Mardi 18 novembre 2008
- Présidence de M. Claude Birraux, député, président -Expérimentation animale - Étude de faisabilité
Le président Claude Birraux, député, a accueilli M. Gerhardt Schick, député du Bundestag, qui accompagnait M. Jean-Pierre Brard, député, dans le cadre du séjour de contact organisé par le Bundestag et l'Assemblée nationale.
Puis, l'office a procédé à l'examen de l'étude de faisabilité présentée par MM. Michel Lejeune et Jean-Louis Touraine, députés, sur la saisine, émanant du Bureau de l'Assemblée nationale, sur « l'évaluation des principes applicables en Europe à l'expérimentation animale, ainsi que des méthodes alternatives à cette dernière ».
M. Michel Lejeune, rapporteur, député, a tout d'abord rappelé que les principes applicables à l'expérimentation animale sont actuellement fixés par deux textes, la convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales, adoptée par le Conseil de l'Europe le 18 mars 1986, et la directive du 24 novembre 1986 du Conseil des communautés européennes relative à la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou d'autres fins scientifiques.
Ces deux textes comportent des dispositions visant à améliorer la situation des animaux utilisés à des fins expérimentales et se proposent d'encourager le recours à des méthodes dites « alternatives » à l'expérimentation animale, afin de réduire le nombre d'animaux utilisés et de diminuer la souffrance infligée à ceux-ci. Depuis l'adoption de ces textes, la prise en compte, en Europe, du bien-être animal s'est progressivement renforcée, comme en témoigne le Protocole sur la protection et le bien-être des animaux annexé au Traité d'Amsterdam qui pose le principe d' « une plus grande protection et un meilleur respect du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles » ou la réglementation sur les cosmétiques qui, en 2003, a été révisée afin d'interdire sur le territoire européen l'expérimentation animale pour tester des produits cosmétiques et, à terme, d'interdire la mise sur le marché de produits cosmétiques testés sur les animaux.
Le contexte européen actuel est caractérisé par deux exigences fortes exprimées tant par les citoyens européens que par les autorités publiques :
- une exigence de sécurité des produits proposés aux consommateurs européens, dont la satisfaction requiert la réalisation de tests préalables, parmi lesquels des tests effectués sur les animaux, notamment en ce qui concerne les produits de santé ;
- une exigence éthique visant à réduire la souffrance des animaux utilisés ainsi que leur nombre, et qui se fonde sur une sorte de principe de proportionnalité faisant dépendre l'acceptabilité sociale de l'expérimentation animale de la nécessité du recours à celle-ci.
A ces exigences s'ajoutent les attentes des citoyens européens dans le domaine de la santé. Pour répondre à celles-ci, la recherche biomédicale, dont l'un des moyens repose sur l'expérimentation animale, est fortement sollicitée.
C'est dans ce contexte particulier que la question de la révision de la directive de 1986 se trouve posée, cette révision devant être précédée d'une évaluation de l'application de l'ensemble de ses dispositions.
S'agissant de celles déterminant la situation des animaux de laboratoire, M. Michel Lejeune, rapporteur, député, après avoir rappelé les principales règles définies par la directive de 1986 concernant les conditions d'hébergement et de soins, la prise en compte de la souffrance de l'animal, la formation des personnels, le contrôle des établissements d'élevage, fournisseurs et utilisateurs, ainsi que le contrôle de la provenance des animaux, et indiqué que 77,5 % des 12,1 millions d'animaux utilisés en Europe à des fins expérimentales sont des rongeurs, a précisé que, dans ce domaine, le travail d'évaluation de l'office portera principalement sur :
- le degré d'harmonisation des règles applicables dans différents Etats membres et les difficultés rencontrées dans leur mise en oeuvre ;
- l'analyse des résultats des recherches effectuées sur la souffrance des animaux et des pratiques destinées à la réduire ;
- la prise en compte de la dimension professionnelle des activités exercées ;
- l'examen des éléments scientifiques et sociétaux pouvant justifier que l'on accorde une protection spécifique à des espèces particulières d'animaux, vertébrés ou invertébrés ;
- les changements éventuellement suscités par l'utilisation d'animaux génétiquement modifiés.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, député, après avoir souligné que la proposition de révision de la directive de 1986, émise récemment par la Commission européenne, visait à en élargir le champ d'application, en en rendant les prescriptions plus précises et plus contraignantes, a observé que le contexte actuel était marqué par une sorte d'anthropomorphisme, consistant à attribuer aux animaux des sensations humaines, et estimé qu'il convenait d'écarter deux attitudes extrêmes, celle consistant à réaliser des expériences inutiles et cruelles, et celle suggérant de renoncer aux expériences sur l'animal, alors que celles-ci restent encore indispensables.
