MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE DE DRESSER LE BILAN DE LA DECENTRALISATION ET DE PROPOSER LES AMELIORATIONS DE NATURE A FACILITER L'EXERCICE DES COMPETENCES LOCALES
Table des matières
Mercredi 7 avril 1999
- Présidence de M. Jean-Paul Delevoye, président.
Audition de M. Jean-Louis Chauzy, président de l'assemblée permanente des présidents des conseils économiques et sociaux régionaux et de M. Pierre Trousset, président d'honneur
M. Jean-Louis Chauzy, président de l'assemblée permanente des présidents des conseils économiques et sociaux régionaux, a relevé que les conseils économiques et sociaux régionaux (CESR), créés par la loi du 5 juillet 1972, étaient installés depuis vingt-cinq ans.
Soulignant la grande diversité de leur fonctionnement selon les régions, M. Jean-Louis Chauzy a regretté la dépendance économique des conseils vis-à-vis de l'exécutif régional. Rappelant que les crédits du CESR étaient inscrits au budget de la région et notifiés par le président du conseil régional, il a souhaité que les conseils économiques et sociaux régionaux bénéficient d'une plus grande autonomie financière.
M. Jean-Louis Chauzy a fait part de la consultation menée par les préfets de région, en vue de la révision de la composition du CES régional. Il a rappelé que les conseils étaient composés de trois collèges, le premier représentant les entreprises et activités professionnelles non salariées, à parité numérique avec le deuxième représentant des organisations syndicales de salariés, le dernier collège représentant les organismes qui participent à la vie collective de la région, une quatrième catégorie de conseillers économiques et sociaux régionaux regroupant des personnalités qualifiées.
En souhaitant que les conseillers soient davantage représentatifs de la société, il a évoqué l'idée d'une parité numérique entre les trois collèges de conseillers, afin d'assurer une meilleure représentation des associations.
M. Jean-Louis Chauzy a rappelé que le conseil économique et social régional, assemblée consultative, s'exprimait par des avis et rapports communiqués au conseil régional, certains avis présentant un caractère obligatoire, d'autres étant sollicités par le président du conseil régional. Il a souligné que le CESR disposait de la faculté d'auto-saisine pour se prononcer sur toute question entrant dans les compétences de la région. Il a souhaité que le président du conseil économique et social régional puisse présenter des avis directement devant l'exécutif régional, et non devant la seule assemblée délibérante.
M. Pierre Trousset, président d'honneur de l'assemblée permanente des présidents des conseils économiques et sociaux régionaux, a estimé nécessaire de poursuivre la décentralisation en améliorant la lisibilité de la répartition des compétences et des responsabilités. Il a affirmé qu'il ne pouvait y avoir de décentralisation réelle sans donner aux régions une dimension politique, avec des compétences claires assorties des ressources correspondantes, mais qu'une telle volonté politique faisait défaut, comme l'avait illustré le débat sur le mode de scrutin régional. Il a rappelé que l'assemblée des présidents des CES régionaux s'était prononcée en faveur d'un mode de scrutin proche du scrutin municipal organisé dans la circonscription régionale. Il a regretté la fragilité des exécutifs régionaux résultant du mode de scrutin finalement retenu et souligné la difficulté à dégager des majorités relatives, non seulement au sein de l'assemblée, mais, ce qui lui paraissait plus grave pour la région, au sein même de la commission permanente.
M. Pierre Trousset a exprimé son attachement à la fonction consultative du conseil économique et social régional. Il a estimé que, sans se substituer au pouvoir délibératif de l'assemblée ou au pouvoir décisionnel de l'exécutif, le CES régional associait démocratie représentative et démocratie participative. Il a jugé souhaitable que les avis et propositions du conseil économique et social régional éclairent les choix de l'exécutif régional et de l'assemblée délibérante, tout en respectant le pouvoir de décision lié à l'élection au suffrage universel.
