Mardi 8 juillet 2008
- Présidence de M. Philippe Marini, président.Examen du rapport d'étape
La mission a procédé à l'examen du rapport d'étape de M. Alain Vasselle, rapporteur.
A titre liminaire, M. Philippe Marini, président, a rappelé que la mission a organisé, le 26 juin 2008, un débat entre ses membres sur les orientations du rapport d'étape dont Alain Vasselle s'apprête à présenter la synthèse. Ce document vise à exposer les principaux enjeux du dossier de la dépendance ainsi que les possibles voies de réforme pour définir les contours du cinquième risque.
Il s'est félicité de la richesse des échanges intervenus entre les sénateurs : toutes les opinions ont pu s'exprimer dans un esprit constructif de recherche du consensus le plus large possible. Il a ensuite souligné que les membres de la mission ont reçu un vaste ensemble de données et d'informations destinées à nourrir leur réflexion : l'intervention du rapporteur ; un ensemble de tableaux récapitulant les conséquences financières de certaines des options avancées lors de la précédente réunion ; des extraits du bulletin des commissions du Sénat, ainsi que le projet de document destiné à être publié sur la base des orientations arrêtées collectivement le 26 juin 2008.
Après avoir fait valoir l'ampleur du travail de fond réalisé au cours des derniers mois, M. Philippe Marini, président, a estimé que le temps est désormais venu de présenter ce rapport d'étape. Il ne s'agit nullement, à ce stade, de proposer un schéma « clé en mains » d'organisation du cinquième risque. Le Gouvernement n'a d'ailleurs lui-même pas encore lancé les concertations préalables à la rédaction de son futur projet de loi. Les travaux de la mission se poursuivront donc jusqu'au 31 décembre 2008. En définitive, ce projet de rapport constitue une sorte de relevé d'orientations reprenant les solutions qui paraissent pouvoir être mises en oeuvre, ainsi que les sujets nécessitant d'être approfondis au cours des prochains mois.
Au préalable, M. Alain Vasselle, rapporteur, a relativisé les réserves formulées par certains sénateurs quant à l'opportunité de publier, à ce stade, un tel document. Ce rapport d'étape a en effet pour ambition d'éclairer les choix du Gouvernement et de contribuer utilement au débat public. Il ne s'agit donc pas de se prononcer, dès aujourd'hui, sur ce que devrait être à l'avenir l'architecture de ce cinquième risque de protection sociale.
La question du financement, en particulier, nécessite d'être abordée avec beaucoup de prudence. La mission a entrepris, dans cet objectif, de réaliser des simulations financières pour évaluer l'impact des solutions qu'elle pourrait proposer. Mais les scénarios envisagés à partir de ces chiffres demeurent pour l'instant de simples pistes de réflexion qui devront faire l'objet de travaux complémentaires d'ici à la fin de l'année 2008.
M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur l'évolution que pourrait connaître la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées, tout en soulignant que le maintien du statu quo actuel n'apparaît pas tenable à terme. Le bilan de la politique menée au cours des dix dernières années en matière de dépendance fait toutefois apparaître de nombreux éléments positifs.
Il a estimé ainsi que la création de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) en 2002 peut être considérée rétrospectivement comme un succès, dans la mesure où elle a permis de solvabiliser une grande partie des attentes de nos concitoyens. Par ailleurs, l'accès à cette prestation dès le groupe iso-ressources (Gir) 4 favorise la prévention et ralentit le processus conduisant les malades vers des stades de dépendance de plus en plus élevés.
Il a jugé tout aussi remarquable l'effort de médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées (Ehpad) réalisé depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Notre pays se situe désormais, sur le plan qualitatif, à un niveau globalement favorable par rapport à ses voisins européens. Sur le plan quantitatif, en revanche, le nombre de places en institution demeure encore nettement insuffisant.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a ensuite constaté le dynamisme de la dépense publique au cours de la même période : les prestations versées dans le cadre de l'Apa et de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie médicosocial (Ondam) se sont ainsi accrues en moyenne de respectivement 8 % et 9 % par an.