A bien des égards, la directive actuellement en vigueur ne permet pas de répondre aux interrogations et aux préoccupations du public. En définissant un cadre uniforme applicable à une pluralité d'expériences, elle présente l'inconvénient de soumettre sans discernement l'expérimentation animale à la critique et peut laisser accroire que les méthodes substitutives sont susceptibles de constituer une alternative crédible à court terme, dans l'ensemble des domaines où l'expérimentation animale est pratiquée.
Après avoir énuméré les diverses finalités des expériences menées sur les animaux, rappelé qu'en vertu de plusieurs textes européens celles-ci sont tantôt interdites, tantôt rendues obligatoires dans des domaines particuliers, et précisé la répartition des animaux utilisés en Europe en fonction des buts des expériences réalisées, M. Jean-Louis Touraine a indiqué que le travail d'évaluation de l'office portera notamment sur :
- l'étude des données statistiques établies et leur comparaison, en examinant les freins à une harmonisation dans ce domaine pourtant capital ;
- les principes retenus au niveau communautaire ayant conduit dans certains cas à exiger le recours à l'expérimentation animale, et dans d'autres cas à le prohiber ;
- la mise en oeuvre et les effets de la réglementation interdisant le recours à l'expérimentation animale pour les produits cosmétiques et, plus largement des interdictions édictées par certains États membres dans d'autres domaines ou à l'égard de certaines espèces ;
- les enjeux des méthodes alternatives à l'expérimentation animale ;
- les principes de gouvernance, ainsi que les bases scientifiques de l'expérimentation animale.
Il a souligné la nécessité d'identifier les domaines dans lesquels le recours à des expériences sur des animaux est d'une importance cruciale et proposé qu'un rapport intermédiaire puisse être présenté à l'office.
M. Claude Birraux, président, député, après avoir rappelé que des méthodes non destructives permettaient d'éviter le sacrifice des animaux, a insisté sur la nécessité d'assurer une plus grande cohérence en subordonnant les interdictions à la disponibilité de méthodes substitutives et en prenant en compte les demandes visant à garantir l'innocuité des produits.
M. Jean-Pierre Brard, député, a évoqué les abattages d'animaux réalisés dans le cadre de pratiques religieuses.
M. Daniel Raoul, sénateur, s'est interrogé sur les méthodes mises au point, notamment celles fondées sur des modèles mathématiques, susceptibles de se substituer aux expériences sur les animaux réalisées avant les essais cliniques.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, député, a estimé que la modélisation des médicaments était encore embryonnaire et qu'actuellement, les méthodes dites alternatives permettaient de réduire le nombre d'animaux impliqués dans une expérience, sans se substituer totalement à celle-ci.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, a suggéré que les conditions dans lesquelles est détectée la toxicité aiguë d'un produit soient examinées, en particulier la durée d'exposition, et souligné l'utilité des expériences réalisées sur les petits animaux à des fins technologiques.
M. Jean-Louis Etienne, premier vice-président, sénateur, a insisté sur la nécessité de distinguer les tests de toxicité chronique, appelés à se développer, et les tests de toxicité aiguë.
