Délégations et Offices

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DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LA PLANIFICATION

Mercredi 16 juin 1999

- Présidence de M. Serge Lepeltier, vice-président, puis de M. Joël Bourdin, président.

Union européenne - Perspectives de croissance dans la zone euro - Auditions

La délégation a procédé à l'audition de Mme Michèle Debonneuil, chef du service économique du commissariat général du Plan, de M. Christian de Boissieu et Mme Marie-Claire Marchesi, respectivement directeur scientifique et responsable de la modélisation au Centre d'observation économique (COE) de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, deM. Philippe Sigogne,directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), de M. Joachim Volz, économiste au Deutsche Institut Für Wirtschaftforschung (DIW) de Berlin, de M. Ray Barrell, économiste au National Institute for Economic and Social Research (NIESR) de Londres, de M. Paolo Onofri, économiste à l'Institut PROMETEIA de Bologne (Italie), et de M. Philippe Moutot, directeur général adjoint à la Banque centrale européenne.

Dans un propos liminaire, M. Serge Lepeltier, vice-président, a souligné que ces auditions se voulaient l'occasion d'un dialogue entre économistes et parlementaires sur des questions d'actualité, comme les perspectives de croissance pour la zone euro et les marges de manoeuvre des politiques économiques européennes. Il s'est ensuite félicité de ce que cet échange s'effectue dans un cadre de réflexion européen, ce dont témoignait l'audition d'économistes allemand, britannique et italien, ainsi que de M. Philippe Moutot, directeur général adjoint à la Banque centrale européenne.

Mme Michèle Debonneuil, chef du service économique du commissariat général du Plan, a alors présenté quelques pistes de réflexion sur les liens entre démographie, technologie et croissance en Europe. Elle a tout d'abord rappelé que le taux de croissance potentielle de long terme était la somme du taux de croissance de la population active et du taux de croissance de la productivité apparente du travail. Elle a précisé que le choc démographique à venir et la baisse spontanée du chômage en résultant pourraient ainsi se traduire par une hausse du taux d'activité des moins de 55 ans, d'une part, par un recul de l'âge de départ effectif en retraite, d'autre part. Elle a ajouté que les liens entre la croissance du PIB et de l'emploi et les gains de productivité apparente du travail étaient également ambigus, comme l'illustrait le contraste entre, d'un côté, l'Europe, caractérisée par des gains de productivité élevés, une croissance faible et la stagnation de l'emploi ; de l'autre, les Etats-Unis, caractérisés par des gains de productivité faibles, une croissance dynamique et une forte progression de l'emploi.

Mme Michèle Debonneuil a cependant précisé que le dilemme entre la croissance de l'emploi et des gains de productivité élevés n'était qu'apparent. Elle a expliqué qu'il convenait en effet de distinguer trois secteurs d'activité : des secteurs nouveaux, comme les nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui combinaient forts gains de productivité et créations d'emplois ; des secteurs industriels matures, où les gains de productivité se traduisaient par une contraction de l'emploi ; enfin, des activités de service à faible productivité, vers lesquelles s'orientaient les salariés peu qualifiés évincés des secteurs précédents.

Mme Michèle Debonneuil a indiqué que cette analyse permettait de mettre en lumière deux enjeux majeurs pour l'action des pouvoirs publics. Elle a précisé en premier lieu que les politiques économiques devaient identifier les secteurs technologiques porteurs et faciliter leur développement, qui pourrait par ailleurs s'appuyer sur la dynamique d'accumulation du capital favorisée par l'épargne d'une population européenne vieillissante. Mais elle a estimé que l'enjeu majeur consistait à organiser les activités de services à la personne, de manière à y accroître la productivité. Elle a précisé que, seule, cette hausse de la productivité permettrait d'enclencher, sans transferts publics, un cercle vertueux où la baisse des prix, donc la solvabilisation de la demande, serait compatible avec le maintien d'un niveau de rémunération élevé, donc le développement d'une offre de qualité.

M. Christian de Boissieu, directeur scientifique au Centre d'observation économique (COE) de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, et Mme Marie-Claire Marchesi, responsable de la modélisation économique au Centre d'observation économique (COE) de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, ont ensuite présenté les principales conclusions d'une étude relative au sentier de croissance européen à moyen terme.

