MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE DE DRESSER LE BILAN DE LA DECENTRALISATION ET DE PROPOSER LES AMELIORATIONS DE NATURE A FACILITER L'EXERCICE DES COMPETENCES LOCALES
Table des matières
- Mercredi 8 mars 2000
- Audition de M. Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, sénateur des Hauts-de-Seine
- Audition de M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes
- Audition de M. Jacques Creyssel, directeur délégué du mouvement des entreprises de France (MEDEF)
- Audition de M. Jean-Pierre Balligand, vice-président de l'Institut de la Décentralisation, député de l'Aisne
- Audition de M. Philippe Valletoux, membre du Directoire du Crédit local de France-Dexia
- Audition de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
Mercredi 8 mars 2000
- Présidence de M. Jean-Paul Delevoye, président -
Audition de M. Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, sénateur des Hauts-de-Seine
La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, sénateur des Hauts-de-Seine.
Après avoir rappelé que le comité des finances locales (CFL), composé de représentants des diverses catégories de collectivités territoriales, avait pour mission de surveiller et de contrôler les flux de financement entre l'Etat et les collectivités locales, M. Jean-Pierre Fourcade a présenté quatre observations concernant l'évolution des finances locales depuis le début des années 80. En premier lieu, il a constaté l'insuffisance des sommes consacrées par l'Etat aux dépenses transférées. Il a analysé trois évolutions.
Tout d'abord, les sommes transférées au titre de la dotation générale de décentralisation ou des autres dotations spécifiques se sont avérées inférieures aux besoins, concernant, notamment, les investissements sur les lycées ou les collèges ou les dépenses d'aide sociale. Pour les collèges, qui relèvent des départements, et les lycées, qui relèvent des régions, il a estimé de 1 à 5 l'écart entre les dotations transférées et les besoins réels constatés. S'agissant de l'aide sociale transférée aux départements, il a relevé qu'après une légère maîtrise de l'évolution des dépenses de 1980 à 1990, la création du RMI avait entraîné une augmentation sensible de la progression de la charge transférée aux départements.
S'agissant toujours des transferts de compétences, M. Jean-Pierre Fourcade a constaté, par ailleurs, que les recettes fiscales, qui avaient été transférées par l'Etat aux collectivités locales, notamment la vignette et la taxe sur les cartes grises, avaient connu des évolutions satisfaisantes, qui avaient contribué à l'amélioration du financement des collectivités locales et compensé, ainsi partiellement, l'insuffisance du montant des dotations transférées.
Toutefois, M. Jean-Pierre Fourcade a observé qu'à partir de 1987, l'Etat avait refusé de financer des dépenses qu'il prenait en charge auparavant, en matière de santé, de construction de routes ou de travaux sur les bâtiments universitaires. Il a noté, pour le regretter, que le principe du transfert de dépenses sans recettes correspondantes s'était progressivement généralisé.
Il a observé qu'actuellement, près des trois-quarts de l'investissement public étaient assurés par les collectivités locales, au lieu de 40 % avant la décentralisation. Il a fait état aussi de l'augmentation des dépenses de fonctionnement liées aux dépenses de personnel, qui avaient été supérieures à celles des recettes transférées. D'une manière générale, il a observé que les collectivités locales avaient dû recourir, plus fortement qu'auparavant, à leurs ressources fiscales, ce qui expliquait que le taux de prélèvement des collectivités locales sur le produit intérieur brut (PIB) était passé de 4 % à 6 % en vingt ans, soit une augmentation de 50 %.
En second lieu, M. Jean-Pierre Fourcade a souligné ensuite les effets du passage de la notion simple de transfert de compétences à celle, plus complexe, de " partenariat " entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Il a rappelé qu'à l'origine, la décentralisation, telle qu'elle avait été envisagée par le Sénat et mise en oeuvre sur le fondement de la loi du 2 mars 1982, reposait sur un concept simple, celui du transfert par l'Etat de blocs de compétences, assorti du transfert des ressources correspondantes. Il a relevé que l'Etat, devenu impécunieux, avait développé de nouveaux systèmes de partenariat.
Il a observé que, lorsque l'Etat engageait des programmes nouveaux en demandant une participation des collectivités locales, beaucoup de ces dernières prenaient d'elles-mêmes l'initiative de compléter l'effort de l'Etat, comme le montraient les exemples du programme de rénovation des instituts universitaires technologiques (IUT) ou le plan " Universités 2000 ".
Il a remarqué que le passage d'un système de blocs de compétences transférées à celui d'un système de partenariat avait compliqué le paysage de la décentralisation et rendu de surcroît plus lourdes les procédures de financement, qui nécessitaient dorénavant l'accord de plusieurs partenaires institutionnels.
