Mardi 2 octobre 2007
- Présidence de M. Claude Birraux, député, premier vice-président, puis de M. Henri Revol, sénateur, président. -Désignation de rapporteurs
L'Office a nommé Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure de la saisine de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur « Les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap ».
Puis il a nommé MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, députés, rapporteurs de l'évaluation de l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique.
M. Claude Birraux, député, premier vice-président de l'OPECST, a suggéré aux rapporteurs d'associer à leurs travaux d'autres membres de l'Office et de procéder à des communications intermédiaires devant l'Office, pour rendre compte de leurs travaux.
M. Alain Claeys, député, a souligné l'intérêt de coordonner les travaux de l'Office avec ceux de l'Agence de biomédecine et d'assurer la présence de l'Office au débat public qui est susceptible d'être organisé sur la révision de la loi bioéthique.
Organismes extra-parlementaires - Désignation de membres
L'Office a désigné M. Claude Birraux, pour siéger au conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et M. Pierre Lasbordes, député, vice-président, pour siéger au conseil d'administration de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES).
Radiothérapie - Audition publique
Sur la proposition de M. Claude Birraux, l'Office a autorisé l'organisation d'une audition publique ouverte à la presse sur les technologies de radiothérapie, ainsi que l'élaboration d'un document technique sur la médecine nucléaire.
Conseil scientifique - Audition
L'Office a ensuite procédé à l'audition des membres de son conseil scientifique.
M. Claude Birraux, député, premier vice-président, a accueilli les membres du conseil scientifique et les a informés des travaux en cours au sein de l'Office.
Rappelant que l'ordre du jour comportait deux points, l'application de la loi de programme pour la recherche et le Grenelle de l'environnement, il a souhaité connaître les suggestions des membres du conseil scientifique concernant les thèmes ayant une dimension prospective et susceptibles d'être étudiés par l'Office.
Puis il a posé deux questions sur :
- les principaux effets de la loi de programme pour la recherche, tant en ce qui concerne la recherche publique que la recherche privée, et les relations que ces deux secteurs entretiennent,
- les jugements portés par les membres du conseil scientifique sur le processus retenu dans le cadre du Grenelle de l'environnement, en particulier sur le degré d'implication des scientifiques dans la réflexion engagée, sur le mode de sélection des scientifiques appelés à y participer, sur les conditions dans lesquelles les groupes de travail ont pris en compte les avis scientifiques disponibles, et sur le choix des thèmes.
Les membres de l'OPECST et de son conseil scientifique ont ensuite abordé, au cours de leurs interventions, trois thèmes principaux :
- les évolutions constatées depuis la loi de programme pour la recherche,
- le Grenelle de l'environnement,
- les débats sur la science et la société.
L'application de la loi de programme pour la recherche
M. Jean-Marc Egly, de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), membre de l'Académie des sciences, a insisté sur le caractère prioritaire d'une réelle politique favorisant le jeune chercheur.
Si les vingt dernières années ont connu de nombreuses réformes et de nombreuses réflexions, la question essentielle de la situation du jeune chercheur reste posée. Il ne sert à rien d'évoquer les recherches à entreprendre pour lutter contre la maladie d'Alzheimer ou le cancer, ou encore dans le domaine de la bioéthique, si tout n'est pas mis en oeuvre pour attirer les jeunes chercheurs, par une reconnaissance du doctorat et des rémunérations attractives.
Le niveau des rémunérations est trop faible. Un salaire de 1 900 à 2 100 euros par mois, pour un bac + 12, est nettement insuffisant et aucun gouvernement ne s'est vraiment préoccupé des jeunes chercheurs.
Mme Claudie Haigneré, ancien ministre, conseiller auprès du directeur général de l'Agence spatiale européenne, membre de l'Académie des technologies, a souligné l'indispensable dimension européenne de la recherche, qui devrait être plus systématiquement prise en compte. Certaines échéances, telles que la présidence française de l'Union européenne au second semestre 2008, ou la réorganisation de l'Espace européen de recherche, offriront de nouvelles opportunités, en particulier pour nos jeunes chercheurs, des recommandations pouvant être formulées dans ce sens.
