Mardi 6 février 2007
- Présidence de M. Bernard Seillier, vice- président, et de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. -Protection juridique des majeurs - Audition de MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, et Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille
La commission a procédé, en commun avec la commission des lois, à l'audition de. MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, et Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi n° 172 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs (Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis).
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré que ce projet de loi complétait une série de réformes du droit civil de la famille engagées depuis quatre ans : droit du divorce, de la filiation et des successions et libéralités.
Il a rappelé que, depuis une dizaine d'années, de nombreux rapports avaient dénoncé les dysfonctionnements et les dérives du système actuel de protection des majeurs : les lois en vigueur de 1966 et 1968 ne permettent plus de protéger correctement les personnes les plus fragiles, ces textes ayant été conçus pour s'appliquer à quelques milliers d'individus, quand aujourd'hui plus de 700.000 personnes soit, plus de 1 % de la population, sont concernées. Il a ajouté qu'au rythme actuel, ce nombre pourrait atteindre un million en 2010.
Il a expliqué cette croissance de deux façons :
- l'allongement de l'espérance de vie ;
- une application de la loi progressivement détournée de son objet, de nombreuses mesures judiciaires étant prononcées pour des considérations sociales, qui ne justifient en rien la diminution ou la suppression de la capacité juridique des personnes.
Estimant que la protection judiciaire des personnes vulnérables ne devait être envisagée qu'en dernier recours et être limitée au strict nécessaire, il a indiqué que le projet de loi s'attachait à satisfaire ces exigences.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a expliqué que ce texte répondait à un triple enjeu :
- le vieillissement de la société ;
- la plus grande vulnérabilité sociale des personnes dans les sociétés modernes, qui exige de mieux les protéger, sans les déresponsabiliser ;
- l'implication des familles, qui sont aujourd'hui souvent éclatées et éloignées et qui revendiquent d'être mieux informées et plus écoutées.
Il a rappelé que cette réforme, longuement préparée, faisait l'objet d'un consensus auprès des familles et des professionnels concernés.
Il a ensuite présenté le dispositif de droit civil, en indiquant que M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille présenterait le volet social et financier de la réforme.
Il a indiqué que le projet de loi poursuivait trois objectifs :
- recentrer la protection juridique sur ceux qui sont atteints d'une réelle altération de leurs facultés ;
- renforcer et mieux définir leurs droits et leur protection ;
- professionnaliser les intervenants extérieurs à la famille qui exercent la protection juridique.
Concernant le premier objectif, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que, conformément au principe de nécessité des mesures, la mise sous curatelle ou tutelle d'un majeur ne devait être possible qu'en cas d'altération de ses facultés personnelles, le plus souvent mentales, ou parfois corporelles, cette altération devant être constatée par un certificat médical circonstancié établi par un médecin expert.
En conséquence, il a indiqué que la possibilité de placer une personne sous un régime de protection pour « prodigalité, intempérance ou oisiveté » serait supprimée et qu'à la place, des dispositifs d'accompagnement social adaptés et rénovés seraient mis en oeuvre.
Par ailleurs, il a indiqué que le juge des tutelles ne pourrait plus se saisir d'office, sur le simple signalement d'un tiers, intervenant social ou professionnel médical et que les possibilités de saisine seraient réservées aux membres de la famille, aux proches, ou au procureur.
Il a précisé qu'en proscrivant la saisine d'office du juge, ce projet de loi tendait à favoriser les solutions alternatives à la tutelle.
Il a en effet rappelé que pour protéger une personne vulnérable des solutions juridiques moins contraignantes et moins attentatoires à ses droits existaient ou étaient créées :
- la procuration ;
- le mandat de protection future ;
- l'accompagnement social ;
- la sauvegarde de justice, pouvant être utilisée pour un besoin ponctuel ;
- les règles d'habilitation propres aux régimes matrimoniaux qui permettent la désignation d'un époux pour représenter son conjoint, lorsque celui-ci est hors d'état de manifester sa volonté à la suite d'un accident ou d'une maladie.
Enfin, il a indiqué que la subsidiarité impliquait qu'avant de recourir à la collectivité publique, on se tourne vers la famille, laquelle doit être davantage associée aux procédures judiciaires.
Concernant le deuxième objectif de la réforme, renforcer et mieux définir les droits des personnes protégées, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord mis en exergue la création d'un nouveau dispositif inspiré de certaines législations étrangères, en particulier de celle du Québec : le mandat de protection future.
Il a expliqué que ce dispositif intermédiaire entre la liberté civile et la privation des droits ordonnée par le juge donnerait à chacun le pouvoir d'organiser lui-même sa protection future de manière libre et personnalisée.
Il a précisé que chacun pourrait désormais devancer l'organisation de sa propre protection :
- en désignant un tiers de son choix pour veiller sur sa personne et ses intérêts le moment venu ;
- en définissant, par acte sous seing privé ou par acte notarié, la mission du mandataire et l'étendue de ses pouvoirs.
Il a précisé que la prise d'effet du mandat serait conditionnée à sa présentation au greffe du tribunal d'instance, accompagnée du certificat médical attestant l'altération des facultés personnelles du mandant.
Il a souligné que les parents d'un enfant handicapé pourraient passer un tel mandat pour le jour où ils ne seraient plus en état d'assumer eux-mêmes la protection de leur enfant.
Enfin, il a expliqué que ce mandat de protection future créait un régime de représentation sans entraîner l'incapacité de la personne représentée.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite souligné que le projet de loi était inspiré par la volonté de protection de la personne, et non plus seulement de son patrimoine.
Il a indiqué que ce principe se traduisait :
- dans le déroulement de la procédure judiciaire, à travers son caractère pleinement contradictoire, la personne étant systématiquement entendue, et pouvant se faire assister d'un avocat ;
- à travers l'obligation faite au juge de choisir la mesure de protection proportionnée à la vulnérabilité et aux besoins de la personne, afin de bannir les mesures de protection trop uniformisées ;
- à travers l'obligation pour le tuteur d'associer la personne protégée, dans la limite de ses capacités, à la gestion de ses intérêts ; en cas de conflit, le juge serait saisi et déciderait après audition de la personne concernée, et exclusivement en considération de son intérêt ;
- à travers le renforcement des modalités de contrôle de l'exécution de la mesure de protection (examen obligatoire tous les cinq ans, comptes rendus des actes et actions effectués pour le compte de la personne protégée, contrôle annuel personnalisé).
Concernant le troisième objectif de la réforme, c'est-à-dire la professionnalisation des tuteurs et curateurs extérieurs à la famille, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a observé que le régime actuel des gérants de tutelle, mandataires spéciaux, tuteurs d'Etat ou encore préposés à la tutelle, était hétérogène et injuste.
Il a indiqué que le projet de loi regroupait ces professionnels sous le régime nouveau des « mandataires judiciaires à la protection des majeurs », qui devraient obéir désormais à des règles communes, organisant leur formation et leur compétence, leur évaluation et leur contrôle, leur responsabilité et leur rémunération.
Il a expliqué que, conformément au droit commun de l'action sociale et médico-sociale, ces professionnels :
- seraient soumis à des procédures d'agrément ou d'autorisation selon qu'ils exercent à titre individuel ou dans un cadre associatif ou institutionnel ;
- devraient satisfaire à des conditions précises et strictes pour obtenir l'agrément par le préfet, en concertation avec le procureur de la République ;
- seraient soumis à un contrôle de leur activité, sous l'autorité du préfet et du procureur de la République, pouvant donner lieu, le cas échéant, à des sanctions.
Enfin, il a indiqué que le financement de l'activité de ces professionnels serait unifié et défini selon des critères plus équitables, plus précis et plus clairs, la personne protégée participant aux frais résultant de sa protection dans la mesure de ses moyens ; en l'absence de ressources suffisantes, un financement public subsidiaire assurerait la rémunération des mandataires.
Après avoir rappelé que le projet de loi constituait une réforme tant sociale que judiciaire, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a expliqué que la tutelle, privative de droits et pratiquement jamais révoquée une fois décidée, était actuellement trop souvent utilisée à des fins sociales, à défaut d'autres instruments plus adaptés.
Souhaitant, par conséquent, réserver cette mesure de protection à des situations d'altération grave et permanente des facultés mentales, il a expliqué qu'il convenait de ne plus l'utiliser à des fins d'accompagnement social et de l'encadrer davantage, tout en soulignant que le nombre de majeurs protégés ne cessait d'augmenter du fait des dérives actuelles, ainsi que de la progression de la maladie d'Alzheimer, précisant notamment que 220.000 nouveaux cas étaient ainsi diagnostiqués pour cette maladie chaque année.
Il a indiqué qu'avec le projet de loi, le gouvernement s'engageait à créer et développer des alternatives à la tutelle, à adapter la protection des personnes à l'évolution de leurs capacités, en créant un véritable parcours d'autonomie, à apporter des garanties nouvelles pour les personnes comme pour les familles, afin qu'elles aient toute confiance dans les mesures de protection, et à garantir un financement qui ne pénalise pas les départements.
Il a expliqué que des alternatives à la tutelle étaient indispensables pour les personnes dont les facultés mentales ne sont pas durablement altérées. Il a exposé que le projet de loi prévoyait à cet effet la création d'une mesure d'accompagnement social personnalisé, en amont du dispositif judiciaire, qui prendrait la forme d'un contrat passé avec le président du conseil général et qui comporterait, en vertu du texte adopté par l'Assemblée nationale, une aide à la gestion de l'ensemble de leurs ressources, et pas seulement de leurs prestations sociales.
