Mercredi 14 juin 2006
- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, présidentRéunion du Bureau - Compte rendu
M. Henri Revol, sénateur, président, a informé la délégation des points évoqués lors de la réunion du Bureau du 31 mai 2006, en ce qui concerne la poursuite du partenariat « parlementaires-scientifiques » avec l'Académie des Sciences et l'évolution du fonctionnement de l'EPTA (European Parliamentary Technology Assessment).
Santé - Compatibilité électromagnétique des dispositifs médicaux - Communication
Puis l'Office a approuvé la demande présentée par M. Claude Birraux, député, premier vice-président, d'organiser une audition publique sur la compatibilité électromagnétique des dispositifs médicaux, qui permettra d'approfondir la notion de « pollution électromagnétique » et qui s'inscrit dans le prolongement des travaux conduits par MM. Daniel Raoul et Jean-Louis Lorrain, sénateurs, sur « L'incidence éventuelle de la téléphonie mobile sur la santé ».
Patrimoine - Techniques de restauration des oeuvres d'art - Examen du rapport d'information
L'Office a ensuite procédé à l'examen du rapport d'information de M. Christian Kert, député, sur les techniques de restauration des oeuvres d'art et la protection du patrimoine face aux attaques du vieillissement et des pollutions.
M. Christian Kert, député, rapporteur, a indiqué que son rapport se proposait de répondre à plusieurs interrogations. Restaure-t-on trop ? Restaure-t-on mal ? La science ne se substitue-t-elle pas à l'art ? Les monuments historiques sont-ils en péril ? Y a-t-il d'autres solutions que la restauration ?
Puis il a présenté quelques séquences vidéo rapportées des missions effectuées dans le cadre du rapport, qui permettent de bien appréhender, dans le domaine de la peinture et de la sculpture, ce qu'est aujourd'hui la restauration des oeuvres d'art.
La première séquence, consacrée à l'histoire et à la philosophie générale de la restauration, permet de repérer dans le temps les changements importants. D'une part, après les restaurateurs royaux, la restauration a pris une allure plus professionnelle au XIXe siècle et, à la même époque s'est développée une véritable « science des matériaux », pour alléger les vernis ou remplacer les supports de toile. D'autre part, également au cours du XIXe siècle, on a assisté à une réelle prise de conscience de la nécessité d'une « éthique de la restauration », dont la théorie actuelle, née en Italie, date du milieu du XXe siècle.
M. Christian Kert, député, rapporteur, a souligné que le restaurateur était en quête d'une identité et que la profession était à la recherche d'un qualificatif. Si la dénomination de « restaurateur conservateur » lui conviendrait, l'usage en est, en France, malaisé. D'autant qu'à la notion de métier de restaurateur se substitue peu à peu celle de profession de conservation-restauration, caractérisée par une connaissance approfondie des biens culturels, de leurs matériaux constitutifs, des processus et des phénomènes de dégradation.
Derrière le pinceau, le burin, la spatule d'or fin, le rayon laser, un bon millier de personnes passionnées par ce métier, sont les « élus » qui « touchent aux oeuvres » et l'on attend désormais d'eux qu'ils sachent tout d'une oeuvre et de son environnement, mais qu'ils aient l'humilité de s'effacer derrière celle-ci. Le travail du restaurateur doit demeurer réversible, car toute intervention peut être remise en cause à tout moment, puisqu'elle est inévitablement l'expression d'une technique, d'un goût ou d'un style, d'une époque et d'une culture donnés.
Avant de présenter la deuxième séquence, où différentes notions - restauration « curative », « esthétique » ou « préventive », « réactivation » d'une oeuvre - sont expliquées, M. Christian Kert, député, rapporteur, a précisé que, le sujet étant immense, il avait abandonné l'idée de traiter la photo, l'image, le film et le son. Une visite à l'INA a convaincu le rapporteur que ce domaine, à lui seul, méritait une étude. De même que « l'écrit », le livre à lui seul également pouvait donner lieu à un rapport. Pour cela, il suffit d'un seul exemple : à Prague, à la suite des inondations qui ont noyé les parties basses de la ville, 30 tonnes de livres de la Bibliothèque Nationale ont été submergées par un torrent de boue. On a « congelé » les 30 tonnes de papier et l'on a fait sécher l'un après l'autre chaque ouvrage avant de le traiter avec un fixateur ! A Paris, dans la perspective d'une crue de la Seine, comparable à celle de 1910, des plans de sauvegarde du livre, des archives, des oeuvres peintes, sont établis, comme ils le sont à Florence, à Prague, à Londres...
Cependant, le livre ne pouvait être totalement absent du rapport : l'intervention de l'Assemblée nationale à l'occasion du tricentenaire de Saint-Pétersbourg pour préserver l'initiative de Catherine II de Russie sauvant la bibliothèque de Voltaire constitue un exemple de conservation et figure dans la quatrième partie du rapport.
M. Christian Kert, député, rapporteur, a présenté trois autres séquences consacrées respectivement :
- à l'utilisation de la lumière, UV et infrarouge, sur les toiles, qui permet de déceler les intentions esthétiques de l'artiste ;
- à l'utilisation de la radiographie sur les statues et les vases, qui constitue un outil performant pour détecter les procédés de montage, les restaurations anciennes et les faux, ce qui a donné naissance à une « science des restaurations abusives et des faux » ;
- à l'utilisation d'un accélérateur de particules, AGLAE, qui autorise des analyses sans prélèvements et des investigations « non destructives », pour connaître notamment la composition des objets.