M. Jean-Claude Lehmann, membre de l'Académie des technologies, a estimé que la loi de programme pour la recherche a eu des effets positifs non négligeables sur la recherche française, même si demeure la désagréable impression de rester au milieu du gué.
Il est évident qu'une bonne recherche repose sur de bons chercheurs, dont le renouvellement doit être assuré. Le doctorat en France n'a pas la place qu'il a à l'étranger, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Il faut donc faire en sorte qu'il soit mieux reconnu.
S'agissant de la place des universités dans la recherche, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a été un progrès, car elle a permis de rendre identifiable aux yeux de tous l'organisme de financement de la recherche. Mais l'analyse doit se poursuivre car, si dans les pays anglo-saxons, « l'overhead » atteint 60%, ce qui donne aux établissements les moyens de mener une politique de recherche, pour les contrats ANR, « l'overhead » est pratiquement inexistant. Il faut également pousser la réflexion sur le rôle des organismes de recherche. Le CNRS, placé désormais entre l'ANR et les universités, de plus en plus autonomes en matière de recherche, mène une réflexion sur son positionnement, tout en conservant une vision nationale de l'effort de recherche.
En ce qui concerne les relations de la recherche avec le monde économique, les Instituts Carnot et les pôles de compétitivité ont eu des effets positifs, en aidant à la maturation des idées engagées au niveau régional. Pour autant, nous ne sommes pas au bout de nos efforts en termes de rapprochement culturel entre la recherche publique et la recherche privée. Des difficultés demeurent en matière de recherche technologique et pour les démonstrateurs.
En matière d'innovation, le développement des start up reste problématique. Dans le domaine des sciences de la vie, la levée de fonds intervient après une longue phase d'incubation, qui n'est prise en charge par personne. Par ailleurs, la croissance des petites entreprises est difficile, en raison de l'insuffisance des financements, et parce qu'on a tendance à privilégier les projets technologiques très ciblés.
M. Jean Jouzel, directeur de recherche au CEA, Sciences du climat, membre du Haut conseil pour la science et la technologie (HCST), a également souligné que la reconnaissance des doctorats et la rémunération des jeunes chercheurs étaient des questions importantes, qui ont d'ailleurs été examinées par le HCST.
M. Jean-Marc Egly a expliqué que rien n'ayant été fait en faveur de l'innovation dans le secteur de la biosanté, deux pôles ont été mis en place au sein de l'ANR : un pôle « Emergence » pour accompagner, sur 18-24 mois, des projets académiques mis sur le marché, soit 30 et 35 projets en 2005-2006, dont 6 ou 7 ont abouti à la naissance de petites entreprises, ce qui est encourageant, et un pôle « Innovation biotechnologies » pour pousser les PME à innover. Il y a des résultats positifs, et donc des possibilités également encourageantes. Mais la plus grande difficulté reste la timidité des petites et moyennes entreprises vis-à-vis des partenariats.
M. Jean-Pierre Finance, président de l'université Henri Poincaré à Nancy, premier vice-président de la Conférence des présidents d'universités (CPU), a déclaré souscrire aux déclarations de Jean-Claude Lehmann concernant le doctorat, la place de l'ANR et la nécessité de faire évoluer « l'overhead », le préciput, c'est-à-dire l'accompagnement des projets de recherches, pour permettre aux universités de mener une politique scientifique, estimant par ailleurs qu'il convenait de conserver les projets dits « blancs ».
Un équilibre doit être trouvé entre les appels d'offres nationaux et les appels d'offres européens émanant du Conseil européen de la Recherche (ERC).
La mise en place de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), qui fonctionne depuis quelques mois, est essentielle, même si le processus reste lourd et complexe.
Quant au rapprochement des universités à travers les Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), un mouvement se dessine pour rapprocher sur de grands sites des universités malheureusement découpées en 1970. A Strasbourg comme à Nancy, on s'efforce de créer des universités de taille européenne vraiment pluridisciplinaires, où se côtoient sciences dures et sciences humaines. Il ne faudrait pas que la nouvelle loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités freine ce mouvement, en suscitant un repli des universités sur elles-mêmes et en les incitant à se préoccuper exclusivement de problèmes de gouvernance.
