Mardi 17 février 2009
- Présidence de M. Jacques Legendre, président -Jeunesse - Audition de M. Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse
La commission a tout d'abord procédé à l'audition M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse, a introduit son propos en annonçant que trois axes guident sa réflexion et son action en faveur de la jeunesse. L'interministérialité est tout d'abord au coeur de sa politique dans la mesure où le soutien à la jeunesse relève de mesures éducatives, mais aussi culturelles et sociales. Ce caractère interministériel se manifeste par le rattachement du Haut-Commissaire auprès du Premier ministre et le partage de compétences entre les ministres défini par le décret n° 2009-57 du 16 janvier 2009 relatif aux attributions du Haut-Commissaire. Ce décret prévoit, outre son autorité sur la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, sa compétence conjointe sur la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la délégation interministérielle à l'innovation, à l'expérimentation sociale et à l'économie sociale, le délégué interministériel à l'orientation, et la direction générale de l'enseignement supérieur, pour ses services en charge des conditions de vie des étudiants.
La concertation et l'expérimentation seront en outre les modalités privilégiées d'exercice de ses compétences, afin que l'ensemble des acteurs puissent adhérer à une politique mûrie en commun.
Enfin, des mesures rapides pourront rapidement être prises dès lors que la réflexion a déjà eu lieu : ainsi, le conseil d'orientation pour l'emploi vient de faire des propositions sur la question de l'orientation scolaire, à laquelle des réponses peuvent être apportées à court terme.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse, a ensuite souligné le paradoxe français consistant en un taux de fécondité élevé, un taux d'activité des jeunes de moins de 25 ans très faible et un taux de pauvreté des 18-25 ans supérieur de 50 % à celui de la population active. Cette situation s'explique notamment par le fait que 160 000 jeunes sortent chaque année sans qualification du système scolaire français.
Puis il a détaillé les actions envisagées pour remédier à cette situation :
- l'orientation des jeunes est une priorité, dont l'amélioration passe par la publication de chiffres précis sur les débouchés de chaque filière, le renforcement des dispositifs 2e chance, et une réflexion sur la période charnière entre le baccalauréat et l'université ;
- la continuité du parcours est une problématique essentielle. Il apparaît peu cohérent qu'aucun dispositif de suivi n'existe entre l'école et les missions locales, alors qu'un jeune sorti du système scolaire peut mettre plusieurs années à trouver la voie de la mission locale. Le maillage entre les différents acteurs de la politique de la jeunesse doit être renforcé, après la définition de phases d'expérimentation, car les comportements des jeunes à leur sortie du système scolaire sont difficiles à modéliser ;
- le fonds d'expérimentation pour les jeunes créé par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active, doté de 150 millions d'euros lors de la mise en place du Haut-Commissariat, permettra de tester de nouveaux dispositifs d'insertion des jeunes ;
- une réflexion sur le travail étudiant doit être menée, dans la mesure où la moitié des étudiants perçoivent au moins un salaire dans l'année et un quart d'entre eux ont une activité régulière. On sait, par exemple, qu'un étudiant travaillant à temps plein a des chances plus faibles de réussir ses examens que celui qui n'exerce aucune activité salariée, mais que ceux travaillant à mi-temps ont des taux de réussite supérieurs à la moyenne. Deux hypothèses peuvent expliquer cette situation : soit un certain nombre d'étudiants sont inscrits dans un cursus scolaire uniquement pour bénéficier de certains droits, auquel cas l'extension de ces droits aux jeunes travailleurs doit être envisagée ; soit le travail à temps plein n'est pas compatible avec les études, auquel cas il faut compléter financièrement pour ces jeunes l'exercice d'une activité à temps partiel ou bien améliorer les mécanismes d'alternance. Les choix en la matière ne pourront être opérés, en tout état de cause qu'en fonction des aspirations des jeunes et après accord entre les parties prenantes.
Soulignant enfin que le lien entre la politique de la jeunesse et ses effets bénéfiques à court terme pour l'ensemble de la société est peu visible, il a estimé qu'il était fondamental que chacun soit conscient des enjeux de l'insertion des jeunes.
Un débat s'est ensuite engagé.
M. Yves Dauge, soulignant la continuité et l'efficacité des missions locales mises en place conformément aux préconisations du rapport Schwartz publié en 1981, a regretté que les mécanismes d'insertion, comme le contrat d'insertion dans la vie sociale, soient régulièrement remis en cause, ce qui nuit largement à la cohérence de l'action qu'elles peuvent mener. Il a souhaité que ce travail considérable soit « capitalisé ».
