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DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LA PLANIFICATION

Mardi 17 octobre 2000

- Présidence de M. Joël Bourdin, président.

Audition de M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan

La délégation a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, accompagné de Mme Véronique Hespel, commissaire-adjoint, sur le Rapport sur les perspectives de la France du commissariat général du Plan.

Dans son exposé liminaire, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a tout d'abord précisé que le rapport du commissariat général du Plan avait un horizon de 5 à 10 ans. Il a indiqué que certains thèmes avaient vu leur place augmenter au fil des travaux, comme ceux des collectivités territoriales et de la transformation de la perception du risque.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a ensuite souligné que le rapport accordait une importance particulière à six domaines : les évolutions démographiques, la transformation des rôles féminin et masculin, le passage à une économie du savoir, les territoires, l'emploi et le travail, la diversité des situations sociales et des attentes.

Il a alors présenté quatre grands objectifs collectifs parmi ceux étudiés par le rapport. Tout d'abord, en ce qui concerne les régulations internationales, il a estimé que l'adoption par les Etats de normes communes en matière sociale et environnementale était souhaitable, afin que celles-ci ne découlent pas de la seule jurisprudence de l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce. Il a en outre estimé que le rapport de 1999 du groupe de travail du commissariat général du Plan, présidé par Jean-Louis Quermonne, sur l'Union européenne en quête d'institutions légitimes et efficaces, était particulièrement d'actualité depuis le discours prononcé le 12 mai 2000 à Berlin par M. Joschka Fisher, ministre des affaires étrangères de l'Allemagne, qui en reprenait notamment la notion de " centre de gravité ".

En ce qui concerne la politique économique, il a jugé que les dispositifs actuels de lutte contre le chômage devaient être maintenus, et qu'il était en outre souhaitable d'accroître le taux d'activité des personnes en âge de travailler, le rapport proposant plusieurs dispositifs destinés à atteindre cet objectif, parmi lesquels un impôt négatif, l'allocation compensatrice de revenu (ACR).

En ce qui concerne la politique sociale, il a reformulé l'idée d'un dispositif destiné à sécuriser les trajectoires individuelles, comprenant notamment un " droit de la transition ". Cette idée avait été exprimée dans le rapport de juin 2000 du groupe de travail du commissariat général du Plan présidé par M. Jean-Michel Belorgey, Minima sociaux, revenus d'activité, précarité.

Enfin, en ce qui concerne la réforme de l'Etat, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a précisé que les passages du rapport sur les relations de l'Etat avec les partenaires sociaux (recommandant d'accorder un plus grand rôle à ces derniers dans la mise en oeuvre et la détermination de la norme collective) et les collectivités territoriales (envisageant un rôle accru de l'expérimentation et une adaptation de la norme au niveau départemental) avaient été rédigés avant la crise de l'Unedic et les polémiques sur la réforme institutionnelle de la Corse. Il a également estimé que le Parlement devrait avoir plus de pouvoirs en matière budgétaire, et que de ce point de vue le projet de révision de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 allait dans le bon sens.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a ensuite indiqué que le rapport pourrait être transmis aux Assemblées au tout début de l'année 2001, après son examen par le Conseil économique et social.

M. Joël Bourdin, président, a demandé à M. Jean-Michel Charpin, de donner son point de vue sur diverses propositions figurant dans le rapport : l'allocation compensatrice de revenu, la modulation des taux de cotisation patronaux d'assurance-chômage en fonction du " comportement de séparation " des entreprises, le rôle que les collectivités territoriales pourraient jouer dans le cadre d'un éventuel " droit de la transition ", la mise en place d'un financement public des organisations syndicales et l'instauration de l'élection au suffrage universel direct des représentants des communes dans les conseils de communauté. Il a également interrogé M. Jean-Michel Charpin sur l'évolution de la productivité en Europe et aux Etats-Unis.

En réponse, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a tout d'abord jugé que, s'il existait bien des trappes à pauvreté, l'importance de ce phénomène devait être relativisée, les personnes concernées n'ayant pas des motivations exclusivement financières et pouvant estimer avoir un intérêt à long terme à accepter en début de parcours un emploi peu rémunéré. Il a également considéré que l'allocation compensatrice de revenu n'écartait pas le risque d'inciter les employeurs à proposer de faibles rémunérations, et surtout de constituer une désincitation au travail à temps complet.

Il a ensuite estimé que la réflexion en France sur une éventuelle modulation des taux de cotisation patronale d'assurance-chômage en fonction du " comportement de séparation " des entreprises, et en particulier sur son articulation avec le droit du travail français, n'était pas suffisamment avancée pour qu'il soit possible de déterminer s'il serait souhaitable d'instaurer en France un tel dispositif, qui existe déjà aux Etats-Unis.

Il a alors considéré que la proposition de " droit de la transition ", qui suppose notamment une implication des partenaires sociaux au niveau territorial, compte tenu de la nécessité de prendre en compte le caractère bi-actif des ménages, était séduisante mais ne pourrait vraisemblablement être mise en oeuvre qu'à moyen terme. Il a toutefois estimé que certains syndicats étaient ouverts à cette éventualité.

Il a ensuite précisé que le rapport avait seulement posé la question d'un éventuel financement public des organisations syndicales.

Il a également souligné que le rapport faisait un éloge appuyé de la commune, et estimé qu'au sein de la Commission pour l'avenir de la décentralisation les élus locaux semblaient plus favorables qu'il y a quelques années à une éventuelle élection au suffrage universel direct des représentants des communes dans les conseils de communauté. M. Joël Bourdin, président, et M. Marcel Lesbros ont exprimé leurs réserves sur cette dernière éventualité.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a ensuite considéré que si la croissance de la productivité apparente du travail s'était fortement accélérée aux Etats-Unis depuis 1995, un tel phénomène n'était pas observable en Europe. Il a estimé que, dans le cas de la France, ce phénomène était en partie la conséquence des politiques visant à enrichir la croissance en emploi, qui devaient être maintenues tant que le taux de chômage demeurerait élevé.

M. Marcel Lesbros a alors interrogé M. Jean-Michel Charpin, sur la manière de mettre en oeuvre le " droit de la transition " à l'échelon territorial.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a répondu que le rapport se contentait de présenter quelques pistes, comme l'acquisition au cours de la vie professionnelle de droits à la formation professionnelle ou à la conversion, la plus ambitieuse étant de permettre de transférer les contrats d'un employeur à un autre.

M. Patrick Lassourd a demandé à M. Jean-Michel Charpin, s'il lui semblait possible de renforcer la régulation de l'économie au niveau international.

En réponse, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a estimé qu'il existait un mouvement en ce sens depuis la fin des années 1980. Il a en particulier jugé utile, dans le domaine financier, de fixer des règles non contraignantes juridiquement. Il a rappelé que le ratio Cooke, mis en place en 1988, s'était imposé de façon générale, alors que seule l'Union européenne en avait fait une norme juridique.

Enfin, MM. Patrick Lassourd et Marcel Lesbros ont interrogéM. Jean-Michel Charpin sur le niveau du taux de chômage incompressible.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a estimé qu'il serait hasardeux d'avancer un tel chiffre, mais qu'en tout état de cause il convenait d'améliorer les incitations au travail.

Election d'un secrétaire du Bureau

M. Pierre André a été désigné secrétaire de la délégation, en remplacement de M. Roger Husson, décédé.