Mardi 14 mars 2006
- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président de l'OfficeNomination d'un membre de commissions d'étude
L'Office a désigné, tout d'abord, M. Jean-Claude Etienne, sénateur, pour siéger à la Commission de génie génétique et à la Commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire.
Energie - Nouvelles technologies de l'énergie et séquestration du dioxyde de carbone - Examen du rapport d'information
L'Office a procédé, ensuite, à l'examen du rapport sur les nouvelles technologies de l'énergie et la séquestration du CO2, de M. Christian Bataille et de M. Claude Birraux, députés.
Prenant la parole alternativement, les rapporteurs ont tout d'abord rappelé que le dioxyde de carbone CO2 dont les émissions proviennent essentiellement de la combustion des énergies fossiles - charbon, pétrole, gaz naturel - dans les secteurs de l'industrie, des transports et du résidentiel-tertiaire, est le plus important des gaz à effet de serre, avec près de 80 % des émissions mondiales.
Les émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie se sont élevées à 25 milliards de tonnes en 2003, les Etats-Unis étant à l'origine de 27 % de celles-ci, l'Union européenne de 16 % et la Chine de 15 %. Le Protocole de Kyoto portait, en 2003, sur moins de la moitié des émissions mondiales de CO2. A la même date, au sein de l'Union européenne, l'Allemagne a émis 854 millions de tonnes et le Royaume-Uni 540 millions de tonnes, les émissions de la France étant limitées à 390 millions de tonnes grâce à son parc électronucléaire.
La production d'électricité et l'ensemble de la branche énergie - production de chaleur, raffineries - ont été responsables de 40 % des émissions mondiales de CO2 en 2004, et, en France de 14 % seulement. Les transports sont à l'origine du quart des émissions mondiales, l'industrie du cinquième et le résidentiel tertiaire de 15 à 20 % selon les estimations.
La réduction des émissions de CO2 a de nombreux bénéfices secondaires. Le premier est d'obliger à réduire les consommations unitaires et d'augmenter l'efficacité énergétique, ce qui peut contribuer à la baisse des coûts de production et à la diminution des importations de combustibles fossiles. Le deuxième est d'inciter au développement des énergies sans carbone, ce qui contribue également à la réduction de la dépendance énergétique extérieure. En réalité, la maîtrise des émissions de CO2 ne résultera pas d'une seule technologie mais d'un ensemble de moyens, non seulement le développement des énergies sans carbone, mais aussi la maîtrise des émissions liées aux énergies fossiles, dont les réserves sont trop importantes pour qu'elles soient délaissées.
La réduction des consommations d'énergie fossile doit résulter d'une amélioration indispensable de l'efficacité énergétique.
Le remplacement des centrales thermiques au charbon obsolètes par des installations à haut rendement énergétique permettra de diminuer fortement les émissions de CO2, à production constante.
L'accroissement du rôle du gaz naturel en remplacement du charbon pourra aboutir au même résultat, si les tensions sur les prix du gaz ne handicapent pas le développement des cycles combinés à gaz pour la production électrique.
Après la mise au point des technologies de capture, de transport et de stockage dans des gisements d'hydrocarbures ou des aquifères salins ou basaltiques profonds, la séquestration du CO2 permettra de réduire les émissions des sources concentrées et massives de l'industrie, à hauteur d'environ 10 % des émissions mondiales, si les coûts correspondants sont fortement réduits. La baisse des consommations des véhicules automobiles conduira enfin à la réduction des émissions du secteur des transports, en particulier du parc automobile mondial dont le développement est très rapide.
Le développement des énergies sans carbone est également indispensable pour satisfaire les besoins mondiaux en énergie.
Les exemples de l'Allemagne et du Danemark montrent que l'éolien ne semble pas en mesure d'assurer un volume de production électrique important. Intéressant pour des sites isolés, et en particulier pour l'électrification des zones rurales dans les pays en développement, le solaire photovoltaïque ne peut non plus assurer une production de masse d'électricité, pour des raisons techniques et économiques.
Les pays qui se sont dotés d'un parc électronucléaire important sont ceux qui présentent les meilleures performances en termes de limitation de leurs rejets de gaz à effet de serre, à niveau de développement comparable. La pérennité de l'approvisionnement en uranium est assurée pour au moins cent soixante-dix ans pour les réacteurs à eau légère et pour plusieurs millénaires avec les réacteurs de 4e génération. Les coûts de production de l'électricité nucléaire, qui couvrent les dépenses de gestion des déchets radioactifs et de démantèlement, sont, par ailleurs, inférieurs à ceux des centrales thermiques à charbon, à gaz naturel ou à biomasse, ainsi qu'à l'éolien.
Pour les transports, les biocarburants de première génération, qui sont fabriqués, sous nos latitudes, à partir des réserves énergétiques des végétaux (graines de blé, de soja ou de tournesol ou de la racine de betterave), représentent une solution d'application immédiate. Produits à partir de la plante entière, les biocarburants de 2e génération présenteront l'avantage de valoriser des ressources plus abondantes et de présenter un bilan d'émission de CO2 quasiment parfait, si l'énergie utilisée pour les procédés provenait elle-même de la biomasse, tout en pouvant être une source d'hydrogène pour les piles à combustible dont la commercialisation pourrait intervenir vers 2020.
