Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé : bulletin



OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES DE SANTÉ

Mercredi 16 juin 2004

- Présidence de M. Nicolas About, président -

L'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) s'est réuni au Sénat, sous la présidence de M. Nicolas About, sénateur, président de l'OPEPS.

Prévention des handicaps de l'enfant - Examen du rapport

L'Office a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Francis Giraud, sénateur, sur la prévention des handicaps de l'enfant.

M. Francis Giraud, sénateur, rapporteur, a rappelé les deux raisons qui ont incité l'OPEPS à se saisir du thème de la prévention du handicap chez l'enfant : déterminer les actions efficaces susceptibles de limiter la survenance des handicaps et étudier les systèmes d'aide à la prise en charge de l'enfant handicapé.

La présentation des conclusions de ce rapport coïncide avec l'examen, par le Parlement, de plusieurs textes susceptibles de les traduire sur le plan législatif, tels que le projet de loi relatif à la politique de santé publique, qui consacre plusieurs de ses objectifs à la santé périnatale, le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, qui confirme le rôle des services départementaux de protection maternelle et infantile, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, le projet de loi relatif aux assistants maternels et familiaux, qui organise la garde des jeunes enfants handicapés, le projet de loi annuel de financement de la sécurité sociale, puisque l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) médico-social est le principal outil de financement des centres d'action médico-sociale précoce (CAMPS), ainsi que la future réforme de l'assurance maladie.

Les propositions se fondent sur les conclusions de l'étude réalisée par le centre d'expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), selon lesquelles il convient de poursuivre l'effort de recherche sur les handicaps périnataux et de développer les actions préventives pour améliorer la détection des facteurs de risques susceptibles de les provoquer ou de les aggraver. En effet, si les causes du handicap périnatal sont difficiles à déterminer, certaines situations favorisent incontestablement sa survenance, comme les comportements à risques et les pratiques addictives, telles que l'alcool, le tabac ou la toxicomanie mais aussi l'exposition au plomb, la présence de dioxines et le stress maternel.

En conséquence, M. Francis Giraud, sénateur, rapporteur, a proposé de systématiser les actions de dépistage d'une part, et d'améliorer la prise en charge des handicaps, d'autre part.

Le dépistage du handicap chez l'enfant suppose de développer la détection précoce qui, grâce aux découvertes récentes en matière de plasticité cérébrale, permettrait d'améliorer les compétences cognitives de l'enfant. Pour atteindre cet objectif, les professionnels de santé et les populations, notamment celles en situation d'exclusion, doivent être sensibilisés à cette technique nouvelle.

La prise en charge des handicaps doit s'adresser aussi bien aux parents, dans la mesure où il a été scientifiquement prouvé que leur implication dans le processus en améliorait le résultat, qu'aux enfants eux-mêmes, et passer par la mobilisation des réseaux de soins et la régularité du suivi du handicap.

M. Francis Giraud, sénateur, rapporteur, a enfin souligné l'insuffisance des statistiques disponibles, dont la collation est pourtant indispensable pour connaître les problèmes rencontrés par les enfants handicapés de zéro à six ans, assurer le suivi des pathologies et adapter les moyens de garde et d'accueil. Il est donc essentiel d'engager une réforme rapide du système de recueil des données.

M. Jean-Michel Dubernard, député, premier vice-président, s'est réjoui des progrès accomplis par la recherche au cours des dernières années et a souligné les effets bénéfiques indéniables de l'usage du concept de plasticité cérébrale dans le traitement des enfants handicapés. Rappelant que la mission centrale de l'OPEPS est d'éclairer les choix en matière de politiques de santé, il a invité ses membres à traduire les principales conclusions des travaux de l'Office en dispositions législatives, notamment lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Nicolas About, sénateur, président, a confirmé le fait que les mesures de dépistage précoce du handicap chez l'enfant devaient être renforcées compte tenu des améliorations réelles de l'état de santé qu'il permet. Il a indiqué, en évoquant l'exemple du réseau de soins maternité-Yvelines, que le système de financement des filières de soins était extrêmement complexe et qu'au-delà du financement des mesures à prévoir dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il convenait aussi d'organiser la coopération entre les différents acteurs sur le terrain.

M. Gilbert Barbier, sénateur, s'est interrogé sur le rôle qui pourrait être confié aux enseignants d'écoles maternelles et primaires dans la détection des déficiences chez l'enfant et sur les moyens permettant de s'assurer que les parents d'enfants handicapés se préoccupent du suivi médical par une équipe spécialisée.

