- Mardi 20 mai 2008
- Audition de M. Etienne Pinte, député des Yvelines, chargé d'une mission temporaire auprès du Premier ministre sur l'hébergement et le logement des personnes sans abri ou mal logées
- Audition de M. Alain Régnier, préfet délégué général à la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées
Mardi 20 mai 2008
- Présidence de M. Christian Demuynck, président -Audition de M. Etienne Pinte, député des Yvelines, chargé d'une mission temporaire auprès du Premier ministre sur l'hébergement et le logement des personnes sans abri ou mal logées
La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Etienne Pinte, député des Yvelines, chargé d'une mission temporaire auprès du Premier ministre sur l'hébergement et le logement des personnes sans abri ou mal logées.
M. Christian Demuynck, président, a souhaité savoir quels étaient les objectifs et les premiers résultats de la mission conduite par M. Etienne Pinte.
M. Etienne Pinte a indiqué que la mission qui lui a été confiée traduit l'intention du Gouvernement de faire de l'hébergement et du logement des personnes sans abri ou mal logées une priorité nationale, soulignant que les quatre piliers de l'insertion dans la société sont la formation, le logement, le travail et la santé.
Il a en premier lieu rappelé que 80 à 100 000 personnes seraient sans abri, tandis que 400 à 600 000 personnes vivraient dans des logements indignes et 3 millions seraient mal logées.
Il a en outre souligné l'importance de la concertation avec les associations pour valider les propositions qui seront retenues. Il a indiqué que la mission vise à améliorer le pilotage de l'action de l'Etat, ainsi que la coordination avec les différents acteurs (associations, collectivités territoriales, bailleurs sociaux...) et à recenser par territoire les besoins souvent méconnus en logements et en structures d'hébergement.
Dans cette perspective, l'hébergement et le logement doivent être érigés en « chantier national prioritaire » pour la période 2008 à 2012 à raison de 250 millions d'euros par an, soit 1,2 milliard sur l'ensemble de la période. Il est également prévu de nommer « un super-préfet » chargé de la coordination interministérielle et de l'articulation des actions des différents niveaux de collectivités publiques. Enfin, la création d'un observatoire national du logement devrait permettre de mieux recenser les besoins et d'optimiser ainsi la dépense publique. Un premier état des lieux devrait être présenté à la fin du mois de mai, complété par une étude plus détaillée d'ici à la fin de l'année.
La stratégie proposée par le premier rapport d'étape se fonde sur trois principes : ne plus jeter les personnes à la rue, mobiliser le parc privé social, accueillir sans condition toutes les personnes sans abri assorti d'un accompagnement adapté.
En premier lieu, M. Etienne Pinte a souligné l'importance de la prévention pour éviter d'accroître le nombre de personnes dépourvues de logement. Cela passe à la fois par la prévention des expulsions locatives et par l'accompagnement et le logement de celles qui sortent de prison ou d'hôpital psychiatrique.
La mobilisation du parc privé doit être également beaucoup plus active : 100 000 logements indignes devraient être traités d'ici à 2012 pour un coût raisonnable de 80 millions d'euros.
Enfin, l'augmentation des capacités d'accueil des centres d'hébergement d'urgence (CHU) devrait permettre d'offrir des solutions à toutes les personnes dépourvues de logement. Les conditions d'hébergement de ces structures, ainsi que l'accompagnement, devront être également améliorés.
Cela suppose également un accès facilité au logement social, notamment grâce à la mobilisation active du foncier disponible et au recensement de tous les bâtiments publics libérés, tels que commissariats, gendarmeries ou casernes militaires. Il s'est dit également favorable à l'expérimentation de solutions innovantes, évoquant l'achat par l'Armée du Salut d'un bateau-hôtel devant être ancré à Paris, et qui seraient financées avec le fonds d'expérimentation dont il a suggéré la création pour permettre de développer les initiatives locales et associatives.
Il s'agit en effet de permettre la mise en oeuvre effective de la loi sur le droit au logement opposable (DALO), même si le nombre de dossiers déposés reste à ce jour très modeste, étant observé que 20 à 30 % des demandes d'hébergement émanent de personnes en activité, capables d'intégrer un logement autonome, mais dont les revenus sont insuffisants pour accéder à un logement locatif privé. Cela justifie l'accroissement significatif de la part des logements très sociaux de type prêts locatifs d'aide à l'intégration (PLA-I), en nombre encore insuffisant.