Il a précisé qu'une mesure judiciaire ne pourrait être envisagée sans qu'un rapport soit établi par le président du conseil général afin d'informer le juge de la situation de la personne et des mesures déjà prises, puis a réaffirmé la nécessité de mettre en place un parcours progressif permettant de prononcer d'abord les mesures les moins contraignantes et, le cas échéant, de les modifier ensuite en fonction de la situation et des possibilités d'évolution de la personne.
Il a ajouté que les familles et les personnes concernées devraient également être mieux associées et mieux entendues au cours de la procédure, expliquant notamment que l'individu placé sous tutelle serait accompagné, écouté et responsabilisé, afin qu'il puisse, à terme, retrouver son autonomie.
S'agissant de la création d'un parcours vers l'autonomie, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a estimé qu'afin de protéger la personne et ses intérêts, il convenait de prévoir un placement sous protection judiciaire, tout en tenant compte de ses droits légitimes et en lui garantissant, autant que possible, l'exercice de ses libertés.
Il a indiqué que la mesure d'accompagnement social personnalisé était destinée à répondre à cet objectif, ajoutant qu'en cas d'échec, elle serait remplacée par une mesure d'accompagnement judiciaire, cette mesure d'autorité exercée sous le contrôle du juge offrant une dernière chance à l'action sociale. Il a précisé que, tout en conservant ses droits civiques et patrimoniaux, la personne protégée verrait ainsi ses prestations sociales gérées par un tiers.
Il a ajouté que la curatelle et la tutelle seraient désormais réservées aux personnes les plus vulnérables et ayant généralement une altération définitive de leurs facultés mentales.
Il s'est également félicité de la création du mandat de protection future, ce dispositif innovant devant permettre à toute personne d'organiser à l'avance, par la conclusion d'un contrat, sa prise en charge en prévision d'une éventuelle altération de ses facultés.
Après avoir rappelé que les familles assumaient directement plus de la moitié des tutelles, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué que l'Assemblée nationale avait prévu la mise en place d'un dispositif d'aide et d'information leur permettant de trouver plus facilement des solutions aux difficultés rencontrées.
Il a constaté que, si les associations tutélaires, les mandataires ou les établissements accueillant des personnes sous tutelle s'acquittaient généralement bien de leurs responsabilités, trop d'abus ou de négligences perduraient.
Il a indiqué que le projet de loi prévoyait en conséquence un meilleur encadrement et une formation plus adaptée des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, en professionnalisant cette fonction et en renforçant les contrôles, par la création d'un certificat national de compétences, par l'inscription obligatoire d'une liste tenue par le préfet sur avis conforme du procureur de la République et par un contrôle de l'Etat.
Réaffirmant la volonté du gouvernement d'assurer le financement de cette réforme sans pénaliser les départements, il a indiqué qu'afin de répondre aux inquiétudes de ces derniers, le projet de loi prévoyait que l'Etat prendrait en charge le coût des tutelles des bénéficiaires des prestations sociales des départements. Il a précisé que ces collectivités devraient ainsi économiser 77 millions d'euros en 2009, la prise en charge financière de l'Etat représentant plus de 92 millions d'euros en 2013.
Il a estimé que les charges nouvelles induites par la création d'une mesure d'accompagnement social personnalisé devraient être inférieures aux économies ainsi réalisées par les départements. Enfin, il a ajouté que l'Assemblé nationale avait introduit une « clause de revoyure », obligeant à faire le bilan financier de la réforme.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a déclaré que la réforme n'entrerait intégralement en vigueur qu'au 1er janvier 2009, afin de laisser du temps aux départements pour la mettre en place, ces derniers ayant récemment dû assumer un nombre important de nouvelles compétences. Il a précisé que les dispositions n'affectant pas leur charge de travail, telles que la professionnalisation des mandataires, le renforcement des contrôles ou la création du mandat de protection future, seraient immédiatement mises en oeuvre.
Il a précisé que le projet de loi autorisait les départements à mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement social personnalisé, soit en s'appuyant sur leurs services d'action sociale, soit en faisant appel à des associations, celles-ci continuant comme aujourd'hui à assurer le suivi des personnes protégées.
En conclusion, il a qualifié le projet de loi de « réforme de citoyenneté », au même titre que la loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées.
S'exprimant au nom de M. Henri de Richemont, rapporteur, empêché, M. Jean-Jacques Hyest, président, a demandé au garde des sceaux si des moyens matériels et humains suffisants seraient alloués aux parquets pour leur permettre d'assumer leur rôle nouveau dans la mise en place et le suivi des mesures de protection, en observant que le parquet civil disposait traditionnellement d'effectifs très limités. Il a également jugé nécessaire de renforcer les greffes, compte tenu des tâches nouvelles qu'ils auront à assumer.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a marqué sa volonté de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la réussite de la réforme de la protection juridique des majeurs. Après avoir rappelé que l'effectif actuel des juges des tutelles atteignait 80 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), il a annoncé une augmentation du nombre de magistrats et de fonctionnaires, qui se traduirait par la création de 22 ETPT de juges des tutelles, 7 ETPT de magistrats du parquet, 51 ETPT de greffiers et 5 ETPT de greffiers en chef.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a noté qu'une des avancées du projet de loi consistait à différencier plus strictement le champ de l'accompagnement social de celui de l'accompagnement judiciaire, en remplaçant la tutelle aux prestations sociales adultes par la mesure d'accompagnement judiciaire et en créant, en amont, une mesure d'accompagnement social personnalisé. Après avoir demandé au garde des sceaux si cette réforme permettrait de diminuer effectivement le nombre de placements sous une mesure de protection juridique, il s'est interrogé sur le champ d'application de la mesure d'accompagnement judiciaire, notamment sur l'opportunité de la limiter aux seules prestations sociales ou de l'étendre à tout type de ressources.
Après avoir souligné que la frontière entre ce qui doit relever de la sphère sociale et ce qui a trait à la sphère judiciaire était délicate à tracer, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a rappelé le constat unanime dressé dans de nombreux rapports, selon lequel une grande part des mesures de tutelle ou de curatelle concernait des personnes en grande difficulté sociale, ce qui prouvait une certaine dérive par rapport à l'objectif initial de la loi du 3 janvier 1968 dédiée à la protection des personnes souffrant d'une altération de leurs facultés mentales. Il a estimé à environ 20 % la part des mesures de tutelle ou de curatelle prononcées sans qu'il y ait altération des facultés personnelles des intéressés, tout en reconnaissant qu'il était difficile de la quantifier précisément. Il a fait valoir que la réforme proposée permettrait la prise en charge des personnes connaissant des difficultés sociales dans le cadre du nouveau dispositif d'accompagnement social personnalisé, qui présentait le double avantage, par rapport à la curatelle, d'offrir une réponse mieux adaptée à leurs besoins et de préserver leurs droits.
Marquant son opposition à l'extension à l'ensemble des ressources de la mesure d'accompagnement judiciaire, votée par les députés, le garde des sceaux a estimé que cette initiative était en contradiction avec la philosophie du projet de loi. Il lui a paru logique et cohérent de confier à la collectivité publique le soin de gérer, y compris de façon contraignante, les prestations sociales pour garantir leur emploi à bon escient. Il a jugé a contrario qu'aucun argument valable ne justifiait d'étendre la portée de ce dispositif à l'ensemble des ressources. Il a souhaité que les travaux du Sénat puissent permettre de revenir à la rédaction initiale du projet de loi en limitant aux seules prestations sociales l'application de la mesure d'accompagnement judiciaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a pris acte des indications apportées par le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur le financement de la réforme.
Puis il a interrogé le garde des sceaux sur les suites qu'il comptait réserver à l'expérimentation, concluante, tendant à faire intervenir des agents du Trésor public aux côtés des greffiers en chef des tribunaux d'instance pour contrôler plus rigoureusement les comptes de tutelle.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, a précisé que si l'expérimentation avait été bien accueillie dans les cours d'appel où elle avait été mise en place, le coût déraisonnable au regard du bénéfice attendu en matière de contrôle des comptes de tutelle rendait sa généralisation peu opportune.
Reconnaissant la difficulté pour les greffiers en chef, compte tenu de leur charge de travail, de contrôler l'ensemble des comptes déposés au greffe des tribunaux d'instance, il a indiqué que la réforme comportait une avancée en ce domaine, en permettant au juge de moduler la nature du contrôle des comptes en fonction de l'étendue du patrimoine et de la situation familiale et permettait de confier à un commissaire aux comptes la vérification des patrimoines les plus importants. A l'inverse, il a expliqué que, dans certaines hypothèses, le contrôle pourrait être allégé. Il a estimé qu'une telle souplesse permettrait de mieux contrôler les comptes des personnes faisant l'objet d'une mesure de protection.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, s'est inquiétée de ce que certaines personnes, parce qu'elles ne perçoivent pas de prestations sociales, ne se trouvent exclues du dispositif de la mesure d'accompagnement judiciaire. Tel pourrait être le cas, a-t-elle observé, des personnes âgées percevant une très faible retraite.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a fait valoir que l'accompagnement social de ces personnes interviendrait en amont et qu'en cas d'incapacité, celles-ci pourraient bénéficier d'une mesure de protection judiciaire.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a estimé qu'il pourrait être opportun d'établir un fichier national des mandataires judiciaires à la protection des majeurs interdits d'exercice, afin que ceux qui se seraient vu retirer leur habilitation n'aient pas la possibilité de s'installer dans un autre département.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a reconnu que ce problème pouvait se poser, mais qu'il était difficile, à ce stade, d'en mesurer l'ampleur. L'inscription sur la liste départementale nécessitant la vérification préalable par le préfet du respect de l'ensemble des conditions de moralité et de professionnalisme, il a estimé que l'occurrence de tels phénomènes serait limitée.
