Mardi 21 mars 2006
- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.Familles monoparentales et familles recomposées -- Audition de Mme Fatima Lalem, membre du bureau national du Mouvement français pour le planning familial
La délégation a procédé à l'audition de Mme Fatima Lalem, membre du bureau national du Mouvement français pour le planning familial.
Après avoir excusé l'absence de Mme Françoise Laurant, présidente du Mouvement français pour le planning familial, empêchée, Mme Fatima Lalem a indiqué qu'elle avait une formation de sociologue et qu'elle était plus particulièrement chargée, au sein du Mouvement, des dossiers relatifs à l'éducation à la sexualité et à la contraception. Elle a rappelé que le Planning familial avait récemment fêté son 50e anniversaire et que cette célébration avait été l'occasion de débattre de nombreuses questions de société avec l'ensemble des partenaires du Planning. Elle a ainsi noté qu'une table ronde avait été organisée sur le thème des acquis du féminisme, dont certains demeurent fragiles, à l'exemple du droit à l'avortement, actuellement remis en cause dans certains Etats américains ainsi que dans plusieurs pays européens, voire en France, de façon indirecte, comme l'avait montré le débat sur l'amendement dit « Garraud », qui tendait à permettre l'indemnisation des femmes enceintes ayant perdu leur enfant dans un accident de la circulation. Elle a également fait observer que, si la grande majorité de la population française était attachée à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), certains droits des femmes étaient bafoués, citant les violences sexistes et le sexisme en général, dont l'acuité est réelle dans certaines banlieues. A cet égard, elle a rappelé qu'une femme mourait tous les quatre jours sous les coups de son conjoint ou compagnon et s'est félicitée de l'adoption récente d'une proposition de loi d'initiative sénatoriale tendant à renforcer la lutte contre les violences au sein du couple, même si elle a estimé que le volet prévention, notamment dès le plus jeune âge, restait à élaborer.
Elle a fait observer que la monoparentalité concernait très majoritairement des femmes qui doivent élever seules leurs enfants. Elle a regretté que certains acteurs sociaux aient souligné la carence éducative de ces mères dans les violences urbaines qui ont touché la France en novembre 2005, et a indiqué qu'il n'existait aucun lien déterminant entre la structure familiale monoparentale et les difficultés connues ou causées par les enfants, telles que la délinquance juvénile. Elle a estimé qu'il convenait plutôt de rechercher ce lien dans la situation économique et sociale des femmes vivant en situation de monoparentalité.
Mme Fatima Lalem a indiqué que le Planning familial, grâce aux groupes de parole qu'il organise, par exemple sur la contraception et la prévention du sida, rencontrait de nombreuses femmes en difficulté, aussi bien dans les banlieues que dans des zones rurales isolées. Elle a constaté que le principal enseignement à tirer de cette expérience consistait à porter une attention particulière à l'accompagnement de ces femmes, et notamment les mères de familles monoparentales, en particulier en matière d'activités périscolaires, car beaucoup d'entre elles sont confrontées à la gestion du temps partiel subi. Elle a également insisté sur la nécessité d'aborder la question des rythmes de vie et celle de la prise en charge de la petite enfance, la France ayant, selon elle, un retard considérable dans ce domaine, qui accentue les difficultés quotidiennes des familles monoparentales.
Enfin, elle a indiqué que, lors de son dernier congrès, le Mouvement français du planning familial avait adopté une motion d'orientation abordant les droits des parents homosexuels et réclamant la levée des discriminations dont les couples de même sexe continuent d'être les victimes.
Mme Gisèle Gautier, présidente, évoquant l' « amendement Garraud », finalement retiré, a insisté sur le fait qu'il ne visait absolument pas à remettre en cause l'IVG.
Par ailleurs, elle a annoncé que la délégation entendrait très prochainement des représentants de l'association des parents gays et lesbiens et a noté que, dans une décision récente, la justice n'avait pas reconnu le bénéfice du congé de paternité à un couple de femmes élevant un enfant.
Mme Fatima Lalem a estimé que l'attribution de droits parentaux à un couple homosexuel ne paraissait pas illégitime, un tel couple partageant les rôles éducatifs des parents comme un couple hétérosexuel. A cet égard, elle a regretté que la loi, élaborée pour les couples et parents hétérosexuels, occulte la situation des homosexuels envers les enfants, ce qui peut paraître paradoxal depuis l'institution du pacte civil de solidarité.
Mme Annie David a estimé que la vigilance s'imposait sur les acquis du féminisme, et a fait observer que l'inquiétude exprimée à l'occasion de la discussion de l' « amendement Garraud » apparaissait légitime, compte tenu des intentions des associations qui étaient favorables à cet amendement.
