Mardi 31 janvier 2006
- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président de l'Office.Environnement - Énergie - Audition de M. Yves Mansillon, Président de la Commission nationale du débat public, et de M. Georges Mercadal, Président de la Commission particulière du débat public sur la gestion des déchets radioactifs
L'Office parlementaire a procédé à l'audition de la Commission particulière du débat public sur la gestion des déchets radioactifs.
M. Henri Revol, sénateur, président, après avoir accueilli M. Yves Mansillon, Président de la Commission nationale du débat public (CNDP) et M. Georges Mercadal, Président de la Commission particulière du débat public (CPDP), sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue ainsi que plusieurs membres de celle-ci, a indiqué que les membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques étaient heureux, du fait de leur intérêt particulier pour cette question et de leur connaissance du sujet, de répondre à la demande de la CPDP de rencontrer des parlementaires à l'issue du débat public arrivé à son terme.
Il faut en effet rappeler, à cet égard, que, dès 1990, l'Office parlementaire a adopté, suite à une décision gouvernementale, le rapport de M. Christian Bataille, député, dont s'est largement inspirée la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, et qu'il a ensuite suivi régulièrement l'avancement des travaux jusqu'au rendez-vous de 2006 fixé par la loi elle-même.
La saisine de la CNDP par le ministre de l'écologie et le ministre délégué à l'industrie sur la gestion des déchets radioactifs constitue la première application de l'article L.121-10 sur l'organisation d'un débat public portant sur des options générales en matière d'environnement et d'aménagement.
M. Yves Mansillon, Président de la Commission nationale du débat public, a remercié de son accueil M. Henri Revol, sénateur, président, et a présenté les caractéristiques du débat qui a été organisé.
Ce débat aurait pu ne pas avoir lieu, puisque la loi de 2002 sur la démocratie de proximité offre aux ministres la possibilité d'une saisine de la CNDP sur des options générales en matière d'environnement et d'aménagement, mais ne l'impose pas. Première de cette sorte, la saisine sur la gestion des déchets radioactifs présente aussi l'originalité d'intervenir à un moment charnière, en préalable à la discussion en 2006 d'un projet de loi sur cette question. Cette saisine s'inscrit également dans un ensemble de débats sur des projets nucléaires organisés récemment par la CNDP : le projet ITER de fusion nucléaire, le réacteur de recherche Jules Horowitz à Cadarache, le renouvellement de l'usine d'enrichissement d'uranium Georges Besse à Tricastin et la construction du réacteur de type EPR (Electric power reactor) à Flamanville ; débats qui infirment les critiques des opposants au nucléaire sur le manque d'information et de consultation du public dans ce domaine.
En réponse à la saisine des ministres de l'écologie et de l'industrie, la CNDP a confirmé que la gestion des déchets radioactifs nécessitait bien un débat public, a pris en compte le calendrier de l'examen d'un projet de loi sur ce sujet en 2006 et a défini avec précision la conception et les modalités du débat. Une information de qualité, complète et accessible, a été fournie au public dès le début et pendant le débat, ce qui a impliqué que des réponses à des questions imprévues soient données au cours de son déroulement. Afin de répondre aux inquiétudes de l'opinion et renforcer la confiance envers l'information sur le nucléaire, le pluralisme de l'information a été assuré avec la présentation, dès le départ, des controverses de manière à parvenir à une meilleure compréhension des problématiques. Il a été également décidé d'anticiper le souhait du public d'aller au-delà du « comment » et d'aborder le « pourquoi » de la gestion des déchets radioactifs, c'est-à-dire l'origine des déchets radioactifs et leur caractère inéluctable. Estimant que le public aurait des difficultés à s'exprimer sur les questions techniques, la CNDP a accordé une place particulière à la question du processus de décision, comme l'y invitait d'ailleurs la saisine. Enfin la CNDP a témoigné de l'importance particulière du débat public sur la gestion des déchets radioactifs en nommant à la tête de la Commission particulière du débat public sur la gestion des déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue (CPDP), l'un de ses deux vice-présidents, M. Georges Mercadal.