Il a indiqué au rapporteur pour avis qu'il était déjà possible d'établir des statistiques sur le nombre des mesures de protection prises en charge par les familles.
Puis Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a émis des réserves sur la possibilité donnée au juge de désigner comme tuteur ou curateur un préposé d'établissement social et médico-social. Cette situation lui a semblé être généralement source de conflits d'intérêts, notamment lorsqu'il s'agit de traiter des litiges entre la personne protégée et l'établissement qui l'accueille.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a dit ne pas partager ces inquiétudes. Il a rappelé que la possibilité de confier une mesure de protection au préposé d'un établissement de santé ou de cure existait depuis un décret du 15 février 1969, le nombre de mesures ainsi exercées étant actuellement supérieur à 90.000. Il a ajouté que cette solution avait l'avantage d'offrir un service de proximité aux personnes protégées. Enfin, il a souligné que le projet de loi encadrait l'activité des préposés, notamment en exigeant l'intervention systématique du juge pour les actes sensibles qui concernent la situation médicale de la personne protégée.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, s'est également interrogée sur la nature du régime du mandat de protection future, souhaitant que soit précisé si le mandant conserve la possibilité d'agir par lui-même ou si la délégation des actes au mandataire judiciaire entraîne l'impossibilité pour le mandant d'agir seul. Dans la mesure où il s'agirait d'un régime d'incapacité, elle a évoqué la possibilité de prévoir l'homologation du mandat par le juge.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le mandat de protection future était destiné à permettre à toute personne d'organiser elle-même sa protection sans intervention judiciaire. Il a précisé qu'il s'agissait d'un régime de représentation, et non d'un régime d'incapacité : le mandataire représente la personne protégée dans les limites du mandat qui lui est confié et le mandant conserve en droit sa capacité juridique. Il a souligné que l'intervention a priori du juge n'était donc pas nécessaire et serait même contraire au principe du mandat. Pour la même raison, il a estimé que l'homologation du mandat par le juge réduirait à néant sa portée, puisqu'en définitive l'ouverture de la mesure serait décidée par le magistrat.
Il a exposé que l'intention du gouvernement était au contraire de favoriser le développement de mesures conventionnelles de protection, sur le modèle de celles qui existent en Allemagne, en Angleterre ou au Québec. Il a ajouté que des garanties importantes étaient prévues, telles que :
- la mise en oeuvre du mandat à la diligence du mandataire, qui doit produire au greffe du tribunal d'instance le mandat et le certificat médical attestant l'altération des facultés de la personne protégée ;
- la notification du mandat au mandant ;
- la possibilité de saisir le juge des tutelles pour contester les conditions d'exécution du mandat ;
- le pouvoir du juge de compléter le mandat par une mesure judiciaire ou d'y mettre fin, s'il estime que son exécution ne présente plus d'utilité ou ne protège pas correctement la personne concernée.
M. Alain Vasselle a souligné que les personnes morales chargées des mesures de protection juridique bénéficiaient souvent d'aides, prenant la forme de subventions ou de facilités, telles que la mise à disposition de locaux, alors que tel n'était pas le cas des gérants de tutelles, personnes physiques. Il a jugé cette situation discriminatoire.
Il s'est interrogé sur la possibilité d'utiliser les mesures de protection définies par le projet de loi à l'égard d'adolescents ayant échappé à l'autorité de leurs parents et dilapidant les ressources de la famille. Dès lors que celles-ci sont constituées par des prestations sociales, il s'est interrogé sur la possibilité, pour le président du conseil général, de signaler une telle situation au procureur de la République.
M. Jean-Pierre Sueur s'est fait l'écho des préoccupations exprimées par les associations représentées dans le cadre de l'Union nationale des associations des parents et amis de personnes handicapées mentales, tenant à l'absence de prise en compte, dans le cadre du projet de loi, du principe de la compensation du handicap posé par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a estimé qu'il importait moins de multiplier les subventions aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs que de leur garantir une rémunération satisfaisante, ce qui serait désormais possible grâce au projet de loi.
Il a par ailleurs estimé que les dispositifs de protection des majeurs ne pouvaient constituer une solution au cas des adolescents évoqué par M. Alain Vasselle.
S'agissant de l'application du principe de la compensation prévu par la loi du 11 février 2005 aux frais de tutelle, il a estimé que ces éléments constitueraient une discrimination injustifiée entre les personnes protégées souffrant d'un handicap mental ou corporel et celles souffrant d'une altération de leurs facultés non liée à un handicap, par exemple dans le cas de la maladie d'Alzheimer.
Mercredi 7 février 2007
- Présidence de M. Nicolas About, président -Protection juridique des majeurs - Examen du rapport pour avis
La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Bernadette Dupont sur le projet de loi n° 172 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs.
A titre liminaire, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a souligné que ce projet de loi est attendu par les familles et par les professionnels depuis plus de dix ans. Il est donc heureux qu'en dépit d'un calendrier législatif particulièrement chargé, le Gouvernement actuel ait pris l'initiative de lancer cette réforme. Ce texte, qui est issu d'une réflexion approfondie, fait d'ailleurs l'objet d'un consensus presque général.
Les caractéristiques des personnes destinataires des dispositifs de protection juridique des majeurs (personnes handicapées mentales, malades psychiques et personnes âgées vieillissantes) ont conduit la commission des affaires sociales à se saisir pour avis de ce projet de loi, dont l'examen relève au fond de la compétence de la commission des lois. La saisine pour avis porte sur les articles qui proposent de compléter le code de l'action sociale et des familles afin de réglementer la profession de mandataire judiciaire (ceux traitant du contrôle des établissements médico-sociaux ayant d'ailleurs fait l'objet d'une délégation au fond de la commission des lois), ainsi que sur l'article 5 qui constitue le coeur de cette réforme.
Le premier objectif du texte est d'adapter la protection juridique des majeurs aux réalités sociales contemporaines, sans remettre en cause les principes fondateurs de la loi du 3 mars 1968.
Aujourd'hui, les dispositifs de protection juridique des majeurs concernent plus de 700 000 personnes, soit un peu plus d'un Français sur cent. En l'absence de mesure correctrice, ce chiffre pourrait atteindre 1,1 million de personnes en 2013. Cette évolution s'explique par l'inadaptation du cadre légal actuel, mais aussi par des facteurs exogènes : le vieillissement de la population, l'augmentation des phénomènes de pauvreté et d'exclusion sociale, ainsi que le choix d'une politique de suivi des malades mentaux dans un cadre ambulatoire.
Sans contester la vocation protectrice de ces mesures, le fait qu'elles entraînent la limitation des libertés et des droits des personnes qui en font l'objet requiert d'assurer le respect des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité de ces procédures. Or, certaines dérives du cadre juridique actuel font l'objet d'un constat très largement partagé : le critère légal d'altération des facultés personnelles de l'intéressé a été largement perdu de vue ; la priorité familiale concerne moins d'un dossier sur deux et l'absence de la graduation des mesures aux besoins des intéressés est mal vécue par les familles.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué que le texte vise à remédier à ces problèmes selon cinq orientations prioritaires.
La première d'entre elles consiste à réaffirmer les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection des majeurs. En conséquence, l'ouverture de ces procédures se limitera désormais aux cas d'altération des facultés mentales, médicalement constatée par un médecin agréé par le procureur de la République. La prodigalité, l'intempérance ou l'oisiveté ne pourront donc plus constituer un motif de placement sous curatelle, ce qui est souhaitable dans la mesure où il ne semble pas justifié de priver de leur capacité juridique des personnes dont les besoins de protection se limitent en réalité à une assistance dans la gestion du quotidien.
Il est, en revanche, regrettable que le projet de loi propose de mettre fin à l'obligation, pour le médecin expert, de consulter le médecin traitant. Ce dernier est pourtant le mieux à même de connaître les antécédents du majeur, ainsi que sa situation familiale et sociale. Un amendement tendant à rétablir cette disposition sera donc proposé à la commission. Par ailleurs, afin d'assurer le libre accès de tous les citoyens à la protection juridique dont ils ont besoin, il sera également proposé que le coût de l'établissement de ce certificat médical - en moyenne 250 euros - soit pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle pour les personnes qui le nécessitent.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a ensuite précisé que pour éviter la multiplication des mesures prises sur la base de simples signalements automatiques des services compétents, le projet de loi entend supprimer la saisine d'office du juge des tutelles, qui sera désormais réservée aux proches de la personne concernée, d'une part, et au ministère public, d'autre part.