Le développement de l'intermédiation locative entre propriétaires privés et personnes défavorisées, grâce au nouveau dispositif de sous-location par une association ou un bailleur social, peut également contribuer à l'augmentation de l'offre de logements très sociaux. Il a fait valoir les garanties apportées par un tel système pour le propriétaire, qu'il s'agisse de l'entretien du logement ou du paiement du loyer.
M. Etienne Pinte s'est par ailleurs interrogé sur les moyens à mettre en oeuvre pour inciter les communes réfractaires à respecter les dispositions de l'article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbains (SRU), notamment en faveur de la construction de logements très sociaux de type PLA-I. Il a proposé que les communes de 2 500 à 3 500 habitants soient également concernées par l'obligation de construction d'au moins 20 % de logements sociaux.
M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est demandé si le problème des sans-abri ne devrait pas faire l'objet d'un traitement européen et si l'on ne pouvait pas envisager une contrainte légale de prise en charge afin de ne plus tolérer qu'ils restent dans la rue. Regrettant le manque de connaissances relatives aux parcours résidentiels des personnes à la recherche de logement, il a souhaité que le nouvel observatoire puisse recueillir des données dans ce domaine. Enfin, il s'est inquiété des conflits de compétences qui pourraient résulter de la création d'un « super-préfet » délégué à l'hébergement et au logement, celui-ci risquant d'entrer en concurrence avec le ministre du logement et de la ville.
M. Etienne Pinte a exprimé ses doutes quant à la pertinence d'un traitement européen du problème des sans-abri, évoquant notamment les difficultés que les pays de l'Union européenne ont pu rencontrer dans la mise en oeuvre de politiques harmonisées concernant l'immigration. Il a également insisté sur l'urgence de trouver des solutions concrètes pour traiter de ce dossier prioritaire.
Concernant la connaissance des parcours résidentiels, dont il a reconnu l'intérêt, il a souligné les difficultés de la réaliser. Il a évoqué à cet égard l'expérimentation exemplaire d'une association de Bourges qui a concentré sur un site unique l'intégralité des étapes du parcours résidentiel, de l'accueil d'urgence au logement social autonome, qui comprend notamment une étape intermédiaire en maison-relais avec un accompagnement constant.
En revanche, il a émis des réserves concernant la possibilité de contraindre ceux qui sont à la rue de rejoindre une structure d'hébergement, la loi ne permettant pas à l'heure actuelle d'aller à l'encontre de la liberté individuelle, sauf lorsqu'un médecin le demande pour des raisons de santé.
Par ailleurs, M. Etienne Pinte est convenu du risque de superposition des compétences du « super préfet » avec celles du ministre du logement et de la ville. Mais il a souligné la nécessité de coordonner les actions des ministères et des collectivités territoriales pour mettre en oeuvre les dernières réformes.
M. Christian Demuynck, président, a souhaité que la mission se penche sur les moyens susceptibles de permettre l'application effective de l'article 55 de la loi SRU. Il a notamment suggéré que les logements sociaux vendus par les bailleurs ne soient pas systématiquement décomptés au bout de cinq ans, que les logements préemptés par les communes mais non financés par des prêts d'Etat soient pris en compte, que les efforts réalisés par les communes pour développer les infrastructures publiques correspondantes (crèches, écoles, etc.) soient mieux reconnus, et que les pouvoirs du maire soient renforcés, notamment pour les attributions de logements.
M. Etienne Pinte a estimé que la vente des logements sociaux peut faire l'objet d'un arbitrage par le maire et n'être décidée que lorsqu'une commune dépasse le seuil requis par la loi.
Concernant la prise en compte éventuelle des logements préemptés par les communes, mais non financés par un prêt d'Etat, il a fait observer qu'une modification trop fréquente de la définition du logement social conduit à mettre hors la loi les communes qui, au départ, respectaient les normes fixées. Il s'est dit favorable à une stabilisation de la règle du jeu, tout en reconnaissant que tout mécanisme incitatif à la mise à disposition par les communes de nouveaux logements sociaux était positif. Il a en outre indiqué qu'un logement préempté vendu à un bailleur entre dans le décompte des logements sociaux. En revanche, il a regretté que les anciens logements mis à disposition des instituteurs ne fassent plus partie du contingent. Il a enfin émis des réserves sur une gestion communale du logement social, préférant un accompagnement du bailleur plutôt qu'une gestion en direct.