La préparation du débat s'est déroulée de mars à juillet 2005. La concertation avec tous les acteurs a quelquefois été mal comprise. Conformément à la méthode usuelle de préparation d'un débat sur un équipement spécifique, il s'est agi de recenser toutes les questions posées et d'identifier et de rencontrer tous les acteurs (sans compter les partisans de tel ou tel argument), ce qui ne signifiait pas adopter leurs points de vue. Ce préalable a permis que la neutralité de la CPDP ne soit jamais ensuite mise en cause. C'est dans cette phase de préparation qu'a été élaboré le dossier d'information du public.
Le débat proprement dit s'est déroulé en trois phases. Des auditions du public ont d'abord été organisées dans les zones concernées par les recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dans les départements de la Meuse, de la Haute-Marne, du Gard et de la Manche. Ce qui pouvait apparaître comme un pari risqué a été gagné. Ensuite, les thèmes scientifiques et techniques ont été discutés à Paris. Enfin, des conférences-débats ont été organisées dans quatre régions sur différents thèmes, dont le processus de décision.
Au total, non seulement le débat a eu lieu, avec quelques manifestations certes, mais qui ne l'ont pas perturbé. L'apport de ce véritable débat public est riche, malgré une participation moyenne. 3 000 personnes ont participé aux réunions publiques, qui ont donné lieu à 850 questions, interventions ou suggestions. Le site Internet du débat a fait l'objet de 15 000 consultations. L'exposition de la Cité des sciences et de l'industrie à Paris a été visitée par 50 000 personnes.
Des citoyens de tous horizons ont participé aux réunions, principalement dans les régions concernées. Ce public a demandé la présence des élus et plus particulièrement des parlementaires dans la perspective de la discussion d'un projet de loi. Sur les questions techniques difficiles, le dialogue s'est certes déroulé entre spécialistes, mais avec l'avantage de se faire en présence du public. S'il y a eu des signes de passion et de conviction de la part d'intervenants, un véritable dialogue a néanmoins pu s'établir. Des réserves ont certes été émises sur la durée insuffisante du débat, la nécessité d'un débat national voire d'un référendum, mais tous les points de vue ont pu s'exprimer.
La crainte était exprimée, avant le débat, que seuls les opposants au nucléaire participent au débat ou au contraire qu'ils le boycottent. En réalité, toutes les opinions ont été représentées d'une manière ou d'une autre. Le réseau « Sortir du Nucléaire » et le Collectif contre l'enfouissement des déchets nucléaires n'ont pas participé au débat mais, d'une part ils ont rédigé des cahiers d'acteurs et d'autre part des associations membres du réseau Sortir du Nucléaire comme le World Wildlife Fund (WWF), France Nature Environnement (FNE) et Greenpeace ont participé non seulement à la préparation des cahiers d'acteurs, mais aussi aux réunions publiques. Conséquence du débat public sur l'EPR et des controverses sur le secret défense, certaines associations ont ensuite quitté le débat sur les déchets, des experts proches continuant toutefois d'y participer. Les organisations favorables au nucléaire se sont exprimées tout au long du débat. Tous les acteurs publics ont participé à l'ensemble des réunions, au tout premier rang la direction générale de l'énergie et des matières premières (DGEMP) du ministère délégué à l'industrie dont la présence constante, l'ouverture à la discussion et la réactivité pour répondre aux questions posées ont contribué au bon climat du débat.
M. Georges Mercadal, président de la Commission particulière du débat public sur la gestion des déchets radioactifs, a ensuite présenté les membres présents de cette commission, M. Dominique Boullier, professeur des universités en sociologie des techniques et de l'innovation, Mme Paula Ceccaldi, journaliste scientifique, M. Robert Guillaumont, chimiste nucléaire par ailleurs membre de la Commission nationale d'évaluation des recherches relatives à la gestion des déchets radioactifs (CNE), M. Jean-Paul Schapira, physicien nucléaire, directeur de recherche honoraire du CNRS et membre de la CNE, et Mme Catherine Vourc'h, spécialiste en médiation et en animation de réseaux experts. En préalable à sa présentation, M. Georges Mercadal a remis à M. Henri Revol, président, sénateur, le compte rendu et le résumé du débat, clos le 13 janvier 2006, puis il a traité de quatre points lui semblant déterminants.