M. Jean-François Minster, directeur scientifique du groupe TOTAL, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies, a observé que la loi sur les universités offre des outils utiles, comme les fondations, pour favoriser les partenariats. Ces outils permettent d'innover, sans forcément reproduire le modèle des universités américaines.
M. Jean Therme, directeur du CEA-Grenoble, membre de l'Académie des technologies, a rappelé que la technologie avait un coût. Or, les outils mis en place dans la loi recherche ont plutôt tendance à favoriser les financements de taille faible et un saupoudrage assez large, alors qu'il serait nécessaire de pouvoir mobiliser des financements importants de l'ordre de plusieurs millions d'euros par an. On ne dispose pas aujourd'hui d'outils capables de mobiliser de tels financements. Dans les projets financés par l'ANR, la moyenne s'établit à 110 000 euros. Or, le montage d'un projet nécessite déjà 70 000 euros en travail administratif. On fabrique ainsi de véritables usines de montage de projets pour accumuler quelques milliers d'euros. Et, quand on focalise les financements sur une activité donnée, on ne peut tenir que six mois sur l'année.
Telle est la situation des systèmes Carnot qui furent vertueux, mais, trop multipliés, ils s'essoufflent dans les phases ultérieures.
Il en est de même de l'Agence pour l'innovation industrielle (AII), dont l'objectif est de réaliser de vastes projets avec de grandes entreprises. Or, actuellement, on tend à opposer la grande entreprise agressive à la petite PME qui le serait moins et opèrerait mieux les changements nécessaires.
Toutefois, il apparaît que si on « casse » l'AII, qui finançait de véritables projets de rupture technologique profonde, de l'ordre de 100 millions d'euros, ce que les grandes entreprises ne peuvent plus réaliser en France, car les coûts sont plus bas ailleurs, on perdra cette dynamique en remplaçant un grand projet par cent petits projets réalisés par des PME. Ce sera certes un atout pour les PME, mais on n'obtiendra pas d'innovations technologiques significatives.
Il existe en France un problème de focalisation des financements sur la partie technologique de la recherche et les actions très structurantes, sur plusieurs années.
M. Pierre Laffitte, sénateur, vice-président de l'OPECST, a indiqué que l'AII n'avait pas pu dépenser l'intégralité de ses fonds, car les règles européennes en matière de concurrence ont bloqué le mécanisme, puis il a annoncé qu'il présenterait une demande visant à ce que le commissaire européen chargé de la concurrence n'intervienne pas sur les questions liées à l'innovation.
M. Jean Therme a souligné que les projets ne peuvent être mis en oeuvre qu'un an et demi après l'accord de l'AII. Le marché, entre temps, ayant évolué, il a estimé que l'Union européenne avait entravé le fonctionnement de l'AII.
M. Pierre Laffitte a proposé d'introduire un contrôle a posteriori sous réserve que certaines conditions soient remplies, en matière de labellisation et de financement.
Mme Sylvie Joussaume, directeur de recherche au CNRS - IPSL - laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, a souhaité donner le point de vue des chercheurs sur la loi recherche.
La communauté scientifique a une vision positive de l'ANR qui permet de démarrer des projets (« ANR blanches » s'élevant à 300 ou 400 000 euros sur 3 ans, « ANR thématiques » à 500-700 000 euros sur 4 ans). Ceci induit à la fois un nombre croissant de post-doctorants et des difficultés à les trouver, ainsi qu'un déséquilibre par rapport aux infrastructures qui sont de la responsabilité des organismes de recherche. On risque ainsi d'obtenir des financements pour des projets que l'on ne pourra pas réaliser en raison d'un déficit d'infrastructures et de très grands équipements.
Il convient d'arriver à une cohérence dans la durée du triptyque : prospective, infrastructure et programme. Tel ne fut pas le cas de « l'ANR catastrophe tellurique » mis en place après le tsunami, car on escomptait plus de deux fois la part nationale d'équipements sismiques disponibles.