La collectivité nationale consacre désormais à la perte d'autonomie environ 20 milliards d'euros de ressources par an, soit l'équivalent d'un peu plus de 1 % du produit intérieur brut (Pib). En dépit de l'ampleur de cet effort de rattrapage, les personnes âgées dépendantes et leurs familles expriment de plus en plus souvent leur désarroi : les plans d'aide à domicile sont fréquemment saturés pour certaines catégories d'assurés sociaux, tandis que le reste à charge en établissement peut atteindre plusieurs centaines d'euros par mois.
Compte tenu des attentes manifestement très fortes des Français, M. Alain Vasselle, rapporteur, a considéré que la question de la soutenabilité de la dépense publique se posera rapidement. Le nombre de personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans va s'accroître de moitié d'ici à 2015, avant que les nombreuses classes d'âge issues du baby-boom d'après-guerre n'arrivent elles-mêmes, à partir de 2030, aux âges les plus élevés. Dans le même temps, l'accumulation des déficits publics, le poids très lourd des prélèvements obligatoires ainsi que l'accroissement prévisible de la charge des pensions de retraite et des dépenses d'assurance maladie imposeront inévitablement de procéder à des arbitrages.
Dans ce contexte difficile, il a estimé qu'un consensus se dégage en faveur du maintien, voire du renforcement, de l'important effort de prise en charge par la solidarité consenti à l'égard de la dépendance, ce qui supposera parallèlement une meilleure prise en considération des capacités contributives de chacun, d'une part, la réalisation d'efforts permettant la rationalisation du fonctionnement du secteur médicosocial, d'autre part.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a ensuite rappelé qu'à l'occasion de sa dernière intervention devant la mission, il avait formulé une question préalable portant sur la grille autonomie gérontologie groupes iso-ressources (Aggir) et suggéré quatre axes principaux de réflexion : l'Apa à domicile, les établissements d'hébergement, la mise en place du pilier assurantiel et la gouvernance du cinquième risque.
L'outil Aggir, reconnu comme grille nationale d'évaluation de la dépendance depuis la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 instaurant la prestation spécifique dépendance, nécessite en effet d'être sérieusement amélioré, dans la mesure où il ne prend pas suffisamment en compte les maladies neurodégénératives et où il peut donner des résultats sensiblement différents selon les professionnels qui l'utilisent. Un bon connaisseur de cette grille peut facilement faire basculer en Gir 4 une personne qu'une autre équipe d'évaluation aurait classée en Gir 5.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé qu'il conviendrait de rendre plus équitables les aides à domicile en renforçant le niveau de solvabilité des publics isolés ainsi que des personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Cette démarche supposerait de mettre en oeuvre un relèvement ciblé des plafonds, applicable à ces deux populations spécifiques. Il faudrait également prévoir des mécanismes d'ajustement plus efficaces pour les montants des plans d'aide, dont le « pouvoir d'achat » s'érode en l'absence de revalorisations régulières.
Le coût de ces deux mesures peut être évalué à 300 millions d'euros par an, tandis que le simple maintien des volumes actuels de prestations aujourd'hui financés par l'Apa nécessiterait de dégager des moyens nouveaux : 500 millions d'euros en 2012, 1,3 milliard d'euros par an dans les années 2020.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a jugé que l'objectif consistant à élaborer un système plus équitable de prise en charge de la perte d'autonomie suppose de demander un effort supplémentaire à ceux de nos concitoyens qui ont la faculté de le fournir, car ils disposent des patrimoines les plus élevés.
Il a ensuite rappelé brièvement les grandes lignes du mécanisme de prise de gage sur patrimoine auquel la mission s'est intéressée et que le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a repris lors de son audition du 28 mai 2008 : les demandeurs d'Apa auraient le choix, au moment de leur entrée en dépendance, entre opter en faveur d'une allocation à taux plein ou réduite de moitié. Dans le premier cas, le conseil général pourrait effectuer une prise de gage anticipée sur le patrimoine du bénéficiaire, mais uniquement pour la fraction de l'actif excédant un certain montant. Dans le second cas, le bénéficiaire ayant d'emblée choisi l'option d'une Apa diminuée de moitié, aucune mesure conservatoire ne serait prise.
En ce qui concerne la question du seuil d'éligibilité de ce système de gage, M. Alain Vasselle, rapporteur, a précisé que les chiffres qui lui ont été communiqués depuis la précédente réunion de la mission montrent qu'en fixant le niveau de cette franchise à 150 000 euros de patrimoine, 44 % des bénéficiaires de l'Apa seraient concernés par la mesure, 39 % à 175 000 euros et 36 % à 200 000 euros.
