Mercredi 31 janvier 2007
- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président, puis de M. Jean-Jacques Hyest, président. -Justice - Recrutement, formation et responsabilité des magistrats - Examen des amendements
La commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, à l'examen des amendements au projet de loi organique n° 125 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.
A l'article 11 (entrée en vigueur de la loi), la commission a tout d'abord rectifié son amendement n° 29 pour le compléter, afin de rendre les nouvelles règles de composition de la commission d'avancement applicables dès le prochain renouvellement de ses membres qui doit intervenir au printemps prochain.
Elle a donné un avis défavorable à la motion n° 45, présentée par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à opposer la question préalable.
La commission a demandé le retrait de l'amendement n° 51, présenté par M. Pierre Fauchon, tendant à insérer un article additionnel après l'article premier A pour imposer que, préalablement à leur entrée dans le corps judiciaire, les magistrats aient exercé, pendant dix années, des responsabilités effectives dans les domaines juridique, administratif, économique, social ou culturel. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a jugé cette proposition -inspirée du système britannique- difficile à transposer dans l'organisation judiciaire française.
Reconnaissant que sa proposition serait délicate à mettre en oeuvre, M. Pierre Fauchon a jugé nécessaire que les magistrats aient une plus grande expérience de la vie. Il a souligné que la réussite à un concours ne pouvait garantir la capacité d'un magistrat à trancher un conflit, considérant essentiel que les magistrats acquièrent une longue expérience avant d'exercer leur métier. Il a souligné que cette préoccupation s'inscrivait d'ailleurs dans la philosophie des nombreuses mesures du projet de loi organique (allongement de la durée du stage d'immersion au sein de la profession d'avocat, mobilité extérieure obligatoire) pour ouvrir sur l'extérieur le corps judicaire, trop fermé. Il a annoncé son intention de retirer son amendement une fois cette question de principe posée.
M. Pierre Fauchon a signalé, à l'attention de M. Michel Dreyfus-Schmidt, que son initiative procédait de la même préoccupation que celle qui avait précédemment présidé à l'instauration des magistrats exerçant à titre temporaire, puis des juges de proximité.
La commission a demandé le retrait de l'amendement n° 50, présenté par M. Pierre Fauchon, tendant à insérer un article additionnel après l'article premier A pour exiger que les candidats au premier concours d'entrée à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) soient titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation juridique d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a exprimé ses réserves sur un dispositif qui aurait pour effet fâcheux, dans un contexte de baisse des candidatures, de restreindre le vivier des candidats au concours de l'ENM.
M. Pierre Fauchon a défendu le point de vue selon lequel une véritable culture juridique ne pouvait s'acquérir qu'au terme d'une longue maturation obtenue à l'issue de plusieurs années d'études. La tradition juridique française, fondée sur un système de droit écrit, rend nécessaire que les candidats à la magistrature suivent de véritables études juridiques, a-t-il précisé. Surpris du nombre croissant de magistrats ne justifiant d'aucun diplôme en droit ainsi que l'avait confirmé le garde des sceaux au cours de son audition devant la commission, il s'est interrogé sur la proportion de magistrats non-titulaires d'un diplôme en droit. Il a marqué son incompréhension à l'égard de cette situation, l'estimant paradoxale compte tenu du caractère de plus en plus complexe de notre droit.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a noté que les étudiants diplômés d'un Institut d'Etudes Politiques pouvaient se révéler d'excellents juristes.
Après avoir souligné l'importance de la question soulevée par M. Pierre Fauchon, M. Robert Badinter a jugé que les conditions actuelles de recrutement et de formation des magistrats ne donnaient pas satisfaction. Il a souhaité que la commission engage, à l'issue des prochaines échéances électorales, un travail approfondi sur ce sujet, notamment au regard des systèmes en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne.
M. Henri de Richemont s'est demandé si le dispositif de formation initiale des magistrats ne devrait pas faire l'objet d'une remise à plat.
M. Hugues Portelli a signalé qu'un récent rapport sur le contenu des études de droit susceptible de nourrir utilement la réflexion de la commission sur ce sujet venait d'être publié sous l'égide du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a estimé que les épreuves du concours -plutôt que le diplôme requis pour accéder à la magistrature- étaient essentielles pour vérifier la réalité de la culture juridique des candidats. Il a rappelé que le recrutement et la formation des magistrats avaient fait l'objet de plusieurs études dans le cadre d'une réflexion que le Gouvernement l'avait chargé de conduire en 1994, puis à travers les travaux de la mission d'information constituée, en 2002, au sein de la commission des lois sur l'évolution des métiers de la justice. Il a jugé opportun de donner un prolongement à ces travaux en créant une mission d'information pour actualiser le débat sur ce thème.
M. Hugues Portelli a regretté la place trop modeste accordée au droit international et à la pratique du droit dans les matières enseignées à l'ENM, regrettant en outre l'introduction tardive du droit communautaire dans le programme des épreuves des concours d'entrée.
M. Patrice Gélard a fait part d'une récente enquête menée sur l'enseignement dispensé aux auditeurs de justice, révélant que la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'était pas abordée au cours de la scolarité à l'ENM.
Réservé sur les modalités actuelles de la formation initiale des magistrats, M. Pierre Fauchon a appelé de ses voeux la création d'une mission d'information de la commission des lois sur ce sujet.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 55, présenté par M. Pierre-Yves Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel après l'article premier C, afin d'imposer aux auditeurs de justice un stage au sein d'une commune. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a fait valoir que la définition de la séquence des différentes phases de la formation initiale, de nature réglementaire, relevait du conseil d'administration de l'ENM.
M. Pierre-Yves Collombat a jugé nécessaire de sensibiliser les magistrats aux contraintes induites par le fonctionnement des petites et moyennes communes, en particulier aux difficultés d'exercice des maires. A cet égard, il s'est déclaré inquiet des fréquentes mises en jeu de la responsabilité des maires sur le fondement de la « loi Fauchon » du 10 juillet 2000 relative à la définition des les délits non intentionnels.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a précisé que le colloque organisé par le Sénat en mars 2006 pour tirer le bilan de la « loi Fauchon » après cinq années d'application avait permis de démontrer que la jurisprudence suivait les modifications de la législation et que le nombre de maires condamnés pour délit non intentionnel diminuait.
M. Jean-René Lecerf a confirmé la baisse du nombre de maires condamnés, notant néanmoins le nombre de poursuites encore élevé, à l'exemple de la communauté urbaine de Lille (85 communes) dans laquelle la moitié des maires avaient été mis en examen par le même magistrat instructeur sans avoir in fine été condamnés.