En troisième lieu, M. Jean-Pierre Fourcade a observé que l'Etat, depuis vingt ans, avait essayé de maîtriser la progression des concours financiers aux collectivités locales. Il a évoqué les différentes étapes qui avaient consisté à supprimer le principe de l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à réformer l'assiette de la taxe professionnelle et à réduire les taux des droits d'enregistrement.
Il a observé que la part des recettes fiscales transférées avait diminué au sein des ressources des collectivités locales au profit des transferts provenant des dotations budgétaires de l'Etat.
Enfin, M. Jean-Pierre Fourcade a relevé le développement de l'intercommunalité en observant que, compte tenu de l'élargissement des responsabilités européennes, le contribuable français présentait la singularité d'être confronté à six niveaux de décision en matière de prélèvement fiscal. Il a estimé que, conjuguée à l'augmentation massive du prélèvement social, cette situation expliquait que le taux de prélèvement obligatoire sur l'économie française atteigne désormais 45,7 %.
Il a considéré que l'existence d'une fiscalité directe locale était bien une condition nécessaire du principe de libre administration des collectivités locales. Il a souligné que, dans un Etat encore jacobin comme la France, il était fondamental et conforme à notre culture que coexistent des recettes fiscales propres, levées sous la responsabilité des collectivités locales, et des transferts de l'Etat. Il a considéré que remettre en cause l'autonomie fiscale locale reviendrait à opérer un mouvement de recentralisation. Il a souligné toutefois que la réforme de la taxe professionnelle, ainsi que les projets de réforme annoncés de la taxe d'habitation, risquaient de faire basculer le système français du principe de l'autonomie fiscale locale à celui d'un système plus centralisé.
Evoquant l'hypothèse parfois émise d'un partage du produit des grands impôts nationaux au profit des collectivités territoriales, M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que cette solution serait difficile à appliquer en raison de la culture administrative française, peu favorable à un véritable dialogue constructif, et de l'existence de près de 36.000 communes, 15.000 structures intercommunales et 100 départements qui rendraient extrêmement complexes l'opération de localisation des impôts d'Etat ainsi transférés. Il a souligné enfin que se poseraient, en tout état de cause, des enjeux en matière de critères de répartition des recettes ainsi transférées, qui conduiraient inéluctablement à instaurer un dispositif au moins aussi complexe que celui de l'actuelle DGF.
Concernant l'autonomie fiscale, M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que celle-ci était d'autant plus réelle que les collectivités locales disposaient de ressources propres et bien gérées.
Il a observé que, dans les villes de plus de 10.000 habitants, les budgets étaient suffisamment significatifs pour permettre aux décideurs locaux d'opérer de véritables choix d'investissement et d'arbitrer, comme il incombe au responsable politique élu, sur la répartition des charges entre les usagers des services publics locaux et les contribuables locaux.
Il a relevé, de plus, que l'autonomie fiscale était d'autant plus efficace que les collectivités locales maîtrisaient l'évolution de leur endettement. Il a souligné à cet égard que la France n'aurait pas rempli les critères prévus par le traité de Maastricht pour la création de la monnaie unique si les collectivités locales, contrairement à l'Etat, n'avaient pas été capables d'assurer une gestion fine de leur dette.
M. Jean-Pierre Fourcade a considéré que la prise en charge par l'Etat d'une part croissante de la fiscalité locale n'était pas " une fatalité ", mais une tendance naturelle des fonctionnaires du ministère de l'économie et des finances, qui semblaient difficilement admettre les conséquences financières de la pluralité des collectivités locales et préféraient l'instauration de règles de répartition uniformes sur le plan national à une adaptation locale des règles nationales.
Il a jugé révélateur que l'Etat soit devenu " le premier contributeur " local, qu'il ait pris en charge la moitié des recettes de taxe professionnelle et qu'il se prépare à intervenir pour une part plus grande du produit de la taxe d'habitation. Face à cette tendance, il a estimé que la solution de facilité serait de poursuivre ce mouvement de prise en charge par l'Etat de la fiscalité locale, plutôt que de rénover et de créer de nouveaux impôts locaux plus modernes.
D'une manière générale, M. Jean-Pierre Fourcade a estimé qu'en matière de finances locales, s'était opéré un mouvement de recentralisation, du fait, notamment, de la récente réforme de la taxe professionnelle. Il a relevé que la suppression de l'assiette salariale n'avait pas totalement profité aux entreprises, du fait de divers correctifs renforcés par le Gouvernement dans un souci d'économie concernant la cotisation de péréquation, le seuil minimal de recouvrement de la taxe professionnelle (TP) et la réduction du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée.