M. Etienne Pinte a ensuite reconnu la nécessité de développer des activités de services, à proximité des logements construits, afin de ne pas recréer de cités-dortoirs.
Enfin, il a rappelé que les communes disposent d'un contingent de logements pour imposer aux commissions d'attribution le relogement des familles qui présentent le plus de difficultés.
M. Guy Fischer s'est inquiété des délais nécessaires à la mise en oeuvre du plan d'accueil renforcé des sans-abri (Parsa) ainsi que de l'insuffisance de l'offre de logements très sociaux financés par un PLA-I, qui répondent pourtant le mieux à la demande actuelle. Il a également souhaité que l'observation des trajectoires des personnes dépourvues de logement permette la mise en place d'un accompagnement personnalisé. Enfin, il a déploré la réduction de moyens financiers accordés aux fonds d'aide aux jeunes.
M. Etienne Pinte s'est dit préoccupé par l'existence de parents en grandes difficultés et des répercussions qu'on observe sur le comportement des enfants. Il a souhaité que les associations d'aide aux mères deviennent de véritables centres d'accueil parentaux, afin que le conjoint ne soit ni exclu, ni incité à abandonner sa famille.
Concernant l'accompagnement, il a salué le rôle essentiel des associations pour améliorer la prise en charge sanitaire et sociale des personnes.
M. Etienne Pinte a regretté la réticence des administrations à intégrer dans leurs réflexions les propositions innovantes des associations. Aussi a-t-il proposé la création d'un fonds destiné au financement d'expérimentations nouvelles pour soutenir leurs initiatives.
Mme Jacqueline Panis s'est demandé s'il était possible d'inciter des personnes à quitter le centre-ville pour habiter des locaux militaires réhabilités qui sont souvent éloignés des zones urbaines.
M. Etienne Pinte a indiqué que le recensement des bâtiments disponibles débuterait au mois de septembre et que la réhabilitation prendrait plusieurs années. Cette mutation sera accompagnée d'une réflexion sur le développement économique des communes concernées, les casernes représentant, notamment pour les communes les plus petites de certaines régions, une activité essentielle.
S'agissant des personnes résidant dans les centres-villes, qui accepteraient d'être relogées dans des casernes réhabilitées, il a souligné l'importance d'un accompagnement vers l'emploi.
Mme Bernadette Dupont a suggéré d'orienter ces personnes vers des activités de services à la personne, très insuffisantes en zone rurale. Elle a également évoqué l'existence de maisons forestières abandonnées qui pourraient être réhabilitées au profit des familles.
Enfin, M. Etienne Pinte a indiqué que l'habitat indigne, d'ailleurs souvent mal recensé en milieu rural, serait une des priorités de la mission qui lui a été confiée.
Audition de M. Alain Régnier, préfet délégué général à la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées
La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Alain Régnier, préfet délégué général à la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.
M. Alain Régnier a d'abord indiqué qu'il venait d'être nommé au poste de préfet délégué général à la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, la création d'un tel poste étant l'une des propositions du rapport du député Etienne Pinte. Il a rappelé qu'il oeuvrait depuis vingt ans dans ce domaine, notamment au sein des cabinets des ministres chargés du logement et de la politique de la ville. Il a estimé, en dépit des actions utiles menées au cours de cette période par les pouvoirs publics, que ceux-ci n'avait pas su répondre aux situations de grande précarité.
Les caractéristiques des personnes concernées par le mal logement ont évolué au cours des dernières années. Les populations traditionnelles ont été rejointes par d'autres, notamment d'origine étrangère, en particulier en provenance de l'Europe de l'Est. Ainsi, lors de la crise du canal Saint-Martin, plus de 30 % des personnes concernées n'étaient pas françaises. Ces populations sont souvent également plus agressives et plus âgées, et comportent une proportion plus importante de travailleurs pauvres.
Dans ce domaine, les politiques se sont succédé sans grande cohérence au rythme des crises, incendies d'immeubles et autres catastrophes, ou encore à la suite des interpellations d'organisations non gouvernementales, comme lors de la distribution de tentes aux sans-domicile-fixe par Médecins du monde. La crise du logement, d'autre part, n'a pas été correctement anticipée.
