- Mardi 17 mars 2009
- Accord entre la France et l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles - Examen du rapport
- Encouragement et protection réciproques des investissements entre la France et le Kenya - Examen du rapport
- Droit des marques - Examen du rapport
- Droit des brevets - Examen du rapport
- Nomination de rapporteurs
- Mercredi 18 mars 2009
- Action culturelle extérieure de la France - Audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel
- Action culturelle extérieure de la France - Audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française
- Echange de vues avec une délégation brésilienne sur l'élaboration du budget de la défense
- Actualité internationale - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
Mardi 17 mars 2009
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Accord entre la France et l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Gisèle Gautier sur le projet de loi n° 81 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles.
Mme Gisèle Gautier, rapporteur, a précisé que l'accord conclu entre la France et l'Uruguay, le 9 octobre 2007, vise à permettre aux « personnes à charge » des membres des missions diplomatiques, c'est-à-dire essentiellement aux conjoints, de pouvoir occuper un emploi salarié dans le pays de résidence.
Elle a indiqué que cet accès se heurtait, sauf accord particulier comme celui prévu par un texte de cette nature, aux dispositions des conventions de Vienne de 1961 et 1963 en matière de privilèges et immunités diplomatiques, qui instaurent l'inviolabilité des personnels diplomatiques et des membres de leur famille, ainsi que de leurs biens. Elle a rappelé que ces privilèges et immunités visaient à garantir la sécurité juridique des personnels diplomatiques et de leur famille, lorsqu'ils sont en poste à l'étranger, et étaient donc pleinement justifiés. Mais ils induisent l'impossibilité, de droit et de fait, pour les membres de ces familles d'occuper un emploi salarié dans le pays de résidence, alors que cette impossibilité n'est plus en phase avec le mode de vie contemporain. En effet, les familles des personnels diplomatiques français ou étrangers aspirent, de plus en plus, à occuper un emploi rémunéré dans le pays de résidence, pour des motifs tant fonctionnels que financiers.
Mme Gisèle Gautier, rapporteur, a fait état des accords de ce type déjà conclus avec le Canada, l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la Nouvelle-Zélande, la Roumanie et le Costa Rica, et a rappelé que deux textes similaires s'appliquaient, sans être formalisés, avec les Etats-Unis d'Amérique depuis 1997 et avec Singapour depuis 2005.
Elle a estimé que de tels accords, qui visent à lever les contraintes juridiques s'opposant à l'emploi salarié des personnes à charge, constituaient non seulement une actualisation du statut des diplomates, mais également un élément d'efficacité de leur gestion, car leurs affectations sont facilitées par la perspective que le conjoint pourra, s'il le souhaite, occuper un emploi salarié.
L'accord précise les modalités de délivrance, par le pays d'accueil, d'une autorisation de travail à titre dérogatoire, au bénéfice des personnes à charge, et établit que seules celles d'entre celles qui remplissent les conditions en vigueur pour l'exercice de la profession envisagée peuvent y prétendre. Les immunités de juridiction et les privilèges douaniers sont levés pour ces personnes, qui sont dispensées de toute formalité relative à l'immatriculation des étrangers et au permis de séjour.
L'accord a une durée indéterminée, mais peut être dénoncé par écrit par chacun des deux partenaires.
Mme Gisèle Gautier, rapporteur, a indiqué que cinq des membres du personnel de l'ambassade d'Uruguay en France seraient potentiellement intéressés par l'application de ce texte, et neuf membres de l'ambassade de France à Montévidéo.
Après avoir rappelé les principales caractéristiques politiques et économiques de l'Uruguay, elle a proposé l'adoption du projet de loi et son examen en séance publique sous forme simplifiée.
Encouragement et protection réciproques des investissements entre la France et le Kenya - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de Mme Gisèle Gautier sur le projet de loi n° 190 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.
Mme Gisèle Gautier, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la commission avait récemment examiné un accord similaire avec la Guinée. Il s'agit d'un accord type, conçu pour pallier l'absence de système multilatéral de protection des investissements en dehors de la zone OCDE. Cet accord-type a été signé avec plus de quatre-vingt dix pays et, récemment, avec une quinzaine d'États africains.
Ce type d'accord prévoit le traitement national pour les investissements de l'autre partie, et, le cas échéant, celui de la nation la plus favorisée ; il instaure certaines protections juridiques et met un place un mécanisme de règlement des différends. Il permettrait aussi d'envisager d'accorder, par l'intermédiaire de la COFACE, des garanties aux investisseurs pour leurs opérations dans le pays.
Evoquant ensuite la situation du Kenya, Mme Gisèle Gautier, rapporteur, a considéré que ce pays offrait effectivement des perspectives d'investissements en dépit de la grave crise politique intervenue au début de l'année 2008.
« Locomotive » économique de l'Afrique de l'Est, pôle de stabilité régionale, le Kenya a été secoué par une grave crise politique après l'annonce, le 30 décembre 2007, des résultats contestés de l'élection présidentielle qui donnaient vainqueur le président sortant M. Mwai Kibaki.
Les partisans du responsable de l'opposition M. Raila Odinga ont violemment protesté contre ce résultat, vraisemblablement falsifié, et ont été l'objet d'une répression brutale par les forces de sécurité.
Le conflit politique s'est traduit en affrontements à caractère ethnique qui ont fait plus de 1 500 morts et 500 000 déplacés.
Mme Gisèle Gautier a indiqué que, avec la médiation de l'ancien secrétaire général des Nations-unies, M. Kofi Annan, les forces en présence étaient revenues à un mode politique de gestion de la crise. Elles ont conclu un accord de transition qui pourrait aboutir à de nouvelles élections dans deux ans, sur les réformes constitutionnelles et judiciaires à entreprendre et sur la mise en place d'une commission « vérité, justice et réconciliation ».
La médiation de M. Kofi Annan a proposé un calendrier pour les principales réformes qui portent sur les institutions, sur le partage des terres en particulier dans l'Ouest et sur la côte, sur les déséquilibres régionaux, l'emploi et le chômage des jeunes, la cohésion sociale et l'unité du pays.
Elle a estimé que, si le calme était globalement revenu, rien n'était réglé quant au fond, c'est-à-dire le partage du pouvoir et des richesses. Le décollage économique du pays a en effet mis au jour des inégalités dans l'accès aux bénéfices du développement qui sont d'autant plus durement ressenties que ce décollage est réel.
58 % de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Sur la côte et dans le Nord-Est du pays, ce pourcentage est de 70 %.
Mme Gisèle Gautier, rapporteur, a souligné que le Kenya était le point d'entrée économique et énergétique de l'ensemble de la région et que sa stabilité dans un environnement régional difficile serait tout à fait déterminante.
Elle a indiqué que les indicateurs économiques du pays étaient bons : la croissance est élevée (7 % en 2007 et près de 5 % en 2008 malgré la crise politique), l'inflation est maîtrisée, la dette publique extérieure est soutenable et le déficit public est contenu à 1,2 % du PIB en 2007.
L'aide internationale ne représente que 1 % de la richesse nationale.
Le Kenya tire ses revenus des transferts financiers de migrants (5 % du PIB), dont il est la seconde destination en Afrique après le Nigeria, de la production de thé, du tourisme et de l'horticulture (un quart des fleurs vendues dans le monde proviennent du Kenya).
Pour ce qui concerne les investissements étrangers, qui sont l'objet de l'accord soumis au Sénat, le Kenya apparaissait jusqu'à une période récente relativement peu attractif pour les investissements directs étrangers (IDE).
Avec 51 millions de dollars en 2006, il recevait beaucoup moins d'investissements étrangers que ses voisins tanzaniens (377 millions de dollars) et ougandais (317 millions de dollars). La tendance est néanmoins très positive grâce à l'amélioration récente de l'environnement juridique des investissements et à des privatisations, et le volume des IDE a été porté à 728 millions de dollars en 2007.
Les flux d'investissements français sont ainsi passés de 5 millions d'euros en 2006 à 440 en 2007 suite au rachat par France Telecom de l'opérateur historique national.
La France est présente dans les domaines des matériaux de construction, des télécommunications, de la distribution d'hydrocarbures, de l'agriculture, de la banque, des transports, de l'automobile, de la chimie, de la pharmacie et des services.
Cet accord est donc intervenu dans un environnement plutôt porteur même si la crise économique frappe ce pays au sortir d'une crise politique particulièrement grave.