Quant au Conseil européen de la Recherche (ERC), on se situe sur une sélection de 2 % des projets, ce qui est peu. L'ERC ne remplace pas les actions jeunes chercheurs, et par ailleurs il est trop tôt pour évaluer les Réseaux thématiques de recherches avancées (RTRA).
M. Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin, membre de l'Académie des sciences, a estimé utile que l'OPECST s'interroge sur la courbe d'efficacité de la sélectivité des projets.
Tous les analystes savent qu'à partir d'une certaine rigueur de la sélection, il existe des effets pervers et malthusiens qui figent un domaine. La question de l'efficacité optimale des politiques de sélection doit être étudiée. L'ERC pose un problème de cet ordre. Contribuera-t-il à la stimulation de la recherche en Europe ?
M. Jean-Marc Egly a observé qu'il n'y avait pas de prise de risque et s'est interrogé sur les seuils de sélectivité des projets à 5%, qui sont inefficaces, et à 25%, qui le sont moins sur le long terme, 15% semblant un optimum.
Mme Sylvie Joussaume a indiqué que pour l'ANR, 20 à 25 % des projets sont sélectionnés et que pour ceux financés par l'ERC, certains projets étaient véritablement risqués.
M. Laurent Gouzenes, directeur du plan et des programmes d'études (ST Microelectronics SA), a estimé que le seuil de sélectivité de l'ANR à 20-25 % était convenable, celui de 5 % étant moins intéressant.
S'agissant plus spécifiquement de la loi recherche, il a regretté que dans la composition du Haut conseil de la science et de la technologie, il n'y ait pas assez d'entreprises, ce qui ne contribue pas à un équilibre prenant en compte la réflexion sociétale. Quant à la lisibilité du système de recherche mis en place, elle reste complexe pour les entreprises. Le CNRS a des milliers de laboratoires, il existe 295 écoles doctorales, 85 universités et il y a peu d'intermédiations.
Par ailleurs, la démographie des chercheurs fait apparaître un nombre important de personnes dans la tranche 50-60 ans, ce qui entraînera dans les dix prochaines années une embauche massive de jeunes chercheurs qui devront être formés.
Cependant cela ne résoudra pas le problème de la recherche privée, faible en France, car la demande des entreprises devrait croître grâce au crédit impôt recherche. Elles devraient embaucher beaucoup de jeunes thésards, or, parallèlement, on assiste à une désaffection des jeunes pour les sciences.
Il faut formaliser un système de thèses efficace pour la recherche publique et privée et développer des passerelles pour les jeunes chercheurs, afin d'éviter qu'ils ne restent dans des systèmes de contrats à durée déterminée institutionnalisés de 2 ou 3 ans renouvelables, alors que cela est interdit pour les entreprises privées. Il convient de rendre le travail des chercheurs plus attractif.
M. Jean-Marie Danion, directeur de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), a évoqué la question centrale à ses yeux du continuum recherche fondamentale, recherche clinique, applications.
L'INSERM s'en est saisi en mettant en place des contrats d'interface. La loi de programme pour la recherche a créé le Réseau thématique de recherche et de soins (RTRS), qui a pour objectif d'assurer l'interface entre recherche clinique et recherche fondamentale, mais la tâche est immense en raison du statut des professeurs de médecine, à la fois universitaires, enseignants, chercheurs et praticiens, qui sont écrasés par des activités cliniques et n'ont plus le temps d'effectuer des recherches de haut niveau. En outre, la question de la formation des futurs médecins à la recherche n'est pas résolue. La démographie médicale actuelle rend le problème plus délicat encore, car les futurs médecins seront d'abord mobilisés par la clinique.
Evoquant le système d'évaluation, M. Jean-Claude Lehmann a considéré que l'un des problèmes essentiels de la recherche est lié à la conception que nous nous faisons de l'évaluation des personnels qui, dans la recherche publique, se limite trop souvent à la seule évaluation de l'activité scientifique, aux dépens d'une approche plus globale et personnalisée. Cela constitue un frein à la mobilité des chercheurs et explique en partie une gestion défaillante des ressources humaines.
Il en est de même de l'évaluation des projets qui doit prendre en compte l'originalité, mais aussi la pertinence, qui ne devrait pas être exclusivement liée aux perspectives d'une application immédiate ou à des effets de mode.