Deux autres dispositions nouvelles sont également bienvenues : la création d'une obligation pour le juge de réviser régulièrement les décisions qu'il prend, afin de vérifier la persistance des motifs qui les fondent et la limitation du champ d'application des mesures à durée indéterminée aux seules personnes dont l'état, dans les connaissances actuelles de la science, exclut toute perspective amélioration.
En revanche, elle s'est déclarée hostile à la levée de la protection des personnes quittant la France, disposition qui apparaît en effet contraire aux règles du droit international privé et à l'article 3 du code civil qui prévoit que la protection des personnes relève toujours de leur loi nationale, où qu'ils se trouvent. Il appartient à l'Etat, et plus particulièrement au ministère des affaires étrangères, de se donner les moyens d'assurer un suivi de ces mesures au niveau des consulats.
Le projet de loi s'attache ensuite à assurer la subsidiarité des mesures de protection juridique entre elles, mais aussi à l'égard des procédures moins contraignantes relevant ou bien de l'accompagnement social, ou bien encore des régimes de procuration entre époux. Il renforce par ailleurs le principe de proportionnalité des mesures, grâce à la possibilité donnée au juge d'adapter la liste des actes pour lesquels la personne doit être assistée ou représentée. Enfin, s'il rend obligatoire l'audition de la personne par le juge, le texte est assorti de trop nombreuses exceptions, qu'il serait légitime de limiter au strict minimum.
Puis Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a souligné que le deuxième axe d'intervention de ce projet de loi consiste à renforcer la priorité familiale entendue au sens large, car cette notion s'étendra désormais aux proches de la personne à protéger, qui entretiennent avec elle des liens étroits et stables.
Le texte élargit en outre les modalités d'association des familles au fonctionnement des mesures de protection, dans la mesure où il reconnaît la fonction de subrogé curateur et où il rend possible la réunion d'un conseil de famille, même si la tutelle est dévolue à un professionnel. Le projet de loi prend surtout acte des difficultés que rencontrent les familles pour exercer ces mesures et propose la mise en place d'une information des tuteurs familiaux sur leur rôle. Il serait d'ailleurs légitime d'y adjoindre une possibilité de conseil.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a ensuite fait valoir que la troisième priorité du texte vise à placer la personne concernée au coeur du dispositif de protection dont elle fait l'objet. Ainsi, et conformément à l'attente des familles, le texte consacre la jurisprudence de la Cour de cassation du 18 avril 1989, prévoyant que les mesures de protection juridique s'étendent à la personne elle-même.
Cette orientation se traduit tout à la fois par l'élaboration d'un statut de la personne protégée, reposant sur le droit à une information adaptée à sa capacité de compréhension, par l'obligation de rechercher autant que possible son consentement, par l'affirmation de la liberté de choisir sa résidence et ses relations, ainsi que par la reconnaissance de domaines où les actes ne peuvent être valablement réalisés que par elle seule.
La création du mandat de protection future illustre cette évolution : cette mesure était en effet attendue de longue date par les parents d'enfants handicapés, qui craignent de laisser leurs enfants seuls et vulnérables après leur décès. Sans remettre en cause ses principes, il sera néanmoins nécessaire d'amender ce dispositif pour en améliorer les conditions de conclusion et d'exécution et faire apparaître que le mandat de protection future constitue un régime de procuration, et non d'incapacité.
Enfin, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a souligné que la quatrième priorité de ce projet de loi consiste à assurer une meilleure répartition des rôles entre la protection juridique, d'une part, et la protection sociale, d'autre part.
Réfutant certaines critiques tendant à accréditer l'idée que l'Etat souhaiterait se défausser sur les conseils généraux d'une charge financière qu'il ne parvient plus à assumer, elle a estimé, à l'inverse, que ces dispositions ont en réalité pour fondement le souci de reconnaître que la vulnérabilité de ces personnes n'est pas nécessairement synonyme d'incapacité : une demande de protection d'un majeur nécessite parfois plus un accompagnement social qu'une protection juridique.
Le projet de loi prévoit ainsi de mettre en oeuvre un dispositif juridique progressif destiné à répondre aux difficultés de ceux qui, par leur incapacité à gérer leur budget, se mettent eux-mêmes en danger.
Le premier volet de cette protection est d'ordre administratif. Il s'agit d'une mesure d'accompagnement social personnalisé prenant la forme d'un contrat entre la personne et le département et comportant elle-même trois degrés : une simple aide à l'élaboration du budget familial, une gestion directe des prestations sociales avec l'accord du bénéficiaire, puis une gestion directe sous contrainte.
Le second mécanisme de protection, en cas d'échec de l'accompagnement social, consiste à adapter la tutelle aux prestations sociales. On parle alors de « mesure d'accompagnement judiciaire ». Tout en approuvant l'esprit de ces dispositions, le rapporteur pour avis s'est interrogé sur le bien-fondé de la limitation du champ de ces mesures aux seules prestations sociales : dans un certain nombre de cas, le rétablissement de la situation de l'intéressé exige de pouvoir prendre en compte l'ensemble du budget familial, donc l'ensemble des ressources des bénéficiaires. Cette rectification permettrait en outre de viser les personnes qui ne touchent aucune prestation et qui sont d'emblée exclues de toute protection en l'état actuel du texte.
Le texte détermine également un cadre juridique applicable aux professionnels extérieurs à la famille. De fait, la moitié des mesures de protection judiciaire est aujourd'hui confiée à des tiers : personnes physiques, services spécialisés, comme des gérants de tutelle privés, associations tutélaires ou encore préposés d'établissements. Or, les textes très anciens qui les régissent apparaissent désormais largement inadaptés, ce qui conduit précisément le projet de loi - qui regroupe ces intervenants sous l'appellation commune de « mandataires judiciaires à la protection des majeurs » - à mieux identifier les spécificités de leur activité et à encadrer l'accès à cette profession.
A l'avenir, tout opérateur désirant se voir confier l'exercice d'une mesure de protection juridique devra recevoir une habilitation délivrée par le préfet, sur avis conforme du procureur de la République, après contrôle des conditions communes d'âge, de moralité, de formation et d'expérience professionnelle. Ces habilitations seront délivrées sur la base des orientations du schéma régional d'organisation sociale et médico-sociale, afin de permettre une meilleure régulation de l'offre de services.
Pour garantir les droits et libertés des personnes dont ils assurent la protection, les mandataires judiciaires devront en outre se soumettre à certaines obligations, comme la remise d'une notice d'information sur leur rôle de mandataire, et respecter la charte des droits de la personne protégée. Il leur sera également interdit de recourir à la pratique des comptes pivots : pour des raisons de transparence, toutes les opérations réalisées pour le compte de leurs pupilles devront désormais transiter par des comptes individuels et nominatifs.
Sur ces aspects, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué qu'elle proposera des amendements : en ce qui concerne les règles d'habilitation des mandataires, il serait utile d'établir une liste nationale des opérateurs interdits d'exercice, afin d'éviter qu'un mandataire judiciaire qui se serait vu retirer son habilitation ne puisse s'inscrire dans un autre département ; la désignation de mandataires salariés des établissements sociaux ou médico-sociaux pour assurer la protection de leurs pensionnaires lui semble être source de conflits d'intérêts, car le préposé est alors à la fois juge et partie. La question se pose d'ailleurs avec une acuité particulière lorsqu'il s'agit de défendre les droits de la personne protégée en matière de participation financière aux frais d'hébergement ou de sa prise en charge médicale et sociale. Il serait donc préférable d'interdire cette possibilité à échéance de cinq ans afin de laisser le temps au juge des tutelles de réaffecter les 28 000 mesures actuellement exercées dans ce cadre à des mandataires indépendants des établissements.
La cinquième priorité du texte se rapporte au régime de financement de la protection des majeurs. Deux évolutions importantes sont ici proposées :
- la généralisation du principe de la participation des majeurs protégés au financement des mesures de protection dont ils font l'objet, y compris pour l'actuelle tutelle aux prestations sociales et ses évolutions. Les financements publics n'auront plus alors qu'un caractère subsidiaire. Il ne s'agit en aucun cas de faire peser des charges disproportionnées sur les personnes protégées : leur participation sera calculée en fonction de leurs ressources et aucun prélèvement ne sera opéré sur les personnes dont les ressources sont inférieures au minimum vieillesse ou à l'allocation adulte handicapé. Il est attendu de cette mesure, à l'horizon 2011, une augmentation de 106 millions d'euros des ressources des mandataires professionnels ;
- l'instauration d'un système de dotation globale, calculée en fonction de l'activité et de la qualité du service rendu, pour remplacer le système actuel dit du « mois mesure » qui, en attribuant les financements en fonction du nombre de mesures gérées, incite à privilégier la quantité par rapport à la qualité. Ce nouveau financement sera partagé entre l'Etat, les départements et les organismes de sécurité sociale, selon une clé de répartition manifestement avantageuse pour les conseils généraux, ce qui compensera le coût probable de la mise en place de la mesure d'accompagnement social personnalisé.
Pour conclure, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, s'est déclarée favorable à l'adoption de ce texte, dont la réussite suppose toutefois d'augmenter le nombre de juges des tutelles et de renforcer leurs équipes, pour éviter que les attentes de la population ne soient déçues.