Les principaux freins au développement du pays, a considéré Mme Gisèle Gautier, rapporteur, sont la dépendance énergétique, l'insuffisance des infrastructures, notamment routières et, jusqu'à il y a peu, l'environnement juridique peu satisfaisant des investissements. S'y ajoute, en tirant les enseignements de la crise récente, l'accroissement des inégalités.
Le Kenya possède les atouts d'un pays émergent et offre des potentialités pour les investisseurs français. La France doit accompagner sa sortie de crise et rester vigilante devant un scénario de croissance rapide et de creusement tout aussi rapide des inégalités tant sociales que territoriales à l'intérieur d'un État.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
Droit des marques - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean Milhau sur le projet de loi n° 159 (2008-2009) autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques.
M. Jean Milhau, rapporteur, a d'abord rappelé que la marque, qui peut se définir comme un signe (mot, dessin, etc.) servant à distinguer les produits et les services d'une entreprise de ceux de ses concurrents, jouait un rôle stratégique pour les entreprises.
Elle permet, en effet, au consommateur de déterminer très rapidement l'origine des produits, ce qui explique qu'elle occupe une place centrale dans la stratégie commerciale des entreprises, en particulier dans la publicité.
D'où l'importance du phénomène de la contrefaçon qui, selon l'OCDE, représenterait 10 % du commerce mondial, et qui détruirait 30 000 emplois par an en France et 200 000 en Europe, a souligné M. Jean Milhau, rapporteur.
A ce préjudice économique, s'ajoutent les risques graves pour la santé et la sécurité des consommateurs, notamment lorsque la contrefaçon concerne des produits tels que les jouets, les médicaments ou encore les pièces mécaniques de l'industrie aéronautique, a-t-il ajouté.
Les marques sont ainsi devenues une composante essentielle des actifs incorporels des entreprises, dont la valeur peut parfois largement dépasser celle de tous les autres actifs.
M. Jean Milhau, rapporteur, a ensuite indiqué qu'il existait plusieurs manières de faire protéger une marque.
La voie nationale est propre à chaque État, qui définit lui-même ses règles, ainsi que la procédure de dépôt et d'enregistrement.
En France, l'enregistrement d'une marque s'effectue auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).
Depuis le 1er janvier 1996, le dépôt d'une marque sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne peut également se faire auprès de l'office d'harmonisation dans le marché intérieur.
Enfin, il existe une voie internationale auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
Cette procédure consiste à demander l'extension à un ensemble d'autres pays d'une marque déposée ou enregistrée dans un pays.
Ainsi, pour bénéficier d'une protection au niveau international, une marque doit d'abord faire l'objet d'un dépôt ou d'un enregistrement au niveau national ou régional, d'où l'intérêt de procéder à une harmonisation des différents systèmes nationaux ou régionaux.
M. Jean Milhau, rapporteur, a ensuite indiqué que le traité sur le droit des marques avait été négocié dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et signé à Singapour en 2006 par quarante et un Etats, dont la France, ainsi que par des organisations internationales, comme la Communauté européenne.
Il a souligné que ce traité procédait à la révision du traité sur le droit des marques de 1994, qui avait posé certaines règles communes de procédure en matière d'enregistrement national des marques, en poursuivant le processus d'harmonisation au niveau international. Il comporte plusieurs innovations.
La première porte sur l'extension du champ d'application. Alors que le traité de 1994 était uniquement applicable aux signes visibles, le traité de Singapour élargit son champ d'application à tous les signes, y compris les sons, les couleurs et les odeurs.
La deuxième concerne la prise en compte de la communication électronique. Alors que le traité de 1994 ne traite que de la communication sur papier et par télécopie, le nouveau traité permet aux parties de choisir le dépôt d'une marque par voie électronique.
La troisième vise à prévoir une meilleure protection des titulaires d'une licence. En effet, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, le titulaire d'une licence pourra intervenir dans une procédure en contrefaçon, même s'il n'est pas inscrit au registre national de la propriété industrielle.
Enfin, ce traité comporte des dispositions institutionnelles. Il prévoit, en effet, la création d'une assemblée des Etats membres, ce qui permettra d'éviter à l'avenir de recourir à la réunion d'une conférence diplomatique pour la révision du règlement d'exécution du traité, notamment pour modifier les formulaires types pour le dépôt d'une marque.
En conclusion, M. Jean Milhau, rapporteur, a estimé que, grâce à une procédure plus simple et à l'extension de son champ d'application, ce traité aura un effet bénéfique sur les entreprises françaises qui souhaitent protéger leur marque à l'étranger et qu'il permettra de réduire les coûts relatifs à la protection internationale des marques.
A M. Bernard Piras qui s'interrogeait sur le point de savoir si la Chine avait signé le traité de Singapour, M. Jean Milhau, rapporteur, a répondu par l'affirmative.
Suivant les recommandations de son rapporteur, la commission a adopté ce projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'un examen en forme simplifié en séance publique.
Droit des brevets - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Rachel Mazuir sur le projet de loi n° 160 (2008-2009) autorisant la ratification du traité sur le droit des brevets, négocié dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), et adopté à Genève le 1er juin 2000.
M. Jean Milhau, qui s'exprimait au nom de M. Rachel Mazuir, rapporteur, a d'abord rappelé la vocation et le système actuel de protection des brevets.
Il a rappelé qu'un brevet était un titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire le droit, pour une période limitée dans le temps et sur un territoire donné, d'interdire à tout tiers d'exploiter, c'est-à-dire de fabriquer, d'utiliser, de commercialiser ou d'importer son invention sans son autorisation.
Il existe plusieurs voies pour déposer une demande de brevet selon l'étendue territoriale de la protection que le déposant souhaite apporter à son invention.
La voie nationale est propre à chaque État qui définit lui-même ses critères de brevetabilité, ainsi que la procédure de dépôt et d'examen d'une demande.
En France, une demande de brevet se fait auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).
L'INPI reçoit environ 17 000 demandes de brevets et en délivre plus de 11 000 par an.
Il existe également une voie européenne, gérée par l'Office européen des brevets (OEB), qui met en oeuvre une procédure centralisée.
A partir d'un seul dépôt auprès de l'Office, un brevet européen peut être délivré dans tous les pays désignés par le déposant, parmi les trente-cinq pays européens membres de l'Office européen des brevets. Ce brevet européen se scinde ensuite en autant de brevets nationaux que de pays désignés.
Ce brevet européen n'est donc pas un titre unitaire mais il demeure régi, une fois respectée la procédure centralisée de délivrance, par les lois nationales.
Chaque année, l'Office européen des brevets reçoit près de 220 000 demandes et délivre entre 50 000 et 60 000 brevets européens.
Une amélioration sensible a résulté de l'entrée en vigueur le 1er mai 2008 du Protocole de Londres, qui a permis de réduire les coûts du brevet européen en simplifiant son régime linguistique, tout en maintenant les trois langues officielles, dont le français.
Il existe également une procédure internationale, issue du traité PCT (« Patent cooperation treaty ») de 1970, gérée par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
Elle permet, à partir d'une demande unique, de désigner les États où la protection est souhaitée parmi plus d'une centaine de pays.
Cette voie internationale n'aboutit donc pas à la délivrance d'un titre international mais à la délivrance de plusieurs brevets nationaux ou régionaux.
Enfin, il existe également un projet de brevet communautaire, qui serait un titre unitaire, soumis à un contrôle juridictionnel unifié dans le cadre de l'Union européenne.
Mais ce projet est bloqué depuis plus de trente ans en raison notamment des oppositions qu'il suscite en matière de régime linguistique.
Le système actuel de protection des brevets se heurte à une double limite.
La première limite est d'ordre financier, le coût d'accès d'un brevet en Europe étant de deux à trois fois plus élevé que celui du brevet américain ou japonais.
Cela tient à la multiplicité des procédures de validation, à la nécessité d'acquitter des taxes dans tous les pays et à l'exigence d'une traduction intégrale du brevet dans les langues des pays désignés.
La seconde limite a trait à la sécurité juridique, étant donné que, en l'absence d'harmonisation des litiges, chaque brevet européen relève du juge national et rien ne garantit qu'une décision d'un juge dans un pays fasse l'objet, pour un litige identique, d'une décision équivalente dans un autre pays.
Dans ce contexte, un traité sur le droit des brevets a été négocié dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et signé à Genève en 2000 par cinquante-huit Etats, dont la France.