L'impact favorable de ce dispositif pour les départements serait d'environ 800 millions d'euros par an à l'horizon 2012 et de 1,1 milliard à partir du milieu des années 2000. Ces marges de manoeuvre financière nouvelles permettraient alors de faire face à l'accroissement des charges de l'Apa, tout en préservant le « pouvoir d'achat » de la prestation. La montée en charge du mécanisme de prise de gage sur patrimoine pourrait même être assez rapide et permettre de procéder à des relèvements de plafonds d'Apa dès la première année de la réforme.
Après avoir précisé que cette mesure présentera naturellement un rendement d'autant plus élevé que son seuil d'éligibilité sera établi à un niveau bas, M. Alain Vasselle, rapporteur, a préconisé de fixer le niveau correspondant en haut d'une fourchette comprise entre 150 000 euros et 200 000 euros, ce qui aurait pour effet de ne faire entrer dans son champ d'application qu'environ un tiers des ménages. Il semblerait en tout état de cause difficile d'aller au-delà de ce chiffre, sauf à priver la mesure de véritable effet.
Il a ensuite proposé que le montant du gage soit exprimé en valeur absolue, à hauteur de 20 000 euros, afin de correspondre au montant moyen d'Apa versé à une personne dépendante jusqu'à son décès. Apprécié sur cette base, ce dispositif ne revêtirait ainsi aucun aspect confiscatoire.
En ce qui concerne les questions de la maîtrise du reste à charge et des dépenses en établissement, il a tout d'abord prôné un meilleur ciblage de l'Apa en institution. En pratique, la plupart des pensionnaires bénéficient aujourd'hui du même montant d'aide quel que soit leur revenu, ce qui n'apparaît pas équitable. Au-delà de cette mesure, les seules marges d'action envisageables consistent à transférer des postes de dépenses aujourd'hui à la charge des personnes hébergées vers la section soins ou la section dépendance des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
M. Alain Vasselle, rapporteur, a ainsi évoqué l'idée consistant à faire basculer du tarif hébergement sur le tarif dépendance les dépenses d'animation-service social, d'une part, ainsi qu'une plus grande partie des charges de personnel d'entretien, d'autre part. Parallèlement, le tarif dépendance serait lui-même allégé du coût des aides soignants qui serait intégralement reporté sur le tarif soins. Au total, le coût de l'ensemble de ces transferts serait neutre pour les finances départementales. Le reste à charge des assurés pourrait être allégé en moyenne de près de 200 euros par personne.
Après avoir indiqué que le Gouvernement réfléchit également à une réforme plus ambitieuse consistant à regrouper avec l'Apa non seulement les aides au logement mais encore des mesures fiscales, il a fait part de ses réticences sur ce schéma impliquant le transfert par l'Etat aux départements d'une dotation de compensation dont le niveau d'indexation risquerait d'être rapidement insuffisant.
Par ailleurs, le transfert à la charge de l'assurance maladie de la fraction des dépenses d'aides soignants financée aujourd'hui par les conseils généraux aurait un impact d'un milliard d'euros par an. Or, la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) continue à accumuler d'année en année de lourds déficits.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a fait valoir qu'il serait possible de dégager des marges de manoeuvre financière en agissant dans trois directions : la généralisation des forfaits globaux, la résorption des écarts de coûts entre établissements (350 millions d'euros d'économies à terme) et la reconversion de lits de court séjour en lits d'Ehpad, grâce au transfert de 200 à 300 millions d'euros de l'Ondam hospitalier vers l'Ondam personnes âgées.
Il a ensuite rappelé que la mission a débattu de la piste de réflexion avancée par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, visant à redéployer une partie des excédents futurs de la branche famille au bénéfice de l'amélioration de la prise en charge de la perte d'autonomie. A supposer que ce redéploiement soit possible, M. Alain Vasselle, rapporteur, a jugé une telle perspective envisageable :
- tout d'abord, parce que si une branche de sécurité sociale ne doit pas connaître de déficit durable, rien ne justifie non plus qu'elle soit en excédent structurel. Si tel est le cas, il convient d'envisager une diminution de ses recettes ou leur réaffectation ;
- ensuite, parce que l'aide aux aidants familiaux d'une personne âgée dépendante peut être considérée comme faisant partie intégrante de la politique familiale.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé que quelle que soit la solution retenue par le Gouvernement au sujet de l'Apa en établissement, il faudra élaborer les référentiels de coûts d'hébergement faisant aujourd'hui défaut. De fait, les ressources publiques nouvelles qui seront dégagées pour alléger le reste à charge des assurés ne doivent surtout pas être en pratique « absorbées » par les Ehpad sans bénéficier aux personnes âgées et à leur famille.