A l'article premier E (versement de la recommandation et des réserves du jury de classement au dossier des magistrats), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 46, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, qui propose le retrait du dossier des magistrats des recommandations ou réserves du jury de classement émises à l'encontre d'un auditeur de justice au terme d'un délai de cinq ans. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a mis en avant que l'amendement n° 4 de la commission -en prévoyant le versement au dossier des observations que l'auditeur de justice formule en réponse aux recommandations ou réserves- constituait une avancée suffisante.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 31, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier, pour soumettre à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature les nominations des procureurs généraux. Le rapporteur a jugé la réforme du statut des procureurs généraux sans rapport direct avec l'objet du projet de loi organique.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 32, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article 4, afin d'instaurer une épreuve d'admissibilité aux trois concours d'entrée à l'ENM portant sur la criminologie. Le rapporteur a précisé que le programme des épreuves, de nature réglementaire, n'avait pas à figurer dans la loi organique portant statut de la magistrature.
A l'article 5 A (faute disciplinaire), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 34, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.
Au même article, elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 53, identique à son amendement n° 14, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés visant à clarifier les contours de la faute disciplinaire au regard des actes juridictionnels.
Elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 35, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen visant à exclure explicitement du champ des poursuites disciplinaires les actes validés par les voies de recours. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a souligné les imperfections de la solution proposée, qui oblige à attendre la clôture de l'instance pour engager une éventuelle poursuite disciplinaire et qui dote le Conseil supérieur de la magistrature d'un pouvoir d'appréciation entier sur des actes juridictionnels définitifs de nature à remettre en cause l'autorité des décisions de justice.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 33, des mêmes auteurs, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 5, afin de plafonner le montant des réparations susceptibles d'être mises à la charge d'un magistrat qui fait l'objet d'une action récursoire engagée par l'Etat condamné pour fonctionnement défectueux du service public de la justice.
A l'article 5 (élargissement de la liste des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats), la commission a donné un avis défavorable aux amendements de suppression n°s 36 et 54, présentés respectivement par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et M. Robert Badinter et par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
A l'article 6 (extension de la dérogation au principe du non cumul des peines - Renforcement de la portée de la mise à la retraite d'office), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 56, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à supprimer la possibilité pour le Conseil supérieur de la magistrature d'assortir du déplacement d'office l'interdiction d'exercer des fonctions à juge unique pendant cinq ans au maximum et l'exclusion temporaire d'exercice des fonctions pendant un an.
Au même article, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 37 de coordination avec l'amendement n° 36, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
A l'article 6 quater (passerelle entre la responsabilité civile de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice et la responsabilité disciplinaire des magistrats), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 38, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à ajouter une précision rédactionnelle.
A l'article 6 quinquies (examen par le Médiateur de la République des réclamations portant sur le comportement d'un magistrat), la commission a demandé le retrait de :
- l'amendement n° 57, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à créer une commission d'examen des réclamations des justiciables placée auprès du Conseil supérieur de la magistrature ;
- l'amendement n° 43, présenté par M. Jean-René Lecerf, tendant à instaurer la saisine directe du Médiateur de la République en cas de réclamation d'un justiciable qui s'estime lésé par le comportement d'un magistrat ; M. Jean-René Lecerf a indiqué que cet amendement serait l'occasion d'interroger le garde des sceaux sur l'opportunité de maintenir ou non le filtre parlementaire préalable à la saisine du Médiateur dans l'hypothèse envisagée par le projet de loi organique, mais également dans le cadre plus général de ses compétences définies dans la loi du 2 janvier 1973 ;
Elle a donné un avis défavorable :
- à l'amendement n° 39, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen visant à confier au Médiateur de la République le soin d'assurer le traitement des réclamations sur les dysfonctionnements du service de la justice ;
- à l'amendement n° 40, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à ouvrir la possibilité au Médiateur de la République de saisir le Conseil supérieur de la magistrature aux fins de poursuite disciplinaire d'un magistrat.
Au même article, sur son amendement n° 21, la commission a demandé le retrait :
- des sous-amendements n°s 30 et 58, présentés respectivement par M. Hugues Portelli, Mme Catherine Troendle et M. Christian Cointat et par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendant à modifier la dénomination de l'organe chargé d'instruire les réclamations des justiciables (respectivement « commission des requêtes » et « commission d'examen des réclamations des justiciables ») et à rattacher cette instance auprès du Conseil supérieur de la magistrature, et non auprès du garde des sceaux ; tout en se déclarant favorable à la dénomination « commission d'examen des réclamations », M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a jugé plus logique de la placer auprès du garde des sceaux, afin que ce dernier soit informé des réclamations des justiciables et compte tenu du fait que de nombreuses plaintes lui sont actuellement déjà adressées ;
- du sous-amendement n° 44 présenté par M. Jean-René Lecerf, tendant à compléter la composition de la commission de transparence de la justice par une personnalité qualifiée désignée par le Médiateur de la République.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 41, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 7 A, afin de placer les magistrats du parquet sous le contrôle de leurs responsables hiérarchiques pour accroître leur indépendance.
A l'article 7 (accès de droit des procureurs généraux de cour d'appel aux emplois hors hiérarchie du parquet de la Cour de cassation), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 59, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, identique à son amendement n° 23, visant à soumettre à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature la nomination des procureurs généraux aux emplois hors hiérarchie de la Cour de cassation.
A l'article 8 bis (mobilité statutaire préalable à l'accès aux emplois placés hors hiérarchie), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 42, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.
Au même article, la commission a donné un avis favorable au sous-amendement n° 60 à son amendement n° 25, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à fixer à un an renouvelable une fois la durée de la mobilité statutaire obligatoire des magistrats.
A l'article 8 ter (extension des possibilités de détachement judiciaire), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Jean-Marc Juilhard tendant à permettre aux agents de direction des organismes de sécurité sociale recrutés par la voie de l'Ecole nationale supérieure de sécurité sociale de bénéficier d'un détachement dans le corps judiciaire.
La commission a donné un avis défavorable aux amendements identiques n°s 48 et 52, présentés respectivement par MM. Jean-Marc Juilhard et Simon Sutour tendant à insérer un article additionnel après l'article 8 ter pour ouvrir aux fonctionnaires justifiant d'au moins quinze années de services effectifs le détachement judiciaire dans des emplois placés hors hiérarchie.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a mis en avant les inconvénients de cette proposition qui, d'une part, instaure un traitement plus favorable pour les hauts fonctionnaires extérieurs à l'institution judiciaire -qui pourraient bénéficier d'un poste placé hors hiérarchie après quinze ans d'activité- que pour les magistrats qui n'y accèdent généralement qu'à l'issue de vingt années de services effectifs, d'autre part, a pour effet de restreindre les perspectives de promotion des magistrats du premier grade aux postes hors hiérarchie, en nombre limité.
M. Simon Sutour a déploré que le détachement judiciaire, actuellement limité aux emplois de second et premier grades, exclue l'accès aux emplois placés hors hiérarchie, tels que président d'un tribunal de grande instance ou d'une cour d'appel. Il a estimé qu'un directeur juridique ou un directeur général des services d'une collectivité territoriale, au terme de quinze ou vingt ans de carrière, pourraient légitimement occuper un poste élevé dans la hiérarchie judiciaire dans le cadre d'un détachement, estimant, en outre, que ce type de mobilité pourrait opportunément « oxygéner » le corps judiciaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a jugé que les plus hautes responsabilités au sein d'une juridiction devaient être confiées à des personnes ayant une connaissance suffisante des rouages de l'institution judiciaire.