Ses principaux objectifs sont la simplification et l'harmonisation des procédures afin de faciliter le dépôt d'une demande de brevet ainsi que la réduction du coût pour les déposants.
Alors que, actuellement la description et les revendications, c'est-à-dire la partie juridique essentielle du brevet, doivent être remises ensemble pour fixer la date de dépôt d'un brevet, et donc la date à partir de laquelle l'invention est protégée, à l'avenir, avec le présent traité, la remise de la seule description sera suffisante pour permettre l'attribution d'une date de dépôt d'un brevet, les revendications pouvant être fournies ultérieurement.
En outre, si les demandes de brevets auprès de l'INPI devront toujours être déposées en français, le traité étend la possibilité de déposer la description et les revendications dans une langue étrangère, étant entendu que, dans tous les cas, une demande déposée en langue étrangère devra toujours être suivie, dans le délai de deux mois, du dépôt d'une traduction en langue française.
Ainsi, en harmonisant les procédures de délivrance des brevets, ce traité devrait permettre de réduire les formalités, les risques d'erreurs et de perte de droits, ainsi que les coûts des brevets pour les inventeurs et les déposants.
Suivant les recommandations de son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi, en prévoyant son examen en séance publique sous forme simplifiée.
Nomination de rapporteurs
La commission a nommé rapporteurs sur les projets de loi suivants, en cours d'examen à l'Assemblée nationale :
- M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 1379 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres relatives à la garantie des investisseurs entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco ;
- Mme Catherine Tasca sur le projet de loi n° 1479 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la francophonie à Paris ;
- M. René Beaumont sur le projet de loi n° 1489 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la promotion et la protection réciproques des investissements ;
- M. René Beaumont sur le projet de loi n° 1490 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Angola sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.
Mercredi 18 mars 2009
- Présidence commune de M. Josselin de Rohan, président, et de M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles -Action culturelle extérieure de la France - Audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel
La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a indiqué en préambule qu'il avait été chargé par le ministère des affaires étrangères de mener une étude comparative entre les dispositifs culturels extérieurs de la France et ceux de ses principaux partenaires européens, à savoir le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne. A la demande de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère, sa mission s'est élargie à la formulation de préconisations sur la réorganisation et la réforme de la tutelle du réseau culturel français à l'étranger.
Si les quatre réseaux culturels concernés par l'étude consacrent une place centrale à la promotion de la langue et de la civilisation de leur pays d'origine, il a pu néanmoins constater combien la conception du rayonnement culturel pouvait varier en fonction des différents pays. Les réseaux culturels espagnol et britannique, s'appuyant respectivement sur l'Institut Cervantès et le British Council, enregistrent les meilleures performances dans le domaine de l'enseignement linguistique. Le British Council apparaît comme la structure adoptant l'horizon stratégique le plus vaste dans la mesure où sa politique culturelle extérieure recouvre aussi bien le dialogue interculturel et le soutien à la promotion des industries culturelles britanniques que la lutte contre le réchauffement climatique.
Dans le cas français, le ministère des affaires étrangères intègre traditionnellement l'action culturelle extérieure dans des problématiques plus larges de soutien au développement économique et politique. C'est précisément cette logique d'une diplomatie d'influence envisagée dans sa globalité qu'illustre le rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques du Quai d'Orsay au sein d'une future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. La manière d'appréhender le lien entre culture et développement continue de susciter de nombreux débats en France. De l'équilibre entre une diplomatie culturelle au service d'une politique de coopération plus large et une politique culturelle extérieure qui met en avant l'autonomie et la spécificité de la sphère artistique dépendent le poids relatif et les compétences des différentes administrations en matière d'action culturelle extérieure.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a relevé ensuite la très grande complexité de l'organisation des tutelles du réseau culturel français à l'étranger, un réseau qui s'illustre principalement par sa dualité. Une grande partie de ce réseau repose, en effet, sur des initiatives locales de création d'alliances françaises dont certaines, bien qu'autonomes sur le plan de la gestion, sont subventionnées par le ministère des affaires étrangères dans le cadre de conventions. Quant aux centres et instituts culturels français à l'étranger, établissements publics disposant de l'autonomie financière, ils sont appelés à fusionner très prochainement avec les services de coopération artistique et culturelle (SCAC) des ambassades au sein des futurs « EspacesFrance ». Ces derniers demeureront soumis à l'autorité hiérarchique directe des postes diplomatiques français.
A titre de comparaison, les rapports entre le British Council et le ministère britannique des affaires étrangères (« Foreign Office ») obéissent au principe de la gouvernance dite à « longueur de bras » (« arm's length ») qui permet de concilier gestion décentralisée de l'action culturelle extérieure et coopération étroite sur le plan stratégique.
La situation matérielle des différents réseaux culturels extérieurs est extrêmement variable, notamment en termes de personnels et d'infrastructures. Se développe progressivement la notion de programmation « hors les murs » qui vise à privilégier l'investissement dans les équipes plutôt que dans les bâtiments. Dans le domaine de la formation des personnels, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a fait observer que les réseaux du Royaume-Uni et de l'Allemagne offraient de bien meilleures perspectives de carrière à leurs agents culturels à l'étranger.
Il a ensuite formulé trois principales préconisations dans la perspective d'une réforme de l'action culturelle extérieure de la France :
- afin de combattre la méconnaissance qu'a l'opinion publique française de son réseau culturel à l'étranger, il est impératif de renforcer l'effort en matière de communication, en s'appuyant notamment sur le pôle audiovisuel extérieur de la France ;
- la question de la formation et de l'amélioration des perspectives de carrière des agents du réseau culturel français à l'étranger doit être une préoccupation centrale ;
- insuffisamment présente et compétitive dans le domaine des appels d'offre européens en matière de développement culturel, la France doit mettre l'accent sur la constitution de véritables équipes d'ingénierie culturelle au service d'une diplomatie d'influence.
Un large débat s'est ensuite engagé.
M. Josselin de Rohan, président, s'est tout d'abord interrogé sur le vaste périmètre d'intervention qui devrait être consenti au futur opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure de la France et sur l'accueil qui lui serait réservé dans les milieux culturels. S'agissant de sa tutelle, si le rôle directeur du Quai d'Orsay dans le pilotage stratégique d'une telle agence doit être préservé, la réflexion devrait se poursuivre sur la place à accorder aux ministères de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'éducation nationale. Enfin, il a sollicité des précisions sur l'articulation sur le terrain entre les futurs établissements issus de la fusion des centres et instituts culturels et des SCAC et les ambassades, notamment en matière de promotion des industries culturelles.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a cité l'exemple du British Council qui fonctionne en grande partie comme un opérateur au service d'autres administrations que le ministère des affaires étrangères : près d'un tiers de son budget est ainsi constitué de subventions affectées à la réalisation de commandes spécifiques sollicitées par des organismes tiers investis dans la coopération technique. Or, en France, la coopération technique relève d'une agence spécifique, l'Agence française de développement (AFD). Le périmètre d'intervention d'une future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger devrait comprendre la coopération universitaire et scientifique, qui constitue une des faiblesses de l'action culturelle extérieure de la France. Il a notamment souligné que les espaces « CampusFrance », en charge de la promotion de l'enseignement supérieur français et des échanges éducatifs, partagent déjà bien souvent des locaux avec les centres culturels français à l'étranger.
En matière de pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure française, l'administration du ministère des affaires étrangères semble redouter qu'un système de co-tutelles ne dilue les responsabilités et n'entrave la définition de lignes directrices claires. En conséquence, il a estimé qu'un compromis satisfaisant résiderait dans la mise en place, au sein d'une agence placée sous la tutelle unique du Quai d'Orsay, de programmes spécifiques qui seraient cogérés par le ministère des affaires étrangères et d'autres ministères tels que le ministère de la culture.