S'agissant de l'évolution du montant des concours financiers de l'Etat, il ne s'est pas déclaré favorable à une indexation sur les charges des collectivités locales. Il a rappelé que les concours financiers de l'Etat, inscrits en dépenses budgétaires, étaient financés par des impôts, dont le produit dépendait de paramètres économiques. Il a considéré que l'autonomie fiscale des collectivités locales devait aller de pair avec une indexation des concours financiers de l'Etat sur les recettes à franc constant de l'Etat. Il a souligné que les collectivités locales ne pourraient pas demander à être associées aux résultats de la croissance si elles refusaient les diminutions de ressources dans les périodes de conjoncture économique défavorable.
M. Jean-Pierre Fourcade a considéré que la " lisibilité " du système des concours financiers de l'Etat serait difficile à atteindre sans un effort pédagogique considérable. Il a estimé que l'exemple de la DGF montrait bien la complexité d'un système de répartition itérative malgré l'effort de clarification résultant de la réforme réalisée sous l'impulsion de M. Daniel Hoeffel, par la loi du 31 décembre 1993.
Il a estimé que le dispositif serait amélioré, si le comité des finances locales procédait à la répartition de la DGF, en trois parts distinctes relatives respectivement aux départements, aux communes et aux groupements de communes, jugeant anormal que les dotations de péréquation subissent actuellement le contrecoup du développement de l'intercommunalité.
En matière de prévisibilité des concours de l'Etat, M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que celle-ci pourrait être améliorée, si les collectivités locales étaient informées plus précocement de l'évolution des bases des impôts directs locaux et si les différents concours financiers de l'Etat étaient indexés globalement sur le " pouvoir d'achat des recettes fiscales de l'Etat ".
Interrogé sur la conciliation contre les principes de péréquation et de décentralisation, M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que la DGF ne jouait plus aussi bien qu'avant son rôle de péréquation, en raison de l'accumulation de législations sédimentaires. Il a mis en avant trois principes pour éviter que la péréquation ne remette en cause la décentralisation. Il s'est prononcé tout d'abord contre le principe d'une péréquation par un prélèvement sur les recettes fiscales locales, en estimant que l'appréciation, par l'administration, du degré de richesse d'une collectivité locale était généralement contestable. Il a souligné, par ailleurs, que l'accent mis sur les recettes fiscales revenait à ne pas tenir compte de l'ensemble des ressources patrimoniales des communes qui peuvent susciter des écarts de richesse importants.
De plus, il a émis des réserves sur les mécanismes de péréquation automatique qui conduisent à ce que les communes bénéficiaires pensent avoir un " droit acquis " au maintien de leur dotation de péréquation, quelles que soient les évolutions conjoncturelles dont elles bénéficient.
Il a indiqué, enfin, que la péréquation devait être opérée non seulement au titre de la DGF, mais aussi pour le calcul des subventions attribuées, soit par l'Etat, soit par les collectivités locales entre elles.
Enfin, il a souligné la nécessité d'apporter une compensation, en cas de " sinistre " économique sur le territoire d'une collectivité locale, du fait, notamment, de la fermeture d'un établissement ou d'une entreprise, les dispositifs actuels apparaissant insuffisants sur ce point.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a estimé que l'intervention de M. Jean-Pierre Fourcade mettait opportunément l'accent sur les conséquences négatives, au regard de la décentralisation, de la suppression de la composante salariale de l'assiette de la taxe professionnelle, sur la nécessité de créer une véritable " assurance risque ", pour les collectivités locales, en cas de mutation économique défavorable, sur la difficulté de trouver un principe légitime de localisation des recettes fiscales dans l'hypothèse d'un partage des impôts nationaux et sur la disparité des dépenses sociales entre catégories de collectivités territoriales.
Audition de M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes
Puis la mission a procédé à l'audition de M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes.
M. Alain Guengant a mis en évidence les trois évolutions financières suivantes depuis le début des années 80. Il a tout d'abord constaté que les collectivités locales avaient su s'adapter à l'évolution des taux d'intérêt et éviter le risque de surendettement. Il a ajouté que l'assainissement de la situation financière des collectivités locales s'était également traduit par un faible dynamisme de l'investissement local, notamment des investissements " de développement ". En deuxième lieu, il a souligné que la capacité de mobilisation des ressources des collectivités locales restait forte. Il a expliqué ce phénomène par l'augmentation de la pression fiscale locale, au rythme de progression supérieur à celui du produit intérieur brut et des concours financiers de l'Etat. Il a estimé que la prise en charge croissante de la fiscalité locale par l'Etat s'analysait comme la contrepartie de l'absence de réforme de l'assiette des impôts. En troisième lieu, il a observé une mutualisation accrue des ressources des collectivités locales, provoquée par l'intervention croissante de l'Etat dans la fiscalité locale, ainsi que par le développement de la solidarité intercommunale et de la taxe professionnelle unique. Il a regretté l'absence d'évaluation des effets de la péréquation résultant tant des concours de l'Etat que des actions complémentaires menées en ce domaine par les départements et les régions. Il a rappelé que le mode de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) permettait de corriger 40 % des écarts de potentiel fiscal, mais que ce taux n'avait pas augmenté depuis de nombreuses années. Constatant l'essoufflement des mécanismes nationaux de péréquation, il a insisté sur l'intérêt de développer les dispositifs de péréquation " par le bas ", au niveau local.
