Mercredi 7 novembre 2007
- Présidence de M. Jean PuechRéforme de la gouvernance locale - rencontre débat
M. Jean Puech, président, s'est tout d'abord félicité de l'intérêt suscité par la rencontre-débat organisée par l'Observatoire dans le cadre d'une réunion avec son comité d'experts, ouverte à l'ensemble des sénateurs.
Il a ensuite annoncé que la rencontre-débat comprendrait trois phases :
- deux tables rondes successives, consacrées l'une au contenu de la nouvelle étape de la décentralisation, l'autre à l'avenir du statut de l'élu local ;
- la présentation des principales conclusions du rapport présenté au nom de l'Observatoire consacré à l'émancipation de la démocratie locale ;
- l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Philippe Dallier, sénateur, a introduit la première table ronde, consacrée au contenu de la nouvelle étape de la décentralisation, en observant que beaucoup d'élus appelaient de leurs voeux une pause dans la décentralisation, alors que d'autres constataient qu'il demeurait de nombreux problèmes à régler concernant, en particulier, la répartition des compétences, la question de la spécialisation des collectivités territoriales, et l'avenir des finances locales. Il a remarqué que la fiscalité locale avait tendance à se faire plus pesante, notamment du fait des taxes additionnelles votées par les structures intercommunales. Il a estimé nécessaire de déterminer si l'Acte II de la décentralisation constituait un aboutissement ou une étape, en observant, pour sa part, que la question de la diversité de l'organisation territoriale se posait, en particulier au regard des perspectives d'évolution institutionnelle du « Grand Paris ».
M. Gérard Bailly, sénateur, a estimé qu'il fallait clarifier le rôle des collectivités territoriales et, notamment, la question du « qui finance quoi ? », en remarquant que trop de collectivités territoriales finançaient les mêmes projets.
M. Jean-Luc Boeuf, membre du comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation et directeur général des services de la Région Franche-Comté, a jugé que la réforme de 2004 s'inscrivait dans le prolongement des lois de 1982 et ne comportait pas de « changement conceptuel ». Il a observé qu'il demeurait des problèmes concernant le financement des grandes réalisations : celles de l'État, lorsque celui-ci n'hésite pas à demander aux collectivités territoriales de participer à ses propres projets, mais aussi celles des collectivités territoriales, car celles-ci n'ont pas toujours la surface financière suffisante pour les financer.
M. Philippe Dallier, sénateur, a remarqué que les Français avaient du mal à comprendre le rôle de chaque collectivité et à bien identifier tous leurs élus locaux mais qu'ils percevaient bien, en revanche, la hausse des impôts locaux. Il s'est interrogé sur la possibilité d'avancer sur la voie de la spécialisation des collectivités territoriales.
M. Jean-Paul Alduy, sénateur, a évoqué le rapport Balligand-Zeller, qui comporte un certain nombre de propositions pour améliorer la gouvernance des villes. Il a observé que les structures intercommunales n'étaient toujours pas considérées comme des collectivités territoriales et qu'elles ne pouvaient pas, dans ces conditions, bénéficier de la décentralisation. Il s'est déclaré favorable à une gouvernance locale articulée autour de trois niveaux : l'État, la région et les villes. Il a, encore, estimé que la « sur-administration » était très coûteuse pour le pays.
MM. Jean-Paul Alduy et Michel Houel, sénateurs, ont tous les deux estimé qu'il ne fallait pas mettre un terme à la décentralisation mais qu'il convenait d'ouvrir rapidement le chantier de la fiscalité locale et de la maîtrise des impôts locaux.
M. Paul de Viguerie, membre du comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation, a considéré que l'usager avait du mal à « s'y retrouver » concernant l'action des collectivités territoriales. Il a indiqué que les petites communes ne pouvaient plus compter sur l'expertise de l'État et qu'elles rencontraient des difficultés pour mener des projets complexes.