La fusion des établissements publics culturels français et des SCAC au sein des « EspacesFrance » devrait être l'occasion de transformer le lien hiérarchique traditionnel avec les ambassades en un lien de tutelle qui réserverait à ces nouvelles structures une plus grande marge d'autonomie de gestion sur le terrain.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité des éléments d'information complémentaires sur les perspectives en matière de recrutement, de formation et de gestion des carrières au sein du réseau culturel française à l'étranger. Elle s'est également interrogée sur les obstacles susceptibles d'entraver l'émergence d'une grande agence en charge du rayonnement culturel extérieur de la France.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que la formation des personnels en poste à l'étranger constituait le point noir du réseau culturel français. A titre d'exemple, les personnes appelées à diriger les centres culturels ne se voient offrir qu'un droit à une formation de cinq jours, réservé du reste aux primo-entrants, et ne bénéficient pas d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière. Dans ces conditions, les nouveaux arrivants s'appuient en grande partie sur les seuls conseils prodigués par leurs prédécesseurs et les personnes les plus expérimentées du réseau. Il a également souligné que la durée d'immersion des agents dans le pays d'accueil demeurait relativement courte, trois ans en règle générale, alors qu'elle est de cinq ans dans le cas des réseaux britannique, allemand et espagnol.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a insisté en particulier sur la nécessité de permettre à nos personnels en poste à l'étranger de renouer régulièrement le contact avec le milieu culturel français, le cas échéant en participant à des manifestations culturelles et des festivals organisés sur le territoire national, notamment en région. A ce titre, il a fait observer que les parcours professionnels au sein du Goethe Institut permettent aux agents de suivre au départ une formation de six mois au siège de Munich, suivie d'une formation de six mois en poste à l'étranger préalablement à la titularisation. Ils se voient ensuite régulièrement proposer de se replonger directement dans la culture allemande en participant à un grand événement culturel en Allemagne. Il revient donc à la France de concentrer ses efforts sur la formation continue de tous les personnels susceptibles d'intervenir dans la mise en oeuvre de sa politique culturelle extérieure, y compris les personnels en charge des affaires culturelles dans les collectivités territoriales et les personnels déconcentrés de l'État.
Il a ajouté que, si la création d'une agence culturelle en charge de l'influence culturelle française à l'étranger pouvait susciter un certain nombre de craintes de la part des administrations centrales concernées, le problème principal demeurait l'insuffisance des moyens consentis à l'action culturelle extérieure, notamment face à la nécessité de financer une programmation « hors les murs » en pleine croissance.
M. Yves Dauge a souhaité s'assurer que la gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure relèverait désormais de la compétence de la future agence culturelle, y voyant là une rupture fondamentale. Il s'est interrogé sur la réelle marge de manoeuvre dont disposeraient les futurs « EspacesFrance » par rapport aux ambassades. Il a émis le souhait que la nouvelle agence en charge du rayonnement culturel puisse s'inspirer du modèle de gestion décentralisée du British Council et du Goethe Institut afin de décliner au mieux une stratégie nationale en fonction des spécificités régionales. Il a regretté l'absence de « gouvernail » stratégique dans la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France et a plaidé en faveur de la création d'un conseil d'orientation, en charge de la réflexion stratégique, auprès de la future agence.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que le rapprochement des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) et des SCAC au sein des « EspacesFrance » sous l'autorité hiérarchique des ambassadeurs devrait s'accompagner du maintien, voire du renforcement de l'autonomie de gestion des établissements publics culturels à l'étranger. Il a évoqué la possibilité que la future grande agence culturelle dispose d'antennes locales placées sous la tutelle des ambassades. Il a jugé que l'organisation décentralisée du British Council et du Goethe Institut se fondait sur un échelon régional de coordination intéressant, permettant d'appréhender plus précisément les problématiques propres à certains sous-ensembles géographiques. Il a également déploré que la France ait trop souvent tendance à naviguer à vue dans la conduite de sa diplomatie culturelle alors que ses principaux partenaires européens font un effort significatif de réflexion stratégique dans ce domaine. A titre d'exemple, le Royaume-Uni accorde une place importante à la promotion de ses industries culturelles en mettant en avant la dimension commerciale d'activités artistiques telles que le cinéma ou la musique. A cet égard, il s'est félicité de la volonté récemment manifestée par le ministère français de la culture de doubler le nombre des bureaux de soutien aux exportations de biens culturels.
M. Ivan Renar a souligné le développement significatif des échanges culturels entre les collectivités territoriales françaises et leurs homologues à l'étranger dans le cadre de la coopération décentralisée. Il a regretté que ce levier de l'influence culturelle française à l'étranger soit insuffisamment soutenu par l'administration centrale. Il a déploré la dimension culturelle relativement pauvre de notre chaîne internationale qui devrait multiplier les coups de projecteur sur les activités du réseau culturel français à l'étranger. Il a en outre plaidé en faveur d'un renforcement des partenariats entre la France et ses partenaires européens dans le domaine de l'action culturelle extérieure. Enfin, il s'est interrogé sur le statut juridique d'une grande agence culturelle, rappelant à ce titre qu'une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyait déjà sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et avait été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.
M. Jean-Claude Etienne a considéré que l'insuffisante coordination des initiatives culturelles des collectivités territoriales françaises constituait une forme de gâchis et a regretté le manque d'intérêt des administrations centrales pour le levier majeur que constitue la coopération décentralisée. Il a fait observer que l'Espagne était à la pointe de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement de la langue espagnole à l'étranger. Il en résulte une relative modicité des coûts pour des actions phares de la politique culturelle extérieure de l'Espagne.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a regretté le manque de souplesse des parcours professionnels des agents culturels français à l'étranger et s'est interrogée sur les perspectives de carrière qui leur seraient ouvertes à l'avenir dans le cadre de la future agence culturelle.
En réponse à ces interrogations, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a apporté les précisions suivantes :
- les échanges culturels menés dans le cadre de la coopération décentralisée connaissent une croissance significative, notamment au niveau des régions depuis 1992. La DGCID comprend une délégation pour l'action extérieure des collectivités locales dont le budget reste cependant insuffisant pour exercer un véritable effet de levier sur le développement des actions internationales des collectivités territoriales. Il a reconnu, par ailleurs, que le réseau culturel français à l'étranger était très peu sollicité dans la mise en oeuvre de projets de coopération décentralisée. Il a également déploré l'absence d'une plateforme d'information commune et centralisée qui permettrait de mieux identifier et coordonner les multiples initiatives lancées par les collectivités territoriales dans le domaine culturel ;
- une grande opération de communication sur le dispositif culturel de la France à l'étranger devrait mobiliser des chaînes internationales telles que France 24 ou Arte afin de médiatiser le parcours d'artistes formés et portés par le réseau culturel français ;
- grâce à des initiatives privées, des équipes internationales composées de professionnels européens de la culture ont été créées pour mener des opérations de formation en direction des futurs responsables culturels et directeurs de festivals européens ; il s'agit là d'un signe encourageant en faveur de l'émergence d'une véritable ingénierie culturelle de dimension européenne ;
- l'Espagne a en effet un temps d'avance dans l'enseignement de la langue via les nouvelles technologies de l'information et de la communication, ce qui témoigne d'un très haut niveau d'ambition en matière de promotion linguistique, notamment auprès de pays émergents à fort potentiel tels que le Brésil ; à l'heure actuelle, la France n'a pas les moyens de rattraper son retard dans ce domaine ;
- la forme juridique que pourrait prendre la future agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger fait encore l'objet de nombreuses réflexions et devrait être précisée par le ministre des affaires étrangères à l'occasion d'une prochaine communication ;
- il est impératif d'améliorer la fluidité des trajectoires professionnelles de nos personnels culturels, notamment entre les conseillers auprès des directions régionales des affaires culturelles et les directeurs d'établissements publics culturels français à l'étranger. Dans cette logique, le ministère de la culture pourrait être mieux associé à la politique de recrutement des personnels du réseau culturel français.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a fait remarquer que les postes de conseiller culturel des ambassades étaient en règle générale réservés à des fonctionnaires d'État disposant d'une formation en matière de diplomatie, certes de haut niveau mais peut-être trop classique. Il a noté, en outre, que les attachés culturels, bien souvent issus des personnels de l'éducation nationale, se voient offrir peu de possibilités de formation dans ce domaine. Il a donc plaidé en faveur d'un renouvellement de la politique de formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que les diplomates de carrière ont généralement tendance à suivre une conception de l'influence culturelle en décalage avec les réalités locales du pays d'accueil. Il a également regretté que les personnels relevant du ministère de la culture soient insuffisamment sollicités pour animer le réseau culturel français à l'étranger.
- Présidence commune de M. Josselin de Rohan, président, et de M. Jacques Legendre, président, puis de M. Jean-Pierre Plancade, vice-président, de la commission des affaires culturelles -
Action culturelle extérieure de la France - Audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française
La commission a ensuite procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française.