Dans une remarque liminaire, M. Christian de Boissieu a souligné la difficulté d'effectuer des prévisions de moyen terme lorsque l'environnement était très instable, ou lorsque l'économie était confrontée à un " choc ", comme l'avènement de l'euro, susceptible de modifier les comportements des agents privés.

Mme Marie-Claire Marchesi s'est ensuite interrogée sur les conséquences d'une inflation très faible sur le rythme de la croissance. Elle a indiqué à cet égard que la désinflation s'accompagnait a priori de sacrifices durables en matière de croissance, et qu'il existait un débat relatif à la situation des États-Unis, caractérisés par une croissance dynamique et une inflation très modérée, certains économistes suggérant que les États-Unis étaient entrés dans un nouvel âge économique, tandis que d'autres estiment que la faiblesse de l'inflation résultait de facteurs conjoncturels ou d'une sous-estimation du chômage.

Mme Marie-Claire Marchesi a ensuite évalué la croissance potentielle des États-Unis à 3 % par an, celle de la zone euro à 2 % par an, et celle de la France à 2,25 % par an. Elle a précisé que l'écart entre les États-Unis et la zone euro s'expliquait pour l'essentiel par la forte progression de la population active aux États-Unis, et, dans une moindre mesure, par le redressement de la productivité marginale du capital observé aux États-Unis.

M. Christian de Boissieu a ensuite souligné que le constat selon lequel la zone euro ne retrouverait pas spontanément un taux de croissance significativement supérieur à 2 % sur moyenne période, soulevait la question des marges de manoeuvre de la politique économique, d'une part, de l'impact potentiel de l'euro sur l'activité, d'autre part.

S'agissant de la monnaie unique, il a indiqué que l'anticipation et l'avènement de l'euro avaient accéléré les restructurations et les concentrations en cours dans tous les secteurs, avec des conséquences très incertaines sur la dynamique de l'innovation.

S'agissant des marges de manoeuvre des politiques économiques dans la zone euro, M. Christian de Boissieu a estimé qu'elles étaient certes réduites par le pacte de stabilité et de croissance, mais qu'elles étaient aussi considérablement accrues par la levée de la contrainte exercée par le taux de change. Présentant des variantes de politique économique réalisées à l'aide du modèle macroéconométrique multinational Oxford Economic Forescasting (OEF), il en a ensuite tiré trois conclusions. En premier lieu, il s'est inquiété des divergences et des disparités des économies européennes. En second lieu, il s'est interrogé sur la capacité des institutions économiques européennes à gérer ces différences et à coordonner les politiques budgétaires et fiscales, entre elles, d'une part, avec la politique monétaire de la Banque centrale européenne, d'autre part. Il a conclu à cet égard que les autorités budgétaires nationales devaient faire la preuve de leur capacité à maîtriser les déficits publics. Enfin, il a détaillé les résultats d'une simulation d'une baisse coordonnée des charges sociales patronales en Europe, dont il ressortait qu'une telle mesure se traduirait par un dérapage des finances publiques pendant les quatre premières années de sa mise en oeuvre et, dès lors, n'était pas envisageable dans le contexte actuel. Il en a conclu à titre personnel que les allégements de charges sociales nécessaires au financement des 35 heures devaient donc être gagés, au moins pour partie, par une baisse des autres dépenses publiques.

M. Philippe Sigogne, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE),M. Ray Barrell, économiste au National Institute for Economic and Social Research de Londres, M. Paolo Onofri, économiste à l'institut PROMETEIA de Bologne et M. Joachim Volz, économiste au Deutsche Institut Für Wirtschaftforschung (DIW) de Berlin, ont ensuite présenté leurs réflexions sur les politiques économiques aujourd'hui mises en oeuvre en Europe.

En introduction, M. Philippe Sigogne a souligné la difficulté de transposer tels quels des " modèles étrangers ", dès lors que l'efficacité d'une politique économique était étroitement conditionnée à son cadre social. Il a néanmoins estimé que les politiques macroéconomiques, les réformes du marché du travail et les politiques sociales ou fiscales ne pouvaient faire l'impasse d'une réflexion européenne préalable, sous peine d'aboutir à des décisions nationales incohérentes, non coopératives, donc contre-productives. Il a ajouté, à cet égard, que l'Union économique et monétaire ne déterminait cependant pas de façon univoque la conduite des politiques économiques et que les figures de l'avenir demeuraient largement un choix de modèle de société.