M. Jean-Paul Alduy, sénateur, a rappelé qu'il avait déposé une proposition de loi ayant pour objet de favoriser la mise en réseau des compétences techniques des collectivités territoriales.
M. Rémy Pointereau, sénateur, a estimé, se référant à son expérience de conseiller général, que les collectivités territoriales disposaient de marges de manoeuvre souvent supérieures à ce qui était communément admis.
M. Bernard Saugey, sénateur, a observé qu'il existait, certes, des dépenses obligatoires pour chaque collectivité territoriale, mais que leurs marges de manoeuvre restaient, en effet, importantes.
M. Dominique Hoorens, membre du comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation, a considéré que si de nombreux transferts de compétences avaient été réalisés, il convenait désormais d'assurer leur financement.
M. Benoît Huré, sénateur, a remarqué qu'il serait utile de pouvoir bien distinguer les ressources que chaque collectivité affectait soit à l'investissement, soit au fonctionnement. Il a observé que les Français rencontraient des difficultés à appréhender le fait régional, car les régions étaient à la fois trop jeunes et trop petites. Il s'est déclaré favorable à un regroupement des régions. Elles pourraient alors agir davantage de concert avec les départements, dans le cadre d'une mission de coordination.
M. René Beaumont, sénateur, a estimé que la simplification territoriale ne devait pas se faire au niveau des départements, sauf peut-être en région parisienne. Il a également indiqué qu'il était nécessaire de remettre en cause l'existence des pays.
M. Alain Guengant, membre du comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation, a expliqué que la situation financière des collectivités territoriales avait tendance à se dégrader depuis plusieurs années, le solde de leurs comptes ayant été déficitaire en 2006 à hauteur de 5 milliards d'euros. Il a observé que, depuis 2002, le niveau des investissements des collectivités territoriales était exceptionnel, puisqu'il s'élevait à environ 50 milliards d'euros. Il s'est interrogé sur l'avenir de cette capacité d'investissement, en remarquant que la capacité d'épargne des collectivités territoriales ne progressait plus. Il a estimé que la réforme de la fiscalité locale était déjà à moitié réalisée, du fait notamment de l'instauration de plafonnements à la taxe professionnelle par la valeur ajoutée et à la taxe d'habitation par le niveau de revenu.
M. Gérard Larcher, sénateur, a considéré que l'Observatoire de la décentralisation aurait tout intérêt à suivre les travaux concernant la révision générale des politiques publiques (RGPP). S'agissant des comptes des collectivités territoriales, il a déclaré que l'endettement croissant des communautés de communes et d'agglomérations expliquait pour beaucoup la dégradation constatée depuis plusieurs années.
M. Michel Rouzeau, membre du comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation, a relevé qu'il existait une forte pression pour supprimer la clause de compétence générale des départements et des régions.
Concluant la table ronde, M. Philippe Dallier, sénateur, a constaté que les participants s'accordaient à considérer que les collectivités territoriales se retrouvaient aujourd'hui dans une impasse « financière » et qu'il fallait envisager une « nouvelle organisation » des finances locales. Il a jugé qu'il importait de prévoir une « suite » à l'Acte II de la décentralisation.
Dans le cadre d'une seconde table ronde, l'Observatoire a ensuite procédé à un échange de vues sur l'avenir du statut de l'élu local.
En introduction de cette table ronde, M. Bernard Saugey, sénateur, a tout d'abord souligné le fait que les élus se plaignent de n'avoir ni le temps, ni les moyens pour effectuer toutes les tâches qu'on attend d'eux. Il a rappelé qu'un précédent rapport de l'Observatoire avait mis en évidence leur insatisfaction à l'égard de leur statut. Il a estimé que quatre questions devaient être examinées : celle de la formation des élus locaux, celle de leur indemnisation, celle de leur retraite, et celle de leur reconversion éventuelle après la fin de leur mandat.
