à recruter des stagiaires.
M. Jean Desessard s'est interrogé une nouvelle fois sur la logique qui a conduit le Gouvernement à supprimer certaines formations professionnelles (maintenance d'ascenseurs, traitements contre l'amiante, maintenance des éoliennes ...) alors que les entreprises de ce secteur peinent à recruter. Il a également signalé les difficultés de recrutement dans le secteur de la restauration, dont les conditions de travail difficiles rendent cette activité insuffisamment attrayante.
Enfin, il a regretté que les mesures annoncées par le Président de la République interviennent avant l'achèvement des travaux de la mission sénatoriale et de la commission de concertation sur la jeunesse lancée par le Haut commissaire.
M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut-commissaire à la jeunesse, a rappelé la genèse de la commission de concertation sur la jeunesse : cette initiative résulte d'un engagement pris à l'occasion du débat sur le projet de loi relatif au RSA et qui a donné lieu à la création d'un fonds d'expérimentation pour les jeunes. Il a souligné l'importance de la méthode retenue qui privilégie la concertation, afin que les acteurs échangent des idées et acceptent de faire évoluer les pratiques. Mais la définition d'orientations consensuelles nécessite du temps. Or la crise actuelle exige des réponses rapides et la mobilisation de leviers dont les effets sont immédiats. Tel est le sens du plan d'urgence proposé par le Président de la République en faveur des jeunes. Il ne comporte que des mesures conjoncturelles qui ne sont a priori pas en contradiction avec les lignes de force qui se dégagent des échanges au sein de la commission de concertation. Par ailleurs, il a signalé que la cohérence entre les travaux des deux commissions était notamment assurée par la présence au sein de la commission de concertation du rapporteur de la mission sénatoriale, M. Christian Demuynck.
Il est par ailleurs convenu de ce que, malgré la crise, les secteurs porteurs ont encore du mal à recruter. La crise pourrait d'ailleurs se révéler être, à moyen terme, favorable à ces secteurs, les demandeurs d'emploi pouvant être davantage incités à se reconvertir en acceptant des formations dans des filières qui offrent plus de débouchés. Mais cela suppose une mobilisation des entreprises concernées, à l'instar de Véolia, qui a opté pour le financement de stages de formation en alternance répondant aux besoins de l'activité de l'entreprise et le recrutement en CDI des stagiaires, lorsque leur contrat arrive à échéance. A cet égard, il s'est étonné que les entreprises d'insertion recourent encore trop peu aux formations en alternance.
En réponse au souhait d'une présence plus équilibrée des emplois dans la région Ile-de-France, il a confirmé la nécessité de favoriser l'implantation de CFA dans certains départements peu pourvus, suggérant la révision du schéma régional de formation professionnelle.
Au sujet des décrochages scolaires avant 16 ans, M. Martin Hirsch a précisé que la commission a fait le choix de concentrer ses travaux uniquement sur les jeunes âgés de 16 à 25 ans.
Enfin, s'agissant des mesures en direction des jeunes diplômés, il a évoqué l'orientation de certains d'entre eux vers une année de formation complémentaire ou vers un engagement au service des autres dans le cadre du service civique. L'insertion professionnelle des jeunes en recherche d'emploi nécessitera la mobilisation active des entreprises, en particulier des plus grandes d'entre elles.
Mercredi 29 avril 2009
- Présidence de Mme Raymonde Le Texier, présidente -Table ronde avec des représentants d'organisations nationales d'employeurs et d'organisations professionnelles
La mission d'information a organisé la tenue d'une table ronde avec des représentants d'organisations nationales d'employeurs et d'organisations professionnelles.
Mme Raymonde Le Texier, présidente, a tout d'abord présenté le contexte et les objectifs de la mission.
Puis, M. Christian Demuynck, rapporteur, a invité les intervenants à exprimer leur opinion sur l'efficacité des structures du service public de l'emploi, de la formation et de l'orientation. Il a demandé aux intervenants si la dispersion des acteurs leur paraissait nuire au bon fonctionnement d'ensemble du système.