M. Claude Birraux, ayant considéré que le doctorat devait être reconnu par les conventions collectives, M. Jean-Claude Lehmann a observé qu'il fallait avancer avec prudence sur cette voie qui, mal engagée, peut avoir des effets pervers et constituer un frein à l'embauche, et M. Laurent Gouzenes a rappelé que les conventions collectives prenaient en compte les postes occupés, et non les diplômes.
M. Ivan Renar, sénateur, s'est déclaré perplexe, estimant que l'expression collective du conseil scientifique ne lui permettait pas de se faire une idée claire de la situation de la recherche et des chercheurs, ni de la politique mise en oeuvre, ni de l'intérêt que portent les entreprises à la recherche.
M. Michel Petit, président de la section scientifique et technique du Conseil général des technologies de l'information, membre de l'Académie des technologies, a observé qu'en France, aucune instance ne permet de faire le lien, dans le secteur des technologies de l'information, entre l'industrie, la recherche et les utilisateurs, en dépit des bouleversements suscités par le développement de la société de l'information.
Dans ce domaine, les partenariats entre le monde académique et l'industrie sont notoirement insuffisants. L'évolution de l'ANR, qui finance de moins en moins de projets de recherche industrielle, comme la situation de l'AII, sont inquiétantes.
M. Etienne Klein, directeur des sciences de la matière au CEA, après avoir souligné l'intérêt des grands instruments pour la recherche, a considéré que la désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques et le statut des jeunes chercheurs sont des sujets prioritaires. Cette désaffection est liée à une reconfiguration assez profonde du rapport entre la science et la société. Le détournement croissant des jeunes ingénieurs à l'égard des carrières scientifiques est très préoccupant et il est nécessaire d'en connaître les causes.
Mme Claudie Haigneré a rappelé le rôle des fondations pour faciliter les partenariats entre la recherche publique et la recherche privée.
Grenelle de l'environnement
M. Pierre Laffitte, après avoir indiqué qu'il avait participé à l'un des groupes de travail du Grenelle de l'environnement, consacré à la gouvernance et présidé avec doigté par Mme Nicole Notat, s'est interrogé sur la notion d'expertise indépendante, se demandant si, en se voulant être indépendants du gouvernement, des Académies des sciences et des technologies, comme de l'OPECST, les experts qui s'en réclament ne prennent pas surtout de distance vis-à-vis de toutes formes de compétence.
L'organisation du Grenelle a été marquée par un certain dogmatisme, comme en témoigne la mise à l'écart d'une association telle que « Sauvons le climat », dont les préoccupations sont écologiques, mais qui n'exclut pas par principe le nucléaire, du CNRS, des universités, des académies et de diverses structures politiques.
Une telle évolution, qui privilégie la démocratie participative sur la démocratie élective et trouve un écho non négligeable dans l'opinion publique, est inquiétante.
M. Axel Kahn a estimé qu'il fallait s'occuper des questions liées à l'environnement et à la toxicologie, étudier les réponses sociales qui leur sont données, le Grenelle de l'environnement étant susceptible de ne pas épuiser le sujet.
Sans attendre la mise en oeuvre des conclusions du Grenelle de l'environnement, l'Office devrait évaluer les différents scénarios et les perspectives des biocarburants, en prenant en compte les nouveaux gaz à effet de serre, au-delà du bilan carbone, mais aussi les incidences sociales et économiques d'une politique visant à développer les biocarburants, M. Claude Birraux, ayant observé que les biocarburants appelaient une réflexion conjointe sur l'énergie et l'agriculture.
M. Henri Revol, sénateur, président de l'OPECST, après avoir alors relevé qu'il y a encore peu de temps les mérites des bioacarburants étaient mis en exergue, et indiqué que le Brésil, qui s'est engagé dans cette voie, a subi un triplement du prix du blé en deux années, a noté qu'il convenait également de s'intéresser aux conditions économiques de production et aux besoins alimentaires de la planète, alors que l'on annonce une nouvelle génération de biocarburants.