Au terme de ce débat, l'office a accepté de poursuivre l'étude sur « les principes applicables à l'expérimentation animale en Europe et les techniques alternatives à celle-ci ».
Evaluation de l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique - Examen du rapport
M. Alain Claeys, rapporteur, député, a tout d'abord précisé le cadre dans lequel s'inscrit la présentation du rapport de l'OPECST sur l'évaluation de la loi bioéthique : l'Agence de la biomédecine (ABM) vient de rendre son rapport d'évaluation, le Conseil d'Etat et le Comité national consultatif d'éthique (CCNE) sont saisis et une mission d'information de l'Assemblée nationale commence ses travaux.
Par ailleurs, le Président de la République a mis en place un Comité de révision du Préambule de la Constitution, présidé par Mme Simone Veil, qui pourrait faire des propositions concernant la bioéthique, l'introduction de principes concernant la bioéthique dans le Préambule ne lui paraissant pas indispensable.
La révision périodique de la loi pourrait en affaiblir la portée et se révèle assez difficile, dans la mesure où les décrets d'application paraissent tardivement ou ne sont pas publiés. Il serait souhaitable que la future loi définisse le cadre et les grands principes éthiques sur chaque thématique, et qu'elle soit évaluée périodiquement par l'Agence de la biomédecine (ABM), le Comité national consultatif d'éthique (CCNE) et l'OPECST, ces organismes devant suggérer au législateur les modifications nécessaires, dès que la réglementation leur apparaîtrait inadaptée.
S'agissant du calendrier de la révision, les états généraux de la bioéthique doivent se tenir en 2009 et le projet de loi devrait être déposé au début de l'année 2010.
Tout en dressant un bilan positif des instances de régulation de la loi relative à la bioéthique, le rapport suggère de développer des synergies entre l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), la Haute autorité de santé et l'ABM pour clarifier leurs domaines respectifs de compétences dans la détermination des politiques de santé. La remise solennelle du rapport de l'ABM au Parlement et une réunion annuelle commune entre l'OPECST et l'ABM afin d'identifier en temps réel les points nécessitant l'intervention rapide du législateur sont également proposées. L'organisation d'une double tutelle de l'ABM, du ministère chargé de la santé et du ministère chargé de la recherche, permettra de confier à l'ABM la définition de la stratégie de recherche dans le domaine des cellules souches embryonnaires car cette agence autorise et encadre ces recherches, et participe à leur évaluation.
Concernant le CCNE, son indépendance doit être garantie, il serait opportun de diversifier sa composition et de déterminer les rôles respectifs du CCNE et du Comité d'orientation de l'ABM, souvent amenés à traiter des mêmes sujets.
M Jean-Sébastien Vialatte, rapporteur, député, a abordé les dispositions de la loi sur les caractéristiques génétiques d'une personne, en suggérant de débattre à nouveau des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui concerne les empreintes génétiques, et de mener une réflexion plus générale pour renforcer la protection des données de santé, notamment celles issues des empreintes génétiques.
L'information de la parentèle en cas de découverte de maladies génétiques lors d'un examen n'est pas bien réglée, le décret n'étant pas paru. Des interrogations subsistent. Faut-il prévoir la levée du secret médical dans certaines conditions ? Que faire si un patient refuse de transmettre, voire de connaître cette information ? Par ailleurs, des dispositions doivent être prises pour que l'information de ceux qui participent à une recherche sur leur génome soit assurée.
Le développement de l'accès aux tests génétiques via internet a un impact inquiétant. Il convient de renforcer l'information du public sur les modalités légales d'accès aux tests génétiques en France et d'effectuer des mises en garde par les instances habilitées tant sur la fiabilité des tests proposés que sur l'usage possible des résultats. Il est proposé qu'il soit interdit de s'en prévaloir pour obtenir un avantage.
