Mardi 24 juillet 2007
- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président de l'OfficeGrenelle de l'environnement - Communication
M. Henri Revol, sénateur, président, a présenté une communication sur la participation éventuelle de l'Office au « Grenelle de l'environnement ».
Nomination d'un rapporteur
Puis l'Office a nommé M. Christian Kert, député, rapporteur de la saisine de la commission des Affaires économiques de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, sur « la sécurité des barrages hydrauliques ».
Environnement - Gestion des déchets radioactifs - Audition de la Commission nationale d'évaluation des recherches sur la gestion des déchets radioactifs (CNE)
L'Office a ensuite procédé à l'audition de la Commission nationale d'évaluation des recherches pour la gestion des déchets radioactifs qui lui a présenté son rapport.
M. Bernard Tissot, président de la Commission nationale d'évaluation, accompagné de membres de cette Commission, a évoqué les incidences, sur les travaux de la Commission, de la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.
D'une part, son champ d'évaluation s'est élargi au-delà du seul domaine de certains déchets issus de la production électronucléaire, intégrant désormais, par référence au Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), les déchets graphites, radifères et tritiés, les déchets issus de filières médicales et industrielles qui posent, en fait, plus de problèmes de respect de la réglementation que de problèmes scientifiques, mais aussi le vaste domaine des résidus des mines d'uranium.
D'autre part, l'évaluation doit comporter dorénavant une dimension sociétale et économique, la loi du 28 juin 2006 ayant prévu la présence, au sein de la Commission, de deux membres désignés sur proposition de l'Académie des sciences morales et politiques.
Le délai restreint d'élaboration du rapport n'a pas permis à la Commission de pousser ses investigations sur certains aspects nouveaux des recherches entrant dans le champ de l'évaluation, en particulier la modélisation et la simulation, ainsi que la radiobiologie et la radioécologie, pour lesquelles un recours ponctuel à des experts extérieurs pourrait être envisagé.
Le calendrier imposé aux chercheurs par la loi est très contraignant et oblige à une organisation particulièrement efficace des travaux, rendant probablement nécessaire un chevauchement des programmes.
La Commission considère ce premier rapport, élaboré dans l'urgence par souci de respecter scrupuleusement les délais fixés par la loi, comme un guide de travail pour sa première année pleine d'activité, dont le second rapport annuel rendra compte.
MM. Jean-Claude Duplessy et Robert Guillaumont, membres de la Commission nationale d'évaluation, ont ensuite présenté les analyses de la Commission sur, d'une part, les recherches conduites par l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA) sur le stockage en couche géologique profonde et, d'autre part, les recherches conduites par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), en collaboration avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et, pour partie aussi, dans le cadre de collaborations internationales, sur la transmutation, la séparation et le conditionnement.
Après avoir souligné la qualité des travaux réalisés par l'ANDRA, M. Jean-Claude Duplessy a indiqué que la Commission s'était concentrée sur les orientations stratégiques permettant de respecter les délais prescrits par la loi.
Il a exposé les observations formulées par la Commission concernant les coopérations mises en place et le projet de transformation du laboratoire souterrain en Très Grand Instrument pour les Infrastructures Souterraines et de Surface pour les Sciences de l'Univers et de l'Environnement.
Il a estimé que la réussite du projet de stockage des déchets graphites et radifères en 2013 conditionnerait pour partie celle du projet de stockage réversible des déchets à haute activité et vie longue en 2025, après avoir rappelé les étapes principales du calendrier imposé à l'ANDRA pour les recherches et études sur le stockage des déchets.
Au cours de son exposé retraçant l'évolution des programmes de recherches sur la séparation, la transmutation, les prototypes de réacteurs et le conditionnement et les observations de la Commission dans ces domaines, M. Robert Guillaumont a notamment observé que l'arrêt du réacteur Phénix en mai 2009 ouvrira une période d'une dizaine d'années pendant laquelle les expériences d'irradiation ne pourront se poursuivre que dans le cadre d'une coopération internationale.
M. Claude Birraux, député, premier vice-président de l'Office, a félicité la Commission, mise en place en avril, d'avoir pu rendre un rapport dans un délai si bref. Il a insisté sur la nécessité que les sciences humaines prennent toute leur place dans l'amélioration des processus de décision en matière de gestion des déchets nucléaires, cette dimension lui étant apparue particulièrement cruciale tout au long de l'étude qu'il a menée sur ce sujet, en collaboration avec son collègue Christian Bataille. Il a noté que le rapport de la Commission fait état des difficultés qu'elle a rencontrées pour obtenir des informations des organismes de recherche et a rappelé les prescriptions de la loi à cet égard, invitant la Commission à saisir le ministre de tutelle ou l'Office pour les faire respecter.
S'agissant des craintes exprimées par la Commission sur le calendrier très resserré des recherches, il a estimé qu'elles peuvent être mises sur le compte de l'appréhension liée au lancement de toute opération un peu complexe mais appelées à s'atténuer une fois que toutes les parties prenantes auront trouvé leurs marques au sein des programmes de recherche. Il a en outre observé que le calendrier français pour le stockage réversible en couche géologique profonde n'est pas plus exigeant que celui prévu, dans le même domaine, aux Etats-Unis.