M. Axel Kahn a déploré l'absence d'étude pluridisciplinaire dans ce domaine, alors que beaucoup d'éléments entrent en compte, tels que la concurrence s'exerçant entre les cultures industrielles et vivrières, l'effet de serre, et les conditions de travail des producteurs de canne à sucre, par exemple.
Un état des lieux ouvert est aujourd'hui nécessaire, pour éviter la création d'une situation d'incommunicabilité analogue à celle constatée pour les OGM. Ce débat est encore possible entre des hommes et des femmes de bonne volonté et de tous horizons.
M. Jean-François Minster a souligné qu'après le Grenelle de l'environnement, plusieurs sujets devront être traités, tels que celui des indicateurs. On assiste à une multiplication d'indicateurs sur lesquels se fondent des raisonnements politiques, alors même que leur signification est incertaine.
M. Claude Saunier, sénateur, vice-président de l'OPECST, a observé que la recherche constituait une problématique transversale du Grenelle de l'environnement et que la création d'un observatoire supposait la mise en place d'outils d'observation, et donc d'indicateurs.
M. Jean Therme a insisté sur l'importance de l'innovation dans les nouvelles technologies de l'énergie. Alors que l'on constate un investissement massif aux Etats-Unis dans les nouvelles technologies propres de l'énergie, que la Chine adopte des solutions innovantes dans les transports, que le Japon et l'Allemagne se sont engagés aussi dans cette voie, on assiste à un blocage en France, où l'on semble se détourner de ces nouvelles technologies, notamment pour l'habitat et les transports.
M. Pierre Laffitte a nuancé cette affirmation, en évoquant les recherches menées sur les batteries et les voitures électriques. Beaucoup de PME se lancent dans des procédés innovants, comme le solaire thermique, pour produire de l'électricité, à basse température et beaucoup moins chère. De surcroît, l'aide publique n'est pas négligeable, EDF ayant l'obligation de racheter les nouvelles formes de production d'électricité à des prix supérieurs aux prix de revente.
On pourrait évidemment aller plus loin avec, par exemple, comme cela a été proposé par certains parlementaires, la création de zones franches dédiées à l'innovation.
M. Laurent Gouzenes a tout d'abord observé qu'une réflexion devrait être engagée sur le principe de précaution et la gestion des risques. Face aux appréhensions du public et à la multiplication d'experts indépendants, il est souvent difficile de trouver une issue, comme en témoigne l'état du débat sur les nanotechnologies, pour lesquelles le Grenelle de l'environnement préconise l'organisation d'une conférence, alors qu'en trois années, quelque quatorze conférences ont déjà eu lieu. Dans bien des cas, la notion de risque est utilisée par certaines personnes pour bloquer toute évolution dans le domaine scientifique et technologique.
Une perception plus positive de la science constituerait pourtant un vecteur de promotion de l'écologie, notamment auprès des jeunes. Un débat sur la science et la société s'avère aujourd'hui nécessaire.
La place de la technologie dans le Grenelle de l'environnement a été très faible ; très peu de propositions s'appuient sur des développements technologiques, alors que les incidences économiques, dans ce domaine, sont considérables, l'environnement étant un vecteur de croissance, d'investissements et d'emplois. Pourquoi attendre que les Chinois envahissent les marchés européens de vélos électriques, par exemple, alors que nous sommes tout à fait capables de développer de telles technologies ? La création de nouveaux produits écologiques est bénéfique pour l'économie et il serait tout à fait regrettable de rester passif.
Le Grenelle de l'environnement n'a pas évoqué les technologies de l'information, qui présentent pourtant un grand intérêt dans le domaine de l'énergie, notamment en matière d'optimisation des transports, d'automatisation de véhicules circulant sans chauffeur.
On constate aussi une forme d'autolimitation. Pourquoi se fixer comme objectif la mise au point d'appareils à 1 Watt, quand on peut tout à fait concevoir des appareils n'en consommant pas ?
La réflexion technologique du Grenelle de l'environnement s'est révélée extrêmement pauvre.