Après l'article 8 ter, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 47, présenté par M. Jean-Marc Juilhard, tendant à insérer un article additionnel pour simplifier la procédure d'instruction des candidatures au détachement judiciaire, en supprimant l'intervention de la commission d'avancement.
Justice - Procédure pénale - Examen des amendements
Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. François Zocchetto, à l'examen d'amendements au projet de loi n° 133 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.
Elle a tout d'abord donné un avis défavorable à la motion n° 90, présentée par MM. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à opposer la question préalable.
A l'article premier (création de pôles de l'instruction), la commission a demandé le retrait de l'amendement n° 54 rectifié bis, présenté par MM. Charles Guené et Bernard Murat, tendant à prévoir que chaque département serait doté d'un pôle de l'instruction.
M. François Zocchetto, rapporteur, a rappelé que le garde des sceaux s'était engagé, lors de son audition devant la commission, à ce qu'un poste de juge d'instruction au moins soit maintenu dans chaque tribunal de grande instance.
M. Charles Guené a craint que le fait que chaque département ne dispose pas d'un pôle de l'instruction ne contribue à une désertification du territoire, M. Pierre-Yves Collombat considérant que l'instauration d'au moins un pôle de l'instruction par département serait en effet bienvenue.
Après que M. François Zocchetto, rapporteur, eut estimé qu'il pourrait être utile de connaître le nombre de départements susceptibles de ne pas disposer de pôles de l'instruction, M. Laurent Béteille a considéré que, s'il n'était peut être pas nécessaire de prévoir un tel dispositif dans la loi, il conviendrait d'être vigilant lors de la mise en place des pôles de l'instruction afin que chaque département en soit doté.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a jugé difficile d'instaurer ces pôles de l'instruction alors que la carte judiciaire n'a toujours pas été réformée.
M. Jean-René Lecerf s'est déclaré défavorable à cet amendement, estimant que la mise en place de pôles de l'instruction constituait une première étape dans la réforme de la carte judiciaire et que les tribunaux non pourvus de pôles pourraient faire l'objet d'une spécialisation.
M. Pierre Fauchon a confirmé ces propos en soulignant que les magistrats ne vivaient plus systématiquement dans la collectivité où ils se trouvaient en poste et ne contribuaient donc pas toujours à l'animation de leur environnement local, avant d'estimer que les tribunaux qui fonctionnaient le mieux étaient ceux de taille moyenne.
La commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 91 et 92, présentés par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ayant pour même objet de supprimer la disposition permettant, soit au procureur de la République près le tribunal de grande instance doté d'un pôle de l'instruction, soit au procureur de la République près le tribunal de grande instance dépourvu de pôle, de requérir le placement en détention provisoire de la personne déférée si celle-ci ne relève pas de sa compétence, dans l'attente de la comparution de la personne devant le procureur compétent.
A l'article 2 (cosaisine des juges), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 55, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à obliger le ou les juges cosaisis à cosigner avec le juge d'instruction chargé de l'information l'avis de fin d'information et l'ordonnance de règlement.
Mme Nicole Borvo a considéré qu'afin de renforcer la cosaisine, il convenait que l'avis de fin d'information et l'ordonnance de règlement soient cosignés par le ou les juges d'instruction cosaisis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé qu'il serait logique de prévoir cette cosignature.
M. Laurent Béteille a craint que cela ne complique le dispositif, notamment en cas d'absence des juges cosaisis.
M. François Zocchetto, rapporteur, a fait observer que le recours à la cosaisine n'était actuellement pas très fréquent et qu'elle était surtout efficace dans le cadre des affaires de terrorisme.
La commission a ensuite donné un avis défavorable à l'amendement n° 56, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article 2 afin de permettre le détachement d'officiers et agents de police judiciaire dans chaque tribunal de grande instance afin de travailler « sous la direction » du parquet et des juges d'instruction.
La commission a ensuite donné un avis défavorable aux amendements n° 57 , présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et n° 94 présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 3, afin de supprimer la possibilité pour le parquet de saisir directement le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire.
Elle a également donné un avis défavorable aux amendements n° 58, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et n° 93 présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 3, et ayant pour même objet de limiter le champ d'application de la détention provisoire en la réservant, en matière correctionnelle, aux délits punis de cinq ans d'emprisonnement, et non de trois ans comme actuellement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt, ayant signalé que l'échelle des peines avait été relevée, M. François Zocchetto, rapporteur, a estimé que les enjeux principaux de la détention provisoire concernaient les critères justifiant la décision de placement et sa durée.
A l'article 3 (critères de placement en détention provisoire), la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 59, 60 et 61, présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant respectivement à :
- prévoir une motivation explicite de la décision de placement en détention provisoire et prévoir que l'absence de garantie du maintien à disposition de la justice ne peut être déduite du refus de reconnaître les faits, ainsi qu'à supprimer le critère de trouble à l'ordre public ;
- préciser que l'absence de garanties du maintien à la disposition de la justice ne peut se déduire du refus de reconnaître les faits ;
- supprimer le critère de trouble à l'ordre public.
A ce même article, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 62, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, et n° 95, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ayant pour même objet de supprimer le critère du trouble à l'ordre public pour les affaires correctionnelles, satisfaits par l'amendement n° 18 de la commission.
La commission a ensuite donné un avis défavorable aux amendements n°s 63, 64, 65, 66 et 67, présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 4, afin respectivement de :
- limiter la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle ;
- réduire les délais de la détention provisoire en matière criminelle ;
- prévoir une motivation explicite des décisions prolongeant la détention provisoire ;
- supprimer la procédure de référé-détention ;
- interdire la prolongation de la détention provisoire lorsque l'audience n'a pu se tenir dans un délai d'un an après la décision de mise en accusation devenue définitive.
S'agissant de la procédure de référé-détention, M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé qu'il n'était pas souhaitable qu'un seul magistrat se prononce sur ce recours.
M. François Zocchetto, rapporteur, ayant indiqué que le premier président de la cour d'appel n'intervenait que sur saisine du procureur de la République, M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé que cette compétence devrait relever d'une décision collégiale.
A l'article 5 (contrôle de la détention provisoire par la chambre de l'instruction), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 96, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à obliger le président de la chambre de l'instruction à saisir cette juridiction aux fins de réexamen de l'ensemble de la procédure d'une personne détenue tous les six mois après le premier examen de l'ensemble du dossier par cette chambre.
La commission a ensuite donné un avis défavorable à l'amendement n° 68, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article 5 afin d'interdire le placement en détention provisoire d'un mineur qui ne respecterait pas un placement en centre éducatif fermé.
