Travaux de la délégation pour la planification



DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LA PLANIFICATION

Mardi 23 novembre 2004

- Présidence de M. Joël Bourdin, président.

Économie - Les perspectives macroéconomiques et les finances publiques à moyen terme (2005-2009) - Examen du rapport

La délégation pour la planification a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Joël Bourdin, président, rapporteur, sur les perspectives macroéconomiques et les finances publiques à moyen terme (2005-2009).

M. Joël Bourdin a rappelé que l'économie française avait connu un regain de vigueur inattendu en 2004, mais qu'une consolidation durable de cette croissance était aujourd'hui soumise à plusieurs aléas : les tensions sur les prix du pétrole, la dépréciation du dollar et le ralentissement que vient de connaître l'économie française au 3e trimestre.

Il a néanmoins considéré que ces aléas ne remettaient pas en cause le diagnostic de reprise de l'économie française et plus globalement sa trajectoire de croissance à moyen terme. Les prix du pétrole en effet devraient progressivement refluer. En outre, compte tenu de la bonne santé financière des agents économiques du secteur privé, mais aussi du redressement des comptes de l'État, il n'y a pas de raison que l'économie française n'accélère pas : elle a pris du retard par rapport à son potentiel et elle a des marges pour rattraper ce retard, à court terme comme à moyen terme.

Il a ensuite rappelé que le Gouvernement présentait au Parlement, dans le cadre de l'examen du budget, une programmation des finances publiques à moyen terme construite sur des scénarios économiques, qu'il notifiait à Bruxelles un programme de stabilité dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance et que les travaux présentés dans le rapport d'information de la délégation couvraient la même période.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a ainsi dégagé les quatre conditions qui permettraient à la France de parvenir à une croissance moyenne de 2,5 % par an d'ici 2009 tout en procédant à un fort ajustement structurel de ses finances publiques (à hauteur de 0,5 point du PIB chaque année) :

- une forte baisse du taux d'épargne privée, laquelle permettrait de compenser en termes de demande le mouvement d'épargne des administrations publiques. Cette condition suppose une amélioration de la confiance des ménages, qui pourrait résulter d'une meilleure visibilité sur les perspectives des comptes sociaux, de la baisse du chômage et d'un discours globalement moins alarmiste, notamment de la part de la Commission européenne ;

- une modération salariale qui permettrait de rendre compatibles la baisse du chômage (jusqu'à 7,7 % en 2009 dans le scénario de croissance à 2,5 %, soit 100.000 chômeurs de moins chaque année) et la stabilité de l'inflation ;

- un redressement de la productivité, qui a fortement ralenti depuis les années 90 avec les politiques d'enrichissement en emplois de la croissance (baisse de la durée du travail, allègements des charges sociales) mais dont il est réaliste d'espérer un accroissement à moyen terme ;

- un environnement international favorable, ce qui suppose que le scénario de crise combinant tensions persistantes sur les prix du pétrole, dépréciation du dollar, baisse des taux d'intérêt et retournement du marché immobilier ne se concrétise pas.

Il a cependant indiqué qu'il avait demandé à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) d'évaluer ce scénario : la croissance française serait alors fortement ralentie en 2006 et 2007 de sorte que son taux annuel de croissance moyen sur 2005-2009 ne serait plus que de 1,8 %, le taux de chômage ne reviendrait pas sous les 10 % (10,6 % en 2009) et le déficit public augmenterait avant de se stabiliser à son niveau de 2005 en 2009 (2,9 % du PIB).

M. Joël Bourdin, rapporteur, a ensuite évoqué les perspectives des finances publiques et indiqué que dans le scénario de croissance à 2,5 %, le déficit public serait ramené à 0,5 % du PIB et la dette publique à 60 % du PIB en 2009, ce qui est cohérent avec les engagements du Gouvernement.

Ce résultat dépend cependant des perspectives de croissance, mais aussi de celles des taux d'intérêt : une hausse de 2 points des taux à long terme se traduirait par une dégradation du solde public à hauteur de 0,7 % du PIB.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a également présenté une évaluation de l'incertitude associée à l'évolution des dépenses de santé à moyen terme.

Il a enfin conclu en évoquant le pacte de stabilité de croissance et souligné que celui-ci constituait un obstacle à une mobilisation de l'instrument budgétaire en Europe telle qu'elle est pratiquée aux États-Unis. La Commission européenne a récemment fait un certain nombre de propositions de modification des règles du pacte qui ont été présentées comme de nature à assouplir la discipline budgétaire en Europe.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a cependant estimé que ces appréciations étaient peu fondées. Certes il est vrai que, dans son exposé des motifs, la Commission évoque la nécessité d'une meilleure adaptation du pacte aux réalités économiques ; mais ses propositions n'offrent guère de prolongement à cette considération, sinon pour moduler dans son rythme le retour à une situation des comptes publics satisfaisante de son point de vue. Dans le pacte de stabilité, il existe une règle prescrivant de poursuivre un objectif de solde équilibré : la Commission souhaite que cet objectif, à l'avenir, soit celui d'un fort excédent. Il s'agit donc de durcir le paradigme de la politique budgétaire en Europe.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a ainsi estimé qu'il était temps que les autorités européennes en charge des politiques économiques cessent d'envoyer aux Européens des messages qui alimentent l'euro-pessimisme et ne concourent pas à restaurer la confiance.

M. Claude Saunier s'est interrogé sur l'orientation de la politique budgétaire aux Etats-Unis et sur l'impact à moyen terme de la diffusion des TIC sur la croissance.

M. Joseph Kerguéris a également souligné les gains de productivité que pourrait connaître l'économie française grâce à la diffusion des TIC et a insisté sur les risques associés au développement des grands pays émergents, tels la Chine et l'Inde, qui pèsent sur la demande mondiale de matières premières et sur l'évolution de leurs cours.

M. Jean-Pierre Plancade a également souligné l'impact à moyen terme sur le commerce international de la concurrence des pays émergents, dont la politique prioritaire est la préservation de coûts de production peu élevés afin de gagner des parts de marché.

La délégation a ensuite donné un avis favorable à la publication du rapport d'information de M. Joël Bourdin, rapporteur.