En ce qui concerne la question de la mise en place d'une articulation efficace entre les financeurs publics et les assureurs privés, il a considéré que l'on ne peut se contenter de renvoyer purement et simplement vers des couvertures assurantielles ceux de nos compatriotes qui ont les moyens de mobiliser leur patrimoine et leur revenu. Deux sujets en particulier nécessiteront des discussions approfondies avec les professionnels du secteur de l'assurance :
- l'institution d'un processus conjoint entre les administrations publiques et les assureurs pour le déclenchement des aides en cas de survenance de la dépendance ;
- la « transférabilité » des contrats pour les souscripteurs qui souhaiteraient changer d'assureur.
Il a ensuite proposé d'aménager les produits assurantiels existants pour qu'ils touchent une clientèle qui ne penserait pas spontanément à se couvrir contre le risque de devenir dépendante. Cette démarche supposerait tout à la fois :
- de permettre la déductibilité fiscale des cotisations complémentaires dépendance sur un contrat d'épargne retraite dans les mêmes conditions que les cotisations de base aux régimes d'épargne retraite ;
- de prévoir la possibilité de convertir les contrats d'assurance vie en contrats dépendance sans que cette transformation ne soit considérée comme une novation fiscale, entraînant par là-même des coûts ou une pénalité pour l'assuré.
Ces mesures pourraient présenter un coût limité, voire nul pour les finances publiques, si l'on se contente de recourir aux enveloppes existantes de déductions d'impôt.
Revenant sur les débats intervenus lors de la dernière réunion de la mission, M. Alain Vasselle, rapporteur, a réaffirmé l'intérêt qu'il y aurait à élargir le périmètre des catégories d'assurés incités à souscrire une assurance dépendance : un ciblage exclusivement centré sur le plan d'épargne retraite populaire (Perp) ou sur l'assurance vie serait trop étroit. Les données prospectives les plus récentes fournies par le Gouvernement montrent d'ailleurs qu'à l'échéance 2025-2030, c'est-à-dire à l'arrivée au quatrième âge des nombreuses classes du baby-boom, les mesures envisagées par la mission, notamment la prise de gage sur patrimoine, risquent de ne pas être tout à fait suffisantes pour préserver la capacité de financement de l'Apa.
Il a souhaité que s'engage une réflexion sur la mise en place d'un mécanisme destiné à faciliter, pour les personnes ne disposant que de petits ou de moyens revenus, la souscription sur une base volontaire, de contrats de prévoyance leur assurant une couverture complémentaire. Il a indiqué à ce propos que le schéma de financement qu'il a proposé lors de la dernière réunion de la mission nécessitera d'être repensé d'ici à la fin de l'année.
S'agissant de la gouvernance du cinquième risque, M. Alain Vasselle, rapporteur, a tout d'abord pris acte de la volonté affichée par le Gouvernement de conforter la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) dans son rôle d'agence responsable des financements, de l'animation et de l'égalité de traitement sur le territoire. Parallèlement, les pouvoirs publics souhaitent consacrer les futures agences régionales de santé (ARS) comme les « fers de lance » du processus de décloisonnement entre les secteurs sanitaire et médicosocial. Face à une CNSA renforcée et alors que les futures ARS bénéficieront d'un champ d'intervention élargi, la compétence de principe des départements dans la prise en charge des personnes en perte d'autonomie nécessite donc d'être réaffirmée : conseils généraux, CNSA et ARS ont vocation à travailler ensemble, sur un strict plan d'égalité et dans le respect des missions imparties à chacun.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a ensuite fait valoir la nécessité de parvenir à un partage à égalité de la charge du financement de l'Apa entre l'Etat et les départements, en lieu et place du système actuel qui consacre un rapport d'un tiers/deux tiers, au détriment des collectivités territoriales. Il a considéré au passage, que les modalités de péréquation entre les conseils généraux mériteraient d'être revues, en abandonnant la référence au revenu minimum d'insertion (RMI) et en mettant en oeuvre un critère de revenu par habitant.