Une meilleure articulation des politiques publiques est aujourd'hui nécessaire, dans un contexte où, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, l'Etat a choisi de garder parmi ses compétences la lutte contre la grande pauvreté, alors même qu'il a délégué la compétence sociale générale au département. En outre, les besoins en matière de logement ne sont toujours pas connus de manière précise, comme en témoigne le nombre de recours liés à la loi sur le droit au logement opposable (DALO), bien moindre que prévu. Il est également nécessaire de s'interroger sur la question des objectifs poursuivis : faut-il viser le zéro sans-abri comme dans certains pays européens et comme une résolution du Parlement européen le propose ?
Par ailleurs, si les crédits de l'Etat consacrés au logement ont doublé au cours des dernières années, il n'a pas toujours tenu ses engagements de financement des associations. Ainsi, dans le domaine des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, l'Etat a retenu un taux de progression annuelle de sa subvention à la FNARS inférieur aux coûts réels supportés par cette association. Chaque année, un décret d'avance doit donc être pris pour régulariser la situation. A la suite du rapport Pinte, le Premier ministre a débloqué 180 millions d'euros supplémentaires pour les préfets de région. En revanche, les possibilités de financement seront probablement moindres en 2009. Il convient pourtant de considérer ces dépenses comme des investissements de cohésion sociale permettant d'éviter des dépenses futures, même s'il est nécessaire d'évaluer efficacement ces politiques coûteuses.
M. Alain Régnier a souligné qu'il n'entendait pas établir une technostructure supplémentaire et se contenterait d'une équipe de cinq personnes, qui s'efforcera de décloisonner les administrations centrales, de catalyser et de faciliter les efforts des acteurs de terrain grâce à son positionnement auprès du Premier ministre.
Rappelant que la loi DALO représentait un geste politique fort du Parlement pour affirmer le droit de tous à être logé, M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné que la mission de M. Alain Régnier n'était pas une mission technique subsidiaire mais se voulait au contraire ambitieuse et novatrice. Il a ensuite souhaité savoir si un délai avait été fixé pour une première évaluation des résultats de cette mission.
M. Alain Régnier a indiqué que, s'il s'agissait d'ici à 2012 de promouvoir une inflexion profonde des politiques menées pour améliorer la situation du logement, la mise en place de la méthode et du diagnostic devait être effective avant la fin de l'année en cours. Une avancée sur les maisons-relais et la mise en place d'un protocole de gestion de crise associant l'Etat et les collectivités locales pourraient également faire partie de la première étape.
M. Guy Fischer s'étant inquiété de l'insuffisance de la prévention dans le domaine des expulsions locatives, M. Alain Régnier a souligné qu'il convenait, en amont, de développer le repérage des ménages en difficulté. Les conseils généraux ont naturellement vocation à participer à cette prévention. En aval, on constate que 30 % des places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont occupées par des personnes qui devraient être en logement social. Il convient donc de tout mettre en oeuvre pour leur offrir un véritable logement, dans le cadre d'un parcours accompagné, puis, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays, d'évaluer leur situation au maximum six mois après leur accès au logement.
Mme Brigitte Bout s'étant félicitée qu'EDF prévienne désormais les maires en cas d'impayés de factures, M. Alain Régnier a mis en exergue la nécessité de croiser au maximum les informations, pour aller au-devant des personnes en difficulté et les mettre au courant de leurs droits.
M. Bernard Seillier, rapporteur, ayant souhaité connaître son opinion sur la mise en place de surloyers dans les logements sociaux, M. Alain Régnier a jugé qu'une telle mesure devait être replacée dans le débat plus large sur la fluidité des parcours dans le logement social. Il ne paraît pas infondé que des personnes ayant bénéficié d'un logement social paient davantage lorsque leur revenu a augmenté de manière importante. Aux Pays-Bas, le relogement de personnes qui se retrouvent seules dans des logements trop vastes est ainsi organisé dans d'autres appartements du quartier. Cependant, il convient de veiller à ne pas provoquer parallèlement l'endettement des personnes qui choisiraient de se loger en maisons individuelles à distance des centres-villes.