Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé : bulletin
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES DE SANTÉ
Mercredi 7 septembre 2005
- Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, député, président -
Etude sur les médicaments psychotropes - Examen du projet de cahier des charges
Le président Jean-Michel Dubernard, député, a rappelé que l'ordre du jour de la réunion comporte l'examen des projets de cahiers des charges préalablement au lancement d'appels d'offres pour la réalisation de deux études consacrées respectivement au « bon usage des médicaments psychotropes » et aux « infections nosocomiales : réalités et impact ».
Mme Maryvonne Briot, députée, rapporteure de l'étude sur les médicaments psychotropes, a expliqué que le but de cette étude est d'évaluer le bon usage des médicaments psychotropes, à travers une série de sept questions énoncées dans le cahier des clauses particulières. Plus précisément, il s'agit de définir et d'analyser un éventuel phénomène de surconsommation de ces médicaments, en particulier par rapport aux autres pays européens ou en fonction de critères tels que l'âge ou l'appartenance à une catégorie socioprofessionnelle, de manière à dresser le profil des gros consommateurs. En d'autres termes, l'étude doit avoir un niveau d'analyse très précis.
Au-delà de l'idée courante selon laquelle il y aurait surconsommation de psychotropes en France - sentiment véhiculé par les médias depuis de nombreuses années -, il est en effet essentiel de disposer de données plus précises et plus fiables concernant l'ampleur exacte de ce phénomène ainsi que de la consommation inadaptée de ces médicaments. En réalité, on ne saurait occulter le paradoxe qui résulte de la coexistence d'un recours abusif aux psychotropes par une frange de la population et de l'existence de personnes souffrant de troubles psychiatriques mais non diagnostiqués ou non traités par voie médicamenteuse. Ce paradoxe doit être analysé et les facteurs explicatifs de la surconsommation précisément déterminés. C'est l'objet des deux questions suivantes du cahier des clauses particulières.
La quatrième question vise à évaluer l'efficacité des actions engagées par les pouvoirs publics et l'assurance maladie afin de lutter contre les prescriptions inadaptées. L'étude devra également présenter les alternatives thérapeutiques et les moyens de sortir de la dépendance aux médicaments psychotropes. Des propositions de recommandations pour l'action publique devront enfin être établies.
En tout état de cause, on ne peut affirmer d'emblée que les médicaments psychotropes sont systématiquement nocifs ; c'est pourquoi il convient plutôt de raisonner en termes d'évaluation de leur ratio bénéfice-risque.
M. Philippe Cléry-Melin, membre du conseil d'experts, a estimé qu'il s'agit d'un problème vaste et complexe, dans la mesure où les psychotropes, qui ont été inventés il y a environ cinquante ans, ne sont pas aujourd'hui des médicaments qui répondent à une maladie précise. En effet, leur consommation dépasse souvent les indications et les maladies pour lesquelles ils devraient être prescrits ; ces médicaments sont alors utilisés hors d'un cadre légitime. A cet égard, ce phénomène s'inscrit certainement dans le cadre d'évolutions plus générales, telles que la mondialisation des marchés ou encore le développement d'une psychiatrie normative.
Il est d'autre part important que l'étude évoque les thérapies non médicamenteuses, dès lors qu'aujourd'hui de nombreux patients déprimés ou affrontant certaines difficultés de l'existence ont recours à des médicaments psychotropes alors que d'autres stratégies thérapeutiques, notamment psychologiques, seraient plus adaptées. C'est toute la question de la « pathologisation » des épreuves inhérentes à la vie.
Après avoir félicité la rapporteure pour la qualité de sa présentation, M. Jean Bardet, député, secrétaire, a formulé les observations suivantes :
- Il est effectivement nécessaire de définir plus précisément la notion de surconsommation, en particulier par rapport aux pratiques observées au niveau international : en réalité, s'agit-il bien d'une surconsommation en France ou au contraire d'un phénomène de sous-consommation dans d'autres pays, et dans quelle mesure ? Ce recours aux psychotropes est-il justifié médicalement ? Comment mieux prendre en compte à la fois le coût et l'efficacité de ces médicaments ainsi que le ratio bénéfice-risque ?
- Il convient de mieux distinguer les troubles psychiatriques, tels que la dépression au sens clinique du terme, et les difficultés rencontrées face aux différents aléas de la vie. Parmi les personnes exposées aux nuisances sonores, notamment celles causées par les avions, on peut par exemple observer un recours accru aux psychotropes ainsi que des hospitalisations plus fréquentes en milieu psychiatrique. Y a-t-il alors surconsommation et faut-il dans ce cas prescrire des médicaments psychotropes ? Ne conviendrait-il pas dès lors d'inclure l'analyse des facteurs environnementaux dans le champ de l'étude ?