Premier point évoqué par M. Georges Mercadal, le facteur temps dont la prise en compte par le public a conduit à l'interrogation suivante, lors des réunions de Bar-le-Duc, Saint Dizier, Paris, Joinville et Lyon : pourquoi « cette hâte à décider » ? À Lyon, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), n'a-t-elle pas indiqué que dix années d'études et de travaux sont nécessaires pour être sûr que le stockage géologique profond est réalisable dans des conditions de sécurité maximale, avant le dépôt d'un dossier de demande d'autorisation ? Des données doivent en effet être acquises in situ et la zone de transposition explorée en détail. Les recherches ordonnées par la loi de 1991 n'ont commencé au laboratoire de Meuse-Haute Marne qu'il y a deux ou trois ans. Le fait que le creusement du puits ait contribué en soi à la recherche est une idée mal acceptée par le public, un fait à prendre en compte, car la science est une chose et la conviction en est une autre.
Deuxième point saillant, l'élargissement du débat à l'ensemble des déchets radioactifs et des matières nucléaires est apparu indispensable. Le public a en effet plus peur d'un camion de matières valorisables, de plutonium tout particulièrement, traversant la France de La Hague à Marcoule, qu'il n'a peur de transports de colis de déchets vitrifiés entreposés et traités. Lors des trois journées organisées à la Cité des sciences et de l'industrie sur les thèmes scientifiques et techniques, de nombreuses interventions ont porté sur la nécessité d'améliorer la maîtrise de l'ensemble de la filière des déchets et matières nucléaires. Au reste, une ambiguïté a été notée concernant la notion de matières valorisables, celles-ci ne pouvant recevoir ce qualificatif que dans la perspective de la poursuite du nucléaire et devenant au contraire des déchets dans le cas d'un arrêt du nucléaire. En conséquence, l'inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables réalisé par l'ANDRA, ainsi que le Plan national de gestion des déchets radioactifs et des matières valorisables en cours de finalisation par la Direction générale de la sûreté nucléaire de la radioprotection (DGSNR) constituent des documents plébiscités par le public. Des interrogations ont toutefois été émises à propos des déchets miniers, des déchets dits historiques et des rejets.
Une forte demande a par ailleurs été exprimée d'une participation du public non seulement à l'élaboration de ces documents, mais également aux décisions sur le nucléaire. Au lieu d'une expertise uniquement conduite par les institutions du nucléaire, une expertise plurielle apparaît nécessaire. Le recours à un organisme d'expertise nord-américain par le Comité local d'information et de suivi du laboratoire de Meuse-Haute-Marne à Bure est un exemple. L'intervention de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dont l'expertise pourrait ne plus être réservée au Gouvernement mais mise au service de l'ensemble du public, y compris des collectivités territoriales, pourrait également être envisagée.
S'agissant du rôle des différents acteurs et de leur séparation, la création d'une autorité indépendante de sûreté nucléaire avait été évoquée dès avant la fin du débat, l'annonce faite ultérieurement par le Président de la République à ce sujet ayant ensuite ravivé l'intérêt de cette question. Par ailleurs, le financement de la gestion des déchets radioactifs par un organisme extérieur aux institutions du nucléaire est apparu souhaitable au public, un fonds autonome complétant au moins, sinon se substituant aux provisions et aux actifs dédiés d'EDF et des autres producteurs de déchets.
Enfin, la confidentialité des questions nucléaires est apparue comme mal vécue par le public. A titre d'exemple, les maires ne sont pas avertis du passage de convois de déchets, alors que, de l'avis du public, le maire devrait l'être pour mieux réagir en cas d'incident.
Au terme de 70 heures de réunions et de 800 interventions, une tendance se dessine, consistant à demander plus de transparence et une réduction du champ d'application du secret-défense.
Troisième point évoqué par M. Georges Mercadal, la question territoriale, dont la CPDP pense qu'elle est un « concentré des questions sociales ». Les habitants de Meuse-Haute-Marne estiment avoir le droit à s'exprimer, la pétition pour un référendum rassemblant d'ailleurs plusieurs milliers de signatures. Ces réactions ne peuvent être ni dévalorisées ni le problème d'acceptation territoriale réduit au syndrome NIMBY (Not In My BackYard - « pas dans mon arrière-cour »). Une véritable inquiétude existe sur la faisabilité d'un stockage, doublée d'un attachement à l'identité des territoires. La CPDP a conclu que les mesures d'accompagnement économique sont insuffisantes pour surmonter ce « ressenti social ». Au lieu d'un accompagnement financier, il faut bâtir un projet de développement territorial. Les acteurs du nucléaire ont reconnu, en tout état de cause, avoir un devoir de solidarité et se sont déclarés prêts à s'engager.