M. Eric Doligé, sénateur, a jugé qu'il convenait de ne pas réduire le débat à celui sur les seuls maires, tous les élus rencontrant les mêmes difficultés. Il a ensuite souligné que les questions par lesquelles on abordait parfois ce débat, celles du cumul, de la parité ou du rajeunissement lui paraissait procéder d'une vision « parisienne », dont il convenait de se méfier, car étant souvent contredite par les réalités du terrain.
S'agissant de l'indemnisation, il a estimé que le bénévolat des élus ne se justifiait pas et qu'une contrepartie à l'exercice de leur mandat était indispensable. Il a ensuite fait observer qu'une réforme du statut des élus était nécessaire pour garantir leur niveau de compétence.
M. Jackie Pierre, sénateur, a souligné le lien à établir entre l'indemnisation des élus et leur formation. Il a indiqué qu'en raison de la nécessité dans laquelle ils sont de continuer à exercer leur profession, beaucoup d'élus ne peuvent bénéficier des formations qui pourraient leur être utiles pour l'exercice de leur mandat, faute de temps ou de moyens. Il a exprimé le souhait que, dans la mesure où la fonction des élus évolue sans cesse, soient prévus les dispositifs qui leur permettront d'assister aux formations nécessaires.
M. Raymond Couderc, sénateur, a estimé qu'il n'y avait pas à redouter l'absence de vocations pour l'exercice des mandats électifs. Il a souligné que se posait, en revanche, le problème de la charge de travail pesant sur les élus. Il a relevé que de moins en moins d'actifs étaient disponibles pour exercer leur mandat, ce qui coupait les conseils municipaux de la « vie active ».
M. Michel Houel, sénateur, a relevé que le souci de renforcer la légitimité des élus justifiait que l'on se pose la question de l'élection du maire au suffrage universel direct. Il a fait remarquer que, dans son département, les jeunes actifs qui deviennent maire et continuent d'exercer leur profession démissionnent souvent à mi-mandat en raison d'une charge de travail trop importante. Il a ensuite proposé que l'indemnité des maires soit directement versée par l'État, afin que ne se pose pas la question de son impact sur le budget municipal. Il a enfin fait observer que la seule vraie garantie pour les maires consistait à leur offrir un véritable statut.
Mme Alima Boumediene-Thiery, sénatrice, a souligné la nécessaire proximité de l'équipe municipale avec les habitants de la commune. Elle a jugé que les élus n'étaient plus à l'image de la population, ce qui provoquait une crise de confiance des citoyens vis-à-vis de leurs élus. Elle a ensuite estimé que, pour remédier à cette situation, il était nécessaire de poser les questions de la parité et du cumul des mandats, notamment du cumul dans le temps.
Elle a, enfin, fait observer que si les élus bénéficiaient à la fois d'une indemnisation suffisante et d'un système de garantie qui leur permettraient de revenir dans la vie active après la fin de leur mandat, ils ne privilégieraient plus le cumul et respecteraient la parité.
M. Jean-Paul Alduy, sénateur, se référant à l'exemple de la Catalogne, a souligné l'importance de l'élément culturel dans la pratique du cumul ou de la parité. Il a estimé que les difficultés que rencontrent les élus ne tiennent pas seulement à des problèmes de statut, mais aussi à des questions d'organisation du travail municipal. A cet égard, il a souligné l'importance, dans les communes rurales, d'une mise en commun des services municipaux, notamment par le biais des intercommunalités.
Il a enfin jugé nécessaire de prévoir un dispositif d'indemnisation et de garantie au terme du mandat destiné aux actifs « non fonctionnaires ».
M. Jean Puech, président, a déclaré que la question du statut de l'élu local concernait tous les élus, et pas seulement les maires. Il a fait observer qu'elle recouvrait de nombreux aspects, dont celui de l'indemnité à accorder aux élus, de la prise en compte de leurs retraites, de l'aide à la formation, et de l'aide à la reconversion dans la vie active à l'issue du mandat. Il a déclaré que, sur toutes ces questions, il était nécessaire aujourd'hui d'imaginer un nouveau statut de l'élu local, qui rende compte de l'évolution des conditions d'exercice des mandats.