Sur le recours au diagnostic préimplantatoire (DPI), il convient de veiller à ce qu'il ne soit pas étendu à des indications de plus en plus larges, favorisant l'eugénisme. C'est pourquoi, l'encadrement du recours au DPI prévu par la loi de 2004, paraît tout à fait utile et nécessaire. Une liste indicative des maladies d'une particulière gravité aiderait les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CDPN).
En ce qui concerne les transplantations d'organes, M Jean-Sébastien Vialatte a fait part des interrogations des rapporteurs sur la greffe à coeur arrêté, pratique très répandue dans le monde mais qui doit être mieux évaluée. Une réflexion sur les critères de la mort est nécessaire. Le caractère exceptionnel de la pratique du don d'organes entre vifs doit être réaffirmé car elle comporte des risques pour le donneur qui subit parfois des pressions intra familiales et provoque quelquefois des tensions à l'intérieur des familles. De même, le Tribunal de grande instance devrait être saisi dans un délai raisonnable de l'examen de la validité du consentement car les magistrats déplorent les saisines trop tardives. Par ailleurs, un lieu de dialogue doit être mis à la disposition des familles des donneurs potentiels décédés.
Conscients du retard de la France pour parvenir à l'auto suffisance, il préconise des campagnes d'information ciblées sur les résultats obtenus par la greffe, d'améliorer le système des greffes pédiatriques et de développer des systèmes miniaturisés permettant de pallier le manque de greffons.
M Alain Claeys, rapporteur, député, a dressé le bilan de la loi concernant la procréation médicalement assistée (AMP) en soulignant que la loi de 2004 avait peu modifié ce chapitre et que l'on disposait d'un certain recul. Les techniques d'AMP étant lourdes, elles doivent demeurer réservées aux stérilités médicalement avérées et la pratique des centres d'AMP vis-à-vis des couples qui souhaitent adopter un enfant doit être clarifiée. L'hypocrisie de la notion de couple stable et le délai de deux ans de stabilité ont été dénoncés ; cette exigence doit être revisitée. Dans cet esprit, il convient d'ouvrir aux femmes célibataires, médicalement infertiles l'accès à l'AMP puisqu'elles peuvent adopter. Le transfert d'embryon post mortem doit être autorisé et encadré. Un débat approfondi sur l'accès des couples homosexuels à l'AMP lors de la révision de la loi est nécessaire.
Si le principe de gratuité des dons doit être réaffirmé, le don d'ovocyte ne peut se développer que dans des conditions éthiques respectueuses des personnes qui font ce don comme de celles qui le reçoivent. Il implique aussi un suivi médical des donneuses et une indemnisation forfaitaire.
Quant à la levée de l'anonymat sur les dons de gamètes demandée par les enfants issus d'une insémination avec donneurs (IAD), revendication légitime au regard du droit à connaître ses origines, la loi française pourrait s'inspirer soit de la loi espagnole, soit de la législation britannique.
Les rapporteurs n'ont pas examiné la procréation pour autrui (celle qui porte l'enfant en est la mère génétique), mais seulement la gestation pour autrui (GPA) (les gamètes du couple d'intention sont utilisés). M. Alain Claeys, rapporteur, député a estimé, après une réflexion approfondie et de nombreuses auditions, que les propositions de lever l'interdiction de cette technique en l'encadrant strictement ne lèvent pas les objections de fond qui l'entachent. On ne peut aborder la levée de cette prohibition sans réfléchir au devenir de l'ensemble des intervenants, notamment à celui de l'enfant à naître, et à celui de la gestatrice et de sa famille. Un encadrement de la GPA implique un contrat sur un enfant à naître dont l'intérêt doit être protégé, il mobilise une femme et les membres de sa famille pendant un an au moins. Qu'adviendra-t-il d'elle si sa grossesse se déroule mal ? Qui sera responsable : l'équipe médicale, l'instance qui a délivré les agréments, le couple d'intention ? Comment informera t-elle sa propre famille, ses propres enfants, ses proches ?