M. Christian Kert, député, rapporteur, a toutefois souligné que la science ne permettait pas de « tout faire » en matière de restauration, puis il a présenté une sixième séquence sur les investigations effectuées à l'Assemblée nationale sur « Oceanus », les moyens d'investigation actuels ne permettant d'aller plus loin.
Après la présentation de la dernière séquence relative au statut et aux compétences des restaurateurs, M. Christian Kert, député, rapporteur, a indiqué que son rapport se composait de quatre parties.
Les deux premières s'ouvrent sur les horizons scientifiques de la restauration et de la conservation qui deviendra, au fil du rapport, la conservation préventive.
La troisième partie correspond à cette préoccupation humaine, à ce souci de reconnaissance des valeurs fondamentales qui animent les métiers de la pierre, du bois, du verre, des tissus...
Enfin, la quatrième partie est celle des « grands espaces », celle des exemples choisis comme susceptibles d'illustrer au mieux les préoccupations que posent les oeuvres et les monuments historiques en ce début de XXIe siècle. A chaque exemple correspond une philosophie de prévention du vieillissement ou des pollutions, une philosophie de la conservation des oeuvres, de leur protection, de leur « résurrection » parfois, grâce à la restauration.
Le rapport évoque les différentes techniques en matière de restauration, les apports de la science et des technologies nouvelles, l'usage adapté aux oeuvres d'art d'un matériel souvent d'origine médicale, les manques en matière de miniaturisation de certains matériels.
Il aborde également les difficultés rencontrées depuis cinq ans en raison de l'insuffisance des crédits consacrés aux monuments historiques et de leurs conséquences immédiates en termes de pertes de savoir et d'emplois. Le non-remplacement dans les laboratoires de recherche du ou des spécialistes met en danger notre patrimoine.
La question de la pérennisation de l'oeuvre est également évoquée : lorsqu'un péril la guette, faut-il la conserver en l'état, au risque de la voir disparaître, lui accordant ainsi un « droit à l'euthanasie », ou faut-il restaurer l'oeuvre, reconstituer le site archéologique, redresser les murs d'un château, au risque que l'oeuvre restituée n'ait plus qu'une lointaine parenté avec l'oeuvre originale ?
Le dialogue entre l'art et la science s'est instauré à la faveur du progrès technologique. Rayons X, microscopes électroniques, accélérateurs de particules, chromatographes, fraisage numérique, utilisation de la numérisation en 3 D... tous ces instruments font aujourd'hui partie de la trousse à outils des restaurateurs. La science a ouvert de nouveaux champs d'investigation pour la connaissance des oeuvres.
Aujourd'hui, on souhaite que le travail du restaurateur demeure réversible ; sans que cela soit une « fin en soi », on considère que toute intervention doit pouvoir être remise en cause à tout moment, car elle est inévitablement l'expression d'une technique, d'un goût ou d'un style, d'une époque et d'une culture donnée.
Apparemment, le danger semble écarté quant au risque d'une « pandémie restauratrice ». Mais d'autres risques demeurent : ici, des « outils technologiques » mal ou incomplètement utilisés, là, le manque de retour d'expérience dans l'utilisation de nouvelles techniques ; là encore l'absence d'évaluation et d'études préalables suffisantes..... tant de sujets de préoccupations qui font craindre que l'on continue à restaurer par facilité plutôt que dépenser pour conserver.
M. Henri Revol, sénateur, président, après avoir félicité le rapporteur pour l'innovation apportée dans la présentation du rapport et la qualité de celui-ci, a évoqué les travaux de restauration « virtuels » entrepris au sein de l'Ecole des Arts et Métiers de Cluny, et concernant l'ancienne abbaye.
M. Christian Kert, député, rapporteur, a confirmé cette tendance générale et rappelé la polémique née à propos de la reconstruction du Colisée à Rome, avec des apports de matériaux modernes. Toutefois, on peut trouver des contre-exemples : le Parlement de Bretagne à Rennes, ou le château de Pierre le Grand à Peterhof.
M. Claude Birraux, député, premier vice-président, a souligné, à son tour, l'originalité de la présentation du rapport, et a demandé si la question évoquée, lors de l'examen de l'étude de faisabilité, sur l'éventualité d'une nouvelle querelle entre les « anciens » et les « modernes », à propos des nouvelles méthodes et des nouvelles technologies, avait trouvé une réponse.
M. Christian Kert, député, rapporteur, a estimé que les clivages s'estompent. Les polémiques se sont atténuées, la science est vraiment devenue un support de la connaissance des oeuvres d'art, et la tendance de tous, restaurateurs du patrimoine compris, formateurs, conservateurs est d'aller vers la conservation préventive, la restauration étant le dernier recours pour maintenir une oeuvre en vie.
Après avoir réaffirmé la nécessité absolue d'inverser le phénomène de baisse de crédits en faveur des monuments historiques, il a présenté ses recommandations.
M. Henri Revol, sénateur, président, a proposé alors d'approuver ce rapport, qui a été adopté.