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé le rôle majeur joué par les Alliances françaises pour la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Il a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française concernant l'état actuel et les perspectives de réforme de l'action culturelle de la France à l'étranger et ses incidences sur le réseau des Alliances françaises.
Après avoir rendu hommage à l'intérêt manifesté à ce sujet depuis longtemps dans de nombreux rapports du Sénat, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a présenté le réseau des Alliances françaises comme un acteur profondément original du dispositif culturel extérieur et connaissant actuellement un fort développement.
Il a rappelé que l'Alliance française avait été créée à Paris en 1883 et qu'elle avait pour mission la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Sous l'appellation aujourd'hui de Fondation Alliance française, le siège parisien est la « tête de pont » du réseau des Alliances françaises dans le monde. Les Alliances françaises installées dans les Etats étrangers sont indépendantes, tant statutairement que financièrement, de la Fondation, même si elles entretiennent des liens étroits avec elle. Les Alliances françaises résultent le plus souvent d'initiatives locales et sont, en règle générale, constituées sous la forme associative. Il est d'ailleurs remarquable que la France, qui dispose pourtant d'une forte tradition jacobine, soit le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s'appuyant sur les diverses sociétés civiles étrangères et des structures de droit privé locales.
Le réseau compte actuellement 1 070 Alliances, de taille et d'importance très variables, présentes dans 135 pays, sur tous les continents.
Les missions d'une Alliance française sont identiques à celles d'un institut ou d'un centre culturel, à savoir la promotion de la culture et de la langue françaises, les deux types de structures étant répartis selon une complémentarité géographique, puisque les Alliances françaises sont à peu près seules présentes en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie et en Russie, alors qu'elles coexistent avec les centres et les instituts culturels en Europe, en Afrique et au Levant. Les « doublons » dans une même ville sont désormais rares. Mexico, qui compte à la fois une Alliance française et un centre culturel, est l'une des exceptions, mais présente un caractère particulier étant donné la dimension de cette ville.
Les objectifs, qui peuvent varier selon les Alliances françaises, sont fixés par le conseil d'administration de chaque Alliance, en tenant compte des orientations données par le service culturel de l'ambassade de France, lesquelles sont formalisées dans une convention d'objectifs et de moyens. Environ trois cents Alliances, sur plus d'un millier, sont dans ce cas, et bénéficient ainsi d'un soutien de l'Etat, sous forme de subventions et de mise à disposition de personnels de la part du ministère des affaires étrangères et européennes. Une convention générale, signée entre la fondation et le ministère, encadre les conventions locales de partenariat qui sont signées par les présidents d'Alliances et les ambassadeurs.
Les Alliances françaises sont sensibles aux aléas politiques, économiques et sociaux des pays où elles sont implantées, mais, en raison de leur statut privé et du fait qu'elles emploient majoritairement des personnels locaux, elles ne sont pas assimilées à une structure étrangère et disposent d'une grande légitimité locale, même si elles bénéficient du soutien de l'ambassade de France. Cela explique notamment la pérennité d'Alliances françaises dans des pays en crise ou encore le rôle qu'ont joué les Alliances françaises auprès de l'opinion publique aux Etats-Unis d'Amérique au moment de la campagne anti-française qui a suivi le refus de la France de participer à l'intervention militaire en Irak.
En 2008, les Alliances françaises ont assuré plus de trente-six millions d'heures de cours de français à plus de 461 000 étudiants dans le monde, ce qui fait de ce réseau la plus grande école de langue du monde.
Le budget additionné des Alliances françaises s'élève à 238 millions d'euros en 2008, dont 80 % proviennent de l'autofinancement. Les fonds propres sont issus des cours de langue, de financements privés ou de dons et legs. Les Alliances françaises sont administrées par 8 000 administrateurs bénévoles et emploient environ 12 000 salariés, en majorité des professeurs de langue recrutés localement.
Les statuts de l'Alliance française à Paris ont été modifiés à partir du 1er janvier 2008. Désormais, l'Alliance n'est plus une association régie par la loi de 1901, mais une fondation reconnue d'utilité publique. Cette réforme avait pour objectif à la fois de renforcer la visibilité de l'Alliance française sur la scène internationale, le statut de fondation étant mieux compris à l'étranger, et de distinguer la coordination du réseau international des activités de gestion de l'école du boulevard Raspail à Paris, qui accueille 12 000 élèves.
La Fondation s'occupe désormais exclusivement du réseau. Elle compte douze collaborateurs et dispose d'un capital de 5 millions d'euros provenant du mécénat de grandes entreprises françaises, d'une dotation de l'Etat et de dons et legs privés. Elle poursuit une active campagne de levées de fonds, n'ayant pas encore atteint ses objectifs sur ce point.
La Fondation Alliance française et le ministère des affaires étrangères et européennes sont liés par un contrat d'objectifs et de moyens, renouvelé en 2009 pour une durée d'un an.
M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de l'Alliance française, a ensuite évoqué le fort développement que connaît le réseau des Alliances françaises.
Avec un taux de croissance de l'ordre de 3 à 5 % par an en moyenne, les effectifs des Alliances ont augmenté fortement ces dernières années, en particulier dans les grands pays du monde développé (Etats-Unis, Russie) et dans les grands pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Mexique) ou encore dans des pays comme le Congo et l'Angola. Ainsi, il existe aujourd'hui quatorze Alliances françaises en Chine qui se sont créées en moins de dix ans et une dizaine en Russie.
La Fondation Alliance française s'efforce d'accompagner ce mouvement de trois manières.
Tout d'abord, elle exerce une importante mission en matière de professionnalisation des personnels des Alliances françaises, notamment en assurant des formations à la gestion et au management. A cet égard, la suppression de la moitié des postes d'expatriés détachés par le ministère des affaires étrangères et européennes sur les quinze dernières années rend plus que nécessaires ces formations.
Ensuite, l'Alliance française mène des actions en matière de gouvernance. Ainsi, une révision générale des statuts est en cours et un cadre de référence a été publié. La Fondation est également étroitement associée à la procédure de sélection des directeurs d'Alliances françaises.
Enfin, la Fondation s'efforce de renforcer la coordination du réseau, dans le respect de l'indépendance et de l'autonomie de chacune des Alliances.
En définitive, le réseau des Alliances françaises, qui bénéficie d'une forte notoriété et d'une bonne image à l'étranger, aborde avec confiance son avenir.
Après avoir remercié M. Jean-Claude Jacq pour son exposé et relevé son optimisme qui contraste avec le constat plus réservé dressé par d'autres intervenants, M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a souhaité connaître ses motifs d'insatisfaction ou d'inquiétude concernant l'action culturelle de la France à l'étranger.
M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a indiqué que, en ce qui concerne le réseau des Alliances françaises, le principal défaut, inhérent à toute structure décentralisée, pouvait être une homogénéité insuffisante concernant la qualité des prestations offertes au public entre les différentes Alliances françaises. On peut répartir grossièrement celles-ci en trois cercles. Un premier tiers est constitué d'environ trois cents Alliances françaises, qui bénéficient en général d'un soutien financier du ministère des affaires étrangères et européennes. Ces Alliances françaises sont assez homogènes et leurs prestations linguistiques et culturelles de très bonne qualité. Le deuxième tiers est composé d'Alliances qui dispensent des cours de langue et organisent quelques activités culturelles plus modestes (conférences, réunions). Enfin, un troisième cercle comprend des Alliances qui s'apparentent davantage à des clubs ou à des cercles d'amitiés. La Fondation a pour objectif de faire passer le plus grand nombre d'Alliances possible du troisième au deuxième cercle, et du deuxième au premier.
Si les Alliances sont indépendantes et s'il n'existe pas de lien hiérarchique entre elles et la Fondation, celle-ci est toutefois garante du nom « Alliance française » et elle peut le retirer en cas de dysfonctionnement, le cas se présentant au pire une ou deux fois par an.
La Fondation organise également des actions de formation destinées aux directeurs des Alliances françaises, aux membres du conseil d'administration et aux personnels.
La deuxième difficulté, qui n'est pas propre au réseau des Alliances françaises, mais qui touche l'ensemble de l'action culturelle de la France à l'étranger, tient à la forte diminution des financements de l'Etat, de l'ordre de 10 % en 2007 comme en 2008 et de 20 % en 2009. Certes, le recul des crédits consacrés à l'action culturelle de la France à l'étranger n'est pas nouveau mais elle atteint aujourd'hui une telle ampleur qu'elle touche désormais le coeur même de l'action culturelle extérieure.