M. Roland du Luart, sénateur, a évoqué le problème que pose aux petites communes le versement au maire et à ses adjoints de leurs indemnités. Il a fait observer que ces indemnités étaient directement prélevées sur le budget communal. Afin de remédier à ce problème, il a rappelé la nécessité de procéder à la réforme communale, afin de redonner une marge de manoeuvre financière aux municipalités.
Mme Catherine Troendle, sénateur, a souligné l'ancienneté de la réflexion sur le statut de l'élu local, et rappelé ses réserves à l'égard de l'intercommunalité, en raison de son caractère parfois inégalitaire. Elle a souligné le rôle important joué par les petites communes, qui répondent à de nombreuses demandes des habitants, dont l'intercommunalité ne se serait pas forcément saisie.
M. Gérard Cornu, sénateur, a estimé que le bénévolat dont font preuve certains maires de petites communes constituait une richesse pour le pays qu'il fallait conserver. Il a ensuite évoqué la question de la superposition de certaines intercommunalités avec des cantons. Il a jugé que cela pouvait justifier de revenir sur le principe de l'élection par canton.
M. Benoît Huré, sénateur, a souligné l'importance du rôle joué par les conseillers généraux qui sont à la fois les représentants du canton et ceux du département.
M. Luc-Alain Vervisch, membre du comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation, a jugé que le statut de l'élu devait être conçu différemment suivant les fonctions exercées par chaque type d'élus. Il a ensuite proposé que la formation des élus puisse être assurée sous la forme d'un enseignement à distance utilisant les nouvelles technologies.
M. Jean-Luc Boeuf, membre du comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation, a estimé que l'élection au suffrage universel direct, plutôt qu'au scrutin de liste, permettait aux services locaux de disposer d'un interlocuteur en prise directe avec la réalité locale. Il a jugé que cela pouvait justifier que soit prévu un système d'élection directe dans les intercommunalités rurales.
Emancipation de la démocratie locale - Examen du rapport
Puis, M. Jean Puech, président, rapporteur, a présenté les principales conclusions de son rapport sur l'émancipation de la démocratie locale.
Il a d'abord déclaré qu'une consultation d'un échantillon de quelque 500 exécutifs locaux, effectuée à l'initiative de l'Observatoire par l'Institut TNS-Sofres au cours de l'hiver dernier, avait fait apparaître l'existence d'un malaise profond chez les élus locaux, et plus particulièrement chez les exécutifs locaux. En fait, a-t-il ajouté, la décentralisation a changé la nature des collectivités territoriales de la République. Plus de 80 % des investissements publics réalisés en France sont assurés désormais par les collectivités territoriales ; 90 % des dépenses d'aide sociale sont gérées par les collectivités locales, et notamment par les départements. Pour le rapporteur, la France est passée d'une période où l'État assumait l'essentiel de l'action collective -les collectivités assurant en appoint un certain nombre de services de proximité- à une époque où la plupart des politiques publiques non régaliennes sont menées à l'échelon local et régional.
Ce bouleversement, a-t-il souligné, s'est réalisé dans un cadre institutionnel de gouvernance quasi inchangé. Pourtant, dès lors que les collectivités devenaient des acteurs majeurs dans la mise en oeuvre des politiques publiques, il convenait de renforcer à due concurrence la démocratie territoriale et de conférer aux exécutifs locaux le surcroît de légitimité correspondant à l'élargissement du champ de leurs compétences.
Après avoir évoqué les déplacements de l'Observatoire en Europe, et notamment les contacts pris avec les élus locaux allemands, italiens et espagnols, M. Jean Puech, rapporteur, a jugé intéressant de prendre en considération les expériences de suffrage universel direct pour les exécutifs locaux menées chez nos voisins. Il s'est demandé s'il ne conviendrait pas, en France, d'attribuer aux exécutifs locaux un statut à part entière, qui les rapprocherait de l'électeur, s'agissant de leur mode de désignation et donc de la mise en jeu de leur responsabilité politique, assurerait une forme d'exclusivité à l'exercice de leurs fonctions et leur apporterait, sur le plan professionnel, un certain nombre de garanties statutaires.