M. Alain Guengant a considéré que l'existence d'une fiscalité directe locale était une condition nécessaire du principe de libre administration des collectivités locales et a estimé qu'une décentralisation qui se limiterait à la liberté de dépenser serait une décentralisation " tronquée ". Observant que les usagers contribuaient faiblement au financement des services publics locaux, il a estimé qu'il était possible d'approfondir la décentralisation tarifaire.
M. Alain Guengant a relevé des limites à l'autonomie fiscale des collectivités locales. Il a rappelé que les règles applicables aux collectivités locales étaient décidées par le Parlement, que la loi encadrait leur capacité à voter les taux des impôts locaux, que les décisions des élus pouvaient être sanctionnées par les électeurs et que la concurrence fiscale entre collectivités limitait les marges de manoeuvre à la hausse.
Malgré ces limites, M. Alain Guengant a estimé que l'autonomie fiscale des collectivités locales était réelle et se manifestait par la croissance des taux, qui témoigne d'une marge de modulation des budgets locaux, et par la différence entre les niveaux de taux pratiqués d'une collectivité à l'autre, qui ne s'expliquent pas seulement par les écarts de bases entre collectivités.
M. Alain Guengant a considéré que la prise en charge par l'Etat d'une part croissante de la fiscalité locale n'était pas une fatalité mais que, compte tenu de la nature des impôts directs locaux, un tel scénario demeurait le plus probable. Il a ajouté que les facteurs qui expliquent ce phénomène, notamment la réticence de l'Etat à réviser les bases, ne semblaient pas devoir disparaître.
Evoquant l'avenir de la taxe professionnelle, il a estimé que la suppression de la fraction de son assiette reposant sur les salaires rendait improbable l'évolution vers un impôt assis sur la valeur ajoutée. Il a cependant constaté que, du fait, d'une part, de l'augmentation de la cotisation minimale et de la cotisation de péréquation et, d'autre part, du maintien du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, la taxe professionnelle devenait progressivement, au sein d'un tunnel de taux, un impôt calculé au niveau national en fonction de la valeur ajoutée.
S'agissant de la taxe d'habitation, M. Alain Guengant a considéré que cet impôt n'avait pas d'avenir si ses bases n'étaient pas réformées. Il a jugé concevable une évolution vers une assiette comparable à celle de la cotisation sociale généralisée.
M. Alain Guengant a insisté sur le fait que les taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties, dont un tiers du produit est acquitté par les entreprises et deux tiers par les ménages, augmentaient deux fois plus vite que les taux des autres impôts directs locaux. Jugeant qu'une telle éventualité constituerait une menace pour le maintien d'une fiscalité directe locale, il a craint que le recours à cet impôt ne se heurte un jour à l'absence de révision des bases.
M. Alain Guengant a considéré qu'il était légitime de parler de recentralisation en matière de finances locales et a observé que, si les tendances actuelles se prolongeaient, la fiscalité locale pourrait avoir totalement disparu en 2010.
Il a estimé qu'il était préférable, au niveau national, de lier l'évolution des concours financiers aux collectivités locales à l'évolution des recettes fiscales de l'Etat, plutôt qu'à l'augmentation des charges des collectivités locales, de manière à associer ces dernières à l'effort de maîtrise des dépenses publiques et au respect des engagements européens de la France.
S'agissant de la répartition des concours financiers entre les collectivités locales, il s'est déclaré favorable à la prise en compte d'indicateurs de charges, tout en insistant, d'une part, sur la nécessité de ne pas assimiler les charges aux dépenses et, d'autre part, sur la difficulté de distinguer entre les dépenses qui constituent des charges et celles qui correspondent à un service rendu. Il a souligné l'importance de cette distinction en rappelant que les collectivités les plus riches étaient également celles qui dépensaient le plus. Il a ajouté que plusieurs pays européens avaient renoncé à utiliser des indicateurs de charges en raison de la difficulté à les élaborer.