En outre, la recherche de financements extérieurs auprès de partenaires privés donne lieu désormais à une forte concurrence entre les services de coopération et d'action culturelle des ambassades, les directeurs de centres ou d'instituts culturels et les directeurs des Alliances françaises, comme on peut l'observer à New-York ou en Inde.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française sur la création éventuelle d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Elle lui a notamment posé des questions sur l'exercice de la tutelle et le pilotage stratégique, la gestion des ressources humaines, la fusion des services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels et la relation entre les nouveaux établissements issus de cette fusion et les ambassades.
En réponse, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a apporté les précisions suivantes :
- à ce jour, la Fondation n'a jamais été consultée par le ministère des affaires étrangères et européennes sur la réforme en cours, ni sur le projet plus particulier de création d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger ; elle ignore ce que pourraient en être les compétences, l'organisation, les financements et l'articulation avec la direction générale, en particulier la direction de la coopération culturelle et du français. Elle ne peut donc avoir d'avis sur la question ;
- si une telle agence venait à être créée, il faudrait s'interroger sur sa tutelle et sur son pilotage stratégique. A cet égard, il semble préférable d'avoir une seule tutelle, de préférence celle du ministère des affaires étrangères et européennes, car l'expérience montre que l'existence de plusieurs tutelles ministérielles aboutit en réalité à une absence de tutelle. Cela n'empêche pas pour autant de renforcer l'implication d'autres ministères, comme au premier chef le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi le ministère du commerce extérieur, en instituant, par exemple, un conseil d'orientation interministériel chargé de définir les orientations stratégiques. Il serait même possible d'étudier la présence au sein de ce conseil d'orientation d'un ministère comme celui de la défense, compte tenu des enjeux stratégiques de l'action culturelle extérieure.
La meilleure formule, claire et simple, serait une direction générale chargée de traduire les grandes orientations ainsi retenues en stratégies, de piloter l'ensemble du dispositif et d'assurer l'évaluation des actions menées, la mise en oeuvre étant confiée à quelques grands opérateurs tels que par exemple l'agence française de développement, l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger, l'Alliance française et CulturesFrance.
- une réforme de la gestion des ressources humaines au sein du réseau culturel apparaît nécessaire, que ce soit en matière de recrutement, de formation ou de déroulement de carrière, laquelle semble aujourd'hui inadaptée aux besoins d'un réseau culturel moderne. A cet égard, l'idée de créer un corps spécifique, sur le modèle de l'Institut Goethe, mériterait d'être étudiée, de même que celle d'un renforcement de la formation initiale et continue. Il serait également envisageable d'adopter une certaine souplesse en matière de durée de mission dans les postes, qui serait variable selon les pays, allant, par exemple, de trois ans en Europe à six ans dans un pays demandant un fort investissement linguistique et culturel comme la Chine ;
- l'idée de fusionner les services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels n'est pas une nouveauté puisqu'avaient été instaurés naguère les centres de coopération culturelle (CCC), de même inspiration. Cependant, sa mise en oeuvre dans toutes les villes où n'existent que des Alliances françaises et non des centres culturels semble problématique. Il résulte d'entretiens avec un auditeur de la Cour des comptes qu'il conviendrait de mieux séparer associatif et administratif dans le réseau culturel extérieur français et de donner une plus large autonomie aux directeurs d'Alliances. La Fondation Alliance française a donné mandat à des délégués généraux pour coordonner l'action dans une quarantaine de pays ; à cette fin, elle a ouvert des comptes bancaires sur lesquels sont versées, afin de leur permettre de remplir cette mission, des subventions du ministère des affaires étrangères inscrites dans la programmation des postes. Dans deux ou trois cas, les services culturels ont été tentés de bénéficier de la souplesse et de la rapidité permises par le mode associatif (celui de la Fondation, en l'occurrence) pour mettre en oeuvre plus efficacement leur propre programmation culturelle, ce qui, selon les règles de la comptabilité publique, pourrait s'apparenter à une « gestion de fait » dans laquelle il sera mis bon ordre. Il n'en reste pas moins que, d'une façon plus générale, une clarification des relations entre les ambassades et les opérateurs semble nécessaire, dans le respect, pour ce qui concerne l'Alliance française, des conventions signées avec les ambassades, par lesquelles ces dernières fixent les priorités.
M. Yves Dauge a fait part de son inquiétude au sujet de la forte baisse des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure et s'est interrogé sur la possibilité pour l'Etat d'exercer dans ce contexte un véritable pilotage stratégique.
Mme Monique Papon s'est interrogée sur la reconnaissance des diplômes délivrés par les Alliances françaises, au regard de ceux décernés par le British Council.
M. Jean-Claude Jacq a indiqué que les diplômes de langue délivrés par les Alliances françaises étaient les diplômes officiels (Delf-Dalf) du ministère de l'éducation nationale et reconnus à ce titre à l'étranger.
M. Jack Ralite a souhaité revenir sur la fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, en rappelant que la moitié des centres et instituts culturels français en Allemagne avaient été fermés ces dernières années, ce qui constitue un réel motif de préoccupation. Il s'est demandé si l'interprétation éventuelle de la Cour des comptes d'une « gestion de fait » concernant certaines délégations générales n'entraînait pas des effets pervers en limitant à l'avenir les possibilités pour les services des ambassades de mener des actions de coopération culturelle par l'intermédiaire des Alliances françaises. Enfin, il a fait part de son inquiétude au sujet de la création éventuelle d'une agence et il a regretté que le mot « culture » n'apparaisse pas dans la dénomination de la nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes.
M. Jean-Claude Jacq a rappelé que la suppression du terme « culture » datait de la création de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et qu'elle avait déjà à l'époque provoqué un certain émoi au sein des milieux culturels.
Il s'est également déclaré préoccupé par un mouvement de fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, si celui-ci devait se faire trop rapidement et sans étude préalable des possibilités de relève par une Alliance française. En effet, si une Alliance française peut prendre de manière tout à fait satisfaisante la suite d'un centre ou d'un institut culturel, comme récemment à Gênes, à Porto ou à Nairobi, cela ne peut s'appliquer partout en Europe de la même manière. Ainsi, au Luxembourg par exemple, le remplacement du centre culturel existant par une Alliance française n'apparaît guère possible, étant donné que les autorités locales offrent gratuitement aux adultes, dans un centre de langues public, des cours de langues étrangères, ce qui prive une Alliance française d'une possibilité essentielle de financement.
M. Jean-Pierre Plancade, président, ayant fait observer que la question centrale restait celle du financement, M. Jean-Claude Jacq, a confirmé que, malgré un poids très modique de l'action culturelle extérieure au sein du budget de l'Etat, la forte baisse des crédits consacrés à la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger, qui résulte sans doute d'un manque de véritable volonté politique dans ce domaine depuis des décennies, créait une situation préoccupante pour l'avenir du rayonnement de la culture et de la langue françaises dans le monde.
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -
Echange de vues avec une délégation brésilienne sur l'élaboration du budget de la défense
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à un échange de vues avec une délégation de la commission des affaires étrangères et de la défense de la chambre des députés du Brésil sur l'élaboration du budget de la défense.
Accueillant la délégation, M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord rappelé que le Président de la République s'était récemment rendu en visite officielle au Brésil et que le nouveau déplacement prévu à l'automne témoignait de l'intensité des relations entre la France et le Brésil qui ont à la fois une frontière commune et des intérêts communs.
Remettant aux membres de la délégation brésilienne une note relative au rôle du Parlement dans l'élaboration du budget de la défense, sujet qui constituait l'objet de la mission de la chambre des députés, il a fait part de la disponibilité des rapporteurs pour répondre aux questions.
M. José Genoino Neto a indiqué que le Brésil avait élaboré un plan stratégique de défense nationale et qu'il envisageait, dans ce cadre, d'acquérir un sous-marin, quelque cinquante hélicoptères ainsi que des avions de chasse. Ces acquisitions de matériel de défense ont pour objectif de conférer au Brésil une dimension militaire proche de celle qui est la sienne dans d'autres domaines, géographique, politique ou social.
Dans cette démarche, la France est un partenaire privilégié que des liens d'amitié et de culture lient au Brésil bien au-delà du seul partenariat militaire.