M. Jean-François Voguet a estimé que la situation de la jeunesse était aujourd'hui fortement dégradée et insisté sur la nécessité d'une proposition de loi d'orientation en faveur de l'autonomie des jeunes, qui aurait un impact politique et sociétal majeur. Il a en outre relevé que les missions sociales des collectivités territoriales sont menacées, tant en raison des problèmes de financement, qui pourraient s'aggraver en cas de suppression de la taxe professionnelle, que par la disparition de la clause générale de compétence évoquée par la commission Balladur sur la réforme des collectivités territoriales. Il s'est ainsi demandé si la prise en charge d'une partie de la carte « Imagine R » par le conseil général du Val-de-Marne resterait possible en cas d'adoption d'une telle disposition.
Après avoir rappelé les propositions de la commission des affaires culturelles du Sénat pour améliorer l'insertion des jeunes, notamment dans son rapport d'information relatif à la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles, M. Yannick Bodin a souhaité connaître les propositions de M. Martin Hirsch pour lutter contre les discriminations et les inégalités dans le cursus scolaire, citant l'exemple du faible nombre de jeunes professeurs issus de milieux modestes, notamment du fait de l'obligation d'être détenteur d'un master 2 pour passer le concours.
Après s'être réjouie de la création d'une structure interministérielle dédiée à la jeunesse, Mme Maryvonne Blondin a insisté sur l'évaluation des dispositifs expérimentaux existant en matière d'insertion des jeunes, évoquant ainsi les enseignements qui peuvent être tirés de la mise en place d'un fonds d'autonomie des jeunes par le conseil général du Finistère.
M. Jean-Pierre Plancade a regretté le manque de continuité des politiques en faveur de la jeunesse qui se sont trop souvent succédé au gré des mouvements ministériels, sans grande cohérence. Il a plaidé pour une plus grande collaboration entre l'État et les collectivités territoriales dans ce domaine, dans le cadre de référence des missions locales dont il a souhaité que le Haut-Commissaire lui confirme qu'elles relèveraient désormais de sa compétence. Il a également insisté sur la nécessité de valoriser les savoir-faire et le potentiel des jeunes, en particulier des plus vulnérables. Enfin, il a sollicité des précisions sur la politique en faveur du logement étudiant et de l'accueil des apprentis.
En réponse aux intervenants, M. Martin Hirsch a formulé les observations suivantes :
- le Haut-Commissaire à la jeunesse sera co-responsable, notamment avec le ministère de l'emploi, de la supervision des missions locales qui mobilisent un réseau de près de 11 000 agents. A ce titre, elles participeront à la commission de concertation ;
- son action consistera principalement à rétablir une cohérence dans l'articulation des multiples dispositifs préexistants en faveur de l'emploi des jeunes, jusqu'ici cloisonnés. Sur le modèle des pactes territoriaux de l'insertion, prévus par la loi du 1er décembre 2008, pourra être conclu un pacte de l'insertion des jeunes associant l'État, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux, qui concernerait l'ensemble des jeunes, et dont le schéma d'exécution serait ensuite adapté à la réalité des territoires, dans une démarche de contractualisation entre les différents acteurs ;
- si une loi d'orientation n'est pas, pour l'heure, envisagée pour la politique de la jeunesse, un certain nombre de mesures feront très probablement l'objet d'un examen au Parlement. Ayant manifesté son intérêt pour cette question au travers de multiples rapports d'information, la représentation nationale sera associée, suffisamment en amont, à la concertation avec les parties prenantes ;
- les questions du logement étudiant et des droits de l'étudiant salarié, qui ont déjà fait l'objet de réflexions très fournies, retiendront toute l'attention du Haut-Commissaire. S'agissant plus particulièrement de la promotion de la diversité sociale, un appel à projets dans ce domaine, lancé il y a quelques mois, a déjà permis de retenir 37 projets dont 14 sont plus spécifiquement dédiés aux populations les plus vulnérables des quartiers en difficulté ;
- d'importants progrès restent à réaliser dans le domaine des statistiques, notamment afin de donner une image plus sincère de la réalité de la vie des jeunes et de mettre un terme aux réflexes de stigmatisation ;
- le développement du service civique s'imposera comme l'un des chantiers prioritaires de la politique en faveur de la jeunesse. A ce titre, une mission de préfiguration sera rapidement mise en place afin de répondre à la forte demande d'engagement des jeunes, de mieux identifier les besoins de la nation, de favoriser la promotion de la diversité et de valoriser le savoir-faire des volontaires qui s'investissent dans le service civique. Une procédure de consultation sera lancée sur Internet en vue de recueillir les suggestions des personnes concernées. La participation au service civique est susceptible de donner lieu à une gratification qui, le cas échéant, pourrait éventuellement prendre la forme d'une aide au financement du permis de conduire, par exemple.
