Jeudi 24 août 2006
- Présidence de M. Serge Vinçon, président -Situation au Liban - Audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères
La commission, élargie au groupe sénatorial d'amitié France-Liban, a procédé à l'audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur la situation au Liban.
M. Serge Vinçon, président, a tout d'abord remercié le ministre pour sa disponibilité, en dépit d'un agenda chargé, à l'égard de la commission, élargie pour l'occasion aux membres du groupe d'amitié France-Liban présidé par M. Adrien Gouteyron, afin d'évoquer la situation actuelle de ce pays meurtri.
M. Serge Vinçon, président, a rappelé qu'après un mois de conflit et un peu plus de 10 jours après le début d'un cessez-le-feu fragile, la résolution 1701 du Conseil de sécurité attendait d'être mise en oeuvre, en particulier pour ce qui concerne la constitution d'une FINUL renforcée chargée, entre autres choses, d'aider l'armée libanaise à, comme le prévoit la résolution, « établir entre la ligne bleue et le fleuve Litani une zone d'exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres que ceux de l'armée libanaise et de la FINUL ».
C'était là, a estimé le président, l'un des points délicats de la mission de cette Force, mission sur laquelle la France souhaitait légitimement obtenir des garanties et des précisions supplémentaires pour s'engager plus avant sur le plan militaire. A la veille d'une réunion importante avec les ministres européens des affaires étrangères, à Bruxelles, il a demandé au ministre d'apporter à la commission des précisions sur ce que pouvait et voulait faire la France dans le cadre de cette Force et à quelles conditions.
M. Serge Vinçon, président, a estimé que cette crise avait été l'occasion pour la France de jouer un rôle central dans la phase diplomatique intense qui avait précédé le cessez-le-feu, rôle constructif qu'il a tenu à saluer et qui a réuni un large consensus politique national. Ce fut également l'occasion de préciser la nature des relations que la France entend entretenir avec deux importants protagonistes régionaux de ce conflit : l'Iran et la Syrie. C'était là aussi un sujet essentiel sur lequel le ministre pourrait livrer son analyse.
M. Philippe Douste-Blazy a tout d'abord rappelé les événements qui avaient conduit au développement de la crise. La capture, le 12 juillet, par le Hezbollah de deux soldats israéliens avait entraîné une riposte militaire aérienne israélienne, suivie d'une offensive terrestre qui a pris une ampleur croissante. Il en est résulté des destructions considérables au Liban et, dans le même temps, des attaques de roquette meurtrières de la part du Hezbollah sur tout le Nord d'Israël. Après 33 jours de combats, le bilan des pertes humaines et matérielles est particulièrement lourd.
Face à cette situation et sous l'impulsion du Président de la République, la diplomatie française avait pris l'initiative, dès le début de ces événements, et n'a pas relâché son effort depuis lors.
Au sein des Nations unies et dans le prolongement de la résolution 1559, la France a travaillé avec l'ensemble de ses partenaires, et en particulier les Etats-Unis, pour mettre fin aux hostilités et parvenir, à l'issue de négociations longues et difficiles, à un premier texte commun de résolution du Conseil de Sécurité. Pour sa part, le Gouvernement libanais a proposé de déployer l'armée libanaise dans le Sud Liban. Cette décision majeure a constitué un tournant dans la négociation et a rendu possible la mise au point de la résolution 1701 qui prévoit la cessation immédiate des hostilités, le déploiement de l'armée libanaise au sud du pays avec le soutien d'une FINUL renforcée, un retrait concomitant de l'armée israélienne, l'embargo sur les livraisons d'armes, et la perspective d'un accord politique entre le Liban et Israël pour assurer une solution politique à long terme et un cessez-le-feu permanent. Le vote à l'unanimité de cette résolution, le 11 août à New York, a permis la cessation des hostilités sur le terrain le 14 août au matin. La France demeure aujourd'hui très engagée dans sa mise en oeuvre, tant sur les aspects politiques que militaires.
Dans le contexte fragile qui prévaut aujourd'hui, la France a fixé quatre objectifs à son action : à court terme, la consolidation du cessez-le-feu qui passe d'abord par l'achèvement du déploiement de l'armée libanaise sur tout son territoire et le retrait israélien concomitant du Liban. Sur ce premier point, le ministre a souhaité rectifier certaines informations ou commentaires récents et a rappelé que la France avait été le pays le plus actif en ce domaine.