Mme Sylvie Desmarescaux a rappelé que M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, a inspiré certaines dispositions de ce projet de loi. Elle a soutenu l'idée consistant à prendre en compte l'ensemble des ressources de la personne protégée en matière d'accompagnement judiciaire, ainsi que celle visant à interdire de confier aux membres du personnel des établissements sociaux et médico-sociaux le rôle de préposé. Elle a également jugé nécessaire de distinguer clairement le domaine de la protection des majeurs de celui de la protection de l'enfance et appelé à un renforcement des moyens de la justice, en particulier en ce qui concerne les effectifs des greffiers.
M. Guy Fischer a souligné l'intérêt de ce rapport, tout en déplorant que les contraintes d'un calendrier législatif surchargé ne laissent que peu de temps aux sénateurs pour examiner ces questions importantes. Sur le fond, les dispositions du projet de loi apparaissent d'autant plus nécessaires que le vieillissement de la population, le développement de la précarité, de l'exclusion et du chômage tendent à accroître le nombre des majeurs protégés. La France compte ainsi sept millions de travailleurs pauvres et le nombre des personnes âgées augmente au rythme de 4 % par an.
Dans ce contexte, il a jugé nécessaire tout à la fois de préciser les statuts des personnels exerçant la protection juridique des majeurs, d'améliorer leurs qualifications et d'augmenter les moyens à la disposition de la justice. Faisant référence aux travaux de la commission sur la maltraitance des personnes handicapées, il s'est prononcé à son tour en faveur de la suppression de la possibilité pour les personnels des établissements sanitaires et sociaux d'exercer une protection judiciaire sur les personnes handicapées dont ils ont la charge. S'agissant du financement de ces dispositifs, il a noté que l'Etat, la sécurité sociale ainsi que les conseils généraux seront sollicités pour la mise en oeuvre de ces nouveaux dispositifs.
Après avoir pris connaissance des amendements proposés par le rapporteur pour avis, il a formulé au nom du groupe communiste républicain et citoyen, à ce stade de la procédure, une appréciation plutôt favorable sur ces dispositions, qui mérite toutefois d'être corroborée par des précisions en séance publique.
M. Paul Blanc a fait part de sa grande satisfaction à voir l'actuelle majorité mener à bien cette réforme attendue de longue date par les familles et les professionnels du secteur. Confirmant les propositions du rapporteur, il a jugé également nécessaire de supprimer la possibilité de désigner un préposé parmi le personnel des établissements sanitaires et sociaux. Sur la question du financement, il a rappelé que l'actuelle majorité avait veillé à accompagner la création de l'allocation dépendance par la mise en place de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), ce que n'avaient pas fait les précédents gouvernement, le RMI et l'Apa ayant été tous deux institués sans que ne soit élaboré un schéma de financement durable.
M. Jean-Pierre Michel s'est dit en désaccord avec ces affirmations, dont il a regretté le caractère polémique au moment où la commission examine un texte de nature consensuelle. Sur le fond, il a considéré que ce projet de loi présente un grand intérêt et représente l'aboutissement de plusieurs années de travail, engagé aussi bien par les services du ministère des affaires sociales que par ceux du ministère de la justice. Il s'est ainsi félicité de la distinction nette à laquelle il est procédé entre les personnes nécessitant une protection judiciaire, d'une part, et celles qui doivent faire l'objet d'une simple protection sociale, d'autre part.
Après avoir observé que l'implication croissante des départements dans la gestion des dispositifs de protection juridique des majeurs est cohérente avec leurs compétences juridiques, il a néanmoins estimé indispensable que de véritables négociations aient lieu entre l'Etat et l'association des départements de France sur la question des financements.
Il a ensuite attiré l'attention du rapporteur pour avis sur le cas particulier de certains établissements psychiatriques qui assurent également des services médico-sociaux et considéré que ces structures ne doivent pas être privées de la possibilité de désigner des préposés pour les personnes dont ils ont la charge.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a précisé que les amendements présentés ne visent pas ces établissements.
Bien que se disant réticent au principe de prévoir le recours à un avocat dans l'ensemble des procédures administratives, M. Jean-Pierre Michel a jugé opportun en l'espèce de prévoir son intervention lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne doit faire l'objet d'une mesure de protection. Faisant référence à sa propre expérience professionnelle de juge des tutelles, il a souligné la difficulté extrême à apprécier le consentement de ces personnes et le risque qu'il y a de s'en remettre exclusivement aux membres des familles.
Il a également approuvé le dispositif du mandat de protection future, tout en jugeant nécessaire que la rédaction de ce document puisse avoir lieu sous seing privé. A ce sujet, il a fait part de son désaccord avec la position des députés socialistes qui se sont prononcés a contrario en faveur de l'obligation d'un document notarié. Puis il a indiqué, d'une façon générale, que le groupe socialiste aborde l'examen des dispositions de ce projet de loi sous un angle globalement favorable.
M. Alain Vasselle a attiré l'attention de la commission sur plusieurs points spécifiques de ce projet de loi. Il s'est inquiété tout d'abord du texte proposé pour l'article 411 du code civil qui ne prévoit plus l'intervention du conseil de famille lorsque la tutelle est exercée par une collectivité publique. Il a également jugé que les dispositions sur la rémunération des personnes physiques assurant la protection juridique des majeurs mériteraient d'être améliorées : toutes les familles ne sont pas suffisamment fortunées pour que l'un de leurs membres assume ce rôle de façon bénévole.
Sur la question du financement, il a appelé à une grande vigilance pour s'assurer que la sécurité sociale ne sera pas sollicitée pour compenser un éventuel désengagement financier de l'Etat ou des départements : les caisses de sécurité sociale ne peuvent, à son sens, intervenir que par le biais de leur fonds d'action sociale. Il s'est enfin inquiété de l'interprétation restrictive qui pourrait être faite des modalités de calcul du plafond de ressources en dessous duquel les personnes protégées seront exemptées de l'obligation de contribuer au financement des mesures dont elles font l'objet. A titre d'illustration, il a rappelé que les titulaires de l'AAH ne bénéficient pas de la CMU-complémentaire en raison d'un effet de seuil de quelques dizaines d'euros.
En réponse à Alain Vasselle, M. Nicolas About, président, a précisé que la commission ne s'est pas saisie des dispositions du projet de loi modifiant l'article 411 du code civil. Il a toutefois invité les commissaires à déposer, s'ils le jugent utile, des amendements en leur nom personnel et à les défendre en séance publique.
En réponse à l'ensemble des intervenants, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué que le renforcement des personnels judiciaires affectés à la protection des majeurs devrait intervenir à partir de 2007 et que les besoins les plus urgents concernent les huissiers. En ce qui concerne la croissance attendue, au cours des prochaines décennies, du nombre des personnes protégées, elle a souligné que si le phénomène du vieillissement de la population apparaît effectivement inéluctable, l'amélioration de la situation économique et sociale et la réduction du chômage demeurent possibles.
Après avoir jugé nécessaire d'actualiser les dispositions réglementaires sur la qualification des personnels protégeant les majeurs, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, s'est prononcée en faveur, d'une part, de la rédaction sous seing privé des mandats de protection future, d'autre part, de l'indemnisation des frais engagés par les membres des familles protégeant les personnes majeures.
Se félicitant du large accord qui semble se dessiner au Parlement sur les dispositions du présent projet de loi, elle a estimé nécessaire de veiller à ce que ces mesurent soient effectivement mises en oeuvre.
Puis la commission a examiné les amendements proposés par le rapporteur.
A l'article 5 (organisation de la protection juridique des majeurs), elle a adopté plusieurs amendements pour :
- prévoir la prise en charge du coût d'établissement du certificat médical par l'aide juridictionnelle pour les personnes à faibles ressources;
- rendre obligatoire la consultation du médecin traitant par le médecin expert chargé d'établir ce certificat ;
- laisser au juge la faculté d'apprécier l'opportunité de la présence d'un tiers lors de l'audition de la personne à protéger ;
- supprimer les restrictions apportées à l'obligation, pour le juge, de l'auditionner ;
- préciser les personnes susceptibles d'engager des actions en annulation des actes passés par une personne placée sous sauvegarde de justice ;
- supprimer la restriction selon laquelle la protection juridique du majeur cesse dès lors qu'il établit sa résidence hors de France ;
- supprimer la faculté pour le juge de désigner comme tuteur ou curateur un préposé de l'établissement médico-social où la personne protégée est hébergée ;
- préciser l'obligation d'indépendance du tuteur et du subrogé tuteur lorsque tous les deux sont des mandataires professionnels ;
- préciser les personnes susceptibles de demander la réduction ou la rescision des actes de la personne sous tutelle ou curatelle ;
- permettre l'établissement d'un budget prévisionnel dans le cadre de la curatelle renforcée ;
- supprimer l'autorisation préalable du juge pour défendre en justice le majeur sous tutelle ;
- soumettre à une autorisation du juge la révocation de son testament par la personne sous tutelle ;
- faire prévaloir le mandat de protection future conclu par un majeur pour lui-même sur celui passé en sa faveur par ses parents ;
- remplacer l'obligation de produire un certificat médical rédigé par un médecin expert agréé par le procureur de la République par celle, moins contraignante, de produire un certificat de droit commun pour mettre fin au mandat ;
- préciser que le mandat de protection future est un régime de procuration, et non d'incapacité ;
- supprimer l'obligation de la présence simultanée de deux notaires pour la conclusion d'un mandat de protection future par acte authentique ;
- préciser le champ du mandat notarié lorsqu'il est rédigé en termes généraux ;
- autoriser le mandataire à demander au juge l'autorisation d'accomplir un acte non prévu par le mandat ;
- préciser le champ du mandat lorsque celui-ci est conclu sous seing privé ;
- étendre la mesure d'accompagnement judiciaire à toute personne, quel que soit le type de revenu qu'elle perçoit ;
- autoriser, à titre exceptionnel, le cumul d'une mesure d'accompagnement judiciaire avec une mesure de sauvegarde de justice ;
- obliger les personnes chargées d'une mesure d'accompagnement judiciaire et d'une mesure d'aide à la gestion du budget familial pour un même foyer à s'informer mutuellement des décisions qu'elles prennent.