M. Alain Guengant a estimé que l'absence de lisibilité des concours financiers de l'Etat aux collectivités reflétait la diversité des situations rencontrées au plan local. Il a indiqué que cette complexité résultait en partie de la nécessité de combiner les impératifs de la compensation avec ceux de la péréquation. Il a attribué l'absence de prévisibilité de l'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales au mode d'indexation de ces concours, qui dépend de l'évolution de variables macroéconomiques.
M. Alain Guengant a considéré que la péréquation était une nécessité pour compléter la décentralisation et optimiser le bien-être social. Il a estimé que la péréquation n'était possible que si l'on concevait les différents territoires comme faisant partie d'un ensemble plus vaste, la Nation, et que cette communauté d'appartenance impliquait une solidarité entre les différentes composantes.
Audition de M. Jacques Creyssel, directeur délégué du mouvement des entreprises de France (MEDEF)
La mission a ensuite entendu M. Jacques Creyssel, directeur délégué du mouvement des entreprises de France (MEDEF).
M. Jacques Creyssel a indiqué qu'il n'était pas opposé au principe de l'existence d'un lien fiscal entre les collectivités locales et les entreprises, estimant toutefois que l'augmentation incontrôlée du montant de la taxe professionnelle risquait de remettre en cause ce principe.
Analysant les défauts de la taxe professionnelle, il a souligné l'impact négatif qu'avait son application en amont de la production. Il a observé que ses taux variaient d'une commune à l'autre, créant de réelles inégalités. Il a remarqué que l'évolution sur dix ans des bases de cette taxe, extrêmement complexe, induisant une progression de la fiscalité supérieure à celle de la valeur ajoutée des entreprises, était difficilement supportable.
M. Jacques Creyssel a noté que la progression des bases fiscales avait incité les collectivités locales à accroître leurs dépenses de fonctionnement de manière anormale, et a estimé que, dans cette perspective, toute diminution des bases se traduisait automatiquement par une progression des taux, afin que les collectivités territoriales puissent maintenir le même niveau de dépenses de personnel.
Dénonçant ce système, M. Jacques Creyssel a estimé qu'il ne pouvait être réformé et devait être supprimé. Il a proposé de remplacer le produit de la taxe professionnelle par l'affectation d'une partie du produit d'un impôt national, tel que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette solution permettrait d'améliorer la prévisibilité des recettes locales, le produit de la TVA dépendant directement de la croissance du produit intérieur brut (PIB). Elle serait préférable à la création d'un nouvel impôt, dans la mesure où la pression fiscale française est déjà supérieure de 450 milliards de francs à la moyenne européenne.
M. Jacques Creyssel a noté que le montant du " versement transport ", correspondant à la participation des entreprises au financement des transports en commun, avait augmenté, au cours des dix dernières années, de 170 % en francs courants, soit 60 % en francs constants, son produit s'élevant désormais à 17 milliards de francs. Il s'est prononcé contre l'extension, prévue par le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, de ce prélèvement aux transports périurbains, qui engendrerait une nouvelle charge fiscale, pour les entreprises, d'environ 500 millions de francs.
Analysant le régime fiscal de la taxe professionnelle unique (TPU), M. Jacques Creyssel s'est déclaré plutôt favorable à ce régime, qui permet de réduire les disparités de taux de taxe professionnelle. Il a cependant regretté que sa mise en place se traduise par l'augmentation du taux de taxation moyen de la zone considérée.
En ce qui concerne les zonages fiscaux, M. Jacques Creyssel a estimé que leur efficacité était contestable et que ces mécanismes étaient inutilement coûteux et complexes. Il a rappelé qu'ils pouvaient de plus avoir des effets pervers. Il a indiqué que ce genre de mesures fiscales était moins efficace qu'une diminution de la pression fiscale globale.
M. Jacques Creyssel a jugé que le vote de taux s'appliquant à une même assiette par les communes, les structures intercommunales, les départements et les régions n'était pas pénalisant pour les entreprises mais soulevait le problème de la spécialisation des impôts.
Il a indiqué que la politique fiscale locale, entraînant des distorsions de concurrence, n'était pas optimale. Il a recommandé l'abandon des différents systèmes d'aide et d'exonération au profit d'un recentrage des collectivités locales sur des investissements d'infrastructures, utiles aux entreprises.
Enfin, le directeur délégué du MEDEF a appelé de ses voeux une réforme en profondeur de la fiscalité locale, dans le cadre d'une refonte globale de la fiscalité nationale, afin de réduire le nombre d'impôts et taxes existants.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a estimé que la suppression des impôts locaux et la mise en place d'un système de répartition du produit des impôts nationaux entre l'Etat et les collectivités locales poseraient des problèmes de localisation de la ressource, de définition de l'assiette et de fluctuations des recettes. Il a souligné qu'il y aurait une contradiction à souhaiter l'accroissement des investissements locaux sans s'assurer de la pérennité de leur financement. Il s'est interrogé sur la mise en place d'un dispositif qui permettrait de répondre à certaines situations exceptionnelles, telles que la cessation d'activité d'une entreprise sur le territoire d'une collectivité locale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, a souhaité souligner le lien existant entre la dépense et l'impôt, et a estimé que le contribuable local appréhendait mieux cette relation que le contribuable national.