Mme Geneviève Roy, membre de la commission sociale de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), a jugé que la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC était une évolution positive, mais qu'il restait des progrès à accomplir s'agissant de l'orientation. Selon elle, les souhaits des jeunes ne sont pas suffisamment écoutés. Les référents valident trop souvent les décisions des familles. De nombreuses pistes demeurent inexplorées et le rapprochement entre formations et entreprises demeure un enjeu majeur. S'agissant de la diversité des structures, celle-ci n'est pas forcément un handicap s'il existe une bonne information sur l'architecture du système.
M. François Humblot, membre de la commission « Nouvelle génération » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), s'est également déclaré favorable à la création de Pôle Emploi, même si cette structure n'est pas encore, selon lui, tout à fait opérationnelle. Il a souhaité que ne soit pas occulté le rôle d'associations telles que l'Association pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes diplômés (AFIJ). Reconnaissant que de nombreux progrès avaient été accomplis sur la voie du rapprochement entre école et entreprise, il a néanmoins souhaité la poursuite des efforts, à tous les niveaux d'enseignement. Les conseillers d'orientation ont en effet une approche souvent encore trop théorique.
M. Bernard Falk, directeur de l'éducation et de la formation au MEDEF, a ajouté que la diversité des acteurs était compensée par l'émergence d'une logique de réseau. Le diagnostic de la situation étant, selon lui, bien établi, il est maintenant nécessaire de passer à une phase de décision, en rapprochant le monde éducatif et l'entreprise. Le service public de l'emploi doit changer de logique et former désormais, soit dans la perspective d'une offre d'emploi précise, soit pour des besoins collectifs préalablement identifiés. L'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur la formation a marqué un progrès dans cette direction, en prévoyant un redéploiement des financements vers les publics les moins qualifiés afin d'articuler formations et offres d'emplois.
M. André Marcon, premier vice-président de l'Assemblée permanente des chambres de commerce et d'industrie (ACFCI), a approuvé la logique de simplification qui a présidé à la mise en place de Pôle Emploi, même s'il n'existe pas suffisamment de recul pour en juger les effets. Toutefois, rappelant que Pôle Emploi n'était pas l'interlocuteur prioritaire des jeunes, il a souhaité que le dispositif de « guichet unique » ne mette pas à mal la diversité des initiatives. Dans cet esprit, la mise en réseau est préférable à l'unification des acteurs. En ce qui concerne l'orientation, le principal obstacle est culturel : l'orientation est en effet vécue comme une sanction, par défaut d'accès aux filières générales. L'expérience des « mercredis de l'orientation », en classe de troisième et au lycée, a permis, par exemple, de présenter différents métiers aux jeunes et de les informer de la vie économique régionale, ce qui va dans le sens d'une valorisation de l'orientation.
M. René Doche, directeur général adjoint de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), a indiqué que Pôle Emploi n'agissait pas en priorité en direction des 16-25 ans, les jeunes étant pris en charge par d'autres dispositifs. Il a regretté que les centres d'aide à la décision, créés par les chambres des métiers, ne soient pas pris en compte au sein du service public de l'orientation, ce qui nuit à la lisibilité de leur action. Les carences de l'orientation apparaissent, selon lui, très en amont du système éducatif. Afin d'y remédier, l'orientation devrait être introduite dès l'école primaire, par le biais de mises en situation concrètes.
Estimant qu'auparavant l'ANPE n'assumait pas correctement ses missions, M. Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale (UPA), a également approuvé la création de Pôle Emploi. Les accords en vue d'un accompagnement renforcé des chômeurs sont positifs. Quant au service public de l'orientation, à ce jour inexistant, il faut le créer en dehors de l'éducation nationale, en partenariat avec les partenaires sociaux, les ministères concernés, les régions et les chambres consulaires, en vue de faire de l'orientation une démarche positive et non la conséquence d'un échec. Un Etat comme la France ne peut en effet se satisfaire de la succession de plans d'urgence qui ne résolvent pas les difficultés structurelles. Le Fonds d'investissement social, récemment mis en place, a d'ailleurs pour fonction de pallier les carences de la formation initiale.