Avec l'envoi en cours au Liban de 200 hommes qui viennent augmenter le contingent français au sein de la FINUL, la France a été le premier pays à avoir répondu concrètement, après l'adoption de la résolution 1701, aux demandes de contribution du Secrétaire général des Nations unies à une FINUL renforcée. C'est aussi grâce au déploiement du dispositif aérien et maritime « Baliste » au large du Liban que la quasi-totalité du ravitaillement et de la logistique de la FINUL a pu être assurée, au cours des dernières semaines.
Dans ce contexte d'urgence, a poursuivi le ministre, se pose, de manière plus fondamentale, la question importante du renforcement des effectifs de la FINUL. Le Secrétaire général des Nations unies a fixé à 3.500 hommes - c'est-à-dire 4 bataillons - les effectifs supplémentaires dont il a besoin dans un premier temps. Ce renforcement est essentiel. En effet Israël est déterminé à évacuer le Liban mais subordonne l'achèvement de ce repli au déploiement de la FINUL renforcée.
A l'occasion de la réunion des ministres européens le 25 août à Bruxelles, en présence du Secrétaire général des Nations unies, ceux-ci seront en mesure d'annoncer un accord sur l'envoi de bataillons dont le Secrétaire général a besoin. Pour favoriser une telle mobilisation, la France et d'autres pays européens ont demandé que des précisions puissent être apportées par les Nations unies sur plusieurs aspects essentiels de la future FINUL renforcée : la clarification de ses missions, la définition de règles d'engagement précises et connues à l'avance, l'établissement d'une chaîne de commandement efficace, enfin des garanties sérieuses sur la sécurité des hommes de cette nouvelle FINUL. Sur tous ces points, la France estime que les assurances données à New York permettent désormais d'avancer.
Au-delà de l'urgence et dans un deuxième temps, il faudra travailler à une consolidation effective du cessez-le-feu : à cet égard une question est essentielle, celle du non-réarmement du Hezbollah. La France est résolue à donner sa pleine efficacité à l'embargo décidé par la résolution 1701 sur les armes à destination des milices au Liban.
La question de l'embargo est également liée à la levée du blocus qui affecte encore aujourd'hui les ports et aéroports libanais. Or Israël ne lèvera ce blocus qu'en contrepartie d'assurances sur l'efficacité de l'embargo sur les armes. Pour autant, il est important de réouvrir l'aéroport de Beyrouth, au moins, dans un premier temps, au trafic des passagers.
Le deuxième objectif doit être celui de la reconstruction du Liban, après les dévastations subies en 33 jours de combats. La France y tiendra toute sa place dans les domaines humanitaires, des infrastructures, et environnemental ; elle souhaite que soit organisée une Conférence internationale de donateurs qui pourrait se tenir à Paris, à Beyrouth ou dans un pays de la région et qui porterait plus particulièrement sur la reconstruction à long terme du pays.
A moyen terme, un troisième objectif doit être de progresser vers la mise en oeuvre d'un cessez-le-feu et d'une solution politique durables. La réalisation de cet objectif passe par l'affirmation de l'autorité du gouvernement libanais qui doit recouvrer le monopole de l'utilisation de la force sur l'ensemble de son territoire.
Le désarmement du Hezbollah inscrit dans la résolution 1559 demeure un objectif essentiel, dont la réalisation ne pourra toutefois être obtenue que sur la base d'un consensus au sein de la vie politique libanaise. L'acceptation par le Hezbollah des dispositions de la résolution 1701, et notamment du déploiement de l'armée libanaise, peut être le signe que ce mouvement, sans renoncer à l'option militaire, entend aussi s'affirmer comme un acteur essentiel de la scène politique libanaise. Il faut maintenant conforter cette évolution, car c'est dans ce cadre que l'on peut espérer obtenir un désarmement progressif du Hezbollah.