M. Alain Lambert a estimé qu'il serait paradoxal de faire preuve de défiance à l'égard des collectivités locales, alors même que ces dernières s'étaient montrées plus responsables dans leur gestion que les autorités nationales.
Il a également observé que l'augmentation des dépenses des collectivités territoriales tenait essentiellement à l'accroissement des revenus de la fonction publique territoriale, fixé par l'Etat et non par les acteurs locaux. Il a rappelé que l'investissement constituait le second poste de dépenses des collectivités locales, notamment dans le domaine des infrastructures, afin de pallier les carences de l'Etat.
M. Alain Lambert a ensuite précisé que la mise en oeuvre de la taxe professionnelle unique pouvait se traduire par une augmentation du taux de cette taxe dans un grand nombre de communes, en raison des écarts de taux qui se traduisaient par un taux moyen élevé.
Il a conclu son propos en rappelant que la prise de conscience de la relation existant entre la dépense et l'impôt était un enjeu de démocratie, les élus devant être responsables de l'emploi de l'impôt, et de citoyenneté, les citoyens devant consentir à l'impôt en contrepartie des dépenses.
Répondant à M. Alain Guengant, M. Jean-Pierre Fourcade a indiqué que l'idée de remplacer la taxe d'habitation par une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) semblait progresser. Il a précisé que cet impôt possédant une assiette très large serait plus adapté que l'impôt sur le revenu.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a précisé que si la suppression des impôts locaux était compensée par un partage entre les collectivités territoriales et l'Etat des impôts nationaux, la pression fiscale n'en serait pas allégée, mais simplement transférée du contribuable local au contribuable national.
M. Jean-Pierre Fourcade a remarqué que les entreprises qui contestaient la création de nouveaux impôts, tels que la taxe générale sur les activités polluantes, ou l'augmentation des impôts existants, notamment de la taxe professionnelle, semblaient en revanche s'accommoder de l'augmentation du coût des baux commerciaux.
M. Jean-Pierre Fourcade a admis que la taxe professionnelle s'appliquant en amont de toute production pouvait sembler injuste aux entreprises et décourageait les investissements étrangers.
Il a estimé que si la taxe professionnelle était supprimée, il semblerait équitable de compenser cette perte de recettes par l'affectation d'une partie des impôts nationaux pesant sur les sociétés plutôt que ceux pesant sur la consommation.
M. Jean-Pierre Fourcade a indiqué que la création de la taxe unique professionnelle aurait pu permettre de réformer en profondeur la fiscalité locale si la " part salaires " de la taxe professionnelle n'avait pas été supprimée. Il a regretté que la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité incite les collectivités territoriales à se doter d'un impôt qui risquait de ne pas être pérenne.
M. Jacques Creyssel a souhaité que la réforme du système de financement local ne se traduise pas par un simple transfert de charges, mais par un réel allégement de la pression fiscale.
Par ailleurs, il a estimé que, si la taxe professionnelle devait être supprimée, les collectivités locales auraient intérêt à percevoir une partie du produit de la TVA, impôt moins fluctuant que l'impôt sur les sociétés.
Il a rappelé que la taxe professionnelle, représentant 2,5 % de la valeur ajoutée des entreprises, grevait les charges des établissements et décourageait les investissements étrangers. Il a ajouté que la trop forte progression de la taxe professionnelle avait conduit les entreprises à souhaiter sa suppression.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a indiqué que la taxe professionnelle pénalisait plus fortement certains secteurs d'activité, atteignant 4 % de la valeur ajoutée des entreprises du secteur industriel, et seulement 1,8 % dans le secteur tertiaire.
M. Alain Lambert a observé que la progression de 3,4 % des dépenses de fonctionnement des collectivités locales en 1999 recouvrait deux réalités distinctes : une augmentation de 6,6 % des dépenses de personnel, due essentiellement à des décisions nationales, et une diminution de 4 % des autres postes de dépenses. Il a estimé que l'augmentation de 7 % des investissements locaux soulignait l'efficacité de gestion des ressources locales. Il a jugé indispensable que les pouvoirs locaux puissent maîtriser l'évolution de chacun de leurs postes de dépenses afin de pouvoir en rendre compte aux citoyens.
M. Michel Mercier, rapporteur, a remarqué que l'impôt local souffrait de n'être pas suffisamment associé au service rendu.