M. Jean Puech, rapporteur, s'est ensuite demandé si la responsabilité d'une région, d'un département ou d'une grande ville ne constituait pas désormais une fonction à plein temps, de même d'ailleurs qu'un mandat de parlementaire au niveau national ou européen ou une fonction ministérielle. Il a jugé qu'il conviendrait de renoncer, dans un avenir proche, au cumul des fonctions électives locales avec le mandat parlementaire et les fonctions ministérielles. Il s'est néanmoins prononcé en faveur de l'indispensable enracinement local des parlementaires nationaux : un mandat de sénateur ou de député n'est, selon lui, nullement incompatible avec celui de conseiller municipal, général ou régional.
Puis, M. Jean Puech, rapporteur, a brièvement évoqué les autres propositions tirées de son étude :
- poursuivre la clarification des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales, en limitant notamment les financements croisés ;
- adapter l'organisation des collectivités à la diversité territoriale ;
- assurer aux exécutifs locaux un régime statutaire adapté à leurs nouvelles responsabilités ;
- promouvoir la démocratie territoriale, notamment en direction des jeunes ;
- encourager l'État à se réformer en concertation avec les collectivités et renforcer les passerelles entre les fonctions publiques ;
- exiger de l'État qu'il respecte les nouveaux domaines d'attribution des collectivités territoriales ;
- encourager l'État à jouer le rôle de partenaire des collectivités territoriales.
Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
L'Observatoire a enfin entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Après l'intervention préliminaire de M. Jean Puech, président, qui a adressé des voeux de bienvenue au ministre, puis plaidé pour un climat de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales, Mme Michèle Alliot-Marie a exprimé son intérêt pour la poursuite d'une réflexion sur la décentralisation.
En réponse à M. Jean Puech, elle a évoqué la question du cumul des mandats en plaidant pour la complémentarité des fonctions électives dans un souci d'efficacité au service des citoyens.
Elle a ensuite jugé nécessaire d'assurer un meilleur accès aux fonctions électives des personnes issues du secteur privé.
Puis, le ministre a considéré que l'Acte II de la décentralisation avait constitué une réussite. Elle a notamment mis en avant l'amélioration par les départements de la gestion des politiques d'insertion (revenu minimum d'insertion, handicapés...).
Elle a ajouté que la région s'était affirmée comme un puissant moteur économique apportant au territoire cohérence et stratégie dans un certain nombre de domaines (formation professionnelle, soutien aux centres de recherches, transport ferroviaire ...).
Elle a encore jugé que les transferts de personnel, de même que les transferts financiers qui les avaient accompagnés, avaient considérablement renforcé la gestion de proximité, la Constitution garantissant la compensation intégrale des nouvelles charges.
Après avoir rappelé que les dotations aux collectivités territoriales représentaient désormais le quart du budget de l'État et indiqué que le fonds national pour l'insertion était doté de 500 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008, Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que la réforme du « contrat de stabilité » qui encadre l'ensemble des dotations allouées aux collectivités locales, avait pu susciter des inquiétudes.
Elle a souligné que les obligations de la France vis-à-vis de l'Europe imposaient une stricte maîtrise des dépenses publiques en précisant toutefois que la dotation globale de fonctionnement (DGF) ne serait pas, en 2008, soumise à la règle de progression équivalente à l'augmentation de l'inflation puisque sa progression prendrait en compte, comme c'était le cas jusqu'à présent, l'accroissement de l'inflation augmenté de 50 % du taux de croissance du PIB.
Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite considéré que la question fondamentale était celle de la réforme de la fiscalité locale, les collectivités territoriales devant être sûres de leurs recettes et disposer de certaines marges de manoeuvre pour leurs dépenses.