Evoquant l'organisation des instances dirigeantes de la CNSA, il a jugé que le système actuel, caractérisé par un grand conseil « fourre-tout », où les représentants de l'Etat, minoritaires en voix, siègent à côté d'associations par définition revendicatrices, n'est pas satisfaisant. Il a proposé la création, autour du directeur général, d'un conseil exécutif où siégeraient les « cogestionnaires » et les cofinanceurs de la dépendance et du handicap, c'est-à-dire l'Etat et les départements. Le conseil actuel serait parallèlement maintenu dans sa fonction de conseil d'orientation et de lieu de débat. La place des assureurs restera encore à définir : sans aller jusqu'à les associer au sein du conseil exécutif, il semble envisageable de prévoir leur participation dans le cadre d'un comité permanent ad hoc.
Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité que la mise en place des ARS soit l'occasion de créer au niveau local une meilleure articulation avec les conseils généraux, grâce à la définition de deux outils :
- l'élaboration conjointe des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac) qui devraient être cosignés par les départements et les ARS ;
- la création d'un comité assurant la représentation de tous les présidents de conseils généraux auprès des ARS, afin de donner un support à ce travail réalisé en commun.
Après avoir observé que le Gouvernement envisage de donner un rôle prééminent aux ARS en matière de gestion du risque, il a considéré qu'une approche plus souple et pragmatique serait envisageable. Faisant référence aux échanges intervenus dans le cadre de la mission ainsi qu'aux déplacements qu'elle a réalisés, il s'est déclaré convaincu que certains conseils généraux seraient prêts à expérimenter une gestion déléguée des crédits d'assurance maladie destinés aux Ehpad.
Au terme de son intervention, M. Alain Vasselle, rapporteur, est revenu sur le sujet de la convergence entre le handicap et la dépendance, qui a donné lieu à un large débat au sein de la mission lors de la réunion du 26 juin 2008. Les membres de la mission en étaient venus à la conclusion qu'il serait préférable de mettre un terme aux ambiguïtés de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, laissant penser que le niveau de prise en charge financière du handicap et de la dépendance doit être le même, avec un alignement de la dépendance sur les niveaux plus favorables en vigueur pour le handicap.
Faisant plus particulièrement référence à l'article 18 de cette loi permettant aux personnes âgées en Ehpad, qui auraient été déclarées invalides au-delà de soixante ans, de bénéficier du régime de prise en charge accordé aux handicapés, M. Alain Vasselle, rapporteur, a constaté que ces dispositions ne sont pas entrées en vigueur jusqu'ici, faute de publication des mesures réglementaires d'application. Mais le Conseil d'Etat, saisi en référé par une association, a très récemment enjoint à l'Etat d'appliquer la loi et de prendre ce décret, ce qui ne manquera pas de poser un redoutable problème financier aux départements.
M. Philippe Marini, président, a alors ouvert le débat.
M. Paul Blanc a souhaité avoir des précisions sur le partage du coût de l'Apa entre l'Etat et les départements. Il a observé par ailleurs que les familles assument une large partie des dépenses des personnes ayant perdu leur autonomie.
M. Guy Fisher s'est inquiété de la sous-estimation du niveau du reste à charge par les statistiques officielles. Dès lors, la participation des conseils généraux est probablement moins importante que l'on ne veut bien le dire.
M. Bernard Cazeau a considéré que les dispositions de la loi du 11 février 2005 relatives à la convergence entre le handicap et la dépendance posent effectivement un problème juridique. Pour autant, la solution adoptée jusqu'ici par le Gouvernement pour résoudre ces difficultés apparaît quelque peu « hypocrite », puisqu'elle consiste ni plus ni moins à s'abstenir de prendre les décrets d'application prévus. Même si les revendications des responsables nationaux des associations représentées à la CNSA portent désormais essentiellement sur l'alignement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) sur le niveau du Smic, le problème posé est bien réel et il incombe au Gouvernement de le résoudre. Dans la contribution écrite qu'il formulera en annexe du rapport, le groupe socialiste se réservera la possibilité de revenir sur cette question.