Enfin, il a indiqué que le point nodal des divergences des politiques économiques était le diagnostic porté sur la nature du chômage en Europe. Il a précisé que certains économistes estimaient ainsi que le taux de chômage était proche de son niveau d'équilibre, très élevé en raison des rigidités du marché du travail, toute stimulation publique de la demande ne faisant alors qu'évincer l'investissement privé, et toute baisse d'impôts ne conduisant qu'à une hausse du déficit public et à une exportation accrue de capitaux, sans profit pour la croissance. Mais il a ajouté que, selon les calculs de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le taux de chômage dépassait le taux de chômage d'équilibre d'environ quatre points pour l'ensemble Allemagne, France, Italie, ce qui y laissait d'amples marges de manoeuvre pour des politiques macroéconomiques efficaces.

M. Ray Barrell a ensuite souligné la rapidité de la construction institutionnelle de l'Union économique et monétaire, qui n'avait guère été freinée par l'effondrement du SME en 1992-1993. Il a ajouté que l'UEM était toutefois caractérisée par des taux de chômage très différents. Il s'est alors interrogé sur les modalités de la coordination des politiques salariales et des réformes du marché du travail avec la politique monétaire. Il a précisé que la Banque centrale européenne indépendante était en effet confrontée à plus de onze partenaires, au contraire de la Bundesbank, qui jouait une partie de poker contre deux adversaires seulement : le Gouvernement et les partenaires sociaux. Il a estimé que cela pouvait rendre plus difficile la communication de la Banque centrale européenne (BCE) et il s'est inquiété de sa capacité à faire preuve du pragmatisme qui avait réussi à la Bundesbank, comme à la Réserve fédérale des États-Unis.

S'agissant par ailleurs du pacte de stabilité et de croissance, l'autre pilier institutionnel de l'Union économique et monétaire, M. Ray Barrell a d'abord souligné que le solde budgétaire pertinent était en fait étroitement dépendant du niveau des dépenses publiques d'avenir et de leur efficacité. Il a ensuite remarqué que la croissance de certains pays de l'Union, comme la Finlande, connaissait traditionnellement des variations de grande ampleur qui obligeraient ces pays à maintenir en moyenne un solde budgétaire excédentaire, sous peine de connaître des déficits publics supérieurs de 3 % du PIB en période basse du cycle économique.

En conclusion, M. Ray Barrell a plaidé en faveur d'institutions plus souples et plus évolutives pour l'UEM.

M. Paolo Onofri, économiste à l'institut PROMETEIA (Bologne), a complété ce propos en soulignant que les autorités budgétaires européennes éprouvaient des difficultés à maîtriser les dépenses publiques en période de conjoncture dégradée, et que la réputation des politiques budgétaires ne dépendait pas seulement du niveau du déficit, mais aussi du niveau et de la structure des prélèvements obligatoires, ainsi que de la nature des dépenses publiques.

M. Paolo Onofri a ensuite évoqué la réforme des systèmes de protection sociale. Il a estimé à cet égard que les gouvernements nationaux étaient confrontés, d'un côté à la nécessité de réformes et aux pressions exercées à cette fin par la Commission européenne ; de l'autre, au besoin de sécurité des classes moyennes. A titre d'exemple, il a indiqué que l'indexation des pensions sur les prix privait de facto les retraités du bénéfice du progrès technique actuel, auquel leur travail et leur épargne avaient pourtant contribué.

En conclusion, il a estimé que la flexibilité accrue de l'économie pouvait être obtenue de deux manières : ou bien, à l'instar du Royaume-Uni, par la destruction de l'influence des syndicats ; ou bien, par la coopération entre partenaires sociaux sur la base d'un donnant-donnant combinant assouplissement du marché du travail d'un côté, maintien de l'Etat-providence pour les classes moyennes de l'autre. Il a ajouté que cette seconde voie pouvait être facilitée par la poursuite de la construction européenne, notamment par l'harmonisation de la fiscalité, et par une meilleure portabilité de la protection sociale, de manière à permettre la mobilité des travailleurs sur le territoire européen.