M. Arnaud de la Tour, président de la Fédération des professionnels de l'intérim (PRISME), a souligné l'intérêt de PRISME pour Pôle Emploi, en raison de l'existence du réseau des agences d'intérim, permettant de cartographier l'offre d'emploi, dans une perspective transversale par rapport aux métiers. Les jeunes sont particulièrement concernés par le travail temporaire, puisqu'ils représentent 9 % de la population active mais 31 % des intérimaires. L'intérim est le premier recruteur de France. Il constitue une voie d'accès à un emploi stable, en procurant une formation qualifiante. Environ un tiers des jeunes de moins de 25 ans qui entrent en intérim basculent ensuite vers un contrat à durée indéterminée.
Puis M. Christian Demuynck, rapporteur, a demandé comment rapprocher l'entreprise et l'école, et selon quelles modalités faire participer les entreprises à l'orientation.
M. Arnaud de la Tour, après avoir rejeté l'hypothèse d'une intrusion du monde de l'entreprise dans celui de l'éducation, a néanmoins jugé celui-là plus performant que celui-ci pour établir une cartographie des emplois.
Après avoir mentionné l'existence de conventions entre de nombreuses branches professionnelles et l'éducation nationale, M. Pierre Burban a estimé que l'enjeu était désormais de gérer l'ouverture de l'éducation nationale au monde de l'entreprise en distinguant plus nettement éducation et orientation.
M. René Doche a ajouté qu'il ne fallait pas demander à l'éducation nationale d'effectuer un travail contraire à ses intérêts, puisque, dans la situation actuelle, les principaux de collège n'avaient pas intérêt au départ en apprentissage d'un nombre élevé de jeunes. Il a évoqué les opérations « portes ouvertes » organisées par les chambres des métiers dans les entreprises artisanales, dans l'objectif de montrer aux jeunes la palette des métiers existants. Il a regretté l'orientation par l'échec et déploré que l'option « découverte professionnelle » mise en place au collège, soit réservée aux jeunes en difficulté et encadrée de façon inadaptée, dans l'ignorance de ce que pourraient apporter les entreprises.
M. André Marcon a relevé l'utilité d'informer les jeunes sur les taux d'insertion observés à la sortie des différentes formations. Cette communication doit tenir compte de la sensibilité des jeunes à l'innovation et utiliser des canaux tels que les forums de discussion sur Internet. Il a évoqué le succès des « nuits de l'orientation » et des journées « portes ouvertes », les jeunes étant très demandeurs d'informations. Enfin, il a jugé utiles les partenariats avec les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), regrettant que les chefs d'entreprises ne soient pas toujours bienvenus dans les écoles.
M. François Humblot a approuvé toutes les initiatives concrètes susceptibles de susciter l'adhésion tant des entreprises que des enseignants, par exemple dans le cadre de l'option « découverte professionnelle », précédemment évoquée. Les expériences de création virtuelle ou réelle d'entreprises dans les classes sont également utiles. Les enseignants réalisent des stages, qui devraient, selon le MEDEF, être intégrés à leur cursus pédagogique. Les expériences menées sont encourageantes, mais beaucoup reste à faire pour rapprocher les établissements scolaires et les entreprises. La présence de représentants d'entreprises au sein des conseils d'administration des universités constitue un progrès.
M. Bernard Falk a précisé que l'option « découverte professionnelle » en classe de troisième a concerné 85 000 jeunes et 5 300 collèges en 2008. Il a souhaité que cette option soit bientôt proposée dans tous les collèges. L'option doit consister à présenter aux jeunes les entreprises et la diversité des métiers, à tous les niveaux d'orientation. Il a évoqué l'obligation, nouvelle pour tout enseignant, d'avoir réalisé un stage en entreprise pour être titularisé, et les échanges entre enseignants et entreprises, comme dans l'initiative intitulée « Les boss invitent les profs ». La clef de la réussite réside dans le caractère pluridisciplinaire des équipes d'enseignants.
