Mercredi 3 mai 2006
- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président de l'officeEnvironnement - Recherche en milieu polaire - Communication
M. Henri Revol, sénateur, président, a indiqué que M. Christian Gaudin, sénateur, rapporteur de l'étude sur « La place de la France dans les enjeux des recherches en milieu polaire : le cas de l'Antarctique » venait d'ouvrir un journal Internet consultable à l'adresse suivante http: # &Nomination d'un rapporteur
Puis l'Office a procédé à la nomination de M. Marcel-Pierre Cléach, sénateur, rapporteur de la saisine du Bureau du Sénat concernant « l'apport de la recherche à l'évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches ».
Aéronautique et espace - Politique spatiale du futur - Etude de faisabilité
L'Office parlementaire a procédé à l'examen de l'étude de faisabilité du rapport de M. Henri Revol, sénateur, et de M. Christian Cabal, député, rapporteurs, sur les grands domaines programmatiques de la politique spatiale du futur.
M. Henri Revol, sénateur, rapporteur, a rappelé que, selon la saisine du président de la commission des affaires économiques du Sénat, le rapport doit notamment traiter l'accès à l'espace, les applications grand public et en particulier les télécommunications, le développement durable et la surveillance de la planète pour la prévision et la détection des catastrophes, la sécurité et la défense, la recherche scientifique dans tous les thèmes utilisant l'espace. Ce rapport s'inscrit dans la continuité du rapport de l'Office publié en 2001, dont la plupart des recommandations ont été suivies par les pouvoirs publics. Dix ans étant nécessaires pour mettre en oeuvre des programmes spatiaux, les grands choix de la politique de l'espace de 2015 sont à faire sans tarder.
M. Christian Cabal, député, rapporteur, a indiqué que les tables rondes du colloque du 2 novembre 2005, organisées pour préparer la présente étude de faisabilité, ont permis de faire le point sur les enjeux technologiques des grands programmes spatiaux civils et militaires. Après avoir été longtemps motrice de l'Europe spatiale, la France, tout en restant une référence européenne et mondiale, n'est plus une puissance dominante. Alors que de nombreux pays s'engagent dans différents programmes spatiaux, la tentation de l'isolement doit être repoussée.
Parmi les différents thèmes de l'étude de faisabilité, trois points apparaissent d'une importance majeure : la crise de l'industrie spatiale européenne, l'identification des applications spatiales prioritaires pour l'avenir et la gouvernance du spatial.
Tant la nature des marchés que la puissance de leurs industries spatiales respectives diffèrent entre l'Europe et les Etats-Unis. Les investissements spatiaux militaires représentent vingt-trois milliards de dollars par an aux Etats-Unis, contre un à deux en Europe, le déséquilibre étant d'un facteur quatre pour les investissements civils. L'effort européen de recherche spatiale est également très inférieur à celui des Etats-Unis.
Représentant 12 % du marché mondial, le chiffre d'affaires de l'industrie spatiale européenne diminue depuis le début de la décennie, de même que le nombre d'emplois du secteur, en raison essentiellement de la réduction des budgets spatiaux, publics ou privés. La baisse des effectifs n'est pas encore terminée et s'accélérerait inévitablement avec la mise en oeuvre d'un projet d'Airbus des satellites. En tout état de cause, l'appartenance des industries spatiales à de grands groupes dont l'activité principale est l'aéronautique leur permet de survivre malgré leur faible capacité bénéficiaire.
Abordant les perspectives d'activité des différents segments du spatial, M. Henri Revol, sénateur, rapporteur, a précisé que les difficultés enregistrées avec Ariane ont été résolues au prix d'un effort financier et industriel important, la requalification du lanceur ayant été acquise début 2005. Conformément aux recommandations de l'Office parlementaire formulées en 2001, l'offre de lanceurs s'est élargie avec Soyouz, déjà opérationnel à Baïkonour dans le cadre de la société Starsem et bientôt opérationnel à Kourou. Le développement du petit lanceur Vega étant également en bonne voie, l'autonomie spatiale de l'Europe sera assurée dans les prochaines années sur la base d'une gamme de lanceurs étendue. La montée en puissance de l'Italie dans les activités spatiales est particulièrement prononcée dans ce créneau.
S'agissant des vols habités, l'importance de l'investissement dans la station spatiale internationale se justifiait, à l'origine, dans le cadre de la rivalité soviéto-américaine. Force est de constater, d'abord, que son coût de 70 milliards de dollars se révèle très lourd même dans le cadre d'une coopération internationale, ensuite que l'achèvement de sa construction dépend de la reprise des navettes spatiales américaines, et, enfin, que les résultats scientifiques se révèlent inférieurs aux attentes.
M. Christian Cabal, député, rapporteur, a souligné ensuite que les applications scientifiques du spatial sont d'une importance déterminante, en raison des progrès technologiques qu'elles induisent et du volant d'activité stable qu'elles assurent à l'industrie.
Le marché des télécommunications par satellites, qui souffre de variations annuelles importantes, s'est certes développé dans la décennie 1990, mais a décru ensuite. Représentant 36 % du chiffre d'affaires de l'industrie européenne en 2005 selon Eurospace, ce marché s'est révélé inférieur aux attentes. Des relais de croissance sont néanmoins attendus avec la vidéo mobile, la télévision haute définition et l'Internet haut débit.
Les applications spatiales de défense, qui se développent moins rapidement qu'aux Etats-Unis, ont toutefois connu des succès importants en Europe avec « Hélios-2 », « Syracuse » et « Sar-Lupe » et devraient se multiplier à l'avenir dans le nouveau cadre de la guerre dite infocentrée.