La commission a ensuite donné un avis défavorable aux amendements n°s 69, 70, 71, 72 et 73, présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, et n° 98, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 5 bis pour, respectivement :
- substituer la notion d'« indices graves et concordants » à celle de « raison plausible de soupçonner », pour justifier le placement en garde à vue ou justifier l'enquête préliminaire ;
- obliger à informer la personne gardée à vue, non seulement sur la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, mais aussi sur les faits qui lui sont reprochés ;
- rétablir l'information de la personne gardée à vue sur son droit à ne pas répondre aux questions ;
- rétablir le droit pour la personne gardée à vue de recevoir la visite de son avocat dès la vingtième heure ;
- supprimer les dispositions permettant la prolongation de la garde à vue en matière de criminalité organisée ou de terrorisme.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 97 présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à prévoir l'assistance de l'avocat à tous les interrogatoires de garde à vue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a indiqué qu'il conviendrait de modifier cet amendement afin de prévoir la possibilité de l'assistance d'un avocat pendant toute la garde à vue plutôt que l'obligation.
M. François Zocchetto, rapporteur, a estimé qu'en tout état de cause, cet amendement bouleverserait considérablement la nature de la garde à vue.
M. Robert Badinter a rappelé qu'il convenait de ne pas confondre l'assistance de l'avocat avec la possibilité d'accéder au dossier. Indiquant que la présence de l'avocat garantissait les droits de la défense, sans induire nécessairement la connaissance des pièces du dossier, il s'y est déclaré favorable.
La commission a ensuite donné un avis défavorable aux amendements n°s 74 et 75, présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 6, afin :
- pour le premier, d'élargir le champ d'application de l'aide juridictionnelle ;
- pour le second, de prévoir qu'un rapport du Gouvernement serait remis au Parlement, au plus tard le 31 mars 2007, sur la proposition de création d'un internat du barreau ayant pour mission d'assurer la défense civile et pénale des personnes éligibles à l'aide juridictionnelle.
A l'article 6 (enregistrement audiovisuel, en matière criminelle, des interrogatoires des personnes placées en garde à vue), la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 76 et 77, présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant, pour l'un, à supprimer la disposition selon laquelle le nombre de personnes gardées à vue devant être interrogées simultanément peut faire obstacle à l'enregistrement de chacune d'entre elles, et pour l'autre à imposer l'enregistrement des interrogatoires de personnes gardées à vue pour affaire de terrorisme ou de criminalité organisée.
A ce même article, la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 99, 100 et 101, présentés par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant respectivement à :
- généraliser l'obligation d'enregistrement à toutes les personnes gardées à vue ;
- permettre aux avocats non seulement de consulter l'enregistrement de la garde à vue, mais aussi de s'en faire délivrer une copie et d'en transmettre la reproduction à leur client ;
- prévoir explicitement que l'absence d'enregistrement des gardes à vue serait une cause de nullité de la procédure.
A l'article 7 (enregistrement audiovisuel, en matière criminelle, des interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 102, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, de suppression de cet article.
La commission a ensuite donné un avis défavorable aux amendements n°s 78 et 79, présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant, pour le premier, à supprimer la disposition selon laquelle le nombre de personnes interrogées simultanément dans le cabinet du juge d'instruction peut faire obstacle à l'enregistrement de chacune d'entre elles et, pour le second, à imposer l'enregistrement des interrogatoires de personnes interrogées par le juge d'instruction pour affaire de terrorisme ou de criminalité organisée.
A l'article 8 (octroi du statut de témoin assisté à la personne mise en examen - demande de confrontations séparées), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 103, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à prévoir la caducité de la mise en examen à l'issue d'un délai d'un an en matière correctionnelle et de deux ans en matière criminelle, sauf si le juge d'instruction décide son maintien par décision motivée.
A l'article 9 (renforcement du caractère contradictoire des expertises - transmission par voie électronique des pièces de procédure), la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 82 et 104, présentés par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant respectivement à :
- prévoir l'établissement de méthodes communes des experts psychologiques près la cour d'appel ainsi que d'un code de bonnes pratiques, par décret en Conseil d'Etat, et de définir des critères de distinction entre les missions d'expertise relevant de la psychologie, de la psychiatrie et de la criminologie ;
- définir de nouvelles modalités pour déterminer la liste des experts agréés.
A l'article 11 (limitation du champ d'application de la règle en vertu de laquelle « le criminel tient le civil en l'état »), la commission a examiné les amendements n° 80, présenté par M. Jean-René Lecerf, et n° 83, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ayant respectivement pour objet de :
- restreindre le champ d'application du principe selon lequel le « criminel tient le civil en l'état » ;
- supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 4 du code de procédure pénale, qui prévoit explicitement que le juge civil ne serait pas tenu de surseoir à statuer pour des actions, autres que celles tendant à obtenir réparation du dommage causé par une infraction, qui seraient exercées parallèlement à la mise en mouvement d'une action publique devant le juge pénal.
Après avoir rappelé que la commission avait adopté, la semaine précédente, un amendement visant également à supprimer le dernier alinéa de cet article, M. François Zocchetto, rapporteur, a expliqué que, tout en étant favorable à la restriction du champ d'application de la règle du « criminel tient le civil en l'état » afin de réduire les plaintes dilatoires et abusives, il avait estimé souhaitable de ne pas conserver un dispositif susceptible de donner lieu à des interprétations ambiguës.
Il a indiqué qu'il avait été convaincu, depuis lors, convaincu que ces dispositions, qui lui avaient paru de prime abord superfétatoires, étaient en réalité indispensables pour revenir sur l'interprétation extensive du principe du « criminel tient le civil en l'état », donnée par la Cour de cassation. Réaffirmant la nécessité de réduire le nombre de plaintes dilatoires ou abusives déposées devant le juge pénal parallèlement à des actions civiles concernant des affaires prud'homales, familiales ou financières, M. François Zocchetto, rapporteur, a proposé, en conséquence, proposé que la commission des lois retire son amendement n° 42.
M. Jean-René Lecerf s'est félicité de la proposition du rapporteur, indiquant que son amendement allait également dans ce sens et qu'il le retirerait dans ces conditions.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a confirmé le nombre croissant de plaintes abusives ou dilatoires dont le juge d'instruction était saisi, M. Michel Dreyfus-Schmidt estimant pour sa part que l'instauration d'un filtre pourrait être une meilleure solution.
M. François Zocchetto, rapporteur, a rappelé que le juge civil pourrait toujours décider de surseoir à statuer pour une bonne administration de la justice, avant d'estimer qu'il convenait d'expérimenter le dispositif proposé par le projet de loi, quitte à y revenir ultérieurement.
Dubitatif, M. Robert Badinter a attiré l'attention de la commission sur la considérable marge d'appréciation laissée au juge civil.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de retirer son amendement n° 42 et demandé, en conséquence, le retrait des amendements n°s 80 et 83.
A l'article 13 (audiencement dans les cours d'assises), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 84, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, de suppression de l'article.
La commission a ensuite constaté que l'amendement n° 85, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel après l'article 13, afin d'instituer, comme en matière civile, la représentation obligatoire par un avocat à la cour de cassation pour les pourvois relevant de la matière pénale, était satisfait par l'amendement n° 47 de la commission des lois.
Elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 86 de M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ayant pour objet d'insérer un article additionnel après l'article 13 afin de modifier le discours du président de la cour d'assises sur la base duquel les jurés doivent prêter serment.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 87 présenté par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel après l'article 13, afin de permettre aux parties civiles de récuser les jurés des cours d'assises.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 88 de M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ayant pour objet d'insérer un article additionnel après l'article 13, afin d'instaurer un « acquittement au bénéfice du doute » dans le code de procédure pénale et de prévoir que, lorsqu'un tel acquittement serait prononcé, les parties civiles pourraient alors demander réparation intégrale du préjudice résultant des faits qui sont l'objet de l'accusation auprès de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a considéré que, lorsque l'acquittement a été prononcé au bénéfice du doute, il convenait de le préciser.
M. Françoise Zocchetto, rapporteur, a rappelé que l'acquittement pouvait déjà être décidé au bénéfice du doute et n'empêchait en rien la saisine par les victimes de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, pour obtenir réparation de leur préjudice.
A l'article 16 (entrée en vigueur et dispositions transitoires), la commission a demandé le retrait de l'amendement n° 89, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à réduire de cinq à trois ans au plus tard le délai d'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction, d'une part, et à prévoir que, pendant cette période, la carte judiciaire devrait nécessairement être révisée, d'autre part.
Elle a donné un avis favorable aux amendements n° 81, présenté par M. Jean-René Lecerf, et n° 105 du Gouvernement, ayant pour même objet de prolonger de trois mois le délai de mise en place des pôles de l'instruction.
Interdiction de la peine de mort - Examen du rapport
La commission a procédé, sur le rapport de M. Robert Badinter, à l'examen du projet de loi constitutionnelle n° 192 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'interdiction de la peine de mort.
M. Robert Badinter, rapporteur, a d'abord souligné que la consécration dans la Constitution de la prohibition de la peine de mort répondait à une initiative du Président de la République. Il a relevé l'évolution considérable des esprits depuis 1981, puisque si 63 % des Français souhaitaient le maintien de la peine de mort en 1981, la même proportion se déclarait favorable à l'abolition en 2006.
Il a observé que la constitutionnalisation s'imposait d'abord afin de permettre la ratification par la France du deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté à New York le 15 décembre 1989, visant à abolir de manière irréversible la peine de mort. Il a noté que, si la révision aurait pu prendre la forme d'une dérogation au principe du caractère révocable des traités internationaux mentionnant explicitement le deuxième protocole, la voie, plus solennelle, d'une reconnaissance explicite de la prohibition de la peine de mort dans la Constitution avait été finalement retenue. Il a estimé que cette dernière formule était également préférable à une modification de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dont la rédaction devait rester intangible, ou du préambule de la Constitution de 1946, adopté dans un contexte historique particulier.
M. Robert Badinter, rapporteur, a rappelé qu'avec cette révision, la France serait le 17è pays de l'Union européenne à inscrire l'abolition de la peine de mort dans la Constitution. Il a observé que les obligations prévues par le deuxième protocole de New York ne modifieraient pas en substance les engagements actuels de la France, puisque celle-ci, en ratifiant le 31 décembre 1985 le protocole n° 6 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, avait d'ores et déjà conféré à l'abolition un caractère quasi-irréversible. Il a souligné, en effet, d'une part, que les traités avaient une valeur supérieure à la législation nationale et, d'autre part, que la dénonciation du protocole n° 6 apparaissait difficilement envisageable, dans la mesure où elle traduirait la remise en cause d'un principe qui, aux yeux de nos partenaires, constituait désormais un fondement de la société européenne.
Il a estimé que la révision constitutionnelle placerait la prohibition de la peine de mort au sommet de l'ordre juridique interne et qu'elle revêtirait à cet égard une signification symbolique forte. Il a souligné la portée de cette initiative au regard du climat de passions qui avait marqué l'abolition en 1981. Il a ainsi rappelé que la commission des lois du Sénat avait à l'époque renoncé à prendre position sur le texte, le rapporteur, M. Paul Girod, s'en remettant à la conscience de chaque sénateur.
M. Robert Badinter, rapporteur, a indiqué que l'Europe était le continent où les progrès vers l'abolition avaient été les plus considérables puisqu'à l'exception de la Biélorussie, aucun Etat n'y recourt. Il a observé que la Russie était abolitionniste de fait et qu'elle avait signé le protocole n° 6 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, sans l'avoir toutefois ratifié. Au delà des instruments conventionnels, le rapporteur a souligné le rôle constructif de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt Soering (7 juillet 1989), qui a d'abord jugé que la peine de mort n'était pas en elle-même une peine inhumaine et dégradante, même si les « circonstances entourant une sentence capitale » pouvaient constituer un traitement inhumain. La Cour a, par la suite, dans l'arrêt Ocalan contre Turquie le 12 mars 2003, constaté que « les territoires relevant de la juridiction des Etats membres du conseil de l'Europe forment à présent une zone exempte de la peine de mort » et conclu que « la peine de mort en temps de paix en est venue à être considérée comme une forme de sanction inacceptable, voire inhumaine, qui n'est plus autorisée par l'article 2 [de la Convention européenne des droits de l'homme] ».
M. Robert Badinter, rapporteur, a ajouté que tout retour en arrière remettrait en cause les principes de coopération judiciaire, en particulier en matière d'extradition. Il a souligné, en outre, que la prohibition de la peine de mort présentait un caractère encore plus fort au sein de l'Union européenne, puisque ce principe constituait un critère d'adhésion. Il a rappelé que l'article 2 de la Charte des droits fondamentaux proclamait l'abolition de la peine de mort et que même si cette stipulation n'avait pas encore de valeur juridique, elle était néanmoins utilisée par la Cour de justice des communautés européennes dans les motifs de ses décisions.
Rappelant que la France avait été, en 1981, le 35è Etat dans le monde à abolir la peine de mort, M. Robert Badinter, rapporteur, a souligné que depuis lors, le nombre de pays abolitionnistes de droit ou de fait s'élevait à 130, soit une majorité parmi les Etats membres des Nations unies. Il a souligné les développements importants du droit international avec, en particulier, l'adoption du deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a mentionné, parmi les avancées les plus significatives, le fait que la peine de mort ne figure pas au nombre des sanctions que peuvent infliger les juridictions pénales internationales, pourtant appelées à se prononcer sur les crimes les plus graves. Il a ainsi souligné que cette peine avait été explicitement écartée lors des négociations du Traité de Rome du 18 juillet 1998 instituant la Cour pénale internationale. Il a souligné qu'aucun magistrat international n'accepterait de siéger au sein d'une juridiction qui serait autorisée à prononcer la peine de mort.