M. Philippe Cléry-Melin, membre du conseil d'experts, a cependant souligné que ce n'est pas la situation en tant que telle qui conduit à prescrire des psychotropes, mais le fait que le patient présente les symptômes d'une affection le justifiant. Il importe donc de prendre en compte l'ensemble des éléments liés notamment à la vie ou à l'environnement du sujet qui peuvent le fragiliser et faciliter la décompensation.
Après avoir indiqué que l'analyse de l'impact de l'environnement n'est pas expressément mentionnée dans l'actuel projet de cahier des charges, la rapporteure a estimé qu'il convient sans doute de l'y ajouter.
Soulignant que ces facteurs environnementaux peuvent être de nature diverse, notamment écologiques et professionnels, le président Jean-Michel Dubernard, député, a proposé de modifier la rédaction de la deuxième question du cahier des clauses particulières afin de préciser que l'étude devra analyser les éléments d'ordre socioculturel « et environnemental » contribuant à expliquer ce niveau de consommation élevé en France.
M. Philippe Cléry-Melin, membre du conseil d'experts, a jugé en effet important de mesurer l'impact de tels facteurs aggravants.
Puis l'office a approuvé le projet de cahier des charges ainsi modifié.
Etudes sur les infections nosocomiales - Examen du projet de cahier des charges
S'agissant de l'étude consacrée aux infections nosocomiales, le président Jean-Michel Dubernard, député, a tout d'abord rappelé les motivations ayant conduit l'office à retenir ce sujet d'étude. Après la réalisation par le Sénat de plusieurs études et rapports sur le thème de l'hôpital, M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président, et M. Alain Vasselle, sénateur et rapporteur de l'étude, ont proposé de privilégier une approche différente, centrée sur la qualité des soins. Dans cette perspective, le problème des infections nosocomiales constitue sans doute le point d'accroche le plus sensible dans l'opinion, la « pointe de l'iceberg » en quelque sorte.
Le projet de cahier des charges de l'étude prévoit donc l'établissement d'un panorama de la qualité des soins dans les hôpitaux, en prenant en compte des exemples étrangers, afin de déterminer si la France se situe bien dans la moyenne européenne, comme une première analyse pourrait le laisser penser. Cette présentation s'accompagnera d'une synthèse détaillée sur les outils mis en place pour lutter contre les risques d'infections nosocomiales et les résultats obtenus.
Une synthèse des conséquences économiques et judiciaires des infections nosocomiales devra également être présentée. Celle-ci comprendra notamment un bilan des indemnisations accordées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ainsi que des éléments sur les poursuites judiciaires et la façon dont les professionnels de santé perçoivent l'impact de ces infections sur leur activité.
Deux axes d'étude devront par ailleurs être privilégiés par les experts. En premier lieu, l'analyse des handicaps liés aux infections nosocomiales s'inscrit dans la continuité des travaux entrepris par le Parlement depuis plusieurs années, en particulier le rapport au nom de l'OPEPS de M. Francis Giraud, sénateur, sur la prévention des handicaps de l'enfant. Cette partie présentera les différents types de handicap, leur nombre et leur évolution ainsi que les conditions de leur prise en charge. Une analyse, plus subjective, de la perception de la qualité des soins à l'hôpital par la population française, réalisée à partir d'études d'opinion, permettra, d'autre part, de mettre en lumière l'existence d'un décalage éventuel entre les craintes exprimées par les personnes interrogées et la réalité des risques rencontrés dans les établissements de santé. Cette étude devrait enfin conduire à la formulation de propositions visant à améliorer les politiques menées dans ce domaine.
Au terme de cette présentation, le président Jean-Michel Dubernard, député, a estimé que le projet de cahier des charges proposé pour cette étude couvre un champ qui semble beaucoup trop large. C'est par exemple le cas du « panorama de la qualité des soins dans les hôpitaux français » que les prestataires de l'étude auraient pour tâche d'établir. De plus, il serait préférable de disjoindre l'analyse des conséquences économiques des infections nosocomiales de leurs conséquences judiciaires.
S'agissant du troisième point du cahier des clauses particulières, consacré à l'analyse des handicaps liés à une infection nosocomiale, il s'agit là en effet d'une question essentielle. Quant au quatrième point, il serait également intéressant que les experts mesurent l'impact des infections nosocomiales sur la perception de la qualité des soins à l'hôpital, laquelle peut s'apprécier de différentes manières. De façon assez étonnante, un récent sondage commandé par la Fédération hospitalière de France (FHF) montre par exemple que les personnes interrogées sont globalement très satisfaites des conditions de leur prise en charge par l'hôpital.
M. Jean Bardet, député, secrétaire, a souhaité savoir si l'étude comporterait également une analyse de l'importance de l'infection nosocomiale par rapport à la pathologie initiale. En effet, lorsqu'un malade contracte à l'hôpital une infection nosocomiale grave, la situation n'est évidemment pas la même selon qu'il était hospitalisé pour une pathologie bénigne ou pour une affection en phase terminale.
Mme Maryvonne Briot, députée, a plaidé pour un cahier des charges assez directif, à défaut de quoi le champ d'investigation de l'étude risque d'être beaucoup trop large, s'agissant tout particulièrement de l'évaluation de la qualité des soins dans les hôpitaux français. Bien évidemment, ces suggestions de modifications ne préjugeraient en aucun cas des conclusions de l'étude, mais permettraient de l'orienter plus efficacement.
M. Claude Le Pen, membre du conseil d'experts, s'est interrogé sur l'intérêt de l'étude, du moins tel qu'il ressort de son intitulé. Dans la mesure où il existe déjà une littérature très abondante sur les infections nosocomiales, ne faudrait-il pas plutôt changer l'intitulé de l'étude afin de la centrer davantage sur « l'évaluation de la politique de lutte contre les infections nosocomiales », ce qui n'apparaît pas suffisamment dans l'actuel projet de cahier des charges ? Distinguer en son sein trois grandes parties, consacrées respectivement à la description de la situation actuelle, à l'analyse de la politique menée par les pouvoirs publics et enfin aux propositions d'améliorations, permettrait également de rendre ce projet plus dynamique et moins descriptif. L'étude correspondrait ainsi pleinement à l'objet de l'OPEPS, qui est avant tout d'évaluer les politiques de santé.
Après avoir rappelé que l'intitulé de l'étude et du projet de cahier des charges était initialement « les infections nosocomiales : réalités et impact », le président Jean-Michel Dubernard, député, s'est déclaré favorable à cette proposition, en soulignant l'importance de l'évaluation de la politique engagée dans ce domaine.
M. Claude Le Pen, membre du conseil d'experts, a estimé que si l'intitulé de l'étude est modifié, cela change sensiblement la logique de l'étude et implique d'apporter plusieurs modifications au cahier des clauses particulières. La première partie pourrait ainsi être recentrée sur l'état des lieux et la description des infections nosocomiales dans les hôpitaux français, tandis que la seconde partie serait consacrée à leur impact.
En conséquence, outre la modification de l'intitulé de l'étude, le président Jean-Michel Dubernard, député, a proposé, d'une part, de modifier la rédaction de la deuxième phrase du premier point du cahier des clauses particulières, afin de préciser que la présentation mentionnée dans ce paragraphe s'accompagnera « d'une synthèse détaillée sur les infections nosocomiales, les outils mis en place pour lutter contre ce risque » et les résultats obtenus. Les conséquences sanitaires en termes de handicap, économiques et judiciaires des infections nosocomiales pourraient, d'autre part, faire l'objet des trois points suivants.
M. Philippe Cléry-Melin, membre du conseil d'experts, a suggéré de consacrer le cinquième point à l'évaluation des résultats obtenus en matière de lutte contre les infections nosocomiales. Cette partie comporterait deux parties distinctes : la première, figurant actuellement dans le premier point du cahier des charges, porterait sur la présentation objective des résultats obtenus, tandis que la seconde, plus subjective, telle que précisée au quatrième point, porterait sur l'analyse de la perception de la qualité des soins à l'hôpital, à partir d'une enquête d'opinion réalisée sur un panel réunissant notamment d'anciens patients.
M. Jean Bardet, député, secrétaire, a souligné l'importance de la distinction proposée, dans la mesure où il n'y a pas toujours de corrélation entre la perception par le malade et la réalité du risque d'infection à l'hôpital.
Le président Jean-Michel Dubernard, député, a considéré que cette distinction est déjà clairement établie par le cahier des charges et qu'il n'y a pas lieu de le modifier sur ce point.
Puis l'office a approuvé le projet de cahier des charges ainsi modifié.
Après avoir confirmé que la présentation des conclusions de l'étude sur la nutrition et la prévention de l'obésité aurait lieu d'ici la fin du mois de septembre, le président Jean-Michel Dubernard, député, a indiqué que l'office procéderait au choix des prestataires chargés de réaliser les deux études consacrées aux médicaments psychotropes et aux infections nosocomiales lors de sa réunion du mardi 25 octobre, à 11 heures 30.