Elle a estimé que toute réforme en la matière ne pouvait s'effectuer que dans le cadre d'une concertation approfondie et sincère.
Evoquant ensuite la question de la poursuite de la décentralisation, elle a jugé indispensable d'effectuer une pause dans les transferts de compétences. La question, a-t-elle souligné, est de savoir désormais « qui fait quoi ?» et « qui est responsable de quoi ? ». Elle a plaidé pour un diagnostic partagé sur la situation actuelle de l'organisation territoriale française encore caractérisée par des empilements opaques.
Elle a jugé nécessaire de réexaminer les compétences réellement exercées par les différents niveaux de collectivités territoriales tout en rappelant que la commune restait un indispensable échelon de proximité et que les Français étaient fortement attachés au département.
Le ministre a souhaité que l'on fasse preuve en la matière de souplesse et de coordination. Seules des approches pragmatiques, proches de la réalité du terrain, permettront d'assurer une meilleure lisibilité du champ de compétences de chaque collectivité territoriale.
Après avoir relevé les contraintes du statut de la fonction publique territoriale, notamment pour les gestionnaires des plus petites communes, Mme Michèle Alliot-Marie a souligné les problèmes que posait aux élus une responsabilité pénale de plus en plus souvent mise en jeu.
Elle s'est déclarée favorable à l'expérimentation des réformes par les collectivités territoriales de même qu'à la notion de chef de file pour la coordination et l'adaptation de leurs actions.
Evoquant enfin une des missions de l'Observatoire de la décentralisation -l'évaluation des politiques publiques- Mme Michèle Alliot-Marie a dénoncé la surabondance, l'instabilité et souvent l'illisibilité de la réglementation française. Les collectivités locales, a-t-elle estimé, doivent être libres d'exercer leurs compétences dans un cadre législatif et réglementaire compréhensible.
Elle a souligné que la création récente de la conférence nationale des exécutifs publics de même que celle de la commission consultative sur l'évaluation des normes au sein du comité des finances locales devraient permettre aux collectivités territoriales de peser sur les normes qui gouvernent leur mode d'organisation et de fonctionnement.
M. Eric Doligé, sénateur, a relevé tout d'abord l'allongement considérable des délais nécessaires aux réalisations locales (investissements, implantations...). Il a ensuite estimé que les régions ne devaient pas exercer une compétence exclusive dans le domaine du développement économique. Il a enfin déclaré qu'en l'absence d'une véritable réforme du statut des élus, la vie politique locale allait subir une perte certaine de « matière grise ».
En réponse à l'orateur, Mme Michèle Alliot-Marie a confirmé la nécessité de clarifier les compétences souvent superposées des collectivités territoriales, rappelé qu'elle était favorable à la complémentarité entre mandats électifs, souligné l'urgence d'un statut de l'élu favorisant notamment les personnes issues du secteur privé, et appelé de ses voeux des mesures plus favorables en matière de protection juridique des élus.
Enfin, après les interventions de M. Benoît Huré, sénateur, et de Mme Josette Durrieu, sénatrice, qui ont souligné, en prenant l'exemple de leur département respectif, le rôle indispensable du département dans le développement économique et l'aménagement du territoire, Mme Michèle Alliot-Marie a estimé qu'un certain nombre de grands projets économiques ne pouvaient être gérés qu'au niveau de la région, mais qu'il est légitime que d'autres collectivités puissent agir dans ce domaine.
En conclusion, M. Jean Puech, président, a souhaité distinguer la « compétence » et l' « objectif ». La question du transfert des compétences relève de la première catégorie. Le développement économique, quant à lui, est un « objectif » qui constitue une mission partagée pour laquelle, au demeurant, un chef de file paraît nécessaire.
Après avoir appelé de ses voeux un rapprochement entre la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale - en signalant que la répartition des personnels avait été très défavorable à cette dernière, s'agissant des catégories A et B - M. Jean Puech, président, a souhaité que l'Observatoire puisse continuer à travailler en étroite concertation et dans un dialogue permanent avec le ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.