L'intérêt du déplacement de la délégation est de conforter ces liens d'amitié au bénéfice de la communauté internationale pour renforcer la paix et les valeurs démocratiques.
M. Marcondes Gadelha a indiqué que, au Brésil, une commission budgétaire composée de députés et de sénateurs était constituée spécifiquement en vue de la discussion budgétaire. Il s'est interrogé sur l'organisation du Parlement français dans ce domaine.
Au cours d'un échange de vues auquel ont notamment pris part MM. Josselin de Rohan, président, François Trucy, Daniel Reiner et André Dulait, la délégation brésilienne a sollicité des précisions sur la procédure d'examen de la loi de finances, sur l'intervention éventuelle du Président de la République et des chefs d'état-major des armées dans cette procédure ainsi que sur les modes d'intervention du Parlement dans les négociations bilatérales relatives à des achats d'armement impliquant des transferts de technologie.
Interrogé sur les conséquences de la crise mondiale sur les orientations du budget français, M. Josselin de Rohan, président, a exposé les fortes contraintes pesant sur les finances publiques françaises et leur impact particulier sur les dépenses militaires. Il a précisé que les réformes en cours, à la suite de l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, avaient précisément pour objet de faire face à ces contraintes budgétaires sans affecter la crédibilité de l'outil de défense. Il a estimé que, si la crise s'approfondissait, on pourrait néanmoins concevoir beaucoup d'inquiétudes pour l'exécution des budgets de défense et la reconstitution de certaines capacités militaires, comme celles du transport aérien.
M. José Genoino Neto a évoqué les valeurs communes partagées par la France et le Brésil, notamment leur attachement au multilatéralisme. L'établissement d'un partenariat stratégique impliquant des transferts de technologie témoigne d'une relation de confiance et le partage d'un socle de valeurs commun. Dans ce contexte, il s'est interrogé sur la conception française de la dissuasion nucléaire, le Brésil ayant fait le choix de ne pas se doter de cette arme, sa conception de l'outil militaire étant essentiellement défensive.
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que la France conduisait notamment sa politique de défense dans le cadre multilatéral de l'OTAN, mais qu'elle avait fait le choix de conserver une force nucléaire stratégique autonome, avec un objectif de dissuasion dont la doctrine d'emploi avait été définie par le Président Chirac, à Brest en 2006, et le Président Sarkozy, à Lorient en 2008. Il a déclaré partager le souci du désarmement et de la lutte contre la prolifération alors que les exemples iranien et nord-coréen montrent que le monde n'est pas à l'abri du danger dans ce domaine.
A M. François Trucy qui l'interrogeait sur la participation du Brésil aux opérations de maintien de la paix, M. José Genoino Neto a indiqué que le Brésil n'intervenait que sur le fondement d'une décision du Conseil de sécurité des Nations unies, seul garant de la légitimité d'une telle opération et de l'absence d'unilatéralisme.
M. Marcondes Gadelha a précisé que le théâtre d'implication le plus important pour les forces brésiliennes était actuellement Haïti, cette implication bénéficiant d'un consensus parmi les partis politiques brésiliens. A propos de la mission des Nations unies en Haïti (Minustah), la question est plutôt de déterminer le stade d'accomplissement justifiant son arrêt. Le pays est très pauvre et ses forces de sécurité sont très mal formées. La présence des forces internationales doit y être exemplaire.
Le Brésil a également proposé un document de médiation entre la Colombie et le Venezuela sur la question des forces armées révolutionnaires colombiennes (les Farc), mais il n'a pas d'implication militaire en Amérique du Sud, à l'exception d'Haïti. Il exerce cependant un rôle de dissuasion et de médiation sur le continent.
M. Marcondes Gadelha a observé que la puissance militaire brésilienne n'atteignait pas les proportions d'autres expressions de la puissance du pays dont la géographie est à l'échelle d'un continent.
Comparée aux pays de la région, l'armée brésilienne est plus faible, pour ce qui concerne l'armée de l'air, que celles du Venezuela et du Pérou et, pour ce qui concerne la marine, que celle du Chili. Cette faiblesse relative nuit à la capacité de médiation du pays et à l'équilibre des forces sur le sous-continent.
Pour ces raisons, le pays doit consentir un effort particulier en matière de défense. Le partenariat avec la France va dans ce sens. Il ne s'agit pas de servir des visées hégémoniques mais de soutenir la paix et la démocratie avec des forces aériennes, navales et terrestres suffisantes. Il s'agit non seulement de protéger le territoire mais, surtout, de maintenir la paix.
Actualité internationale - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur l'actualité internationale.
A l'invitation de M. Josselin de Rohan, président, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a tout d'abord évoqué la situation à Madagascar.
Il a estimé qu'après trois mois de crise politique au cours desquels on avait compté près d'une centaine de victimes, Madagascar avait connu ces derniers jours une situation empruntant tout autant à la révolution qu'au coup d'Etat, puisque la légitimité du président Marc Ravalomanana, réélu régulièrement en 2006, pouvait difficilement être contestée. C'est pourquoi la France était restée soucieuse de ne pas prendre parti et d'apaiser les tensions, en s'en tenant à un soutien au respect de l'ordre constitutionnel.
Face à l'aggravation de la crise, le président Ravalomanana a démissionné le 17 mars et remis ses pouvoirs à un directoire militaire qui, à son tour, les a transmis au chef de l'opposition M. Andry Rajoelina, ancien maire d'Antananarivo. La Haute Cour constitutionnelle vient de valider ce transfert d'autorité.
Le ministre a marqué ses interrogations face à ce type de situation, qui s'écarte des procédures constitutionnelles régulières. Il a néanmoins assuré que la France n'entendait pas suspendre son assistance à Madagascar, qui constitue avant tout une assistance à la population malgache. Il a ajouté que la France agirait en étroit contact avec la communauté internationale, notamment avec les Nations unies, l'Union africaine et l'Organisation de la francophonie.
M. Robert del Picchia a demandé si la France allait reconnaître le nouveau chef de l'Etat malgache. Il a également demandé des précisions sur la constitution du nouveau gouvernement israélien.
Mme Catherine Tasca a évoqué la situation en Mauritanie, après la visite effectuée par le colonel Kadhafi en qualité de président de l'Union africaine. Elle a souhaité savoir si la France et l'Union européenne envisageaient de modifier leur position à l'égard du gouvernement issu du coup d'Etat.
M. Robert Laufoaulu a interrogé le ministre sur la politique de la France dans le Pacifique Sud. Il a souhaité savoir si un sommet France-Océanie serait bien organisé en 2009. Il a par ailleurs fait part d'une forte attente au Vanuatu à l'égard d'un renforcement de nos relations bilatérales, notamment en matière de soutien à la francophonie.
S'agissant de la situation à Madagascar, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a indiqué que la France souhaitait obtenir des garanties sur la situation constitutionnelle, qui n'était pas pour l'instant éclaircie. Il a précisé qu'un nouvel ambassadeur, M. Jean-Marc Châtaigner, avait pris ses fonctions à Antananarivo, ce qui permettrait de mieux évaluer la situation sur place.
D'une manière générale, le ministre a relevé une tendance inquiétante au retour, sous des formes très diverses, des coups d'État. Bien que les situations soient très différentes, les cas de la Mauritanie, du Kenya, du Zimbabwe, de la Guinée et aujourd'hui de Madagascar illustrent le mauvais fonctionnement des processus constitutionnels réguliers.
En ce qui concerne la Mauritanie, le ministre a indiqué que la France soutenait la solution préconisée par le président de la Commission de l'Union africaine, M. Jean Ping, selon laquelle, afin de garantir l'impartialité de l'élection du 6 juin prochain, le général Aziz devrait rétrocéder le pouvoir au président renversé par le coup d'État qui superviserait la préparation du scrutin tout en ayant accepté de n'y pas concourir. Le recours à des sanctions par l'Union européenne n'est pas actuellement à l'ordre du jour.