Il a souhaité atténuer l'opposition entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement, rappelant que les dépenses de fonctionnement permettaient de satisfaire les nouvelles exigences des ménages et des entreprises.
Il a plaidé pour le renforcement de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, gestionnaire plus rigoureux que l'Etat en étant plus proche des citoyens.
M. Michel Mercier a observé que le souhait du MEDEF de voir supprimer les impôts locaux montrait qu'ils étaient moins bien acceptés que les impôts nationaux. Après avoir indiqué qu'il avait été plutôt favorable à l'idée d'un partage des impôts nationaux, il a néanmoins fait valoir que la suppression des impôts locaux et leur remplacement par l'affectation d'un produit des impôts nationaux risquaient d'engendrer un déficit public structurel. Il a expliqué que les compétences nouvelles des collectivités territoriales, notamment dans le domaine social, rendaient leurs dotations inélastiques à la baisse.
Audition de M. Jean-Pierre Balligand, vice-président de l'Institut de la Décentralisation, député de l'Aisne
Puis la commission a entendu M. Jean-Pierre Balligand, vice-président de l'Institut de la Décentralisation, député de l'Aisne.
M. Jean-Pierre Balligand, vice-président de l'Institut de la Décentralisation, député de l'Aisne, a présenté trois observations liminaires. Tout d'abord, il a observé que la réforme de la fiscalité locale ne pourrait se faire " à territoire constant " en raison des conséquences des réformes institutionnelles, résultant de la loi sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale et des projets de réforme en cours concernant la Corse et l'Outre-mer.
Il a souligné que, d'une manière générale, la stabilité des bases des impôts directs locaux et l'augmentation de la part des transferts financiers de l'Etat avaient conduit à une restriction financière de l'autonomie locale.
Il s'est prononcé en faveur d'impôts locaux assis sur des flux économiques et tenant compte des nouveaux territoires.
Il a estimé que, globalement, les finances locales connaissaient une évolution saine malgré la tendance à une réduction de leur autonomie financière. Il a considéré que sept évolutions avaient marqué les finances locales depuis le début des années 80 :
- la prise en charge de la fiscalité locale, par l'Etat, a été multipliée par 10 en vingt ans ;
- l'intervention croissante de l'Etat a été la contrepartie d'une absence de modernisation du calcul des bases des impôts directs locaux ;
- de multiples tentatives de réformes de la fiscalité locale ont avorté, notamment le projet de taxe départementale sur le revenu en 1991 ;
- les règles du jeu en matière de finances locales sont instables, le Gouvernement ayant pour habitude de modifier la législation, lors de la discussion de chaque projet de loi de finances, alors qu'existent, en Allemagne, des garanties constitutionnelles pour la redistribution des ressources des collectivités locales ;
- l'accroissement des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales constitue une tendance lourde et durable ;
- les " dépenses contraintes " augmentent, qu'il s'agisse de dépenses d'investissement consécutives à l'application de normes ou des dépenses de personnels liées à la réglementation du travail, ou encore des financements croisés dans le cadre des contrats de plan ;
- enfin, la mise en place de la monnaie unique a entraîné une forme de " mutualisation des finances publiques ", sous le contrôle de l'Etat, chargé de veiller à l'évolution de l'ensemble des prélèvements financiers sur l'économie nationale.
En ce qui concerne le lien entre la fiscalité directe locale et le principe de libre administration, M. Jean-Pierre Balligand a souligné qu'il ne fallait pas assimiler l'autonomie fiscale des collectivités locales à leur marge de manoeuvre financière.
Il a rappelé que la réduction de l'autonomie fiscale n'empêchait pas le maintien de marges de manoeuvre importantes pour les collectivités locales, du fait de la croissance. Il a souligné l'effet positif de l'augmentation des ressources liées aux droits d'enregistrement, de la baisse des taux d'intérêt sur la gestion de la dette locale et des économies résultant de la mise en commun des moyens dans le cadre des structures intercommunales.
Il a rappelé, en revanche, que l'insécurité financière et le poids des dépenses contraintes avaient freiné le niveau de l'investissement public local de 1992 à 1996.
Il a estimé que les politiques de retouches ponctuelles de la fiscalité locale avaient atteint leurs limites comme le montrait le rôle croissant de l'Etat dans le financement de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle.
S'interrogeant sur le point de savoir si l'autonomie fiscale était réelle ou théorique, M. Jean-Pierre Balligand a considéré que les termes d'" autonomie des recettes locales " seraient plus appropriés que ceux d'autonomie fiscale locale. Il a rappelé, à cet égard, que l'insertion des collectivités locales sur les marchés financiers les avait contraintes inéluctablement à des efforts de productivité.