En ce qui concerne l'orientation proposée par le rapporteur tendant à promouvoir davantage de sélectivité dans l'accès à l'Apa sur la base de critères patrimoniaux, il a rappelé qu'il avait d'emblée fait part à la mission de ses fortes interrogations. Le mécanisme de gage en particulier risque de créer des effets de seuil tout en segmentant les différentes catégories d'assurés sociaux. Il s'apparente à un retour à l'ancien système de recours sur succession, dont on avait pu mesurer les effets psychologiques négatifs au moment de la création de la prestation spécifique dépendance.
M. Bernard Cazeau a estimé que ce mécanisme de gage patrimonial devrait rapporter assez peu. Il conviendrait en outre de prendre en compte la spécificité de certaines professions, comme les commerçants et les agriculteurs, dont le patrimoine comprend l'outil de travail. Au surplus, l'association des départements de France (ADF) souhaite pouvoir évaluer en détail ce dispositif.
Il a ensuite estimé que l'impact des mécanismes assurantiels ne doit pas être surestimé. Il a fait part, en revanche, de son accord sur la partie de l'intervention du rapporteur consacrée aux établissements privés d'hébergement à but lucratif. De la même manière, il a indiqué partager les orientations proposées en termes de gouvernance de la CNSA.
Mme Sylvie Desmarescaux a souhaité que ce mécanisme de gage patrimonial soit présenté avec beaucoup de pédagogie par les pouvoirs publics, afin d'éviter de susciter des craintes infondées dans la population. Elle s'est également inquiétée des frontières particulièrement floues entre les Gir de la grille Aggir : une personne dont on pourrait légitimement penser qu'elle remplit les conditions pour rentrer dans le champ du Gir 4 peut ainsi se retrouver placée dans le Gir 5. En ce qui concerne les dispositions de l'article 18 de la loi du 11 février 2005, elle s'est félicitée de ce que l'Etat soit finalement obligé de publier les mesures réglementaires d'application prévues. Le coût financier correspondant risque effectivement d'être considérable, mais ce texte a été voté et il s'agit de répondre à un besoin important de la population.
M. François Autain a mis en avant l'importance des désaccords qui le séparent des orientations proposées par le rapporteur. Sur le plan des principes, tout d'abord, la dépendance ne doit pas être considérée comme un risque dont il convient de minimiser le coût à tout prix, mais comme l'expression d'un besoin social à satisfaire. Puis il a déploré que l'on veuille revenir sur les dispositions de la loi du 11 février 2005 : ce texte a été voté il y a seulement trois ans, à l'initiative d'ailleurs de l'actuelle majorité, il convient donc d'en assumer les conséquences financières. D'une façon générale, il a considéré que la mise en oeuvre d'un droit nouveau aussi important que la compensation de la perte d'autonomie suppose de recourir à une importante ressource nouvelle. Dans ce contexte, les orientations du rapporteur tendant ou bien « à piller » les excédents de la branche famille, ou bien encore à transférer des charges sur la branche maladie, s'apparentent à des expédients.
En ce qui concerne le sujet de la gouvernance, il a rappelé que le groupe communiste républicain et citoyen s'était opposé à la création de la CNSA, lui préférant l'institution d'un cinquième risque de protection sociale qui pourrait être rattaché, sur le plan opérationnel, à la branche vieillesse ou à l'assurance maladie. Puis il a fait part de ses doutes quant aux perspectives d'économies potentielles que permettraient de dégager les opérations de transformation de lits hospitaliers en lits d'hébergement de personnes âgées.
M. Alain Milon a souhaité savoir sur quels éléments se fonde le rapporteur pour indiquer que l'ouverture du bénéfice de l'Apa dès le Gir 4 permet de ralentir le processus d'évolution des personnes malades vers des états de dépendance plus élevée. En ce qui concerne les ARS, il a jugé tout à fait logique que les conseils généraux soient partie prenante dans le processus décisionnel. S'agissant du redéploiement des excédents de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), il a estimé qu'il convient effectivement ou bien de diminuer les recettes de la branche famille, ou bien de réaffecter ces montants en son sein. L'importance de la question de la dépendance justifierait toutefois, ne serait-ce que pour des raisons pédagogiques, de créer une ressource bien identifiée pour faire face aux dépenses nécessaires.