Quatrième point, quelles solutions le débat public fait-il émerger ? M. Georges Mercadal a indiqué que le débat ne conduit pas à telle solution plutôt qu'à telle autre. Il n'existe pas davantage d'arguments en faveur d'une solution plutôt que pour une autre. Une « remise en selle » de l'entreposage est toutefois évoquée. Sur la base de techniques éprouvées, les recherches de la loi de 1991 ont montré qu'il est possible d'atteindre des longévités de 200 à 300 ans pour un entreposage où les colis peuvent être surveillés et leur évolution mesurée, avec la possibilité de les reprendre et de les reconditionner en cas de défectuosité. L'enveloppe de béton de l'entreposage pouvant, elle-même, être réparée, l'idée est née d'un entreposage de longue durée pérennisé par reconditionnement. Dans la discussion des intérêts respectifs du stockage géologique et de l'entreposage de longue durée, deux critères ont partagé les orateurs. La réversibilité est assurée par l'entreposage, tandis que le stockage géologique ferait l'objet, selon l'ANDRA, d'une fermeture par étapes, qui ne semble pas garantir la réversibilité. Le deuxième critère est la confiance ou la défiance qui peut être placée dans l'aptitude de la société à garantir la surveillance. Pour les uns, il paraît impossible que la société s'occupe d'un entreposage pendant des siècles. Pour les autres, au contraire, le caractère dangereux de l'entreposage obligera la société à le surveiller.
Le débat a, en conséquence, élaboré une approche possible pour les 10 à 15 ans à venir. La première solution est de rester sur la solution du stockage géologique et d'avancer sur cette ligne. La deuxième consiste à remarquer qu'il serait utile, puisqu'il est possible de réaliser un entreposage, de mettre, en face de la poursuite du stockage géologique, la création simultanée d'un entreposage, dans la perspective d'une décision d'ici 10 à 15 ans. Aucune suggestion n'ayant été faite de réaliser un deuxième laboratoire dans l'argile, on aurait ainsi tout de même deux solutions, le stockage géologique à Bure et l'entreposage, la flexibilité apportée par ce dernier ayant été, au reste, demandée par la DGEMP.
M. Henri Revol, sénateur, président, a remercié M. Georges Mercadal pour son résumé oral et les documents écrits de la CPDP, dont les membres de l'Office prendront connaissance avec intérêt. Après avoir rappelé qu'un débat ne pouvait avoir lieu avec la CPDP, il a appelé les membres de l'Office à présenter leurs demandes d'informations complémentaires.
M. Christian Bataille, député, constatant que le débat public s'est focalisé sur le stockage géologique, mais que son compte rendu a évoqué l'autre voie de l'entreposage de longue durée, a rappelé que les trois axes de la loi du 30 décembre 1991 sont non pas concurrents, mais complémentaires. La séparation-transmutation devant rester dans l'éventail de solutions, il s'est enquis de l'appréciation du public sur cet axe, même si les données scientifiques correspondantes sont complexes à exposer au public.
M. Georges Mercadal, président de la CPDP, a précisé que la séparation-transmutation a été évoquée lors de la réunion du 8 octobre à la Cité des sciences, ainsi que la controverse sur le retraitement poussé.
Trois idées se dégagent : la poursuite des recherches qui fait l'unanimité, le passage à l'industrialisation qui est en soi une aventure industrielle et la position de l'administration qui préconise une avancée par étapes, avec la construction d'un démonstrateur en coopération internationale.
Un groupe de travail thématique s'est constitué sur les scénarios d'évolution des quantités et de la nature des déchets radioactifs, suivant les hypothèses d'un arrêt du nucléaire et de sa poursuite. La conclusion en est que la transmutation doit démarrer le plus vite possible, sinon son intérêt diminue fortement. Par ailleurs, l'étude réalisée par M. Philippe d'Iribarne, selon laquelle, pour le public, la vraie solution est la transmutation, a été rappelée lors du débat.
Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rappelant que les cheminots assurant les opérations de transport de déchets ne disposent pas de dosimètre, s'est interrogée sur la participation des professionnels de la filière au débat public.
M. Georges Mercadal a indiqué que les syndicats ont fortement participé au débat public, en particulier à Cherbourg avec une représentation des salariés des sous-traitants et des transporteurs, mais aussi à Lyon et à Nancy, la demande d'une dosimétrie de l'ensemble des travailleurs du nucléaire ayant été faite, y compris pour les sous-traitants.
M. Claude Gatignol, député, s'est interrogé, à propos de la proposition d'autorité indépendante de sûreté nucléaire, d'abord sur le concept d'indépendance qu'ont pu faire valoir les participants, notamment dans quels domaines et vis-à-vis de quelles institutions, ensuite sur la place de l'IRSN et le rôle dévolu à l'autorité de sûreté nucléaire, la DGSNR, qui fait déjà la preuve de son indépendance et sur l'organisation en vigueur dans d'autres pays.
M. Georges Mercadal, président de la CPDP, a précisé que des comparaisons ont été présentées au public sur l'organisation de la sûreté en France, en Suède, au Canada, en Belgique, avec l'aide d'orateurs étrangers et celle de M. Yves Le Bars. La proposition d'une autorité indépendante a été formulée lors du débat de Marseille, fin novembre 2005, parmi d'autres pistes. Seuls les experts proches des associations se sont exprimés sur cette question, évoquant la nécessité de séparer les acteurs, de leur donner des rôles précis afin d'éviter qu'un des acteurs prenne une place prédominante. Un schéma a été proposé, selon lequel il reste une direction générale de la sûreté nucléaire assurant à la fois le rôle de gendarme du nucléaire et la préparation des décisions, mais aussi où il est créé une autorité indépendante qui joue le rôle de juridiction sans pouvoir de décision finale. En tout état de cause, pour le public, il est important qu'il existe une institution d'appel des décisions contestées, institution qui dispose d'un pouvoir d'investigation propre ou de l'assistance d'une expertise extérieure.
M. Daniel Raoul, sénateur, s'est interrogé sur l'acceptation sociale de la gestion des déchets, après avoir regretté le manque de pédagogie des institutions scientifiques et leur incapacité à faire comprendre des notions simples. La discussion de deux projets de loi distincts, l'un sur la transparence et la sûreté nucléaire et l'autre sur la gestion des déchets radioactifs ne lui semble pas saine et ne facilite pas la compréhension des rôles de l'Etat régalien ou de l'Etat gendarme, de l'autorité de sûreté nucléaire et de l'IRSN.
M. Henri Revol, président, sénateur, ayant remarqué qu'il n'y avait pas lieu de débattre, mais d'entendre le compte rendu de la CPDP, M. Daniel Raoul, sénateur, a demandé à la CNDP son point de vue sur la question de l'information, les documents de la CPDP sur l'EPR à Flamanville étant en tout état de cause d'une excellente qualité.
M. Yves Mansillon, président de la CNDP, a indiqué que la loi de 2002 sur la démocratie de proximité a introduit un progrès important en obligeant le maître d'ouvrage à rendre publics, trois mois après la fin du débat, le principe et les conditions de son projet. S'agissant du débat public sur les déchets radioactifs, la décision du Gouvernement faisant suite au débat public prendra la forme d'un projet de loi en application de la loi du 30 décembre 1991. En réalité, en réponse aux demandes très différentes formulées par le public, deux projets de loi sont proposés, ce qui ne contribue pas à la bonne compréhension du problème. Aussi bien la CPDP a-t-elle suggéré que le Gouvernement publie un document d'information unique sur la transparence et la gestion des déchets radioactifs.
M. Bruno Sido, sénateur, rappelant les nombres de 3 000 participants et de 850 questions posées, a demandé des précisions sur la qualité des participants. Dans la mesure où la qualité des participants influe sur celle de la restitution qui est faite du débat, il s'est interrogé en conséquence sur le point de savoir si le compte rendu est représentatif de l'opinion de la population.