Dans les prochaines années, l'énergie sera l'objet de plusieurs défis difficiles à relever. Des investissements très lourds devront être effectués pour renouveler les nombreux équipements actuellement en service qui datent des années 1960 à 1980, et pour accroître les capacités de production requises par les pays émergents. La lutte contre l'effet de serre devra s'effectuer sans pénaliser la croissance économique, tout en se généralisant à l'ensemble des pays du monde. À cet effet, les activités de recherche et développement doivent être approfondies afin de dégager des priorités claires pour la mise en oeuvre des technologies énergétiques d'avenir.
M. Henri Revol, sénateur, président, a estimé que le rapport examiné, présenté sous la forme d'un guide alphabétique des énergies, constitue un panorama de l'ensemble des énergies particulièrement utile aux parlementaires et à tous ceux qui s'intéressent aux questions énergétiques.
M. Paul Blanc, sénateur, s'est interrogé sur les perspectives de développement des biocarburants et des utilisations de la biomasse, qui semblent rencontrer des difficultés alors que leur bilan est pourtant favorable en termes d'émissions de CO2 et d'indépendance énergétique.
M. Christian Bataille, député, rapporteur, a alors précisé que le bois énergie représente une ressource importante, dont le développement est favorisé à juste raison par les pouvoirs publics, et que les biocarburants font l'objet à court terme d'une politique dynamique d'accroissement des capacités de production, la recherche devant s'accélérer pour mettre au point les biocarburants de 2e génération, dont le bilan énergétique devrait être plus favorable.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a souligné que les biocarburants constituent une option particulièrement intéressante de par leur état liquide, précieux dans le domaine des transports. La mise au point des carburants de 2e génération nécessite une exploitation forestière plus active et un engagement de la recherche publique dans ce domaine, aussi intense que celui des laboratoires nationaux aux Etats-Unis.
M. Marcel-Pierre Cléach, sénateur, a souligné l'intérêt économique et environnemental des pompes à chaleur géothermales pour le chauffage individuel ou collectif et s'est interrogé sur la portée des recherches sur la fusion et le rôle d'ITER.
Précisant que le rapport analyse aussi les différents types de géothermie, M. Claude Birraux, député, rapporteur, a estimé que les applications de la géothermie couplée à des pompes à chaleur doivent être encouragées pour le chauffage du résidentiel-tertiaire, tandis que des expérimentations sont encore nécessaires pour la production électrique par géothermie sur roches chaudes et sèches.
M. Christian Bataille, député, rapporteur, a indiqué que le calendrier de l'énergie est le long terme, dont les perspectives sont difficiles à percevoir. Les applications de l'énergie nucléaire de fusion ne pourront intervenir qu'à l'horizon de 2060-2080, si les recherches conduites avec ITER, qui ne doivent pas monopoliser les financements, sont couronnées de succès.
M. Henri Revol, sénateur, président, a souligné l'intérêt des biocarburants pour remplacer les combustibles fossiles, dans les transports automobiles et, peut-être, l'aviation. Si la date du pic de production du pétrole, après laquelle celle-ci commencera à décliner, est encore très incertaine, les biocarburants doivent desserrer le plus vite possible la contrainte extérieure. Nécessitant la mise en place d'une organisation performante de collecte des déchets végétaux, la production de biocarburants de 2e génération par le procédé Fischer-Tropsch, consommera de grandes quantités de chaleur, que l'énergie nucléaire pourra fournir sans difficulté. Ainsi seront valorisées les énormes quantités de bois laissées sans utilisation actuellement dans les forêts françaises.
M. Christian Bataille, député, rapporteur, a estimé que les dates du pic de la production pétrolière sont très variables selon les experts et que la pénurie pétrolière est plus éloignée que ne le prétendent certaines thèses. En tout état de cause, le charbon, qui représente l'énergie fossile la plus abondante dans le monde, possède un grand avenir que l'on perçoit difficilement en France après la fermeture des mines nationales. Les carburants liquides issus du charbon prendront peut-être le relais des carburants pétroliers. L'hydrogène et les piles à combustible nécessitent des baisses de coûts très sensibles avant de trouver des applications. En tout état de cause, il faudra faire preuve d'imagination pour multiplier les solutions.
M. Christian Gaudin, sénateur, a souligné l'importance du couplage énergie-industrie et la nécessité d'éviter le transfert d'industries fortement consommatrices d'énergie, dans des pays sans préoccupation environnementale, si les charges imposées aux entreprises dans le cadre de la lutte contre l'effet de serre étaient trop importantes dans l'Union européenne.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a souligné, en réponse, l'importance de la négociation et de la mise en place d'un Protocole de Kyoto II, qui implique à la fois les Etats-Unis et les pays en développement.
M. Paul Blanc, sénateur, a rappelé l'importance historique d'une énergie bon marché pour le développement industriel, comme le montre le développement de l'industrie de l'aluminium en France, qui a reposé sur l'électricité peu coûteuse fournie par l'hydroélectricité alpine ou pyrénéenne.
Le rapport d'information sur les nouvelles technologies de l'énergie et la séquestration du CO2 a ensuite été adopté à l'unanimité.