M. Alain Claeys, rapporteur, député, a indiqué qu'il serait nécessaire d'améliorer la transparence des résultats et des pratiques de l'AMP en France.
Abordant la recherche sur les cellules souches embryonnaires, M Alain Claeys, rapporteur, député, a rappelé et repris les positions de l'OPECST et du rapport de M Pierre-Louis Fagniez en faveur de la levée du moratoire sur cette recherche. La position française manque de lisibilité, la finalité thérapeutique d'une recherche est difficile à démontrer. Cela pénalise les jeunes chercheurs. La recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines doit être autorisée au préalable, et encadrée. Il faut simplifier les démarches administratives imposées aux chercheurs, créer une banque de cellules souches gérées par l'ABM et encourager la poursuite de la recherche fondamentale, sans privilégier telle ou telle approche. C'est pourquoi il conviendrait d'autoriser, sous réserve de la disponibilité des ovocytes humains, la transposition nucléaire avec un dispositif rigoureux de contrôle par l'ABM et une interdiction d'implantation, de débattre de l'autorisation de la transposition nucléaire interespèces sous réserve d'interdire l'utilisation d'ovocytes humains et l'implantation du cybride, et de limiter son développement à 14 jours. Parallèlement, il sera nécessaire de mener une campagne d'information nationale sur le sang de cordon, d'organiser sa collecte et son transport de manière plus systématique et plus efficace.
Quant à l'interdiction du clonage reproductif humain, la France doit poursuivre ses efforts en faveur de cette interdiction, ratifier la convention d'Oviedo au plus vite ainsi que le protocole additionnel de janvier 1998, comme l'OPECST l'a demandé à maintes reprises.
Examinant les problèmes éthiques nouveaux que posent les neurosciences et la neuroimagerie, M Jean-Sébastien Vialatte, rapporteur, député, a rappelé que cette démarche avait été suggérée par le conseil scientifique de l'OPECST. Le développement rapide des nanotechnologies et des biotechnologies fait naître des interrogations, des inquiétudes et surtout un besoin de débattre de l'impact de ces recherches. L'accélération des recherches en sciences du vivant dans ces domaines induit en même temps une accélération des convergences de ces technologies. Les possibilités d'intervention sur le système nerveux sont maintenant multiples, que ce soit avec des molécules chimiques ou des procédés plus ou moins invasifs tels que l'imagerie cérébrale, la stimulation magnétique trans-crânienne, les implants ou les neuroprothèses. Risque-t-on de modifier l'humain ? Ces innovations seront-elles accessibles à tous ? Il conviendrait de développer les recherches dans le domaine de la neuroimagerie et des neurosciences, d'évaluer périodiquement l'impact de ces recherches au plan médical, mais aussi social et environnemental, d'assurer un accès équitable à ces nouvelles technologies, de protéger les données issues de ces techniques, d'éviter l'interconnexion des fichiers et d'interdire l'utilisation en justice de la neuroimagerie.
M. Claude Birraux, président, député, a félicité les rapporteurs pour leur évaluation, laquelle s'inscrit dans la lignée du premier rapport de l'OPECST sur la bioéthique, présenté en son temps, par le sénateur Sérusclat, qui posait des questions sans imposer de réponses. Il a souligné les différences d'approche entre la France et le monde anglo-saxon très préoccupé de rentabiliser les innovations médicales.
Il a évoqué, s'agissant de la gestation pour autrui, la concurrence pouvant s'exercer entre les droits de l'enfant et le droit à l'enfant, avant de s'interroger sur l'accès des femmes célibataires à l'AMP.
M. Daniel Raoul, sénateur, a demandé si les rapporteurs avaient auditionné Mme Michèle André, rapporteur de la mission d'information du Sénat sur la gestation pour autrui, et s'est interrogé sur les différences entre celle-ci et l'adoption.