Après avoir souscrit en grande partie aux appréciations formulées par Bernard Cazeau, M. Gérard Miquel a considéré, à titre personnel, que la mesure de gage patrimonial ne doit pas être écartée à ce stade, car elle mérite un examen complémentaire. Il existe, en effet, des personnes disposant d'un gros patrimoine tout en ayant de faibles revenus. Il a ensuite fait part de son accord sur l'idée consistant à partager le coût de l'Apa à parité entre l'Etat et les conseils généraux.
M. Charles Guené s'est félicité de l'intérêt des tableaux de financement fournis par le rapporteur aux membres de la mission. D'une façon générale, il a considéré que si la définition de ressources nouvelles semble pouvoir être écartée dans l'immédiat, il ne devrait pas en être de même à moyen et long terme. Sans doute la mission pourrait-elle travailler sur une piste de réflexion consistant à instituer un nouveau taux de contribution sociale généralisée (CSG) applicable à une assiette patrimoniale, en contrepartie de la suppression totale de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Il conviendra aussi de trouver une solution pour résoudre le problème juridique posé par les dispositions de la loi du 11 février 2005.
M. Guy Fisher s'est inquiété des conditions dans lesquelles pourraient être reconvertis 30 000 lits de court séjour en places d'hébergement pour personnes âgées. Il a par ailleurs une nouvelle fois déploré que le rapport préconise de revenir sur les dispositions de la loi du 11 février 2005, en renonçant, pour des considérations financières, à traiter de la même façon les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes. Il s'est enfin demandé si le rapporteur n'a pas récemment changé d'avis au sujet des excédents de la Cnaf, dans la mesure où il avait fermement défendu, par le passé, l'autonomie de chacune des branches de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a observé que les orientations qu'il a proposées ont suscité une opposition très nette de la part du groupe CRC, mais plus nuancée de la part des membres du groupe socialiste.
Il a indiqué que les dépenses d'Apa sont assurées à hauteur de 3,1 milliards d'euros par les conseils généraux et de 1,5 milliard d'euros par la CNSA. Le mécanisme du gage patrimonial devrait rapporter 800 millions d'euros en 2012 et plus d'un milliard d'euros par an en régime de croisière, à partir de 2014, ce qui permettrait de se rapprocher de la parité de financement souhaitable entre l'Etat et les conseils généraux. Il a précisé qu'en moyenne, le montant des dépenses auxquelles doivent faire face les personnes âgées dépendantes s'élève à 1 500 euros, alors qu'elles ne disposent que d'une retraite de 1 100 euros, ce qui correspond à un reste à charge de 400 euros. Les modifications envisagées par la mission au niveau du contenu des sections tarifaires des Ehpad sont de nature à permettre de réduire ce reste à charge de moitié.
Le mécanisme de gage patrimonial doit certainement faire l'objet de travaux complémentaires, notamment pour prendre en compte la situation particulière des agriculteurs et des commerçants. Mais ce dispositif diffère fondamentalement du recours sur succession mis en oeuvre dans le cadre de la prestation spécifique dépendance (PSD). Le choix à faire intervient en effet bien avant que la personne ne décède et les conditions pour bénéficier de l'Apa seront fixées une fois pour toutes dès le dépôt de la demande. Ce mécanisme de gage patrimonial ne devrait enfin concerner qu'entre la moitié et un tiers des assurés sociaux, pour un montant plafonné à 20 000 euros.
Au sujet de la question de la convergence entre le handicap et la dépendance, il a regretté que le législateur de 2005 n'ait pas disposé d'une étude d'impact pour apprécier les dispositions qui lui étaient alors soumises. En réponse à M. Alain Milon, il a indiqué qu'une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) a mis en évidence les effets positifs de la prévention en Gir 4 qui a permis de retarder de deux ans en moyenne l'entrée en établissement.
Enfin, il a nié avoir changé d'avis au sujet des excédents de la Cnaf : chacune des branches de la sécurité sociale doit effectivement bénéficier d'une véritable autonomie. Mais une situation d'excédents structurels conduit ou bien à supprimer les recettes excédentaires pour les réaffecter ailleurs, ou bien à maintenir cette ressource au bénéfice de la Cnaf tout en modifiant les contours de la politique familiale. C'est la première solution que le Gouvernement a choisi de mettre en avant.
Puis la mission a autorisé la publication du rapport d'étape sous forme de rapport d'information.