Après avoir estimé nécessaire de prendre un compte la diversité de la jeunesse, Mme Geneviève Roy a regretté la persistance d'une « logique de diplômes » au détriment d'une « logique de métiers ». Elle a incité à la multiplication des stages de découverte, dans le cadre de la réforme du lycée, et a proposé la mise en place d'une journée « portes ouvertes » dans les entreprises, sur le modèle des « journées du patrimoine ». S'agissant de l'auto-entrepreneuriat, les modalités de sortie du dispositif doivent être précisées. L'accord précédemment mentionné entre les partenaires sociaux, en date du 7 janvier 2009, prévoyant des formations ad hoc par Pôle Emploi, en échange de promesses d'embauche, constitue un progrès. Pour les jeunes qui « décrochent », souvent des apprentis, une accélération des rythmes scolaires pourrait par ailleurs être utile, avec par exemple une rentrée tous les six mois dans l'apprentissage. S'agissant des abandons précoces à l'université, un bilan d'orientation en deuxième année serait susceptible de faciliter le passage d'une « logique de diplôme » à la perspective d'un métier. Enfin, la dernière année universitaire pourrait s'inscrire dans le cadre d'un travail en alternance.
M. Christian Demuynck, rapporteur, a interrogé les intervenants sur la difficulté pour les étudiants de trouver des stages en entreprise pendant leur cursus de formation et sur l'abus qui consiste à proposer un stage aux jeunes en recherche d'emploi. Il s'est plus généralement demandé si les entreprises françaises étaient suffisamment formatrices.
M. François Humblot a rappelé que le Medef s'était beaucoup investi dans ce domaine en évoquant, en particulier, la charte des stages de l'enseignement supérieur qui définit les bonnes pratiques susceptibles de favoriser l'intégration des jeunes dans le monde du travail. Toute la difficulté consiste à trouver un équilibre satisfaisant et à éviter l'erreur consistant à embaucher des stagiaires plutôt que des salariés : la réussite du stage nécessite, d'une part, qu'il soit lié à un cursus pédagogique et, d'autre part, la mobilisation des trois parties prenantes que sont l'enseignant, le tuteur dans l'entreprise et le stagiaire. La durée des stages doit être limitée à six mois au maximum et une gratification doit être accordée au stagiaire.
Il a précisé, à la demande de Mme Raymonde Le Texier, présidente, que son propos concernait les stages effectués par les étudiants de l'enseignement supérieur et que la généralisation du stage au niveau bac + 3 impliquait l'organisation de 200 000 stages supplémentaires.
M. Bernard Falk a alors souligné, s'agissant des stages effectués par les élèves de l'enseignement scolaire, la nécessité d'une réflexion sur la capacité d'accueil collective et individuelle de stagiaires. Il s'est interrogé sur la pertinence, au regard de l'objectif de la découverte du monde de l'entreprise, de généraliser le stage au niveau de la classe de troisième, ce qui implique l'accueil de 550 000 jeunes. En revanche, il lui a semblé important de privilégier des démarches d'orientation active avant la classe de troisième.
Après avoir souligné que les sénateurs membres de la mission étaient convaincus de la nécessité du rapprochement entre l'école et l'entreprise, Mme Raymonde Le Texier, présidente, a évoqué les difficultés concrètes auxquelles il donne lieu. Les élèves, pour trouver un stage, sont fréquemment conduits à mobiliser leurs réseaux familiaux et les entreprises consacrent un temps parfois considérable à mettre en place un accueil approprié. Elle a considéré que cette politique de rapprochement ne doit pas se limiter à des mesures ponctuelles comme la généralisation des stages de découverte au collège. Elle a ensuite évoqué la responsabilité de certains employeurs dans le « décrochage » des jeunes en apprentissage et, inversement, le devoir qui consiste, pour les entreprises, à favoriser l'insertion des élèves désireux de quitter l'enseignement scolaire.
M. Pierre Burban a déploré que les établissements scolaires laissent les élèves livrés à eux-mêmes dans ce domaine et n'organisent pas les stages, notamment en partenariat avec les chambres consulaire, à l'instar des Instituts universitaires de technologie (IUT) qui se mobilisent pour aider leurs étudiants. Tout en insistant sur l'importance de l'accueil des jeunes dans le monde du travail, il a néanmoins rappelé que la vocation principale de l'entreprise était de produire des biens et services. Pour apporter une solution à l'insertion des jeunes, il convient de faire vivre l'alternance en privilégiant l'apprentissage, y compris dans l'enseignement supérieur, voire les contrats de professionnalisation.