A propos du Proche-Orient, le ministre a estimé que la situation était plus difficile que jamais après le conflit de Gaza. La réconciliation inter-palestinienne et les négociations sur un cessez-le-feu durable, n'ont pas encore abouti. La constitution d'un nouveau gouvernement israélien, auquel le parti travailliste et Kadima n'envisagent pas pour l'instant de participer, est reportée à la fin mars ou au début avril. Ce report marque la difficulté de la composition d'une coalition gouvernementale. L'influence de M. Lieberman, qui s'est déclaré favorable à la coexistence de deux Etats, mais dont les positions droitières sont claires, pourrait demeurer en balance avec un éventuel accord avec les travaillistes et Mme Livni. Il faut enfin noter une évolution sensible de la position des Etats-Unis d'Amérique, plus impliqués et exigeants.
Par ailleurs, répondant à M. Robert Laufoaulu, le ministre a confirmé que le prochain sommet France-Océanie se tiendrait à Nouméa à la fin du mois de juillet 2009. Il a souligné la volonté de la France d'affirmer sa présence dans cette région où elle représente également l'Union européenne, qui constitue un important bailleur de fonds. Il a reconnu l'intérêt de renforcer les relations avec le Vanuatu. Il a indiqué qu'il effectuerait dans quelques semaines la première visite d'un ministre des affaires étrangères français en Australie depuis vingt-cinq ans, et qu'il se rendrait également en Nouvelle-Zélande.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a fait état de l'échec des négociations entre le Hamas et Israël sur l'échange de prisonniers, et a souhaité savoir si elles avaient achoppé sur une libération éventuelle de M. Marwan Barghouti. Mme Michelle Demessine s'est interrogée sur l'opportunité de poursuivre dans la voie de l'accord de partenariat entre l'Union européenne et Israël, alors que ce pays étend sa colonisation en Cisjordanie, ainsi que ses opérations d'occupation et de destruction de maisons palestiniennes.
En réponse, le ministre a apporté les réponses suivantes :
- M. Barghouti ne figure pas à sa connaissance parmi les 450 prisonniers dont la libération est en cours de négociation entre Israël et le Hamas ; il est d'ailleurs possible que l'OLP préfère garder M. Barghouti en réserve, afin qu'il joue pleinement son rôle à l'issue d'un éventuel accord inter-palestinien ;
- sur les 450 prisonniers libérables, Israël demande qu'environ 70 d'entre eux résident ultérieurement hors de Cisjordanie, ce qui pose au Hamas un problème de principe. Ces libérations interviendraient en échange de celle de M. Gilat Shalit ;
- il convient par ailleurs de rappeler que l'un des faits déterminants du déclenchement de la guerre de Gaza a été le refus du Hamas, sous l'impulsion probable de son dirigeant M. Khaled Mechaal, résidant à Damas, de rencontrer le Fatah, en novembre 2008 et de rendre ainsi possible un accord interpalestinien ;
- le renforcement de la relation entre l'Union européenne et Israël s'effectuera dans le contexte du processus de paix, comme décidé en décembre dernier. L'Union européenne attend donc la constitution du prochain gouvernement israélien pour connaître ses intentions sur ce sujet. Le conseil d'association se réunira le 18 mai prochain.
M. Josselin de Rohan, président, s'est inquiété de la situation prévalant en Afghanistan, marquée par une suspicion des Etats-Unis envers l'indépendance manifestée par le représentant du secrétaire général de l'ONU, et par les interrogations américaines sur l'attitude militaire et politique à adopter pour améliorer la situation de la coalition. Il a déploré que les Etats-Unis envisagent de réaliser une revue stratégique sur ce pays sans y associer leurs partenaires. Il a regretté que certains pays maintiennent des exigences en matière de règles d'engagement. Rappelant combien le gouvernement Karzaï était contesté, que les coûteux efforts de formation en faveur de la police afghane n'avaient guère donné de résultats, que l'armée afghane avait à déplorer une soixantaine de morts par semaine, et que les nations intervenant sous l'égide de l'OTAN enregistraient également des pertes, il a exprimé la crainte d'un refus des alliés de poursuivre leurs actions sur ce théâtre, refus accentué par l'état actuel de déliquescence du Pakistan.
En réponse, le ministre a apporté les éléments suivants :
- les opérations sous l'égide de l'OTAN ont toujours fonctionné avec des règles d'engagement différentes selon les nations participantes. Cela provoque de continuelles difficultés, et aboutit, dans les faits, à ce que certaines nations ne combattent pratiquement pas ;
- la revue stratégique a été confiée à l'envoyé spécial américain, M. Richard Holbrook, excellent connaisseur de la région ; le Royaume-Uni, l'Allemagne puis la France ont également désigné des représentants spéciaux, afin de participer aux discussions. Pour la France, il s'agit du député Pierre Lellouche, nommé parlementaire en mission pour une période de six mois. Les Etats-Unis ont pris le soin de consulter étroitement leurs partenaires ;
- l'éventuel succès de la coalition en Afghanistan passera davantage par la conquête des populations civiles que par des succès militaires. Un des exemples de cette action positive est l'hôpital de Kaboul, dont le personnel est afghan, et qui a été financé avec le concours de la fondation Aga Khan ;
- les besoins de la population civile, essentiellement rurale, sont immenses : 78 % d'entre elle n'ont pas accès à l'eau et 70 % vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Pour améliorer son sort, il faut lui apporter la sécurité. Dans la perspective de la réunion du 31 mars prochain et du Sommet de Strasbourg-Kehl, des réflexions se poursuivent sur une proposition européenne pour l'envoi de forces de gendarmerie ;
- il semble utile que le gouvernement afghan ouvre des négociations avec ceux des responsables taliban qui y seraient disposés ; des contacts de cette nature ont été menés sous l'égide de l'Arabie saoudite. Il sera également nécessaire d'impliquer les chefs de tribus afghans dans la répartition de l'aide apportée par la coalition.
M. Robert Badinter s'est interrogé sur les moyens de réduire la culture et le trafic du pavot en Afghanistan, et sur le sort des prisonniers retenus sur la base américaine de Guantanamo.
En réponse, le ministre a apporté les indications suivantes :
- la Commission européenne et le Secrétariat général du Conseil étudient actuellement le cadre juridique dans lequel l'accueil de prisonniers sur le sol européen pourrait se situer. Le Royaume-Uni a déjà accepté plusieurs de ces prisonniers sur son sol. Pour sa part, pour l'accueil d'éventuels prisonniers qui ne sont pas de nationalité française, la France demandera une démarche américaine officielle ainsi qu'une démarche effectuée personnellement par le prisonnier intéressé et une parfaite clarté sur les retombées sécuritaires liées à l'éventuel accueil d'un individu donné ;
- certains pays font néanmoins part de réticences, en particulier depuis qu'un Yéménite, qui avait regagné son pays, y a été de nouveau arrêté pour des activités de soutien à Al Qaïda ;
- la lutte contre la culture et le trafic de la drogue en Afghanistan est nécessaire, mais difficile à mener sans s'aliéner les populations qui en vivent. C'est dans cette perspective que la France a proposé de faire porter la lutte sur l'interdiction des précurseurs chimiques qui permettent de transformer le pavot en opium. Il convient également de proposer des cultures de substitution, comme cela a été réussi, dans des conditions spécifiques, en Colombie ; mais il faut constater que celles-ci sont rarement aussi rémunératrices que la production de pavot ;
- les futures élections présidentielles afghanes ont été maintenues au 20 août prochain, et des renforts militaires seront nécessaires pour en protéger le déroulement. La question de l'intérim constitutionnel est particulièrement délicate. Le Président Karzaï souhaite continuer de gouverner pendant la période intérimaire, mais la seule solution porteuse de stabilité pour le pays serait une solution qui ait pu recevoir l'accord des différentes institutions, en particulier celui du Parlement.
M. Jacques Gautier a souhaité avoir des précisions sur la situation prévalant au Soudan après la décision prise par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre du Président El Bechir, et les expulsions consécutives de bon nombre d'ONG occidentales.
En réponse, le ministre a apporté les éléments suivants :
- l'instauration d'une justice internationale, dont la CPI est la forme la plus achevée, constitue un incontestable progrès ;
- le Président Bechir avait été informé que le Procureur de la CPI avait demandé que soit délivré un mandat d'arrêt à son encontre, mais a refusé tout geste de bonne volonté de nature à montrer qu'il souhaitait collaborer avec la Cour ;
- parallèlement, la France soutient une médiation menée par le Qatar entre les rebelles et les autorités soudanaises ;
- il faut relever que l'opposant Hassan el Tourabi s'est prononcé en faveur du lancement d'un mandat d'arrêt de la CPI, mais que la Ligue arabe et l'Union africaine l'ont récusé.