Il a par ailleurs exprimé sa perplexité quant à la distinction opposant l'homme réparé à l'homme augmenté, certains médicaments ou certaines prothèses augmentant les capacités tout en soignant, et observé que l'utilisation de certains implants soulevait des questions éthiques dépassant le cadre des neurosciences.
M. Jean-Pierre Brard, député, a félicité les rapporteurs pour leurs travaux qui ouvrent des perspectives de réflexion et posent les problèmes de façon sereine.
Concernant la clause de révision de la loi, il a estimé qu'elle sécurisait le débat car le domaine de la bioéthique n'est pas celui de la certitude mathématique.
S'agissant de l'exigence de stabilité du couple, il a observé qu'une ingérence dans la vie privée ne se justifiait pas en l'absence d'atteinte physique ou psychique de l'être existant.
Evoquant l'homoparentalité, il a préconisé d'auditionner le docteur Stéphane Nadaud, auteur d'une thèse de médecine sur le sujet, démontrant que l'orientation sexuelle ne doit pas être discriminante.
Il s'est prononcé, comme les rapporteurs, en faveur du principe absolu de la gratuité des produits du corps humain, en évoquant le souvenir d'un débat surréaliste sur l'assujettissement du sang à la TVA.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, s'est interrogé sur l'opportunité de réviser périodiquement la loi de bioéthique, observant que des progrès considérables ont été réalisés depuis une quinzaine d'années, notamment en ce qui concerne le diagnostic préimplantatoire fort controversé à l'origine.
Il a regretté que le rapport ne soit pas plus audacieux sur l'encadrement du recours aux tests génétiques via Internet, des entreprises proposant de décrypter le génome pour 1000 $. Il a suggéré de poser des interdits s'inspirant des lois sur le tourisme sexuel et souligné la nécessité d'anticiper les évolutions suscitées par le développement de la pharmacogénétique et de la médecine personnalisée.
M. Jean-Louis Touraine, député, a évoqué les transplantations, en déplorant que plusieurs centaines de malades meurent chaque année faute de greffe et que plus de 13 000 personnes soient inscrites sur liste d'attente.
A propos du caractère exceptionnel de la greffe par donneur vivant, recommandé par les rapporteurs, il a souligné le retard de la France dans ce domaine. S'il y a eu des accidents dans le passé, le prélèvement d'un rein ne présente plus les mêmes risques que celui d'autres organes, tels que le foie ou le poumon. Effectué sous célioscopie, l'anesthésie constitue, dans ce cas, le principal risque opératoire, comme pour le prélèvement de moelle osseuse.
Il a demandé de distinguer les greffes de foie et de poumon, qui présentent des risques pour les donneurs vivants, et les greffes de moelle osseuse et de reins, pour lesquelles les risques sont plus limités, en rappelant que l'Agence de la biomédecine faisait une campagne d'incitation en faveur de la greffe de rein par donneur vivant et que celle-ci concerne 100 % des cas au Japon, 40 % aux États-Unis, la France faisant preuve d'une frilosité étonnante. Il a insisté pour que l'on informe mieux les personnes des avantages de la greffe de rein par donneur vivant : le greffon est de meilleure qualité, dure plus longtemps et l'organisme du receveur est moins affaibli par l'attente et les dialyses.
Quant au consentement éclairé des donneurs, il a estimé que les médecins doivent s'adresser à chacun des membres de la famille séparément pour ne pas contraindre le donneur potentiel à accepter.
Regrettant la pénurie de greffons issus de donneurs cadavériques, liée au nombre de refus de don, oscillant en France entre 30 et 40 % ce qui correspond au pourcentage de greffons manquants, en dépit du principe du consentement présumé, il s'est interrogé sur la procédure destinée à recueillir l'avis des familles. Estimant que les équipes médicales font preuve d'autocensure et qu'il serait préférable de se contenter de prévenir la famille, il a préconisé la promotion d'une conception bilatérale de la transplantation, l'acceptation d'être greffé et celle de donner devant être liées.