Parallèlement, il faudra évidemment trouver une solution à la question des prisonniers, ainsi qu'à la délicate question des fermes de Chebaa. La Résolution 1701 a prévu que le Secrétaire général des Nations unies fasse des propositions sur ce sujet ; la même résolution mentionne notamment l'idée lancée par le Premier ministre libanais d'une étape de transition qui permettrait de mettre la zone de Chebaa sous le contrôle provisoire des Nations unies, en attendant de trouver une solution de fond à ce problème.
Un dernier objectif consistera à travailler à l'émergence d'une solution globale au Proche Orient. Le règlement de la question israélo-palestinienne est essentiel à cet égard.
La situation est préoccupante dans les Territoires palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza. Pas plus qu'au Liban, il n'existe de solution militaire à la crise israélo-palestinienne. Les conditions doivent donc être créées pour favoriser l'émergence d'une solution politique et diplomatique entre Israéliens et Palestiniens. Cette solution est aujourd'hui rendue très complexe depuis la formation, en mars dernier, d'un gouvernement palestinien dominé par le Hamas, qui refuse de reconnaître Israël et de renoncer à la violence.
Face à cette attitude du Hamas, la France reste fermement attachée aux 3 principes énoncés par le Quartet : le gouvernement palestinien doit reconnaître Israël, souscrire aux accords conclus entre Israël et l'OLP et renoncer à la violence. Ces principes ne sont pas négociables.
Dans le même temps, la signature par l'ensemble des forces politiques palestiniennes représentées au Conseil législatif, y compris le Hamas, d'un document d'entente nationale est un élément positif qu'il ne faut pas ignorer. A court terme, la France considère que le Président Mahmoud Abbas et les forces modérées palestiniennes doivent êtres confortés. C'est pourquoi la France a condamné, de la manière la plus claire, l'arrestation par Israël des membres élus de l'Autorité Palestinienne : il n'est pas acceptable du point de vue du droit, ni opportun du point de vue politique, de vouloir ignorer les résultats des élections palestiniennes dont tous les observateurs ont reconnu la régularité et la forte participation.
En Israël, enfin, le gouvernement en place semble hésiter sur la mise en oeuvre de son plan de désengagement unilatéral de la Cisjordanie. Le retour d'Israël à Gaza et au Liban après les retraits de 2000 et 2005 marque en effet, aux yeux de beaucoup d'Israéliens, l'échec de la politique de retrait unilatérale, de plus en plus critiquée. Le gouvernement israélien pourrait s'orienter à nouveau de façon positive vers la recherche d'un accord avec ses interlocuteurs arabes.
Au-delà du conflit israélo-palestinien, le ministre a estimé que deux autres pays doivent retenir l'attention. Avec la Syrie tout d'abord, la France continue de plaider pour que ce pays et ses dirigeants se conforment à leurs obligations au titre des diverses résolutions adoptées à New York dans le cadre de l'enquête sur la disparition de Rafic Hariri. Ce préalable doit être rappelé avec force.
S'agissant ensuite de l'Iran, le ministre a fait valoir que la volonté de ce pays d'être reconnu comme un partenaire majeur au sein de la région ne doit pas être écartée à la légère. L'intérêt de tous est d'avoir avec les dirigeants iraniens un dialogue sans complaisance mais avec l'objectif de convaincre ce pays que son intérêt est de jouer un rôle constructif dans l'évolution du Moyen Orient, au moment où, par ailleurs, la réponse de Téhéran sur le dossier nucléaire illustre les risques d'une confrontation majeure. La France poursuivra ses efforts pour rechercher les éléments d'un possible accord, sans ignorer le danger que représente l'actuel programme nucléaire iranien, mais sans minimiser le risque d'une confrontation avec les autorités de Téhéran.
M. Adrien Gouteyron, président du groupe sénatorial d'amitié France-Liban, s'est félicité de la toute prochaine intervention du Président de la République qui clarifiera le rôle que la France entend jouer dans le renforcement de la FINUL. Il a regretté que des doutes aient pu être émis, ces derniers jours, sur l'engagement de la France, alors que notre pays s'est très fortement impliqué dans le traitement de la crise actuelle, comme il l'a toujours fait en faveur du Liban. Il a mentionné une déclaration de l'un des deux membres du gouvernement libanais proches du Hezbollah, témoignant de sentiments plutôt favorables à une présence militaire française en appui de l'application de la résolution 1701. Il a ensuite interrogé le ministre des affaires étrangères sur les perspectives de poursuite du dialogue national engagé avant la crise par les différentes forces libanaises et il s'est interrogé sur la volonté du Hezbollah de se ranger pleinement dans la voie de l'action politique.