Après que M. Henri Revol, eut observé qu'il convenait préalablement de s'assurer de la fiabilité des véhicules sans chauffeur, la sécurité étant une exigence du public dans le domaine des transports, M. Claude Saunier a confirmé les propos de M. Gouzenes, en observant que, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, auquel il a participé, les apports de la technologie n'avaient pas suffisamment été pris en compte, et en indiquant qu'au sein de son groupe de travail sur la biodiversité, il avait dû insister pour que les biotechnologies figurent parmi les moyens permettant de maintenir la biodiversité.
M. Claude Saunier a estimé que l'Office ne pourra pas faire l'économie d'une lecture collective des documents issus du Grenelle.
M. Jean Jouzel a déclaré ne pas partager les avis négatifs portés sur le contenu des débats du Grenelle de l'environnement.
Bien au contraire, comme en témoigne le groupe qu'il a présidé, syndicats et ONG s'impliquent de manière constructive. Toutes les propositions ne sont sans doute pas consensuelles, mais le processus doit être défendu. Les syndicats sont conscients que le monde va changer et sont prêts à s'y adapter.
Par ailleurs, le Grenelle de l'environnement est un puissant appel à la mobilisation de la recherche et à la technologie.
Il est par ailleurs excessif de dire que l'association « Sauvons le climat » a été totalement exclue.
M. Pierre Castillon, membre de l'Académie des technologies, après avoir noté que les réflexions en cours sur l'énergie semblent ignorer celles qui ont été menées au sein du comité des Sages sur l'énergie qu'il présidait et les conclusions de la commission Syrota, a déclaré partager l'analyse d'Axel Kahn sur les biocarburants.
Puis, il a observé, évoquant la question centrale à ses yeux de la séquestration de CO2, examinée par l'OPECST en 2005, que si les réalisations sont encore modestes à ce jour, elles pourraient changer totalement la donne en matière énergétique, en suscitant une renaissance du charbon.
M. Minster, tout en reconnaissant le bien fondé des interrogations suscitées par les biocarburants, en termes notamment de bilan énergétique et d'impact sur les surfaces agricoles, a souligné qu'il convenait d'éviter de se contredire, en tenant en même temps un discours en faveur des démarches d'innovation.
Les biocarburants ont bénéficié de soutiens publics importants, des rapports ont préconisé leur développement, et on s'aperçoit aujourd'hui que les risques peuvent excéder les bénéfices.
L'analyse du processus est ainsi elle-même intéressante, et pas seulement celle des effets négatifs des biocarburants.
M. Pierre Castillon, après avoir fait état de la comparaison du volume des aides publiques accordées et du volume de CO2 économisé, figurant dans le rapport de synthèse du Centre d'analyses stratégiques, a rappelé que l'énergie la plus meurtrière est actuellement le charbon, avec plus de 4 000 morts par an en Chine.
M. Michel Petit a relevé que les scientifiques étaient peu représentés au sein du Grenelle de l'environnement et observé que certains sujets n'avaient été qu'effleurés, comme celui relatif à la taxe carbone. Les approches des problèmes paraissent plus sentimentales que rationnelles et des questions n'ont pas été abordées, comme, par exemple, la possibilité d'utiliser l'électricité pour réduire les émissions de CO2. On peut également regretter la faible présence du ministère de la Recherche.
M. Etienne Klein a estimé que le Grenelle de l'environnement constitue une opportunité à saisir pour la recherche, une occasion de rédemption aussi, car il va permettre de démontrer que la science peut corriger les dégâts qu'elle a contribué à créer.
Mme Geneviève Fioraso, députée, a déploré que l'association « Sauvons le climat » ait été exclue du Grenelle, alors qu'elle ne prône pas une culture binaire. Les travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sont de nature à répondre aux préoccupations exprimées au sein du Grenelle et à la proposition visant à créer une agence de médiation et de prévention des conflits.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, a noté qu'au sein du Grenelle de l'environnement, la prise en compte de la science et de la technologie reste déséquilibrée : si les réflexions consensuelles sur le réchauffement climatique prennent appui sur la science et la technologie, il n'en va pas de même dans d'autres domaines, tels que les OGM.