M. Jean-Claude Etienne a fait part de son inquiétude quant à la dégradation de l'état de santé général de l'ensemble de la jeunesse, qui rencontre de plus en plus de problèmes liés à la prostitution et à la drogue. Il a invité les pouvoirs publics à tirer les enseignements des expérimentations, déjà nombreuses, qui ont été menées sur le terrain pour venir en aide aux populations les plus en détresse. Enfin, il a souscrit aux deux principales directions fixées par le Haut-Commissaire en matière de sécurisation de l'avenir professionnel des jeunes : un renforcement de la qualité de l'orientation et la mise en place d'une forme de compagnonnage pour faciliter un échange de vues intergénérationnel et garantir la continuité des parcours.
M. Ivan Renar a souligné l'importance de la jeunesse dans le dynamisme du dialogue interculturel et a plaidé en faveur d'un renforcement de la dimension culturelle de la politique de la jeunesse. Il a relevé, par ailleurs, que près d'un tiers des travailleurs saisonniers étaient des jeunes et a souhaité, par conséquent, que soit renforcé l'apprentissage des droits sociaux au lycée. Il a regretté que les jeunes filles poursuivent, en moyenne, des études moins longues que celles de leurs camarades masculins, et qu'elles se tournent insuffisamment vers les filières scientifiques. Il a observé, ensuite, que les plannings familiaux étaient trop peu fréquentés par les garçons. Enfin, il a souhaité connaître la position du Haut-Commissaire sur la proposition de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) de mettre en place une allocation d'autonomie pour les étudiants.
Mme Lucienne Malovry a rendu hommage à son tour, à l'action des missions locales en faveur de l'emploi des jeunes. Elle a rappelé, ensuite, la nécessité de s'inspirer d'un certain nombre d'expériences ayant permis de répondre de façon très concrète aux difficultés des jeunes les plus vulnérables, en particulier le parrainage par les entreprises. Elle s'est, en revanche, déclarée sceptique quant au bien fondé d'une allocation qui s'apparenterait à un revenu minimum étudiant : les jeunes, en quête d'estime de soi, cherchent à se réaliser à travers le travail et devraient plutôt être accompagnés dans la recherche active d'un emploi.
M. Jean-Léonce Dupont s'est déclaré préoccupé par le fait que de plus en plus de jeunes en difficulté se découragent et sont de moins en moins animés par la volonté d'apprendre. Il s'est interrogé sur les moyens des pouvoirs publics d'évaluer, sur le terrain, les besoins et les attentes des jeunes, afin de définir au mieux les mesures qui s'imposent et de prévenir ainsi le risque de désenchantement. Il s'est prononcé en faveur du décloisonnement d'une politique aussi transversale que celle de la jeunesse. Il a vivement souhaité, à ce titre, que les différentes administrations concernées se départissent enfin d'une approche patrimoniale de leurs compétences.
M. Jacques Legendre, président, s'est inquiété de la permanence d'un noyau dur de jeunes en difficulté qui sortent du système scolaire sans aucune qualification professionnelle et a appelé à concentrer les efforts en faveur de la jeunesse sur les problématiques de l'exclusion et de la lutte contre les trappes à pauvreté.
M. Martin Hirsch, haut-Commissaire à la jeunesse, leur a apporté les éléments de réponse suivants :
- l'apprentissage doit être encouragé et consolidé, dans la mesure où environ un tiers à un quart des jeunes concernés abandonnent cette formule en cours de contrat. Des expérimentations en ce sens seront développées en coopération avec les missions locales ;
- il serait imprudent de stigmatiser la situation des jeunes en se focalisant sur les difficultés rencontrées par les plus vulnérables d'entre eux. Il est impératif de lutter, par tous les moyens, contre la persistance de clichés négatifs ;
- il est indispensable de développer significativement le volet culturel de la politique de la jeunesse ; dans cette optique, ses services s'appuient sur les rapports de la commission, notamment celui consacré à l'enseignement des langues étrangères en France qui dénonçait l'insuffisante valorisation du potentiel linguistique des jeunes en difficulté ;
- des efforts conséquents doivent être mis en oeuvre pour favoriser l'orientation des jeunes filles vers les études scientifiques, et leur attrait croissant pour les filières hospitalières est un signal encourageant en ce sens ;
- l'idée d'une allocation d'autonomie pour les étudiants vise à leur garantir un revenu suffisant pour leur permettre de suivre une formation en vue de leur entrée sur le marché du travail ou les encourager à rechercher activement un emploi ;
- dans la perspective d'un véritable service public de l'orientation, qui s'inspirerait du service public de l'emploi, le personnel en charge de délivrer l'information relative à l'orientation des jeunes sera rendu comptable de son activité, le cas échéant par la mise en place d'indicateurs de performance, dans le cadre d'un système de coresponsabilité établi par convention.
Nomination d'un rapporteur
Au cours de la même réunion, la commission a désigné M. Jacques Legendre rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 204 (2008-2009), présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Hubert Haenel, sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes et a fixé le délai-limite pour le dépôt des amendements au mardi 10 mars 2009 à 17 heures.