M. André Rouvière a évoqué la publicité actuellement donnée aux actions du Hezbollah visant à indemniser les victimes des destructions survenues au cours du conflit. Tout en s'interrogeant sur l'origine de fonds qui ne semblent pas connaître de limites, il a souligné qu'en agissant ainsi, le Hezbollah fragilisait délibérément le gouvernement libanais, ce qui laissait planer un doute sur son intention réelle de déposer les armes. Il a insisté sur la nécessité pour les donateurs internationaux, et particulièrement la France, d'exiger que l'assistance fournie transite exclusivement par le gouvernement libanais.
M. Robert Del Picchia a salué l'action menée par les autorités françaises au cours des dernières semaines au profit des Français du Liban. En sa qualité de président exécutif du groupe français de l'Union interparlementaire, il s'est également félicité de la position très ferme exprimée par la France à l'occasion de l'arrestation de parlementaires palestiniens. Il a évoqué les perspectives d'un éventuel succès électoral du Hezbollah au Liban, à l'image de celui du Hamas en Palestine. Il a également souhaité connaître l'opinion du ministre sur la proposition de son homologue allemand concernant l'organisation d'une conférence sur la sécurité et la coopération au Moyen-Orient.
M. Jacques Pelletier a approuvé la politique menée par la France au cours de la crise, y compris en ce qui concerne les garanties demandées à propos de la FINUL renforcée. Il s'est demandé à qui reviendrait la surveillance de la frontière entre la Syrie et le Liban. Il s'est également interrogé sur la motivation des arrestations de ministres et de parlementaires palestiniens par les autorités israéliennes. Enfin, il a évoqué la situation en Côte d'Ivoire et le risque de remise en cause de l'échéance fixée par la communauté internationale pour la prochaine élection présidentielle.
Mme Catherine Tasca a regretté l'absence de l'Europe en tant qu'acteur du règlement de la crise du Liban. Elle a demandé des précisions sur la position de nos partenaires européens à propos des arrestations de responsables palestiniens et de la levée du blocus à l'encontre du Liban.
Mme Christiane Kammermann a rendu hommage au Président de la République qui a témoigné, tout au long de la crise, d'une extrême proximité à l'égard de la situation du Liban. Elle a également salué l'action du ministère des affaires étrangères et la forte mobilisation de ses agents lors des opérations d'évacuation de nos ressortissants et de mise en place, dans des conditions particulièrement difficiles, d'une assistance humanitaire. Elle a souligné que de nombreux Français n'avaient pas été évacués et restaient sur place dans des conditions précaires. Elle a indiqué avoir obtenu de l'Archevêque de Paris une messe solennelle à leur intention et une collecte à leur profit. Enfin, elle a évoqué les conséquences politiques de la crise, et notamment le considérable renforcement de l'assise du Hezbollah.