Science et société
M. Axel Kahn a estimé qu'indépendamment de l'actualité, il devenait urgent de s'interroger sur l'influence grandissante de la génétique sur certains concepts sociaux. Il est utile d'ouvrir des débats sur les relations entre génétique et société, entre génétique et comportement, entre génétique et famille, sur les évolutions en cours qui remettent en question les éléments fondamentaux sur lesquels notre société est construite. De telles dérives sont au coeur des préoccupations de l'Office, dont le rôle est d'étudier les interactions entre la science, les techniques et la société.
M. Hervé Chneiweiss, directeur de recherche, directeur du groupe de neuro-oncologie moléculaire et clinique au Collège de France, a évoqué les risques liés à l'utilisation de biomarqueurs, dans un contexte marqué par une forme de « biologisation » de la société, qui aboutit à une remise en cause d'éléments fondamentaux de la vie humaine et à une vision déterministe, à laquelle adhèrent des responsables scientifiques et politiques.
La multiplication des tests de dépistage, en l'absence de réglementation, exige qu'une réflexion soit conduite en amont. La question de la validité de ces tests se pose également. C'est ainsi que 2,7 millions de tests sont actuellement réalisés en France pour détecter le cancer de la prostate, alors que leur évaluation et le suivi des patients ne sont pas assurés.
On doit déplorer l'adhésion de plus en plus large à des variables biologiques ou quantifiables.
M. Alain Claeys, député, a indiqué qu'à l'occasion de l'évaluation de la loi bioéthique, ces questions seront abordées dans le cadre d'auditions publiques.
M. Pierre Laffitte a souligné la nécessité de mener au sein de l'Office, et conjointement avec le conseil scientifique, une réflexion sur l'innovation, afin de valoriser la recherche aux niveaux économique, social et éthique. La recherche dans ce domaine doit être développée. L'impact de l'innovation en termes d'emplois créés, par exemple, est diversement apprécié, en raison de la variété des indicateurs.
Si l'on veut que la recherche bénéficie de moyens massivement renforcés et améliorer la situation des jeunes chercheurs, il faut se donner les moyens de connaître les conséquences sociales des innovations.
M. Jean-Marie Danion a souligné la nécessité d'effectuer des recherches sur le comportement, de manière globale, et d'étudier scientifiquement le comportement de l'être humain enfant.
L'INSERM a lancé depuis trois ans plusieurs rapports consacrés aux troubles psychiatriques de l'enfant, faisant la synthèse des études existantes, ce qui a provoqué un tollé médiatique. Il est indispensable de mener ce type de recherche sans tabou, en en précisant le cadre et le mode de diffusion.
M. Axel Kahn a estimé que les réactions suscitées par ce rapport ne reflétaient pas une intolérance aux études scientifiques sur le comportement humain, mais une certaine opposition à l'idée, que certains lecteurs avaient cru percevoir, selon laquelle il existerait des marqueurs indicatifs et pertinents très précoces de comportements futurs. Au demeurant, il est utile de conduire des études scientifiques précises et multiparamétriques sur les comportements humains.
Puis il a souligné la nécessité de définir un espace de dialogue assurant l'interface entre la science et la société, pour éviter que le débat contradictoire ne se transforme en un affrontement de lobbies.
Abordant la question des OGM, M. Axel Kahn a déploré que des décisions politiques importantes puissent être prises à partir d'arguments dénués de sens.
M. Jean Therme a relevé la complexité des questions relatives aux usages et à l'impact sur la société des produits créés, l'intérêt de faire appel aux sciences humaines, et la nécessité de créer des centres où sciences dures et sciences humaines collaborent, M. Jean-Pierre Finance observant que tel était le rôle des universités.
Après que M. Henri Revol eut rappelé que l'Office avait engagé un partenariat avec l'Académie des sciences, M. Michel Petit a évoqué l'expérience du Groupe intergouvernemental sur le climat (GIEC), au sein duquel s'est dégagé un consensus au niveau international, tout en soulignant la lourdeur de la procédure de décision.
Mme Claudie Haigneré a estimé que le principe de progrès est aujourd'hui mis à mal par un recours abusif au principe de précaution.
M. Henri Revol et M. Claude Birraux ont remercié les membres du conseil scientifique.