Elle a enfin adopté six amendements rédactionnels, onze amendements de coordination et un amendement de précision.
A l'article 8 (création d'une mesure administrative d'accompagnement social personnalisé), la commission a adopté trois amendements visant respectivement :
- à déconnecter l'accès à la mesure d'accompagnement social personnalisé de la perception d'une ou plusieurs prestations sociales :
- à supprimer l'agrément préalable des partenaires choisis par le département pour mettre en oeuvre la mesure d'accompagnement social personnalisé ;
- à clarifier les conditions de fixation de la participation des bénéficiaires de la mesure d'accompagnement social personnalisé.
Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel et quatre amendements de coordination.
A l'article 9 (régime juridique de l'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs), elle a adopté un amendement créant une liste nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs interdits d'exercice dans leur département d'origine. Elle a adopté, par coordination avec l'article 5, un amendement supprimant les modalités de désignation des préposés d'établissements ou services sociaux et médico-sociaux comme mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel.
La commission a adopté conformes les articles 10 (insertion des services tutélaires dans la catégorie des établissements et services sociaux et médico-sociaux) et 11 (compétences en matière de tarification des services mandataires à la protection des majeurs).
A l'article 12 (financement de la protection judiciaire des majeurs), elle a adopté un amendement supprimant le critère d'état des personnes des indicateurs retenus pour le calcul de la dotation globale de financement des services tutélaires, ainsi qu'un amendement de coordination.
A l'article 13 (dispositions de coordination en matière de droits des usagers), elle a adopté, par coordination avec l'article 5, un amendement limitant aux seuls établissements de santé l'obligation de désigner parmi leur personnel un préposé à la tutelle.
La commission a adopté conformes les articles 14 (conditions d'exercice des personnes physiques mandataires judiciaires à la protection des majeurs) et 15 (dispositions pénales applicables aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs).
A l'article 16 (dispositions applicables aux mandataires judiciaires relevant d'un établissement de santé), elle a adopté un amendement de coordination.
A l'article 16 bis (conditions d'exercice de l'activité de tuteur aux prestations sociales), elle a adopté deux amendements de coordination avec les dispositions du projet de loi relatif à la protection de l'enfance.
A l'article 16 ter (assistance aux tuteurs et curateurs familiaux), elle a adopté un amendement prévoyant la mise en place d'actions de conseil pour les tuteurs familiaux, ainsi qu'un amendement rédactionnel.
La commission a adopté conformes les articles 17 (coordination), 18 (contrôle administratif des établissements et services sociaux et médico-sociaux), 18 bis (coordination au sein du code de l'action sociale et des familles) et 19 (approfondissement du contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux).
Elle a adopté un amendement supprimant l'article 21 bis (participation des majeurs protégés à des recherches biomédicales).
La commission a adopté conformes les articles 22 (dispositions de coordination dans le code de l'action sociale et des familles et dans le code de la sécurité sociale) et 23 (prorogation de l'échéancier d'expérimentation du financement par dotation globale).
A l'article 25 (délai de mise en conformité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs avec les nouvelles dispositions en matière d'agrément, d'autorisation et de déclaration), elle a adopté un amendement prévoyant une période transitoire de cinq ans pour mettre fin aux mesures de tutelle confiées à des préposés d'établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un amendement de coordination.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi amendé.
Recours aux stages - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Godefroy sur la proposition de loi n° 364 (2005-2006), présentée par lui-même et plusieurs de ses collègues, visant à organiser le recours aux stages.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la proposition de loi a été déposée sur le bureau du Sénat dès le mois de juin 2006. La décision prise par la conférence des Présidents de donner désormais aux groupes politiques le droit de demander l'inscription d'un texte à l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée rend maintenant possible son examen en séance. Le sujet des stages est une préoccupation partagée par les responsables politiques, quel que soit leur groupe d'appartenance. Ainsi, deux propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale sur le même thème, la première par Mme Valérie Pécresse et plusieurs de ses collègues du groupe UMP, la seconde par M. Alain Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
La proposition de loi qu'il a lui même déposée a été élaborée dans le contexte du mouvement de revendication suscité par le collectif « Génération précaire ». Elle vise à mieux encadrer le recours aux stages étudiants et à apporter davantage de garanties aux stagiaires. Divers exemples révèlent, en effet, l'existence de dérives : les stages sont parfois détournés de leur vocation pédagogique pour devenir une source de main-d'oeuvre à moindre coût ; certaines entreprises fonctionnent en ayant recours en permanence à des stagiaires qui occupent de véritables postes de travail, très faiblement rémunérés ; de jeunes diplômés s'inscrivent parfois à l'université uniquement pour pouvoir conclure une convention de stage, alors qu'ils disposent de la qualification requise pour pouvoir assurer les fonctions auxquelles ils postulent ; les stages sont parfois utilisés comme outil de prérecrutement et doivent être assimilés alors à une période d'essai prolongée.
Certes, la loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 a posé quelques règles pour moraliser le recours aux stages : elle a prévu que tout stage en entreprise est obligatoirement précédé de la conclusion d'une convention tripartite, signée entre le stagiaire, l'établissement d'enseignement supérieur où il poursuit ses études et l'entreprise qui l'accueille ; elle a limité à six mois, en principe, la durée des stages ; elle a rendu obligatoire le versement d'une gratification au stagiaire au-delà de trois mois, gratification assujettie à cotisations sociales pour sa part qui excède un seuil fixé à 360 euros ; elle a unifié la situation des stagiaires au regard de la protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Les décrets pris pour l'application de la loi pour l'égalité des chances ont ensuite précisé le contenu de la convention de stage et ont interdit aux entreprises de recourir à un stagiaire pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l'entreprise, ainsi que pour remplacer un salarié absent, faire face à un surcroît temporaire d'activité ou occuper un emploi saisonnier.
En avril 2006, le Gouvernement, plusieurs syndicats étudiants et les représentants des établissements d'enseignement supérieur ont signé une « charte des stages étudiants en entreprise », destinée à compléter ce dispositif législatif et réglementaire. La charte insiste sur les obligations mutuelles des étudiants, des entreprises et des établissements d'enseignement supérieur. Elle prévoit en particulier le suivi de l'étudiant par un tuteur dans l'entreprise et par un enseignant référent dans son établissement d'enseignement.
Ce dispositif d'ensemble reste toutefois insuffisant, car la charte ne revêt aucun caractère contraignant et n'apporte donc pas de réelle garantie. Telle est la raison pour laquelle la présente proposition de loi a été déposée.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur, a indiqué qu'elle a vocation à s'appliquer à l'ensemble des stages, qu'ils soient accomplis auprès d'employeurs publics ou privés, et pas seulement en entreprise. Elle donne valeur législative à des règles posées dans la charte, ou figurant dans des décrets, et renforce les garanties apportées aux stagiaires, surtout en matière de rémunération.
Son article premier introduit un nouveau chapitre dans le code de l'éducation, selon lequel tout stage devra donner lieu à la signature d'une convention tripartite comportant des mentions obligatoires. Il précise les responsabilités respectives de l'établissement d'enseignement supérieur, de l'organisme d'accueil et du stagiaire.
Le point essentiel concerne la fixation d'un minimum légal pour la rémunération des stagiaires, soit au moins 50 % du Smic dès lors que la durée du stage est supérieure à un mois, et le principe d'une prise en charge par l'employeur des frais de transport, de logement et de restauration engagés par le stagiaire.
En outre, la durée maximale des stages effectués au cours d'une même année universitaire ne saurait excéder six mois, sauf exceptions prévues pour certaines formations. Le stagiaire bénéficiera des garanties accordées aux salariés en matière de santé et de sécurité au travail et sera protégé en cas de maladie.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur, a ensuite indiqué que la proposition de loi définit et réprime l'abus de stage : le stage ne doit pas être utilisé pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail, ni pour répondre à un besoin qui devrait être satisfait par l'embauche d'un salarié en contrat à durée déterminée. Un stage ne doit pas non plus être accompli par un jeune diplômé qui dispose de la formation adéquate pour occuper le poste qui lui sera confié. Dans sa version initiale, la proposition de loi prévoit, en cas d'infraction à ces dispositions, une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive. Or, le rapporteur a fait observer que cette sanction est en réalité inférieure à celle aujourd'hui encourue par les employeurs en cas de travail dissimulé et a donc proposé de modifier la proposition de loi sur ce point.
Toujours pour lutter contre les abus, le texte prévoit l'information des représentants du personnel concernant les stages et dispose que les conventions de stage devront être adressées à la direction départementale du travail, qui aurait alors un délai de quinze jours pour faire connaître son opposition motivée. Le rapporteur a considéré que cette dernière formalité serait excessivement lourde pour l'administration et a suggéré de prévoir plutôt l'inscription des stagiaires sur le registre unique du personnel, ce qui permettra de procéder plus facilement à des contrôles a posteriori.