M. Patrice Gélard a relevé que la Cour constitutionnelle de Russie avait décidé en février 1999 de subordonner la faculté pour les tribunaux de prononcer la peine de mort à la mise en place du système de jury, dispositif dont l'installation devrait s'achever cette année. Il a noté que la peine de mort existait encore dans ce pays et qu'ainsi le dernier responsable survivant de la prise d'otages de Beslan avait été condamné à cette peine, puis avait été gracié.
M. Robert Badinter, rapporteur, a rappelé que la Russie s'était engagée à ratifier le protocole n° 6 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme lors de son adhésion au Conseil de l'Europe mais que cette ratification n'était pas encore intervenue.
M. Patrice Gélard a observé à cet égard que la peine de mort figurait parmi les dispositions concernant les droits et libertés fondamentaux et que les procédures de modification de la Constitution russe sur ce point étaient particulièrement rigides.
Mme Nicole Borvo, engagée depuis longtemps dans la lutte contre la peine de mort, s'est réjouie de l'initiative prise par le Président de la République d'inscrire dans la Constitution la prohibition de la peine de mort. Elle a souligné que, dans le cadre des accords de coopération judicaire signés avec des pays continuant de pratiquer la peine de mort, et notamment avec la Chine, il devait être bien clair qu'aucune extradition ne pouvait être envisageable.
Elle a observé que si des voix de plus en plus nombreuses s'élevaient aux Etats-Unis pour dénoncer les conditions inhumaines de l'attente des condamnés dans les « couloirs de la mort », il n'en restait pas moins que la priorité devait rester l'abolition de la peine de mort dans ce pays.
Elle a rappelé que depuis 1981, vingt-deux propositions de loi avaient été déposées par des parlementaires français visant à rétablir la peine de mort et qu'il convenait par conséquent de rester très vigilant sur de possibles retours en arrière. Elle a insisté sur la nécessité de poursuivre la lutte en faveur de l'abolition, en particulier en encourageant les pays qui avaient adopté un moratoire à procéder à l'abolition définitive.
M. Robert Badinter, rapporteur, a rappelé le courage politique du président François Mitterrand, initiateur de l'abolition de la peine de mort en France en 1981. Il a également souligné qu'au moment où le Parlement français débattait de la présente révision constitutionnelle, le Parlement européen examinait une proposition de résolution tendant à demander un moratoire général sur les exécutions dans le monde.
La commission a alors adopté, sans modification et à l'unanimité, le projet de loi de révision constitutionnelle.
Modification du titre IX de la Constitution - Examen du rapport
La commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, à l'examen du projet de loi constitutionnelle n° 162 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, portant modification du titre IX de la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, rappelant que le statut pénal du Président de la République, défini aux articles 67 et 68 de la Constitution, était largement inspiré des lois constitutionnelles de 1875 et de la Constitution de 1946, a souligné que ces dispositions étaient demeurées inchangées depuis 1958, alors que la fonction présidentielle s'était affirmée, en raison notamment de l'élection au suffrage universel direct.
Il a estimé que le statut défini au titre IX de la Constitution, hérité du XIXè siècle, ne correspondait plus au rôle du chef de l'Etat sous la Vè République. En effet, si l'irresponsabilité paraissait accompagner, sous les IIIè et IVè Républiques, l'affaiblissement du rôle institutionnel du Président, la Constitution de 1958 donne à ce dernier une place éminente.
Il a relevé que l'article 68 de la Constitution était marqué par une ambiguïté liée aux deux possibilités de lecture des deux phrases le composant. Ainsi, la lecture « à la suite » de ces deux phrases, généralement retenue par la doctrine, conduit à considérer que la Haute Cour de justice n'est compétente qu'en cas de haute trahison, cette interprétation correspondant par ailleurs à ce qui ressort des travaux préparatoires de la Constitution du 4 octobre 1958. En revanche, si l'on fait des deux phrases une lecture disjointe, la responsabilité pénale du chef de l'Etat ne peut être mise en cause, y compris pour les actes étrangers à l'exercice de son mandat, que devant la Haute Cour de justice.
Rappelant que l'article 68 de la Constitution ne donnait aucune définition de la haute trahison ni des peines susceptibles d'être prononcées par la Haute Cour de justice, il a indiqué que le dispositif en vigueur ne satisfaisait pas au principe de légalité des délits et des peines et qu'il était incompatible avec le droit à un procès équitable défini à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il a déclaré que la connotation pénale excessive de la haute trahison devait également conduire à lui substituer un motif clairement et exclusivement politique faisant référence aux actes ou comportements du chef de l'Etat qui porteraient atteinte à la dignité de sa fonction.
Expliquant que la Haute Cour de justice visée à l'article 67 de la Constitution, avait, par ses règles de fonctionnement, définies par l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959, tous les caractères d'une juridiction, il a affirmé la nécessité d'établir une procédure politique et non judiciaire de mise en cause de la responsabilité du Président de la République, non pour prononcer une peine, mais pour mettre fin à son mandat lorsqu'il n'est plus en mesure de l'exercer en raison de manquements à la dignité de sa fonction.
Il a indiqué que dans leurs décisions respectives du 22 janvier 1999 et du 10 octobre 2001, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation avaient exclu toute poursuite ou instruction à l'égard du Président de la République pendant la durée de son mandat. Ces deux juridictions font cependant des interprétations divergentes de l'article 68 de la Constitution, le Conseil constitutionnel estimant que la compétence de la Haute Cour de justice est générale, en vertu d'un privilège de juridiction, alors que pour la Cour de cassation, cette compétence est limitée au cas de haute trahison. La Cour de cassation a cependant conclu à l'inviolabilité temporaire du Président de la République, précisant qu'en contrepartie de l'interdiction des poursuites pendant la durée de son mandat, les délais de prescription étaient suspendus.
Soulignant que le régime dérogatoire au droit commun défini par la Cour de cassation était fondé sur une analyse combinée de l'article 3 et du titre II de la Constitution, traitant respectivement de la souveraineté nationale et des attributions du Président de la République, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué que le projet de loi constitutionnelle reprenait cette solution, en cherchant à concilier la protection de la fonction présidentielle et la possibilité pour la représentation nationale de mettre fin au mandat du Président s'il commet un manquement manifestement incompatible avec ce dernier.
Il a précisé que le texte déposé par le Gouvernement suivait ainsi les préconisations de la commission de réflexion présidée par le professeur Pierre Avril, qui avait rendu ses conclusions le 12 décembre 2002. Cette commission, examinant la protection accordée au chef de l'Etat dans les pays démocratiques, a établi qu'aucun Etat ne faisait exception à un principe de protection de ce dernier pendant son mandat à l'égard de la plupart, sinon de toutes les procédures juridictionnelles. Le rapport Avril relève qu'il revient en général à un organe dont la composition ou le mode de saisine a un caractère politique de statuer sur la responsabilité du chef de l'Etat.
Rappelant que le principe de protection du chef de l'Etat avait été établi dès la Constitution du 3 septembre 1791, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a estimé que la protection de la fonction paraissait d'autant plus indispensable sous la Vè République, qui fait du Président, élu de l'ensemble de la nation, le garant de la continuité de l'Etat, de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire, et le chef des armées.