En réponse à ces interventions, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a apporté les précisions suivantes :
- le Président de la République a fermement refusé toute décision sur le déploiement de militaires français tant que les conditions d'un accord politique n'étaient pas réunies, notamment sur la question du désarmement du Hezbollah ; l'unanimité réalisée au sein du gouvernement libanais au sujet du déploiement de l'armée libanaise au Sud Liban, puis l'acceptation, ici encore unanime, de la résolution 1701 le 16 août dernier, a, de ce point de vue, levé un obstacle important ; par ailleurs, il était nécessaire d'obtenir suffisamment de garanties et de précisions sur les conditions dans lesquelles la FINUL renforcée sera appelée à intervenir, notamment son concept d'opération et les règles d'engagement assignées aux forces ; enfin, le volume de l'engagement français au sein de cette force doit tenir compte d'un certain nombre de paramètres, afin notamment de ne pas donner prise à un éventuel chantage visant la politique française sur d'autres dossiers de la région ;
- l'accord obtenu, au sein du gouvernement libanais, sur des questions majeures témoigne à la fois de l'autorité acquise par le premier ministre, M. Fouad Siniora, au cours de cette crise, et d'une volonté du Hezbollah de s'engager plus résolument dans la voie de l'action politique ;
- la France considère bien évidemment que l'assistance internationale doit transiter par le gouvernement libanais ;
- le désarmement des milices, et donc du Hezbollah, est accepté par le gouvernement de M. Siniora, après avoir été demandé dans le cadre des accords de Taëf puis de la résolution 1559 ; il incombe aux différentes forces libanaises d'en assurer la mise en oeuvre ;
- la surveillance de la frontière entre la Syrie et le Liban doit être assurée d'abord par l'armée libanaise qui peut, si elle le souhaite, demander l'assistance de la FINUL ;
- à l'initiative de la France, l'arrestation par les autorités israéliennes de ministres et de parlementaires palestiniens a été condamnée par les ministres des affaires étrangères du G8, puis par ceux de l'Union européenne ; globalement, l'Union européenne a fait preuve d'une unité de vues au cours de la crise, notamment pour appuyer certaines demandes des pays arabes vis-à-vis de la résolution du Conseil de sécurité ; l'Italie, mais aussi l'Espagne, l'Allemagne et la Belgique ont indiqué être disposées à participer à la FINUL renforcée ;
- près de 14.000 personnes ont été rapatriées du Liban vers la France ; un hommage doit être rendu aux militaires français, mais également aux agents de nos postes diplomatiques au Liban, à Chypre et en Israël qui ont coordonné le déroulement de cette opération ;
- s'agissant de la Côte d'Ivoire, le Président Gbagbo semble effectivement s'accommoder d'un nouveau report de la date de l'élection présidentielle ; toute remise en cause du calendrier prévu risquerait d'affaiblir la confiance de l'opinion dans le processus de paix.
M. Pierre Mauroy s'est félicité de l'implication active de la diplomatie française en vue du règlement de la crise libanaise, tant par la voix du Président de la République que par l'action du ministre des affaires étrangères. Il a jugé d'autant moins compréhensible l'impression d'hésitation qu'ont semblé donner les autorités françaises au cours de la semaine écoulée à propos de notre participation à la FINUL, même s'il est bien entendu nécessaire d'obtenir des garanties quant au mandat et aux règles d'engagement de la force internationale. Il a donc estimé nécessaire de rectifier cette impression, en cohérence avec l'engagement fort de notre diplomatie. Il a également considéré que les Israéliens devraient tirer les leçons d'une crise au cours de laquelle ils ont fait un usage excessif de la force, sans pour autant obtenir le résultat souhaité au plan sécuritaire. Il a appelé de ses voeux un redressement du Liban, tout en convenant que ce processus serait long et difficile, en raison notamment de la faiblesse des structures étatiques. Enfin, il a estimé que la Syrie devrait inévitablement être associée à tout règlement global dans la région.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est associée à l'hommage rendu aux services français qui ont assisté nos ressortissants au cours du conflit. Se félicitant de la condamnation par la France de l'arrestation des ministres et députés palestiniens, elle a souhaité qu'une étape supplémentaire soit franchie en mettant fin au boycott à l'encontre du gouvernement légitimement élu par les Palestiniens. Enfin, elle a souligné que la paix et la sécurité d'Israël passaient par un arrêt des violences israéliennes dans les territoires occupés.
M. Aymeri de Montesquiou s'est félicité que sur l'insistance, notamment, de la France, les préoccupations du gouvernement libanais aient pu être prises en compte, aucune solution ne pouvant être imposée de l'extérieur. Il a par ailleurs souligné combien le sentiment d'injustice alimentait la radicalisation et le terrorisme, ce qui devait inciter la communauté internationale à exiger avec la même force la mise en oeuvre de toutes les résolutions des Nations unies. Enfin, il a regretté que l'Union européenne n'ait pas saisi l'opportunité de déployer au Liban une force sous ses propres couleurs.
M. Philippe Nogrix a souhaité savoir si Tel Aviv s'opposait à la présence, au sein de la FINUL, de contingents provenant de pays ne reconnaissant pas l'Etat d'Israël. Il s'est par ailleurs interrogé sur le risque d'un coup d'Etat au Liban.