Il a mis en avant le bilan largement positif des conseils économiques et sociaux régionaux, précisant que les dysfonctionnements constatés pouvaient aisément être surmontés si le CESR, assemblée consultative, évitait tant de s'ériger en assemblée politique, que de se cantonner dans un rôle purement formel.
M. Pierre Trousset a ensuite fait part de quelques pistes de réforme. Il a souhaité que la modification, par voie réglementaire, de la composition des CESR se traduise par la suppression de la quatrième catégorie de membres du conseil économique et social, celle des personnalités qualifiées, permettant ainsi le rééquilibrage en faveur de la représentation du monde associatif. De plus, il a jugé primordial que les personnes désignées par les différents organismes soient effectivement en activité, les retraités bénéficiant d'une représentation spécifique.
Afin de garantir la liberté d'expression et l'indépendance du conseil économique et social au sein de la région, M. Pierre Trousset a appelé de ses voeux un véritable statut du conseiller économique et social régional, évoquant la proposition de loi sur ce sujet déposée par M. Jean-Paul Delevoye. Il a suggéré que le droit à la formation des conseillers soit reconnu et que leur régime indemnitaire ne relève plus de l'autorité régionale mais soit fixé au niveau national, par référence à l'indemnité perçue par les élus régionaux.
M. Jean-Louis Chauzy a ensuite abordé la question des conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire (CRADT), mises en place par la loi du 4 février 1995. Il a rappelé que la CRADT était une instance de concertation où étaient représentés l'Etat, les exécutifs des collectivités territoriales, les structures intercommunales, ainsi que le conseil économique et social régional.
Il a regretté les orientations retenues par le projet de loi présenté par Mme Dominique Voynet, tendant à modifier la composition de la CRADT, en incluant des représentants des activités économiques et sociales et des associations qui ne seraient pas membres du CESR.
Rappelant que la CRADT était le lieu unique où pouvaient se réunir les représentants de l'État, des collectivités locales et des partenaires économiques et sociaux, il a insisté sur les dangers d'une double représentation des forces économiques et sociales, susceptible d'aggraver certains problèmes de communication.
M. Pierre Trousset a regretté le nombre trop faible des représentants du CESR au sein des CRADT.
S'agissant de la répartition des compétences et de l'efficacité de l'action publique, M. Jean-Louis Chauzy a considéré que la région était la collectivité la mieux placée pour organiser la solidarité et la péréquation, mais qu'elle n'en avait pas les moyens. Il a souligné l'importance des trois compétences essentielles de la région, à savoir l'action économique, l'aménagement du territoire et la formation professionnelle.
Evoquant la question des compétences de l'Etat que les régions seraient susceptibles d'assumer, en particulier l'enseignement supérieur, il a estimé que le plan " U3M " ne devrait pas être négocié comme l'avait été le plan " Universités 2000 ". Il s'est déclaré réservé sur l'adage qui voudrait que les transferts d'aujourd'hui seraient les compétences de demain, soulignant que l'Etat avait imposé aux régions des transferts de charges sans nouveaux transferts de compétences. Il a ajouté que la mise en oeuvre de la notion de collectivité " chef de file " n'avait de sens que précédée d'une clarification des compétences.
M. Jean-Louis Chauzy s'est interrogé sur l'émergence de la notion de " territoire de projet " en mettant en garde contre la tendance à opposer le territoire " institutionnel " au territoire " vécu ".
Il a estimé que le canton, périmètre de solidarité bien défini en milieu rural, n'était plus adapté en milieu urbain.
M. Pierre Trousset a regretté que les financements croisés, associés à une répartition des compétences peu lisible, engendrent une complexité croissante aussi bien pour les citoyens que pour les élus. Il a souhaité une analyse des surcoûts dus aux financements croisés.
Il a indiqué que les régions étaient prêtes à exercer des compétences actuellement dévolues à l'Etat, notamment en matière d'éducation. Il a souligné que la moitié du budget régional était consacrée aux dépenses correspondant aux compétences transférées en matière d'éducation et de formation professionnelle, mais que la région ne faisait que financer la construction et l'entretien des infrastructures, sans intervenir sur le contenu des enseignements. Constatant de surcroît que le quart du budget régional correspondait aux dépenses contractualisées avec l'Etat et que 15 % étaient dévolus au transport ferroviaire, il a regretté la faible marge de manoeuvre des régions.