M. Francis Giraud, sénateur, rapporteur, a toutefois rappelé que le dépistage précoce s'adresse par définition aux enfants entre zéro et trois ans, donc avant leur scolarisation et leur contact avec le personnel enseignant. Il a préconisé des mesures spécifiquement ciblées sur l'information des populations confrontées à l'exclusion pour favoriser la prise en charge médicale de leurs enfants.

M. André Vantomme, sénateur, a voulu connaître les raisons des faiblesses des dispositifs existant en matière de dépistage et de prise en charge.

M. Francis Giraud, sénateur, rapporteur, a imputé les lacunes à la complexité de l'organisation actuelle et aux défaillances du suivi médical des enfants, y compris au travers des indications portées sur le carnet de santé.

M. Nicolas About, sénateur, président, a considéré qu'il était indispensable de mettre en place des référentiels de soins auxquels les médecins généralistes confrontés à des interrogations sur les diagnostics à établir pourraient se reporter pour apprécier la nécessité de confier l'enfant handicapé à un spécialiste.

M. Gérard Bréart, membre du comité d'experts, a souligné que l'augmentation continue du nombre d'enfants prématurés devait inciter à recourir de plus en plus souvent aux médecins généralistes, donc à améliorer leur formation sur le dépistage précoce des handicaps.

A l'issue de ce débat, l'OPEPS a autorisé la publication du rapport sur la prévention des handicaps de l'enfant.

Dépistage du cancer du sein - Examen du rapport

L'Office a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Marc Bernier, député, sur le dépistage du cancer du sein.

M. Marc Bernier, député, rapporteur, a d'abord rappelé que la généralisation du dépistage du cancer du sein occupait une place fondamentale dans le plan de mobilisation nationale contre le cancer, lancé par le Président de la République en juillet 2002 et mis en oeuvre, dès mars 2003, par M. Jean-François Mattei, alors ministre de la santé. L'Office se devait de se pencher sur ce thème, d'autant plus que le cancer est désormais la première cause de décès en France : chaque année, près de 300.000 personnes apprennent qu'elles en sont atteintes et 150.000 en meurent.

Or, malgré les nombreux progrès réalisés en la matière, certains dépistages ne sont pas encore suffisamment développés et l'accès aux soins demeure inégal sur le territoire national. Il est donc légitime que le Parlement ait le souci de déterminer les moyens efficaces de dépistage des cancers les plus fréquents et de proposer les mesures susceptibles d'améliorer le système actuel, à prendre en compte, le cas échéant, dès l'automne prochain lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Le choix du thème du dépistage du cancer du sein est justifié par la montée en puissance du dispositif de dépistage dans les départements et par le fait que la prévention du cancer du sein est l'un des objectifs figurant en annexe du projet de loi relatif à la politique de santé publique. Le présent rapport se fonde sur une étude réalisée par la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC), sur les recommandations du conseil des experts de l'OPEPS, et s'organise autour de trois axes : les justifications du dépistage du cancer du sein, l'organisation actuelle du dépistage et les pistes à explorer pour améliorer le dispositif.

Le dépistage du cancer du sein se justifie par des raisons tant médicales qu'économiques, car il apparaît que des campagnes programmées et régulières de dépistage permettent une réduction significative de la mortalité des femmes âgées de cinquante à soixante-neuf ans et évitent ainsi des drames humains et des dépenses pour le système d'assurance maladie. Toutefois, les études médico-économiques existantes, nationales ou étrangères, ne sont pas suffisamment abouties pour permettre une analyse pertinente des économies réalisées et en particulier du rapport coût-efficacité.

Les structures de dépistage du cancer du sein souffrent de la complexité du système actuel : sans remettre en cause la qualité réelle des contrôles, celui-ci pâtit de l'enchevêtrement des compétences entre l'État, les départements et les régimes d'assurance maladie, ainsi que de l'absence d'installations radiologiques spécifiques. Enfin, on observe une participation insuffisante des femmes aux examens de dépistage organisés par les pouvoirs publics et une longueur excessive des délais de prise en charge par rapport aux recommandations européennes. En revanche, des performances incontestables sont enregistrées en termes de taux de rappel, de taux de cancers détectés et de valeur prédictive de la biopsie.

M. Marc Bernier, député, rapporteur, a ensuite relevé quelques propositions susceptibles d'alimenter la réflexion du Parlement, à l'occasion des débats à venir sur les projets de loi relatifs à la politique de santé publique et à l'assurance maladie :

- le remplacement du dépistage individuel  par des actions de dépistage organisé ;

- la limitation de la prise en charge des dépenses engagées à l'occasion de cet examen de dépistage aux femmes âgées de cinquante à soixante-quatorze ans et à celles présentant un risque particulier, sur la demande argumentée du médecin ;

- l'amélioration des conditions d'évaluation du programme organisé par la mise en place d'indicateurs d'efficacité au niveau départemental, régional et national et l'augmentation des moyens consacrés à l'établissement des registres des cancers ;

- la coopération entre établissements et la diffusion des bonnes pratiques à l'échelon régional ;

- l'augmentation des équipements par anticipation de la réduction prévisible des effectifs de radiologues ;

- la modernisation de l'organisation des procédures d'information des femmes, des médecins généralistes et de l'assurance maladie.

M. Jean-Michel Dubernard, député, premier vice-président, a estimé qu'il est difficile d'utiliser le véhicule du projet de loi relatif à la politique de santé publique et qu'il faut plutôt envisager l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale pour tenir compte des propositions faites par le rapporteur.

M. Gilbert Barbier, sénateur, a voulu connaître la proportion de femmes qui ont recouru à un examen de dépistage du cancer du sein. Il a observé que des problèmes de coordination pouvaient survenir entre gynécologues et radiologues sur l'opportunité de prescrire un test de dépistage. Dans ces conditions, toute prescription motivée délivrée par un médecin pour subir un test doit être prise en charge par la sécurité sociale.

M. Marc Bernier, député, rapporteur, a indiqué qu'il est très difficile de connaître le nombre de dépistages individuels. Se pose d'ailleurs le problème des effets de seuil autour de la tranche d'âge cinquante - soixante-neuf ans. En tous les cas, le dépistage permet parfois un diagnostic précoce, très important pour parvenir à soigner le cancer du sein. Il a souligné que, en matière de dépistage, tous les experts insistent sur la place et le rôle du médecin généraliste. La proposition qu'il a exposée ne vise qu'à dérembourser les dépistages dits de confort et en aucun cas les actes médicalement justifiés.

M. Jean-Michel Dubernard, député, premier vice-président, a estimé que les généralistes ne pourraient pas endosser leur rôle sans être soutenus par des spécialistes. Il a indiqué que ce constat plaide en faveur du développement de réseaux regroupant plusieurs professions de santé, cette organisation permettant de favoriser la communication entre les professionnels, de faciliter l'éducation des acteurs et d'assurer une plus grande proximité avec le patient.

M. Marc Bernier, député, rapporteur, a confirmé l'importance qui devait être accordée à la qualité des soins, notamment dans le dépistage du cancer du sein. Il a souligné l'intérêt médical du dépistage organisé par les conseils généraux, l'effet bénéfique de la procédure de double lecture et, quand cela était possible, du recours à la mammographie numérique. Rappelant que son analyse s'inscrit dans une perspective de financement de l'assurance maladie, il a déclaré ne pas avoir d'objection à ce qu'une femme consulte son gynécologue pour faire un diagnostic individuel. Une attention particulière doit être accordée à la collation d'informations statistiques, dont l'exploitation est utile pour l'organisation de la politique de dépistage.

M. Gérard Dériot, sénateur, a approuvé la nécessité de disposer de statistiques fiables. Il a fait part de l'expérience acquise par le conseil général qu'il préside en soulignant la nécessité de campagnes de sensibilisation régulières, en l'absence desquelles la fréquentation des centres de dépistage décroît.

M. Jean Bardet, député, a jugé gênant de faire référence à la notion de coût-efficacité comme élément déterminant des politiques de dépistage.

M. Nicolas About, sénateur, président, a souhaité que des études complémentaires puissent être menées, afin d'éclaircir les raisons pour lesquelles le dépistage du cancer du sein devient moins important à partir de soixante-neuf ans.

Mme Françoise Forette, membre du comité d'experts, a rappelé les inquiétudes que lui inspire la détermination d'une tranche d'âge spécifiquement visée par le dépistage. Il ne faudrait pas qu'elle conduise à se désintéresser des femmes situées à la marge, notamment celles âgées de plus de soixante-dix ans.

M. André Vantomme, sénateur, a également fait part de ses réserves sur la délimitation d'une fourchette d'âge de cinquante à soixante-neuf ans pour le dépistage, susceptible de poser un réel problème d'exclusion de certaines femmes. Il a estimé que la prévention doit s'adresser à tout le monde.

A l'issue de ce débat, l'OPEPS a autorisé la publication du rapport sur les résultats du dépistage du cancer du sein.