M. Joachim Volz, économiste au Deutsche Institut Für Wirtschaftforschung (Berlin), s'est ensuite interrogé sur le rôle qui pouvait être joué par les politiques de l'emploi. Il a indiqué que cette question avait été au coeur des débats du sommet européen de Cologne, où la France n'était pas parvenue à imposer l'idée selon laquelle l'emploi dépendait de la mise en oeuvre de politiques macroéconomiques coordonnées en Europe, et pas seulement de la mise en oeuvre simultanée de politiques nationales visant à réformer le fonctionnement des marchés du travail.

S'agissant des réformes du marché du travail elles-mêmes, il a précisé que les débats européens opposaient souvent deux stratégies : d'un côté, les lignes directrices pour l'emploi proposées par la Commission européenne, qui consistaient à améliorer l'employabilité, à développer l'esprit d'entreprise, à encourager l'adaptabilité et à promouvoir l'égalité des chances ; de l'autre, des politiques d'enrichissement du contenu de la croissance en emplois grâce à la réduction du temps de travail, par ailleurs difficiles à mettre en oeuvre en raison de la réticence des salariés à une baisse de leur salaire mensuel. Il a ajouté qu'en pratique toutes les politiques de l'emploi combinaient néanmoins des aides ciblées, des allégements de charges sur les bas salaires et des efforts de formation. Mais il a estimé que ces mesures avaient seulement pour effet de réduire la durée moyenne du chômage, en agissant sur la file d'attente pour l'accès à l'emploi, mais ne modifiaient guère ni l'emploi total, ni le taux de chômage d'équilibre. Il a par ailleurs regretté que les programmes d'action nationale (PAN) pour l'emploi soient des opérations purement administratives, confirmant les programmes existants, mais ni négociés, ni endossés par les partenaires sociaux. En conclusion, il a souligné la nécessité d'actions précoces de prévention de l'exclusion du marché du travail.

M. Philippe Moutot, directeur général adjoint à la Banque centrale européenne (BCE), s'est alors félicité de ce que l'euro et l'Europe aient pris une place centrale dans le débat de politique économique.

Il a ensuite remarqué que les traités européens ne précisaient pas la stratégie à suivre par la Banque centrale européenne, mais que la transparence était indispensable à une autorité indépendante dans un environnement démocratique et que la Banque centrale européenne avait donc élaboré et rendu publique une stratégie, c'est-à-dire une procédure claire de prise de décision.

Il a d'abord précisé que l'objectif poursuivi par cette stratégie était la stabilité des prix, entendue comme une inflation comprise entre 0 et 2 % par an. Il a indiqué que le haut de cette fourchette reflétait l'idée selon laquelle l'inflation, même faible, est nocive parce qu'elle brouille les décisions d'investissement, et parce qu'elle peut servir de voile ou de prétexte pour repousser les ajustements nécessaires ; il a ajouté que le bas de cette fourchette constituait une garantie contre le risque de déflation.

Il a ensuite indiqué que la stratégie de politique monétaire retenue par la Banque centrale européenne reposait sur trois piliers : en premier lieu, une valeur de référence pour la progression annuelle de l'agrégat monétaire M3, fondée sur l'idée selon laquelle l'inflation est, à moyen terme, un phénomène essentiellement monétaire ; en second lieu, un ensemble d'indicateurs et de projections relatifs aux principales variables économiques et financières ; enfin, une politique de communication détaillée.

Il a jugé que cette stratégie, combinant une grande transparence et un processus de prise de décision discrétionnaire, était préférable à l'application automatique de règles, en ce qu'elle permettait la prise en compte d'informations qui n'étaient pas intégrées dans les règles envisageables.

A titre d'exemple, M. Philippe Moutot a expliqué que la décision de la Banque centrale européenne de baisser ses taux d'intérêt en avril 1999 se fondait sur des indications selon lesquelles la confiance et la conjoncture étaient susceptibles, à ce moment-là, de se retourner. Il a ajouté que la croissance semblait s'être rééquilibrée depuis lors et a contesté l'impact des variations des taux d'intérêt sur la croissance, tel qu'il est souvent évalué par les modèles macroéconomiques.