M. Christian Bataille, député, a loué le souci de la Commission de respecter à la lettre la volonté du législateur, s'est félicité de la qualité de ses travaux dont, en tant qu'instigateur, en 1991, de la création de la première forme de cette instance, il n'avait pas soupçonné l'impact : celui d'asseoir de manière solennelle la crédibilité scientifique de la stratégie française de gestion des déchets nucléaires.
Il a rappelé quelques-uns des clichés antinucléaires : l'affirmation erronée de la part mineure de l'énergie nucléaire dans le bilan de la consommation d'énergie primaire ; l'allégation fausse du risque d'épuisement des ressources en minerais d'uranium ou en combustibles et l'assertion fallacieuse d'une absence de solutions techniques pour la gestion des déchets radioactifs, alors que chaque rapport de la CNE démontre au contraire qu'elles existent.
Il a ajouté que la valorisation des acquis scientifiques du programme de gestion des matières et déchets nucléaires présente un intérêt industriel direct pour la France, puisqu'elle n'est pas sans jouer un rôle dans le bon positionnement actuel des entreprises françaises de l'énergie nucléaire sur le marché américain, au moment où s'y opère une relance de la production électronucléaire.
Le caractère contraignant du calendrier résulte de la volonté même du législateur, qui a souhaité délibérément enfermer les recherches dans des délais garantissant la production de résultats. Une des formes de l'opposition à l'énergie nucléaire consiste justement à essayer de reporter l'effort de recherche, en multipliant les prétextes pour repousser l'échéance des résultats opérationnels. C'est cette stratégie attentiste que mettent en oeuvre les partisans d'un passage direct aux réacteurs de quatrième génération, en faisant l'impasse sur le déploiement du réacteur EPR, lequel constitue pourtant une étape essentielle dans le maintien de la maîtrise technologique de la filière.
Revenant sur les observations de M. Robert Guillaumont, il a déclaré qu'il faut regretter rétrospectivement l'arrêt du projet Superphénix, qui va avoir pour conséquence de freiner les recherches sur la transmutation.
M. Bernard Tissot a précisé que la Commission percevait, elle aussi, la contrainte de calendrier comme salutaire, car obligeant à imaginer des procédés de recherche plus efficaces.
Il s'est félicité, à cet égard, de ce que les recommandations passées de la Commission visant à utiliser, pour l'exploration des couches profondes, des techniques de l'industrie pétrolière au lieu de s'en tenir strictement aux techniques de l'industrie minière, avaient porté leurs fruits et permis d'accroître sensiblement l'efficacité des investigations.
M. Daniel Raoul, sénateur, s'est déclaré très sensible à tout ce qui pourrait être fait, notamment en matière de recherches dans les domaines économiques et sociaux, pour améliorer l'acceptabilité sociale des installations nucléaires, l'incidence économique devant également être prise en compte. Il a estimé que les opérateurs ont tout particulièrement un effort à faire dans ce domaine.
M. Jacques Percebois, membre de la Commission, a indiqué que le champ de ces recherches dépasse le cadre des installations nucléaires, puisque la question de l'acceptabilité des technologies concerne d'autres secteurs comme, par exemple, l'installation des lignes à haute tension. La dimension mystérieuse de l'énergie nucléaire au regard du sens commun confère cependant une difficulté particulière à la prise de décision. L'enjeu des recherches est d'améliorer la manière de présenter l'information aux populations. Des études de cette nature ont été effectuées dans le domaine de la téléphonie mobile, mais les investigations restent encore embryonnaires dans le domaine de l'énergie nucléaire.
M. Claes Thegerström, membre de la Commission, a expliqué que l'acceptabilité sociale ne peut être obtenue qu'en démontrant à la fois la sûreté technique et la sûreté radiologique. Le comportement des opérateurs constitue à cet égard un point-clef, puisqu'il conditionne leur crédibilité. Il est essentiel que la procédure de décision soit claire et acceptée, ce qui permet d'obtenir une décision finale véritablement respectée, à défaut d'être elle-même totalement acceptée. Ces conditions expliquent notamment qu'en Suède, la population située dans la zone d'investigation pour le stockage en couche géologique profonde se montre à 80 % favorable à ce projet. Le processus très clair mis en place en France, au travers des deux lois de 1991 et de 2006, va dans le bon sens. Le succès du programme français de gestion des matières et déchets radioactifs ne pourra que rejaillir favorablement sur le projet suédois.
Répondant à une question posée par M. Daniel Raoul, sénateur, M. Claes Thegerström a indiqué qu'en Suède, le principe de précaution est effectivement un élément de l'encadrement juridique des projets.
M. Bernard Tissot a rappelé en conclusion que le prochain rapport de la Commission aura pour objet de développer toutes les pistes ouvertes dans le rapport de juin 2007, réalisé dans l'urgence pour respecter les échéances fixées par la loi.