Afin de faciliter l'accès au juge, la proposition de loi prévoit ensuite que les litiges nés de la convention de stage seront désormais portés devant le conseil de prud'hommes, mieux à même de traiter ces affaires, et non plus devant le tribunal d'instance. Enfin, le texte envisage l'hypothèse d'une embauche à l'issue du stage : dans ce cas, la durée du stage s'imputerait sur la période d'essai et serait prise en compte pour le calcul de l'ancienneté du salarié.
L'article 2 reprend les mêmes dispositions, pour les insérer cette fois dans le code du travail. Le statut de stagiaire présente un caractère hybride, à mi-chemin entre le monde de l'éducation et le monde du travail, ce qui explique cette inscription parallèle dans deux codes.
L'article 3 prévoit qu'un arrêté ministériel fixera la part de la rémunération du stagiaire qui sera assujettie à cotisations sociales. Afin de ne pas alourdir excessivement le coût d'un stagiaire pour l'entreprise, il est raisonnable de prévoir, comme tel est le cas aujourd'hui, qu'une partie de la rémunération sera exonérée de cotisations. Il est cependant important que les stagiaires accumulent des droits à retraite et à assurance chômage.
L'article 4 prévoit enfin un gage pour compenser les éventuelles charges supportées par les régimes sociaux.
Pour conclure, M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur, a souligné que la proposition de loi ne vise pas à décourager les entreprises de proposer des stages aux étudiants, mais à prévenir et combattre les abus. Il s'est déclaré favorable à une plus grande professionnalisation des formations universitaires, dont les stages constituent l'une des principales modalités et auxquels tous les étudiants devraient avoir accès. Or, ceux-ci ont parfois besoin de travailler pour financer leurs études et sont alors contraints d'accepter des « petits boulots », sans lien avec leurs études mais correctement rémunérés, plutôt que d'effectuer des stages qui compléteraient leur formation théorique, mais sans leur procurer le revenu nécessaire.
Le texte, qui ne prétend pas régler définitivement la question des stages, pourra bien sûr faire l'objet d'améliorations et de compléments au cours des débats, à condition toutefois que sa finalité ne soit pas remise ne cause.
M. Nicolas About, président, a fait observer que l'idée d'imputer la durée du stage sur la période d'essai paraît contradictoire avec l'affirmation selon laquelle le stage ne doit pas être assimilé à un véritable emploi.
M. Michel Esneu a souligné que les maires sont souvent sollicités pour accueillir des stagiaires et qu'il est déjà difficile de répondre à ces demandes très nombreuses. Or, les obligations nouvelles prévues par la proposition de loi risquent de décourager les employeurs d'accueillir des stagiaires. S'il est indispensable de combattre les abus de stage, il faut préserver une certaine souplesse dans la réglementation, pour tenir compte du fait que certains étudiants ont besoin de compléter leur formation par une expérience pratique.
Mme Isabelle Debré a elle aussi jugé contradictoire le fait d'expliquer que les stagiaires ne doivent pas occuper de postes de travail, puis de proposer d'imputer la durée du stage sur la période d'essai. L'accueil d'un stagiaire représente déjà une lourde charge pour une entreprise. Il ne faudrait pas que la proposition de loi ait l'effet pervers de la contribution Delalande, qui a alourdi le coût du licenciement de salariés âgés : partant de très bonnes intentions, ces dispositifs aboutissent en réalité au résultat inverse de celui recherché.
M. Alain Vasselle a également jugé que la mise en oeuvre des mesures proposées par le rapporteur serait contre-productive, en raison des contraintes excessives imposées aux petites et moyennes entreprises. Il a expliqué avoir accueilli dans son exploitation agricole, en stage d'observation, une stagiaire venue étudier le stress subi par les animaux d'élevage et a indiqué qu'il ne l'aurait certainement pas fait s'il avait dû respecter les règles prévues par la proposition de loi.
Mme Sylvie Desmarescaux a déclaré qu'elle accueille souvent des stagiaires dans la petite commune dont elle est le maire, pour une durée comprise entre six et huit semaines en moyenne, et qu'elle devrait y renoncer si une rémunération obligatoire s'impose aux stages d'une durée supérieure à un mois.
M. Jean-Pierre Michel a indiqué que le groupe socialiste votera la proposition de loi. Rappelant que les étudiants sont fortement encouragés à accomplir des stages, il a regretté que ceux-ci soient parfois détournés de leur objectif pédagogique et a appelé de ses voeux une moralisation des pratiques. Il a proposé que l'on s'inspire du modèle des élèves de l'école nationale d'administration, de l'école nationale de la magistrature ou de l'école polytechnique, qui sont rémunérés au cours de leurs études et accumulent des droits à la retraite.
M. Nicolas About, président, et M. Bernard Seillier ont fait observer que, dans ces cas, la formation s'accompagne d'un engagement de service de dix ans et que celui qui s'y soustrait doit rembourser les sommes perçues pendant les études.
M. Guy Fischer a indiqué que la proposition de loi répond à l'une de ses préoccupations majeures, à savoir la lutte contre la précarité, qui affecte de plus en plus la société française. Il a demandé qu'un effort important soit mené en faveur de la réussite professionnelle des jeunes et a déploré que les étudiants qui ont effectué des études longues ne soient pas forcément rémunérés à la hauteur de leurs efforts ou soient confrontés à la précarité de l'emploi.
Mme Bernadette Dupont a estimé que la proposition de loi ne correspond pas aux réalités observées sur le terrain. Elue à Versailles, elle a indiqué que sa commune accueille régulièrement des élèves de l'école polytechnique, ce qui occasionne une dépense de 4 000 euros pour un stage de six mois. Sa commune ne pourrait se permettre de financer, en plus, une rémunération des stagiaires.
Mme Gisèle Printz a rappelé que la proposition de loi vise surtout à éviter que les stagiaires ne soient exploités par des employeurs peu scrupuleux et qu'ils occupent de véritables postes de travail qui devraient revenir à des salariés.
M. Bernard Seillier s'est dit sensible au risque d'abus dans le recours aux stages par les entreprises, mais a douté que la méthode proposée par le rapporteur soit la bonne. Il a approuvé l'idée d'imputer la durée du stage sur la période d'essai, mais a jugé que l'obligation de rémunérer le stagiaire constitue une contrainte trop lourde. Il a indiqué avoir accueilli des stagiaires, en tant que parlementaire, mais sans pouvoir envisager de les rémunérer. Il s'est également inquiété de l'impact que pourrait avoir la proposition de loi sur les entreprises présentes dans sa commune, qui sont déjà réticentes à accueillir des stagiaires.
En réponse à M. Nicolas About, qui soulevait le cas particulier des étudiants en médecine, qui effectuent un véritable travail durant leurs périodes de stage à l'hôpital, M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur, a précisé que la proposition de loi n'aborde pas le cas des professions réglementées.
Pour justifier le principe de la rémunération des stagiaires, Mme Patricia Schillinger a cité le cas d'un étudiant en BTS qui a dû engager des frais importants pour accomplir le stage obligatoirement prévu dans sa scolarité et a souhaité que les étudiants soient aidés pour pouvoir tous accéder aux stages dans de bonnes conditions.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur, a d'abord indiqué qu'il lui paraît légitime d'imputer la durée du stage sur la période d'essai, dans la mesure où un stagiaire bénéficie certes d'une formation, mais contribue aussi à la production de l'entreprise.
Sur la question du montant de la rétribution versée aux stagiaires qui serait, dit-on, impossible à assumer par les PME, il a souligné que le vice-président de la CGPME n'a pas émis d'objection majeure sur ce point, lors de son audition. En outre, les grandes entreprises appliquent en pratique des grilles de rémunération qui prévoient une rétribution des stagiaires souvent supérieure au niveau retenu dans la proposition de loi. De surcroît, la gratification versée aux stagiaires est exonérée de cotisations sociales à hauteur de 30 % du Smic, ce qui réduit le coût supporté par l'employeur.
Il a rappelé que certains étudiants ont l'obligation d'effectuer des stages dans leurs cursus de formation, tandis que d'autres choisissent de les accomplir volontairement, parfois après avoir obtenu leur diplôme. Des entreprises fonctionnent en permanence avec un volant de stagiaires qui se succèdent sur un même poste. Il a indiqué s'être interrogé sur l'opportunité de fixer un quota de stagiaires par entreprise, mais avoir renoncé à cette idée, qui paraît trop complexe à mettre en oeuvre. Il a également écarté l'idée de prévoir un délai de carence entre deux stages, dans la mesure où une telle règle risquerait de pénaliser les stagiaires. En revanche, il a proposé d'inscrire les stagiaires sur le registre unique du personnel afin de faciliter les contrôles par l'inspection du travail.
Il a estimé que la charte des stages sera respectée par les employeurs qui ont déjà un comportement vertueux, mais non par ceux qui sont à l'origine des abus constatés, que l'absence de caractère contraignant de la charte ne permet pas de sanctionner.
M. Nicolas About, président, a cependant jugé excessif d'assimiler l'abus de stage à une forme de travail dissimulé.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur, a répondu que la jurisprudence a déjà condamné un employeur pour travail dissimulé lorsqu'il confie à un stagiaire des tâches qui devraient revenir à un salarié.