M. Philippe Moutot a par ailleurs précisé que le taux de change n'était pas un objectif pour la Banque centrale européenne, mais un indicateur parmi d'autres. Il a également indiqué que la Banque centrale européenne n'envisageait pas d'accords relatifs à des zones cibles pour les parités de change. Il a en effet estimé que ces accords étaient in fine contre-productifs et, dès lors, que les politiques économiques constituaient les déterminants de long terme des taux de change, la stabilité des politiques économiques était la meilleure manière de stabiliser les marchés financiers.

En conclusion, M. Philippe Moutot a estimé que la crédibilité de la politique économique européenne était indissolublement liée à la stabilité de l'architecture institutionnelle de l'Union économique et monétaire. Il a donc plaidé pour un strict respect de la lettre, comme de l'esprit, du pacte de stabilité et de croissance. Il a ajouté que la répartition claire des responsabilités entre la Banque centrale européenne et les politiques économiques nationales n'était bien sûr pas exclusive, ni d'un dialogue, ni d'une coopération, c'est-à-dire d'un échange d'informations, mais ne relevait pas du concept de coordination.

Une large discussion s'est alors engagée.

M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, s'est d'abord inquiété de l'évolution prochaine des taux d'intérêt aux États-Unis ; il a demandé pourquoi le taux de croissance potentielle de la France apparaissait légèrement supérieur à celui de l'Allemagne et de l'Italie et si l'accélération des structurations industrielles était vraiment liée à l'euro, puisqu'on relevait le même phénomène au Royaume-Uni et au Japon.

En réponse, M. Christian de Boissieu, directeur scientifique au Centre d'observation économique (COE) de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, a précisé que l'euro pourrait avoir précipité le calendrier de ces restructurations, comme l'illustraient les regroupements en cours dans le secteur financier. Il a indiqué que l'écart de croissance entre la France et ses principaux voisins s'expliquait par des différences de spécialisation sectorielle et géographique de leurs exportations, et par des dynamiques démographiques dissemblables. Enfin, il a souligné qu'il existait un risque que la Réserve fédérale américaine ne remonte ses taux d'intérêt de 50 points de base à la fin du mois de juin, mais qu'une telle décision lui paraissait peu fondée, la reprise de l'inflation aux États-Unis étant limitée et imputable à la remontée du prix des matières premières.

En réponse à M. Jean Clouet, sénateur, Mme Michèle Debonneuil, chef du service économique du commissariat général du Plan, a donné des précisions sur les différents concepts de productivité. Elle a indiqué que la croissance du PIB pouvait ainsi se décomposer en la somme de la croissance de l'emploi et de la croissance de la productivité apparente du travail, cette dernière dépendant en fait de la progression du stock de capital, d'une part, du progrès technique, d'autre part.

M. Serge Lepeltier, vice-président, a observé que l'on pouvait conclure des travaux du COE relatifs au lien entre inflation et croissance qu'un peu d'inflation mettait de l'huile dans le moteur, mais que trop d'inflation le noyait. Il s'est ensuite interrogé sur l'ampleur des désincitations au travail dans les différents pays européens, et il s'est déclaré surpris des déclarations de M. Philippe Moutot, directeur général adjoint à la Banque centrale européenne, selon lesquelles les taux d'intérêt auraient peu d'impact sur l'activité.

En réponse, M. Joachim Volz, économiste au DIW de Berlin, a souligné que l'ampleur des trappes à inactivité était très difficile à évaluer, et que les conséquences de certaines désincitations au travail pouvaient être réduites, dès lors que l'offre d'emploi, c'est-à-dire la demande de travail, était déprimée.

M. Philippe Sigogne, directeur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), a ensuite souligné que les variations des taux d'intérêt pouvaient exercer une influence considérable lors des retournements de la conjoncture, notamment au travers de leur impact sur les prix des actifs. M. Philippe Moutot a d'ailleurs précisé que des indicateurs relatifs aux prix des actifs figuraient dans les dossiers préparés pour les comités de politique monétaire de la Banque centrale européenne.