Représentant aussi un domaine d'excellence de l'Europe, l'observation de la Terre par satellite offre des possibilités sans rivales. Indispensable pour la protection de l'environnement, la lutte contre l'effet de serre et la prévention des effets des catastrophes naturelles, le développement hautement souhaitable de ce type d'applications repose toutefois sur leur financement par l'ensemble des utilisateurs de données et sur la construction d'une industrie du segment sol complète et puissante.
M. Pierre Laffitte, sénateur, a alors indiqué que son prochain rapport avec M. Claude Saunier sur le développement durable recommandera un essor rapide des applications de type GMES (Global Monitoring for Environment and Security - Surveillance globale pour l'environnement et la sécurité), indispensables pour prévenir les conséquences des catastrophes naturelles, dont le nombre augmente rapidement et le coût annuel s'élève à près de cent milliards d'euros par an.
M. Pierre Cohen, député, a estimé que les programmes GMES doivent figurer au premier rang des priorités de l'Union européenne.
Quant au positionnement et à la navigation par satellite, le projet européen Galileo, qui se révèle long à mettre en place et plus coûteux que prévu, est essentiel pour la compétitivité de nombreux secteurs d'activité et porteur d'activités économiques nouvelles.
M. Henri Revol, sénateur, rapporteur, a ensuite estimé que si le CNES doit continuer d'être le fer de lance de la politique spatiale française et européenne, il importe que les projets spatiaux bénéficient aussi du soutien de l'ANR (agence nationale de la recherche), de l'AII (agence pour l'innovation industrielle) et soient au coeur des réflexions du Haut conseil de la science et de la technologie, mis en place par la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche. S'agissant de l'Europe, il faut agir pour que l'ESA fixe des objectifs ambitieux à ses programmes optionnels et pour que, malgré le rejet du projet de Constitution européenne qui faisait du spatial une compétence partagée, l'Union européenne engage une véritable politique spatiale, notamment en faisant contribuer les directions générales utilisatrices de données spatiales au financement des investissements correspondants.
M. Christian Cabal, député, rapporteur, a souligné, enfin, l'importance de la pérennité et de l'essor de l'industrie spatiale européenne, ce qui nécessite de mettre en place de nouveaux partenariats public privé.
Les conclusions de l'étude de faisabilité, qui devront être confirmées par le rapport proprement dit, sont de plusieurs ordres.
Le maintien par l'Europe d'une capacité d'accès autonome à l'espace est vital pour éviter un embargo comme celui édicté en 1973 par les Etats-Unis pour le lancement du satellite Symphonie, ce qui suppose la mise en place de la gamme de lanceurs d'Arianespace et la définition de perspectives pour les années 2020-2030.
L'Europe fait par ailleurs la preuve d'une maîtrise exceptionnelle, et à des coûts inférieurs aux coûts américains, des programmes d'exploration automatique de l'espace, qu'il convient d'approfondir encore.
Le développement des moyens spatiaux de souveraineté est indispensable, à la fois pour l'observation, les télécommunications et la mise en place des possibilités de conflit infocentrée.
La préservation et la croissance de l'industrie spatiale européenne sont indispensables pour le développement des applications spatiales et pour la compétitivité de l'économie tout entière. L'Europe doit impérativement se placer aux avant-postes des technologies spatiales.
M. Henri Revol, sénateur, rapporteur, a estimé que, face à l'annonce de l'administration Bush d'une reprise de la conquête de l'espace, avec une base permanente sur la Lune et l'exploration de Mars, et en réplique aux vols habités en orbite de la Chine et aux projets probables du Japon dans ce domaine, la question est posée de savoir si l'Europe peut renoncer à la maîtrise complète des techniques des vols habités.
M. Christian Cabal, député, rapporteur, a souligné l'importance des efforts faits non seulement par l'Italie, mais également par l'Allemagne, qui entend jouer un rôle de leader, en partenariat éventuel avec la Russie. Favorisant l'essor du spatial en Europe, ces efforts doivent conduire la France à dynamiser encore davantage sa politique spatiale.
M. Pierre Cohen, député, a estimé que, pour définir la politique spatiale des prochaines années, il faut non seulement traiter les questions du court terme, mais également définir une vision à vingt - trente ans et en déduire les moyens à mettre en place dans le temps et en pratique.
M. Henri Revol, sénateur, rapporteur, a indiqué que le Parlement doit attirer l'attention du gouvernement sur l'importance d'un soutien amplifié au secteur spatial et qu'il faut faire triompher l'idée, dans les instances européennes, qu'une politique spatiale européenne est indispensable. Certains de ses objectifs sont à court terme, comme la mise en oeuvre rapide des programmes GMES et Galileo. Le long terme doit également être préparé, comme l'après Ariane 5, les nouvelles générations de satellites de télécommunications et de positionnement ainsi que l'accès aux vols habités. En définitive, les pouvoirs publics doivent faire preuve de vigilance pour le court terme et de capacités de prévisions pour le long terme.
M. Pierre Cohen, député, s'est alarmé de l'absence de projet spatial dans les premiers choix de l'Agence pour l'innovation industrielle et a estimé qu'il faut absolument faire comprendre aux pouvoirs publics et à l'opinion qu'un décrochage de nos investissements spatiaux actuels ruinerait toute possibilité d'action future.
Puis l'Office a autorisé, à l'unanimité des membres présents, M. Henri Revol, sénateur, et M. Christian Cabal, député, rapporteurs, à engager leur étude sur les grands domaines programmatiques de la politique spatiale du futur.