M. Christian Demuynck, rapporteur, s'est interrogé sur la nécessité de coordonner et de centraliser l'organisation des stages. Il s'est également demandé s'il convenait de prévoir deux stages obligatoires au niveau de la licence et s'il ne fallait pas, dans ces conditions, fixer une limite aux stages effectués postérieurement aux cursus scolaires ou universitaires.
M. Pierre Burban a souligné que le secteur de l'artisanat privilégierait plutôt l'accueil des jeunes en fin de scolarité dans le cadre de l'alternance, de préférence par la voie de l'apprentissage. L'organisation de cette alternance doit être la plus efficace possible, au besoin de façon centralisée. Il s'est ensuite dit favorable aux stages post cursus si aucun stage n'a été effectué pendant la formation initiale.
M. René Doche a confirmé la possibilité pour les chambres des métiers de répondre à d'éventuelles sollicitations des établissements scolaires pour organiser des stages de découverte. Il a également fait observer que, compte tenu des besoins de transmission d'entreprises artisanales, il convenait de susciter des vocations et que les réseaux consulaires souhaitaient travailler dans ce sens ; il a souligné que les entreprises artisanales ressentaient la nécessité de développer des contacts avec les étudiants de l'enseignement supérieur.
M. André Marcon a estimé nécessaire de bien distinguer l'apprentissage et les stages. Le premier est une voie de formation qui permet le succès de l'insertion. Les seconds sont un service rendu par les entreprises. Il convient de faire preuve d'imagination dans l'organisation des stages pour préserver la spécificité de l'alternance.
M. François Humblot a indiqué que le Medef ne croyait pas à l'efficacité de l'organisation des stages au niveau national et qu'il convenait plutôt de privilégier l'échelon du bassin d'emploi ou de la branche professionnelle. Par ailleurs, le stage post cursus peut permettre à un étudiant de découvrir un domaine d'activité différent de sa filière de formation et constituer un « sas » très utile entre la fin des études et l'entrée dans la vie professionnelle.
A la demande de M. Christian Demuynck, rapporteur, le représentant du Medef a chiffré à environ 800 000 le nombre de stages post baccalauréat et à 1,3 million le nombre de stages avant le baccalauréat. Il a précisé que l'organisation des premiers ne suscitait pas de difficultés particulières, notamment en termes de capacité d'absorption.
M. Jean-Claude Etienne a insisté sur la distinction entre les stages de découverte effectués en troisième et des stages correspondant à la formation en alternance. Il s'est ensuite inquiété des conséquences néfastes de la « religion du diplôme », de la conception trop étroitement disciplinaire de la profession d'enseignant et de la tendance à la dévalorisation des métiers, notamment manuels, dans l'enseignement français. Soucieux de l'amélioration de l'orientation, il a également souhaité que la mission « connecte » cette problématique avec les modalités de l'acquisition des connaissances et des savoir-faire des élèves et des étudiants. Evoquant les expériences scandinaves, il a estimé souhaitable de multiplier les passerelles tout en s'efforçant de repenser l'accompagnement offert aux élèves et d'ouvrir l'enseignement à la connaissance des professions et des entreprises. Il s'est enfin interrogé sur le devenir des 150 000 jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme.
M. Bernard Falk a évoqué l'idée formulée par les partenaires sociaux d'une formation initiale différée qui puisse bénéficier d'un abondement financier de l'Etat, ce thème devant être intégré dans la négociation relative à la réforme de la formation professionnelle. Il a également mentionné la création d'un dispositif de préparation opérationnelle à l'emploi (POE) à destination des demandeurs d'emploi par l'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle. Il a estimé nécessaire de mettre en oeuvre la réforme de l'orientation et de renforcer les liens entre l'entreprise et le monde éducatif, en rappelant que les organisations d'employeurs avaient, en cette période de crise, apporté une contribution importante aux jeunes en difficulté par le redéploiement d'une partie des fonds de la formation professionnelle vers la formation des demandeurs d'emplois.