M. Jean-Claude Etienne, premier vice-président, sénateur, après avoir félicité les rapporteurs, a observé que l'articulation des différentes instances chargées de la bioéthique n'était pas clairement définie actuellement, la dualité des organismes, Agence de la biomédecine et Comité consultatif national d'éthique (CCNE), suscitant une dualité des réflexions, scientifique d'une part, et éthique d'autre part.
Les rapporteurs ont répondu aux différentes questions.
S'agissant de l'assistance médicale à la procréation, M. Alain Claeys, rapporteur, député, a expliqué que, dans le cadre de leurs travaux d'évaluation, les rapporteurs de l'OPECST avaient auditionné les mêmes personnalités que celles entendues par la mission du Sénat, qu'ils avaient pris connaissance du rapport de Mme Michèle André, mais qu'ils n'étaient pas arrivés aux mêmes conclusions, car les questions éthiques demeurent posées et le tourisme procréatif ne saurait constituer un argument suffisant pour justifier l'autorisation de la GPA.
Concernant l'accès des femmes célibataires à l'AMP, il a rappelé que l'on se situait dans le cadre d'une stérilité médicalement avérée et qu'il convenait d'éviter certaines hypocrisies.
Quant à la révision périodique de la loi, il a observé que le mécanisme de révision tous les cinq ans est lourd, et estimé qu'il valait mieux trouver des articulations entre l'Agence de la biomédecine et l'OPECST, pour évaluer à date fixe et créer un dispositif plus réactif.
Sur les instances de la bioéthique, il a indiqué que le débat sur le CCNE s'était déroulé au moment du changement de son président car des interrogations sur le devenir de l'institution étaient apparues et souligné que le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine et le CCNE ne devaient pas se substituer l'un à l'autre, estimant qu'il valait mieux élargir la composition du CCNE et assurer son indépendance pour qu'il éclaire utilement la société, tout en étant en relation avec l'Agence de la biomédecine.
Concernant l'AMP, M. Jean-Sébastien Vialatte a précisé que la GPA impliquait la levée de l'anonymat. Il a ajouté que l'on ne pouvait pas exclure les troubles psychologiques liés au questionnement sur les origines. Il a souligné les différences entre l'adoption, dans le cadre de laquelle un enfant déjà né est recueilli, et l'assistance médicale à la procréation, dont l'objet est de faire naître un enfant.
S'agissant de la gestation pour autrui, il a observé que le principe de gratuité ne peut être assuré qu'avec le corollaire de l'anonymat, ce qui n'est pas possible pour la gestation pour autrui, et il a rappelé qu'en France, on avait des difficultés à trouver 200 donneuses d'ovocytes.
Sur la révision à date fixe, M. Jean-Sébastien Vialatte a estimé que les grands principes ne sont pas révisables et qu'il convenait de s'orienter vers une loi cadre, dont certains éléments seront adaptés quand cela se révèlera nécessaire.
S'agissant de la greffe, il a indiqué qu'au cours des auditions organisées, des appels à la prudence avaient été exprimés à l'égard des greffes du foie et du poumon. Il a souligné que des pressions familiales sur les donneurs vivants avaient été constatées, notamment par France ADOT, et que des magistrats s'étaient plaints de ne pas disposer de délais suffisants pour recevoir les donneurs.
Au terme de ce débat, les recommandations proposées par les rapporteurs ont été adoptées et la publication du rapport a été autorisée.
Désignation de rapporteurs
L'office a désigné M. Alain Gest, député, rapporteur de l'étude sur « les effets éventuels sur la santé de la téléphonie mobile » demandée par le Bureau de l'Assemblée nationale.
Enfin, il a désigné MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, députés, rapporteurs sur « l'évaluation des résultats respectifs des recherches sur les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes », conformément à l'article 26 de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique.