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DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LA PLANIFICATION

Jeudi 12 novembre 1998

Perspectives économiques à moyen terme(1998-2003) : Examen du rapport d'information

Présidence de M. Joël Bourdin, président. La délégation a procédé à l'examen du rapport d'information sur les perspectives économiques à moyen terme, présenté par son président.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a tout d'abord rappelé que ce rapport s'appuyait sur des travaux de projection et de simulation menés à l'aide de modèles macroéconomiques et, en particulier, sur une projection de l'économie française à l'horizon 2003 réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Il a ensuite évoqué les incertitudes sur l'environnement international en soulignant que l'évolution du dollar constituait le risque majeur pour la croissance en Europe. En effet, une baisse de 5 % du dollar a un effet restrictif sur l'activité de l'ordre de 0,5 point de croissance. Si, après la baisse intervenue lors de la crise financière, le dollar baissait à nouveau de 5 % au cours des prochains mois, cela aurait un effet négatif sur la croissance de l'Europe équivalent à celui de la crise des pays émergents (Asie du Sud-Est, Russie, Amérique latine) et du Japon réunis.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a considéré que cette simulation illustrait l'importance de la politique européenne de change au cours des prochaines années.

Il a également indiqué que les prévisions à court terme de l'OFCE pour l'économie européenne rejoignaient celles de la plupart des instituts nationaux et celles des organisations économiques internationales : elles décrivent une stabilisation de la croissance européenne autour de 2,5 % en 1999 (après 2,7 % en 1998). Cependant, pour atteindre 2,5 % de croissance en 1999, l'Europe devra connaître une forte accélération dans le courant de l'année 1999, puisqu'elle est actuellement dans une phase de ralentissement marqué (depuis le début de 1998), le PIB augmentant actuellement sur un rythme annualisé de l'ordre de 2 %.

Evoquant ensuite les perspectives de l'économie française, il a jugé que le scénario élaboré par l'OFCE était relativement favorable. L'économie française retrouverait en effet, au cours des années 1998 à 2003, une croissance (+ 2,6 % par an en moyenne, dont + 3 % en 1998 et + 2,7 % en 1999) légèrement supérieure à son potentiel et très supérieure à celle des années 1990-1997 (+ 1,2 %). Ceci s'explique en projection par l'enrichissement du contenu en emplois de la croissance, et donc par la forte progression de l'emploi en début de période (+ 300 000 emplois en 1998 et + 386 000 en 1999, selon l'OFCE), ainsi que par l'accélération des salaires individuels qui soutiennent le revenu et la consommation des ménages.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a par ailleurs considéré qu'un des enseignements majeurs de cette projection concernait la persistance du chômage et l'importance du chômage structurel en France. En effet, malgré une forte progression de l'emploi (+ 1,4 million d'emplois supplémentaires selon l'OFCE), le chômage resterait à un niveau élevé en 2003 : 11 % selon l'OFCE, 9,6 % selon l'INSEE qui retient des hypothèses d'augmentation moins fortes de la population active.

Il a ensuite souligné que le redressement de la croissance économique permettrait un relatif rétablissement des comptes publics : le déficit public serait ramené à 1,2 % en 2003 et la dette publique, en pourcentage du PIB, baisserait à partir de 2000. Ce rétablissement s'opérerait malgré un relâchement des contraintes budgétaires de l'Etat (dans le prolongement de l'augmentation des dépenses retenue dans le projet de loi de finances pour 1999) et dans la maîtrise des dépenses de santé, par rapport aux années récentes.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a estimé qu'une bonne politique budgétaire dans une phase de reprise de la croissance consisterait à fixer un objectif de maîtrise des dépenses et de réduction des déficits publics plus ambitieux, quitte à s'écarter légèrement de cet objectif si la conjoncture était moins favorable que prévu.

Il a également indiqué qu'un déficit public de 1,2 % en 2003 correspondait exactement au déficit observé à la fin des années 80, c'est-à-dire également au terme d'une période d'expansion. La France aurait ainsi à affronter un retournement conjoncturel éventuel dans des conditions aussi peu favorables qu'en 1993, ce qui démontre que la contrainte de redressement des finances publiques ne doit pas passer au second rang, maintenant que la France a satisfait aux " critères de Maastricht ".

M. Joël Bourdin, rapporteur, a enfin présenté les conclusions des travaux d'experts sur les liens entre emploi, coût du travail et financement de la Sécurité sociale. Il résulte ainsi de l'ensemble des études scientifiques et macroéconométriques une conclusion claire : les baisses de prélèvements les plus favorables à l'emploi sont celles qui sont lisibles, pérennes et ciblées sur les bas salaires. Il a donc regretté que les marges de manoeuvre budgétaires pour 1999 soient pour partie absorbées par une mesure, l'allégement de la part des salaires dans la taxe professionnelle, qui ne remplit guère ces conditions. Il aurait été plus efficace d'amplifier les dispositifs d'allégement des charges sociales, tels qu'ils ont été mis en place depuis 1993, tout en les adaptant pour les rendre plus rationnels.

M. Jean-Pierre Plancade s'est tout d'abord interrogé sur l'efficacité des mesures d'allégement des charges des entreprises. Il a ensuite estimé que, seule, une période de forte croissance pourrait avoir des effets significatifs sur l'emploi et le chômage. Il a également évoqué l'incertitude sur l'évolution du taux d'épargne des ménages et rappelé qu'en matière de finances publiques, des efforts très importants avaient été réalisés, au cours des dernières années, pour maîtriser les dépenses.

M. Pierre André a souligné le rétrécissement de la base industrielle de l'économie française, qui constitue certainement un facteur d'explication de la persistance du chômage, l'intérêt des politiques d'exonération de charges ciblées sur les bas salaires et le succès des zones franches en matière d'emploi.

La délégation a ensuite adopté le rapport d'information présenté par son président.