Mme Raymonde Le Texier, présidente, a rappelé que tous les intervenants auditionnés par la mission avaient dénoncé les méfaits scolaires, psychologiques et économiques de l'orientation telle que réalisée à l'heure actuelle, et souhaité une meilleure connaissance des métiers de la part des acteurs en charge de cette mission. Elle a ensuite souhaité que les jeunes orientés vers l'alternance aient la possibilité, par la suite, de compléter leur formation générale.
M. Bernard Falk a alors souligné la valeur pédagogique de l'alternance et la complémentarité entre les contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Il a ensuite observé que les pays dans lesquels les jeunes connaissaient les meilleurs taux d'insertion privilégiaient l'alternance.
Evoquant son expérience en matière de formation générale et technologique, Mme Bernadette Bourzai a mentionné un cas de collaboration exemplaire entre les enseignants et les professionnels de la robotique et l'utilité des modules d'orientation professionnelle permettant d'individualiser la formation des élèves en difficulté. Elle a estimé que la vocation des enseignants demeurait avant tout de transmettre des savoirs tout en soulignant la nécessité de valoriser les filières technologiques et les métiers.
M. André Marcon a fait observer que les initiatives de rapprochement se multipliaient ; il a évoqué le lancement d'une opération intitulée « 100 développeurs de l'apprentissage » qui vise à faciliter la conclusion de 10 000 contrats d'apprentissage supplémentaires qui s'ajoutent aux 100 000 prévus dans les entreprises relevant du réseau des chambres de commerce et d'industrie.
Mme Geneviève Roy a estimé souhaitable l'amplification de l'action des écoles de la deuxième chance. L'expérience des classes d'apprentissage mérite également d'être soulignée. Enfin, les passerelles entre les diverses voies de formation doivent être multipliées et le « droit à l'échec » reconnu.
M. René Doche a indiqué que 50 000 apprentis supplémentaires par rapport aux 70 000 d'ores et déjà prévus pourraient être intégrés dans les entreprises artisanales. Cependant, l'implication des régions et de l'Etat est une condition nécessaire à l'évolution de l'apprentissage. Affirmant la spécificité et la difficulté du travail effectué par les maîtres d'apprentissage, il a déploré que l'agrément préalable à la formation des apprentis ait été supprimé en 1993. Il a précisé que les ruptures de contrats d'apprentissage relevaient, la plupart du temps, de l'initiative des jeunes ou de leur famille. De façon générale, l'orientation vers l'apprentissage équivaut trop souvent à « sortir de l'enseignement général », et la principale difficulté que rencontrent les jeunes qui souhaitent se réorienter est le défaut de passerelles permettant des reprises d'études ultérieures. Il convient, de façon plus générale, de veiller à accompagner les jeunes qui entrent en apprentissage en leur apportant les soutiens nécessaires en matière de protection sociale, d'aide au logement ou de transport.
M. Arnaud de la Tour a rappelé que la réintégration de certains jeunes en difficulté dans l'entreprise nécessitait parfois une phase préalable de réappropriation des réflexes sociaux, tout en soulignant l'importance qui s'attache à consolider l'autonomie financière des jeunes pour les inciter à suivre la voie de la réinsertion. Il a ensuite marqué une préférence pour le foisonnement des projets plutôt que pour la « centralisation ». Toutefois, en se référant aux actions développées dans les universités, il a souhaité que leur liberté d'initiative puisse être conciliée avec un certain encadrement des pratiques.
M. François Humblot a indiqué que le Medef avait lancé une réflexion et publié un rapport sur le thème des « viviers méconnus » que constituent les quelque 100 000 jeunes diplômés au moins à bac + 3 ayant des difficultés d'insertion et étant trop souvent conduits à accepter un « déclassement » par rapport à leur niveau d'études. Le rapport préconise notamment, pour les intégrer dans l'emploi, une mobilisation des entreprises qui signalaient par ailleurs, il y a quelques années, leurs difficultés de recrutement.
Mme Raymonde Le Texier, présidente, a manifesté son intérêt à cet égard en évoquant l'attitude traditionnellement très réservée des employeurs à l'égard des curriculum vitae présentant, par exemple, des discontinuités.
Evoquant son activité de « chasseur de tête », M. François Humblot a fait observer que les esprits évoluaient sur ce point et que la diversité des équipes était désormais reconnue comme une source d'enrichissement dans les entreprises.