M. Georges Mercadal, président de la CPDP, a indiqué, en réponse, que le débat public n'est ni un référendum, ni une consultation, ni un sondage. Les 3 000 participants étant venus aux réunions suite à des annonces publiées dans la presse, il n'y a aucune raison de penser qu'ils sont représentatifs de la population. Toutefois, la CPDP estime que le débat public et son compte rendu fournissent une présentation complète de l'ensemble des arguments évoqués. Il s'agit d'une cartographie qui met à plat les arguments sans estimation du poids relatif de chacun d'eux. Le Parlement est la représentation nationale. La CPDP ne l'est pas.
La CPDP a entendu formuler la demande que les deux textes sur la transparence et la sûreté nucléaire et les déchets radioactifs soient rassemblés.
Les réunions de Joinville et de Saint-Dizier ont-elles drainé plutôt des opposants que des partisans du stockage des déchets ? Sans doute, mais un opposant n'a-t-il pas indiqué « on est une minorité, mais les minorités n'ont pas toujours tort » ?
En tout état de cause, le débat public ne constitue pas une avancée en termes de représentation, mais une avancée en termes de présentation des idées.
M. Claude Birraux, député, premier vice-président, a rendu hommage au travail effectué par M. Georges Mercadal et son équipe de la CPDP. S'agissant de l'autorité indépendante de sûreté, il existe un problème de fond car peut-il exister une instance disposant d'une autorité supérieure à celle du Gouvernement ? Les pouvoirs publics sont soumis au contrôle du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel. Mais peut-il exister une instance supérieure au Gouvernement ? S'agissant de la remise en selle de l'entreposage, la question que l'on peut se poser est la suivante : ceux qui suggèrent cette solution sont-ils prêts à soutenir la mise en place d'un centre d'entreposage chez eux ou la suggèrent-ils avec l'idée de la combattre de toutes leurs forces ?
M. Georges Mercadal, président de la CPDP, a précisé que lors de la réunion de Lyon, des participants avaient indiqué leur accord pour qu'un entreposage soit construit en Rhône-Alpes, tandis que d'autres avaient exprimé leur sentiment d'être « piégés ».
Au terme du débat sur les déchets radioactifs, le troisième qu'il ait présidé, M. Georges Mercadal a souligné que le public est sensible à la manière dont on arrive à la décision. La remise en selle de l'entreposage s'explique par la maîtrise actuelle des techniques correspondantes et par la surveillance et la reprise des colis qu'il permet. À cet égard, les échanges ont porté sur la possibilité effective de mesurer l'évolution des colis dans un stockage géologique. Or ceci n'apparaît possible que pendant la durée d'exploitation, c'est-à-dire pendant 5 ans. L'idée qu'on ne puisse rien savoir ultérieurement suscite des inquiétudes.
En tout état de cause, un deuxième laboratoire n'est pas réclamé, mais une deuxième solution présente de l'intérêt. Ainsi que cela a été indiqué lors de la réunion de Lyon, pendant la période de 10 à 15 ans nécessaire pour valider le stockage géologique, un cheminement est possible vers un choix définitif reposant sur une véritable alternative.
S'agissant de l'autorité de sûreté indépendante, le public qui s'est exprimé sur cette question, lors de la réunion de Lyon, a estimé qu'il ne peut exister d'autorité supérieure au Gouvernement et que la décision doit appartenir aux ministres. La demande est qu'il n'existe pas seulement une direction responsable des décisions au sein des ministères, mais qu'il existe, à côté de cette structure, une instance indépendante, composée de six sages et de deux experts, dotée d'une structure légère et qui soit une juridiction dont le rôle serait de questionner les institutions en place. Il faut rappeler, à cet égard, que la CNDP est une autorité administrative indépendante.
M. Bruno Sido, sénateur, a précisé que des participants au débat public, en Haute-Marne, en Meuse ou à Lyon, après avoir remarqué qu'un stockage géologique ne peut pas être, semble-t-il, réversible au-delà de 300 ans, se sont déclarés prêts à accepter, de bonne foi, un entreposage de longue durée.
M. Henri Revol, sénateur, président, a rendu hommage, à son tour, au travail de la Commission particulière du débat public sur la gestion des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, et l'a remerciée pour la qualité du compte rendu présenté aux membres de l'Office. Ce compte rendu leur permettra de prendre connaissance, dans la perspective de la discussion des deux projets de loi que le Parlement va examiner dans les prochaines semaines, des enseignements du débat public, que les contraintes de leur travail parlementaire à Paris ont pu quelquefois les empêcher de suivre en totalité.