Considérant en outre que l'indépendance nécessaire à l'exercice du mandat présidentiel, d'une part, et la séparation des pouvoirs, d'autre part, exigeaient que le chef de l'Etat ne puisse être mis en cause par les tribunaux, il a déclaré qu'une protection complète du Président de la République pendant la durée de son mandat était dans la logique de nos institutions.
Estimant que le projet de loi constitutionnelle précisait et modernisait le statut pénal du chef de l'Etat, il a souligné que le texte proposé pour l'article 67 de la Constitution maintenait le principe d'irresponsabilité du Président pour les actes commis dans l'exercice de ses fonctions, sous réserve des dispositions relatives aux compétences de la Cour pénale internationale et à l'hypothèse de la destitution, et lui accordait une protection complète, pendant la durée de son mandat, s'agissant des actes détachables de ce dernier.
Il a expliqué que le projet de loi constitutionnelle créait à l'article 68 de la Constitution une procédure de destitution du chef de l'Etat en cas de manquement manifestement incompatible avec l'exercice de ses fonctions, le Parlement, constitué en Haute Cour, devant alors se prononcer, non sur la qualification pénale de ce manquement, mais sur l'atteinte portée à la dignité de la fonction. Considérant que l'atteinte à une institution issue du suffrage universel ne pouvait être appréciée que par le représentant du peuple souverain, il a jugé qu'il revenait au Parlement de se prononcer pour rendre le Président de la République à la condition de citoyen ordinaire. Il serait alors susceptible d'être poursuivi devant les juridictions de droit commun si le manquement à l'origine de sa destitution constituait par ailleurs une infraction.
Il a souligné que la procédure de destitution n'était pas de nature juridictionnelle et qu'elle n'était donc pas liée par le principe de la légalité des délits et des peines et ne relevait pas non plus des règles du procès équitable. La destitution s'impose logiquement comme la sanction institutionnelle ou politique d'un manquement portant atteinte à la fonction présidentielle et rompt par conséquent avec l'ambiguïté du régime initialement défini par la Constitution de 1958.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a expliqué que la procédure de destitution pourrait être indifféremment déclenché par l'Assemblée nationale ou par le Sénat, chacune des deux assemblées étant d'abord appelée à se prononcer sur la décision de réunir, ou pas, la Haute Cour, avant qu'elles ne statuent ensemble sur la destitution. Précisant que le dernier alinéa de l'article 68 renvoyait à une loi organique la définition des conditions d'application de cette procédure, il a déclaré que cette loi, en partie relative au Sénat, devrait par conséquent être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées conformément à l'article 46, avant-dernier alinéa de la Constitution.
Le rapporteur a déclaré que l'Assemblée nationale avait précisé le dispositif en indiquant, dans le texte proposé pour l'article 67, que le chef de l'Etat ne pourrait faire l'objet d'une quelconque action -c'est-à-dire toute voie de droit ouverte pour la protection judiciaire d'un droit- afin de ne laisser aucun doute sur l'étendue de l'inviolabilité devant les juridictions civiles ou les autorités administratives. L'Assemblée nationale a en outre souhaité inscrire dans le texte constitutionnel que les délais de prescription étaient suspendus pendant la durée du mandat présidentiel, bien que ce principe se déduise de l'inviolabilité temporaire du chef de l'Etat.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a rappelé que l'immunité ainsi définie ne visait pas à protéger l'homme, mais la fonction, et que cette protection était d'autant plus complète que les limites dans le temps en étaient clairement définies.
Il a expliqué que l'Assemblée nationale avait également assuré l'équilibre de la procédure de destitution, prévue à l'article 68, en supprimant l'empêchement du Président de la République après l'adoption par les deux assemblées d'une proposition de réunion de la Haute Cour, en réduisant à un mois le délai à l'issue duquel celle-ci doit statuer, et en prévoyant que la réunion de la Haute Cour et la destitution doivent être décidées à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée, et non à la majorité absolue.
Il a estimé que la double majorité des deux tiers retenue par les députés offrait les garanties nécessaires à la mise en oeuvre d'une procédure dont l'objet ultime est de permettre à la représentation nationale de mettre fin au mandat de l'élu de la nation tout entière et éviterait son détournement à des fins partisanes.
M. Jean-René Lecerf a estimé que ni sur la forme ni sur le fond, le projet de loi constitutionnelle ne répondait aux exigences d'un texte constitutionnel. Il a en particulier vivement regretté que le président destitué puisse siéger de droit au Conseil constitutionnel. Il a indiqué qu'à titre personnel, il ne voterait pas cette révision.
M. Bernard Frimat s'est également déclaré choqué par l'absence de dispositions interdisant à un chef d'Etat destitué de devenir membre de droit du Conseil constitutionnel. Il a jugé inadmissible que le président échappe, pour les actes détachables de son mandat, aux juridictions de droit commun. Il a par ailleurs estimé que la procédure de destitution prévue à l'article 68 mettait en cause la responsabilité politique du président et qu'à ce titre, sa mise en oeuvre devait être réservée à l'Assemblée nationale, car il n'appartenait pas au Sénat, élu au suffrage universel indirect, de se prononcer sur la poursuite du mandat de l'élu de la nation tout entière.
M. Patrice Gélard, président, a relevé que les objections concernant la présence d'un président destitué au Conseil constitutionnel devaient prendre en compte le fait que la destitution ne valait pas condamnation pénale. Il a ajouté que la participation du Sénat à la procédure prévue à l'article 68 n'avait nullement été contestée lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle par les députés.
M. Pierre-Yves Collombat a pour sa part jugé que la modification introduite dans la Constitution, au mieux, ne changerait rien et, au pire, offrirait le moyen de provoquer la déstabilisation politique du Président de la République. En l'état actuel de nos institutions, selon lui, seule, la droite parlementaire serait effectivement en mesure de mettre en cause la responsabilité du chef de l'Etat.
M. Robert Badinter a rappelé la déclaration du Président de la République, le 11 mars 2002, selon laquelle le statut du chef de l'Etat touchait aux « fondements mêmes de la République ». Souscrivant à ces propos, il a jugé indispensable de conserver l'équilibre de la Constitution. Il s'est étonné que l'innovation sans précédent introduite par la réforme constitutionnelle soit prise à l'initiative d'une majorité qui se réclamait du gaullisme. De même, il a constaté que la responsabilité politique du Président de la République élu au suffrage universel direct serait mise en cause devant le Parlement composé de deux assemblées dont l'une, le Sénat, ne bénéficiait que d'une légitimité démocratique seconde. Il a rappelé qu'au départ, les interrogations soulevées par le statut du chef de l'Etat portaient sur le caractère peut-être excessif des immunités qui lui étaient reconnues. Il a souligné à cet égard que l'arrêt de la Cour de cassation avait clarifié la situation en posant le principe, incontestable, de l'irresponsabilité pénale du chef de l'Etat, sous la double réserve de la haute trahison et de la compétence de la Cour pénale internationale. De même, il apparaissait évident que le chef de l'Etat devait échapper aux poursuites pendant la durée de son mandat. Selon M. Robert Badinter, il était légitime qu'une révision constitutionnelle clarifie, sur la base des positions de la Cour de cassation, le régime des immunités du Président de la République.