M. Pierre Trousset a relevé que la notion de collectivité " chef de file " évoquée à l'occasion du débat sur le projet de loi d'orientation relatif à l'aménagement du territoire laissait sous-entendre que pouvait être réglée " au cas par cas " la question de la collectivité compétente. Il a jugé préférable de redéfinir au préalable la répartition des compétences de façon plus générale.
En particulier, il a souhaité que l'éducation fasse l'objet d'un transfert de compétence explicite, l'Etat conservant le monopole de la délivrance des diplômes.
En matière de développement économique, M. Pierre Trousset a redouté que le projet de loi relatif aux interventions économiques préparé par le Gouvernement affaiblisse la compétence de la région en ce domaine et limite sa capacité d'intervention.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a demandé si l'indépendance financière du conseil économique et social régional devait être assurée par des ressources autonomes, en instaurant par exemple une fiscalité additionnelle régionale, ou si les CESR devait continuer à dépendre du budget régional mais suivant des clés prédéfinies, voire des minima.
M. Bernard Seillier a demandé si une homogénéisation du statut des conseillers économiques régionaux était souhaitable.
M. Pierre Trousset a repoussé l'idée d'une fiscalité additionnelle mais a fait savoir que le débat sur les ressources du CES régional et le statut des conseillers était ouvert au sein de l'association des présidents de CESR.
A M. Jean-Paul Delevoye, président, qui s'interrogeait sur la nécessité de tirer les leçons du plan " Universités 2000 " à l'occasion de la négociation du plan " U3M ", M. Jean-Louis Chauzy a confirmé que le financement devait s'accompagner d'un transfert de compétence et que le rôle de la région ne devait pas être limité à la construction des établissements mais inclure le contenu pédagogique.
M. Jean-François Humbert a noté que la région finançait la construction des campus universitaires sans que la loi ne lui en donne la compétence.
M. Jean-Paul Delevoye, président, étant revenu sur le débat entre territoire " vécu " et territoire " institutionnel ", M. Pierre Trousset s'est déclaré favorable à l'élection au suffrage universel des conseillers des futures communautés d'agglomération et à une meilleure reconnaissance du pays.
M. Bernard Seillier s'est demandé si le mode de désignation des membres du CESR permettait d'assurer une représentation des professions émergentes.
M. Jean-Louis Chauzy a cité en exemple le fait qu'il n'avait pas trouvé d'interlocuteurs au sein du CESR qu'il préside pour la rédaction d'un rapport sur l'exclusion.
M. Jean-Paul Delevoye, président, approuvé par M. Jean-François Humbert, a noté que la présence de personnalités qualifiées pouvait contribuer à améliorer la représentativité du CES régional. M. Pierre Trousset a observé que des personnalités qualifiées pourraient toujours être nommées par le biais d'un des trois collèges existants et que la représentation en trois tiers renforcerait l'autorité des organismes dotés du pouvoir de nomination.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a approuvé l'idée que la désignation au CES régional corresponde à l'exercice de compétences réelles.
Abordant ensuite la question des politiques européennes territorialisées, M. Pierre Trousset, présentant le rapport de mission remis en avril 1998, intitulé " Pour une efficacité renforcée des politiques structurelles communautaires ", a estimé que les régions devaient affirmer leur place dans les politiques communautaires, d'autant plus que l'Etat entendait la participation de l'échelon régional non comme celle des conseils régionaux mais comme celle des préfets de région.
Il a noté l'importance des montants financiers en jeu, soit 100 milliards de francs versés par l'Union européenne en six ans, complétés par 200 milliards de francs au niveau national, et il a remarqué que la prochaine génération des contrats de plan (2000-2007) se caractériserait par une plus grande concentration des aides distribuées.