M. Jean-Pierre Plancade s'est félicité de l'adoption de la résolution 1701, mais il s'est déclaré très perplexe sur la capacité de la communauté internationale à la mettre en oeuvre. Il s'est notamment demandé comment pourrait être obtenu le désarmement du Hezbollah alors que ce dernier considère avoir gagné la guerre. Il a demandé des précisions sur la position de pays arabes comme la Jordanie, l'Egypte ou l'Arabie saoudite qui devraient jouer un rôle modérateur mais qui se sont relativement peu exprimés au cours du conflit. Enfin, il a souligné l'hypothèque que faisait peser le dossier nucléaire iranien sur le rôle que Téhéran pouvait jouer au Liban.
M. Jacques Blanc s'est demandé si l'annonce, par l'Italie, d'une importante contribution à la FINUL, ne fragilisait pas la position française visant à obtenir préalablement des garanties sur le mandat et les règles d'engagement de la force. Il a par ailleurs considéré que la crise libanaise soulignait la nécessité de donner un nouvel élan à la politique euroméditerranéenne.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est associé aux hommages rendus à l'action de la France au cours de la crise. Il s'est interrogé sur l'attitude qu'adopterait désormais la Syrie, alors qu'il semble difficile d'exclure cette dernière des discussions sur tout règlement régional. Enfin, il a évoqué les répercussions de l'attitude de l'armée israélienne sur les opinions publiques des pays arabes, voire au sein de notre pays lui-même.
M. Charles Pasqua s'est déclaré préoccupé par la situation nouvelle engendrée par le conflit au Liban. Il a constaté que la riposte israélienne avait finalement abouti à démontrer, aux yeux de l'opinion libanaise, que le Liban n'est pas capable de se défendre autrement que grâce au Hezbollah. Soulignant que l'expérience démontrait l'étroitesse des liens entre le Hezbollah et Téhéran, il s'est déclaré persuadé que l'Iran a provoqué un conflit dont il sort renforcé, alors même que l'on constate dans d'autres pays du Moyen Orient une montée du poids politique des chiites. Il a estimé que le désarmement du Hezbollah restait suspendu au bon vouloir de ce dernier, tout en indiquant cependant que la milice chiite va désormais privilégier l'action politique. Il a jugé qu'il aurait été déraisonnable d'engager des militaires français sans obtenir préalablement des garanties sur les règles d'engagement de la force.
En réponse à ces interventions, M. Philippe Douste-Blazy a apporté les précisions suivantes :
- il n'était pas envisageable d'annoncer le volume de l'engagement militaire français sans avoir obtenu des garanties quant à la sécurité et aux règles d'engagement de la force ;
- si la Syrie demeure un acteur majeur pour tout règlement dans la région, force est de constater qu'il n'existe pas actuellement de relation de confiance suffisamment solide avec ses dirigeants pour engager un dialogue constructif ;
- l'établissement de relations avec le Hamas reste suspendu au respect, par ce dernier, de trois conditions : la reconnaissance d'Israël et des accords israélo-palestiniens, ainsi que l'arrêt de la violence ;
- s'agissant de la situation en Palestine, les discussions entre le Fatah et le Hamas constituent un signe encourageant, de même que la médiation égyptienne en vue d'obtenir la libération du soldat israélien retenu prisonnier ;
- la crise libanaise et le dossier nucléaire iranien constituent deux sujets bien distincts ; pour autant, l'Iran dispose, au Liban, d'une occasion de démontrer à la communauté internationale qu'il peut jouer un rôle stabilisateur dans la région ;
- il n'était pas possible à l'Union européenne d'assumer seule la responsabilité du renforcement de la FINUL, compte tenu du volume de forces et du délai de déploiement demandés par les Nations unies ;
- Israël ne semble pas avoir d'objection à la présence au sein de la FINUL de troupes marocaines ou saoudiennes ;
- l'Italie a demandé les mêmes garanties que la France pour participer à la FINUL renforcée ;
- le conflit du Liban laissera des traces dans les opinions publiques musulmanes, les dirigeants du Hezbollah se posant en catalyseurs des courants les plus radicaux ;
- s'agissant du dossier nucléaire iranien, il importe absolument de préserver l'unité de la communauté internationale, avec l'objectif d'établir, tant qu'il en est encore temps, un réel dialogue avec Téhéran.