Il a précisé que la proposition de ne pas rémunérer les stages dont la durée est inférieure à un mois vise à ne pas nuire à la pratique des stages d'observation, qui n'ont pas de dimension productive et n'apportent donc aucun bénéfice à l'entreprise. Pour autant, il s'est déclaré ouvert à la discussion pour éventuellement allonger cette durée.
Il a souligné que la proposition de loi s'inscrit dans le cadre de l'année européenne pour l'égalité des chances et que la question des stages va être débattue par le Parlement européen. Il a insisté sur son attachement aux formations en alternance, dont les règles d'organisation ont inspiré les dispositions figurant dans la proposition de loi.
M. Guy Fischer, constatant l'opposition de la majorité sénatoriale à la proposition de loi, a suggéré de procéder immédiatement au vote sur l'ensemble du texte.
M. Nicolas About, président, a souhaité, par considération pour le travail du rapporteur, que la commission examine d'abord les amendements qu'il a préparés.
A l'article premier (organisation du recours aux stages étudiants dans le code de l'éducation), la commission a d'abord examiné un amendement de précision, puis deux amendements, tendant à prévoir, respectivement, l'inscription des stagiaires sur le registre unique du personnel de l'entreprise et la tenue d'un registre des stages dans les établissements d'enseignement supérieur. La commission a porté un jugement favorable sur ces amendements. Elle s'est en revanche montrée opposée à l'amendement du rapporteur tendant à sanctionner l'abus de stage dans les mêmes conditions que le travail dissimulé.
A l'article 2 (organisation du recours aux stages étudiants dans le code du travail), la commission a examiné trois amendements du rapporteur poursuivant les mêmes objectifs que les amendements examinés à l'article précédent.
A l'article 3 (assujettissement de la rémunération du stagiaire aux cotisations sociales), la commission a émis un avis positif sur l'amendement de réécriture de l'article proposé par le rapporteur, qui tend à en améliorer la qualité rédactionnelle et à garantir aux stagiaires qu'ils seront couverts par l'assurance chômage.
A l'article 4 (gage), elle a examiné favorablement l'amendement du rapporteur visant à compléter le gage.
Avant que la commission ne procède au vote sur l'ensemble du rapport, M. Claude Domeizel s'est félicité du geste d'ouverture vis-à-vis de l'opposition sénatoriale que constitue l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat. Il a estimé qu'il serait regrettable que la commission envoie un signal contraire en rejetant les conclusions du rapporteur. En effet, si le Sénat approuve les conclusions négatives de la commission, le débat en séance publique s'interrompra après la discussion générale, les articles ne seront pas examinés et les sénateurs ne pourront pas défendre les amendements qu'ils pourraient déposer sur ce texte. La majorité sénatoriale devrait donc faire le choix de l'abstention, afin que le débat puisse avoir lieu normalement en séance publique ; un vote de rejet serait interprété comme un refus de débattre du problème des stages étudiants.
M. Nicolas About, président, a estimé qu'il serait paradoxal que la commission approuve le texte, alors qu'une majorité de ses membres y est opposée. Deux solutions s'offrent à elle : soit rejeter le texte, soit adopter immédiatement des amendements majeurs qui en modifient profondément l'économie, afin que la majorité sénatoriale puisse l'approuver. Dans ce dernier cas, la proposition de loi risquerait de ne plus correspondre aux intentions de ses auteurs, ce qui ne constitue pas non plus une option très satisfaisante.
M. Alain Vasselle a indiqué qu'il pourrait voter certaines dispositions du texte si la commission procédait à un vote par articles, mais qu'il se verrait contraint, dans le cas contraire, de rejeter la proposition de loi. Il a estimé que, dans la situation actuelle, la commission subit les conséquences de la recherche permanente du consensus par la conférence des présidents. Il serait utile que le règlement du Sénat soit dûment modifié afin que, lors de l'examen des propositions de loi présentées par l'opposition, les amendements du rapporteur et les amendements extérieurs soient examinés en même temps.
M. Nicolas About, président a rappelé que le même cas de figure s'est déjà produit lorsque la commission a émis, en octobre dernier, des conclusions négatives sur une proposition de loi présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relative au partage des allocations familiales entre les parents séparés qui assurent la garde alternée de leurs enfants.
A l'issue de ce débat, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption de la proposition de loi.
Mme Isabelle Debré a jugé peu satisfaisante la solution consistant à émettre un avis défavorable à l'adoption du texte, qui empêche un véritable débat en séance.
M. Bernard Seillier a demandé que la réflexion sur une éventuelle réforme du règlement soit approfondie.
M. Jean-Pierre Michel a estimé que si la majorité sénatoriale avait souhaité que le texte soit réellement débattu en séance publique, une partie de ses membres aurait pu s'abstenir au moment du vote de la commission.
M. Claude Domeizel a dénoncé un comportement hypocrite de la majorité sénatoriale, qui accepte l'inscription d'un texte de l'opposition à l'ordre du jour, mais n'est pas disposée à permettre son adoption, ni même l'examen détaillé de ses dispositions.
M. Guy Fischer a affirmé que les jeunes confrontés à la précarité ont toutes les raisons de continuer à s'inquiéter et a jugé que les propositions de loi présentées par l'opposition n'ont aucune chance d'être adoptées par le Sénat, en raison de blocages idéologiques.
Famille et enfance - Protection de l'enfance - Examen des amendements
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 154 (2006-2007), modifié par l'Assemblée nationale, réformant la protection de l'enfance (M. André Lardeux, rapporteur).
Nomination d'un rapporteur
La commission a nommé Mme Janine Rozier en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 184 (2005-2006), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés Militaires ».
Les Médaillés Militaires - Examen du rapport
Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Janine Rozier, rapporteur, sur la proposition de loi n° 184 (2005-2006), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés Militaires ».
Mme Janine Rozier, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi comporte un seul article destiné à permettre la transformation de la Société nationale « Les Médaillés Militaires », qui a aujourd'hui le statut de mutuelle, en association.
La médaille militaire a été instituée par un décret du 22 janvier 1852. Cette décoration est, depuis l'origine, réservée aux soldats et aux sous-officiers, ainsi qu'à titre exceptionnel, aux maréchaux de France et aux officiers généraux qui ont exercé un commandement en chef devant l'ennemi ou ont rendu des services exceptionnels à la défense nationale. Il s'agit donc d'une distinction gagnée « au feu » attribuée, depuis sa création, à environ un million d'hommes de troupes et sous-officiers et à cent cinquante-six généraux et maréchaux, parmi lesquels Joffre, Foch, Lyautey, de Lattre et Leclerc. On compte actuellement environ 200 000 titulaires vivants. Chaque année, près de trois mille cinq cents nouvelles médailles servent à honorer les militaires qui ont servi au moins huit ans dans l'armée et ont rendu des services exceptionnels.
Depuis sa création, la gestion administrative de la médaille militaire est assurée par la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Parallèlement, une société de secours mutuel a été créée en 1904 par les médaillés militaires, pour soutenir les titulaires et leurs familles et cultiver une fraternité et une solidarité entre ses membres. Actuellement, cette société nationale dénommée « Les Médaillés Militaires » compte plus de 70 000 adhérents répartis dans le monde entier. Outre le maintien d'une communauté solidaire et vivante entre les médaillés, elle assure la gestion d'une maison de retraite implantée à Hyères. Cette société est régie par le code de la mutualité. Or, les dispositions de ce code, issues des règles ayant transposé les directives européennes, s'avèrent particulièrement lourdes et inadaptées aux activités actuelles de la société nationale qui considère aujourd'hui qu'un statut associatif serait plus approprié. La formule associative a d'ailleurs été choisie par la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur et l'association des membres de l'Ordre national du mérite.
La société des médaillés qui prévoit de se dissoudre au profit de l'association de l'orphelinat et des oeuvres, créée en son sein il y a déjà de nombreuses années, a entrepris les démarches nécessaires à ce changement de statut. Toutefois, pour que cette transformation soit effective, il reste à lever le verrou législatif de l'article L. 113-4 du code de la mutualité qui rend obligatoire, après dissolution d'une mutuelle, le transfert de son actif à une autre mutuelle ou au fonds national de garantie des mutuelles. La présente proposition de loi prévoit donc, par dérogation à cette disposition, que l'actif de la Société nationale « Les Médaillés Militaires » sera transféré à l'association d'utilité publique qui exercera à l'avenir ses missions. Si cette mesure constitue bien une dérogation au code de la mutualité, elle n'en est pas moins de faible ampleur et d'une nature exceptionnelle. Elle est, en tout état de cause, très attendue par les intéressés et constitue un geste normal à l'égard des médaillés militaires. Il convient donc d'accepter cette proposition de loi afin d'affirmer un devoir de solidarité et de mémoire à l'égard des nombreux compatriotes médaillés qui ont risqué leur vie pour notre pays.
M. Nicolas About, président, s'est associé à l'hommage rendu par Mme Janine Rozier aux médaillés militaires.
Mme Claire-Lise Campion a indiqué que les sénateurs socialistes s'abstiendront lors du vote de la proposition de loi.
La commission a adopté le rapport qui lui était présenté et le texte de la proposition de loi sans modification.