Elle a, par ailleurs, insisté sur la nécessité d'accorder à toute personne salariée les moyens effectifs d'élever ses enfants. S'agissant de la prise en charge de la petite enfance, elle a fait part de sa méfiance à l'égard des mesures qui tendent à favoriser le congé parental, celui-ci étant, en pratique, quasiment toujours pris par la femme, qui risque de ce fait de se retrouver dans une situation de précarité en cas de rupture du couple. Afin d'améliorer la prévention des violences envers les femmes, elle a appelé de ses voeux le développement de la formation des enseignants à la lutte contre les stéréotypes sexués, dès l'école maternelle. Enfin, elle a également réfuté le lien parfois établi entre la monoparentalité et la délinquance.
Mme Hélène Luc a d'abord exprimé sa gratitude envers le Planning familial pour le travail qu'il accomplit. Evoquant le drame vécu par la jeune Sohane, brûlée vive à Vitry-sur-Seine, elle a rappelé l'expérience menée au niveau des collèges, en collaboration avec l'inspection académique du Val-de-Marne, pour insister sur l'importance du caractère précoce de la prévention des violences sexistes. Elle a déploré la pénurie de logements, en particulier en région parisienne et dans les grandes villes, qui entraîne des difficultés supplémentaires pour les femmes qui élèvent seules leurs enfants. Elle a qualifié d' « encourageantes » les statistiques qui démontrent l'inexistence d'un lien entre la monoparentalité et la délinquance des enfants, et a noté que de nombreuses femmes élevant seules leurs enfants s'investissaient dans la vie associative ou syndicale. Elle s'est interrogée sur la possibilité de recourir davantage à la télévision pour réaliser des émissions éducatives sur les familles monoparentales et recomposées. Enfin, elle s'est enquise de l'évolution de la contraception chez les jeunes filles, notant que le Norlevo, médicament destiné à une contraception d'urgence, serait utilisé de plus en plus fréquemment et pour une fonction qui n'était pas la sienne.
Mme Fatima Lalem a estimé que les familles monoparentales et les familles recomposées étaient confrontées à des difficultés différentes, la recomposition familiale pouvant provoquer une crise, en particulier au moment de l'adolescence. Sur la question de la contraception médicamenteuse sans hospitalisation, qui existe depuis 2004, elle a indiqué que le Planning familial effectuait un travail important, en relation avec les médecins. Elle a néanmoins regretté que les centres de planification n'aient pas pour mission d'effectuer des IVG médicamenteuses, qui sont actuellement réalisées dans ces centres de façon très limitée, par exemple dans le département de la Seine-Saint-Denis.
Mme Annie David a estimé que les missions des centres de planification devraient être étendues et que la solution la plus efficace pour ce faire consisterait en un conventionnement avec le conseil général. Elle a également regretté que les IVG médicamenteuses ne puissent être réalisées que par des médecins libéraux, ce qui oblige les femmes qui y recourent à leur régler directement leurs honoraires. Elle s'est aussi interrogée sur la possibilité d'administrer des médicaments moins coûteux dans les centres de planification.
Mme Fatima Lalem a insisté sur la nécessité pour les centres de planification de disposer de personnels bien formés et en nombre suffisant. Elle a indiqué que le Norlevo devait être prescrit à des fins de contraception d'urgence mais que son efficacité n'était pas totale, la marge de risque étant évaluée à 5 %. Elle a précisé que cette contraception d'urgence était une stratégie de rattrapage : s'il n'y a pas de risque pour la santé à la prendre plusieurs fois, elle ne peut remplacer une contraception régulière. Elle a donc souhaité que les pharmaciens, en particulier, orientent les jeunes filles vers les centres de planification.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué qu'un appel à témoignages avait été lancé en vue d'un prochain numéro de l'émission télévisée « Ça se discute », consacré aux familles recomposées. Elle a ensuite souhaité savoir à quelles difficultés étaient principalement confrontées les mères de familles monoparentales.
Mme Fatima Lalem a indiqué que les difficultés évoquées par ces femmes dépendaient fortement de leur situation économique et sociale. Elle a estimé que l'accent devait être porté sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur la question des rythmes de vie, et en particulier l'adaptation des horaires des crèches et des écoles au travail des femmes, la précarisation des horaires de travail engendrant des coûts importants en termes de garde d'enfants.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé que Mme Catherine Vautrin avait annoncé l'élaboration d'un projet de loi destiné à lutter contre la précarité du travail des femmes, le temps partiel notamment, en collaboration avec les services du ministère du travail. Elle s'est interrogée sur la difficulté rencontrée par les femmes élevant seules leurs enfants à refaire leur vie, plus grande que pour les hommes après une séparation.
Mme Fatima Lalem a indiqué que les conditions de vie de ces femmes étaient la source d'un stress important et qu'elles leur laissaient peu de place pour leur vie personnelle, ce qui constitue une grande différence avec les hommes. Elle a toutefois estimé que les hommes étaient également l'objet de fortes contraintes, prenant davantage la forme d'une importante pression professionnelle, et que beaucoup d'entre eux pourraient être intéressés par un rééquilibrage de leur vie professionnelle et de leur vie privée, au bénéfice de leur épanouissement personnel.