Cependant, M. Robert Badinter a vivement déploré que le projet de loi constitutionnelle ne s'en tienne pas à cette simple clarification, mais pose le principe d'une immunité totale du chef de l'Etat, y compris sur le plan civil. Il a estimé qu'ainsi, celui-ci, placé en quelque sorte « sous globe », ne répondrait plus d'aucun de ses actes, même ceux liés à de simples incidents privés. Il a ajouté qu'il avait fallu, en conséquence, chercher une contrepartie à cette protection et qu'à l'exemple de la procédure d'« impeachment » américaine, les initiateurs de la réforme avaient conçu une procédure d'empêchement à la française. Il a souhaité attirer l'attention sur le risque d'affaiblissement considérable de la fonction présidentielle que pourrait induire un tel dispositif. En effet, compte tenu de la publicité qui s'attacherait à l'ensemble de la procédure, le chef de l'Etat se verrait mis en cause devant le seul tribunal qui comptait, celui de l'opinion publique.
M. Patrice Gélard, président, a rappelé que le Général de Gaulle, comme il l'avait montré en mettant en jeu son mandat à l'occasion des consultations référendaires, n'avait jamais écarté le principe d'une mise en cause de la responsabilité politique du chef de l'Etat. Il a également indiqué que le Président de la République qui serait menacé d'une procédure de destitution conserverait la faculté de dissoudre l'Assemblée nationale. Enfin, il a souligné que plusieurs des risques évoqués par M. Robert Badinter existaient d'ores et déjà dans le cadre des dispositions de l'article 68 relatives à la mise en cause de la responsabilité du chef de l'Etat pour haute trahison.
M. Nicolas Alfonsi a estimé que la possibilité pour un ancien Président de la République destitué de siéger au Conseil constitutionnel représentait une véritable difficulté, qui pourrait toutefois être contournée par une solution que le Conseil constitutionnel dégagerait lui-même de manière prétorienne. Il a rappelé qu'en tout état de cause, le chef de l'Etat disposait du droit de dissolution et qu'il pourrait faire trancher par le peuple un litige qui l'opposerait à la représentation nationale. Il a relevé, par ailleurs, que dans le cadre de la procédure de destitution, seuls, les votes favorables seraient pris en compte et qu'aucune délégation ne serait admise, ce qui interdirait à un parlementaire empêché de participer au scrutin.
M. Pierre Fauchon a souligné qu'il était nécessaire de moderniser les dispositions constitutionnelles relatives à la haute trahison et de rééquilibrer les institutions de la Ve République. Il a estimé caricaturaux beaucoup des risques invoqués à l'encontre de la révision constitutionnelle. En revanche, il a jugé inadmissible de permettre à un président destitué de siéger de droit au Conseil constitutionnel. Selon lui, il n'y avait pas lieu de mettre le chef de l'Etat à l'abri de toute action civile : le Président était en effet un « mandataire politique » qui ne devait pas être sacralisé. Il a rappelé que le chef de l'Etat pouvait, sous l'empire des dispositions constitutionnelles actuelles, faire l'objet d'actions civiles et que cette faculté ne semblait pas avoir suscité, jusqu'à présent, de réelles difficultés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé pour sa part nécessaire de prévoir qu'un président faisant l'objet d'une procédure de destitution ne puisse dissoudre l'Assemblée nationale. Il a considéré, en outre, qu'il était impossible d'envisager la présence d'un président destitué parmi les membres du Conseil constitutionnel. Il a enfin critiqué l'immunité civile qui serait reconnue au Chef de l'Etat en jugeant inadmissible, par exemple, l'impossibilité de divorcer qui en résulterait pour le conjoint du président.
M. Hugues Portelli a rappelé la genèse du projet de loi constitutionnelle en soulignant que cette révision avait pour objet d'écarter la jurisprudence du Conseil constitutionnel et d'appliquer, au contraire, celle de la Cour de cassation. Il a ajouté que, sur cette base, la commission Avril avait, à l'initiative du professeur Guy Carcassonne, élargi l'immunité du Président à la matière civile et administrative et, en contrepartie, souhaité trouver un moyen d'autoriser la mise en cause de la responsabilité du chef de l'Etat avec l'institution de la procédure de destitution. Les nouvelles dispositions, a-t-il poursuivi, suscitaient des difficultés qui n'avaient pas été initialement perçues, telles que la présence du Président destitué au Conseil constitutionnel. Il s'est d'ailleurs interrogé sur la pertinence des dispositions constitutionnelles actuelles, selon lesquelles les anciens Présidents de la République siègent de droit au Conseil. M. Hugues Portelli a estimé qu'il aurait été plus sage de ne pas modifier la Constitution et qu'en tout état de cause, les dispositions proposées apparaissaient difficilement applicables et devraient sans doute être prochainement révisées.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a d'abord relevé que plusieurs des objections présentées à l'encontre du dispositif proposé valaient également pour la procédure actuelle. Il a rappelé que chacun s'accordait pour juger insatisfaisante la procédure actuelle de mise en cause du Président de la République devant la Haute Cour de justice. Il a souligné que la nouvelle procédure proposée par la révision constitutionnelle apparaissait meilleure, car elle ne présentait pas de caractère juridictionnel. Il a observé que la destitution permettrait, le cas échéant, d'engager des poursuites pénales contre un président qui aurait commis une infraction et que c'est seulement dans le cas d'une condamnation que la présence du chef de l'Etat au Conseil constitutionnel soulèverait une réelle difficulté. Il a douté, enfin, que la nouvelle procédure de destitution aboutisse jamais, rappelant qu'aux Etats-Unis, aucun président n'avait été destitué au terme de la procédure d' « impeachment ».
Enfin, la commission a adopté le projet de loi constitutionnelle n° 162 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, portant modification du titre IX de la Constitution.
Nomination de rapporteurs
La commission a procédé à la nomination de :
- M. Patrice Gélard, comme rapporteur sur le projet de loi n° 3407 (AN - XIIe législature), sur la Commission nationale consultative sur les droits de l'homme (sous réserve de son adoption et de sa transmission par l'Assemblée nationale) ;
- M. Jean-Patrick Courtois, comme rapporteur sur la proposition de résolution n° 180 (2006-2007), présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de décision du Conseil portant création de l'Office européen de police (Europol) (n° E 3383).
Jeudi 1er février 2007
- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président, et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. -Rencontre avec Lady Hélène Hayman, présidente de la Chambre des Lords
Au cours d'une réunion organisée en commune avec la délégation pour l'Union européenne et le groupe d'amitié France-Royaume-Uni, la commission a entendu Lady Hélène Hayman, présidente de la Chambre des Lords.
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.