Il s'est interrogé sur le desserrement du lien entre le contribuable local et sa collectivité locale, tout en rappelant que le pouvoir fiscal des collectivités locales n'était pas garanti par la Constitution et que dans aucun pays européen, l'autonomie fiscale locale n'était totale.
Evoquant les propositions de réformes, M. Jean-Pierre Balligand s'est prononcé en faveur d'une amélioration de la lisibilité et de la prévisibilité des dotations de l'Etat aux collectivités locales, en remarquant que l'Etat ne pouvait demander aux collectivités locales de participer au financement des routes et des universités, sans leur apporter en contrepartie des garanties sur l'évolution de leurs ressources à long terme.
Il s'est prononcé en faveur d'une révision des systèmes de péréquation, en estimant que celle-ci devait porter sur des masses financières significatives et ne pas jouer seulement un rôle correctif à la marge, comme c'est le cas actuellement.
M. Jean-Pierre Balligand a estimé important de ne pas confondre zonage et péréquation, en constatant, à regret, que l'absence de péréquation régionale en Ile-de-France avait des conséquences négatives en termes de versement des fonds de péréquation européens pour les départements défavorisés concernés.
En réponse à M. Jean-Paul Delevoye, président, M. Jean-Pierre Balligand a estimé qu'il appartenait à l'Etat d'organiser les péréquations au niveau local.
Il a souhaité que soient améliorés les mécanismes de redistribution dans les dispositifs de prise en charge par l'Etat d'une fraction des impôts locaux.
Il a considéré que les critères de la distribution de la DGF devraient être révisés, en introduisant " un critère de bonne gestion " et en rendant cette dotation plus incitative à l'investissement local.
Souhaitant une modernisation des impôts locaux, M. Jean-Pierre Balligand a estimé possible de spécialiser les impôts pour les régions, dont les compétences demeurent limitées. En revanche, pour les " collectivités généralistes ", il a estimé indispensable de diversifier la nature des prélèvements pour garantir la pérennité des financements face aux dépenses incompressibles.
Il a ouvert enfin les pistes de réformes suivantes :
- la modernisation des bases ;
- la mise en place d'une " fiscalité mixte à l'échelle communale " ;
- l'inclusion de La poste, de France-Télécom et du " tiers-secteur " dans le champ des contributeurs locaux ;
- le remplacement de la taxe d'habitation par " une contribution locale généralisée " ;
- la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation ;
- le partage, au profit des collectivités locales, d'impôts " modernes et évolutifs ", tels que l'impôt sur les sociétés (IS) ou la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ;
- le renforcement du pouvoir fiscal, économique et politique des nouvelles structures intercommunales, fondées sur une mutualisation des compétences, des moyens et des risques, et l'organisation de péréquations sur ces nouveaux territoires.
Audition de M. Philippe Valletoux, membre du Directoire du Crédit local de France-Dexia
La mission a procédé à l'audition de M. Philippe Valletoux, membre du Directoire du Crédit local de France-Dexia.
Présentant les grandes évolutions des finances locales depuis le début des années quatre-vingt, M. Philippe Valletoux a tout d'abord remarqué que si les finances locales n'avaient jamais fait l'objet d'une grande réforme, ni même d'une réflexion globale d'ensemble, les changements intervenus presque chaque année depuis vingt ans avaient entraîné au total une profonde modification du " panorama " des finances locales.
S'agissant de la situation des collectivités locales, il a estimé que la situation était contrastée parce que, globalement, la situation financière des collectivités locales était satisfaisante, mais que l'analyse de chacune des composantes pouvait révéler des problèmes.
Il a noté que l'Etat considérait les collectivités locales comme des " acteurs financiers mineurs ".
Il a observé que la bonne santé financière des collectivités locales dépendait d'un taux de prélèvement fiscal relativement élevé, d'un niveau très variable des investissements, parfois insuffisant par rapport aux besoins, et de la constitution de réserves financières de précaution.
S'interrogeant sur le point de savoir si l'existence d'une fiscalité directe locale était une condition nécessaire du principe de libre administration des collectivités locales, M. Philippe Valletoux a estimé que si cette condition était effectivement indispensable, il était très difficile en revanche de déterminer à partir de quel degré d'intervention de l'Etat dans les finances locales le principe de libre administration ne serait plus respecté.
Concernant l'autonomie fiscale locale, il a souligné que celle-ci était réelle en apparence, mais théorique dans les faits. Il a mis l'accent sur le rôle de l'Etat en matière de recensement et de calcul de la matière imposable, de fixation des règles de plafonnement et de liaison des taux des taxes directes locales et d'exécution des tâches administratives de recouvrement et d'encaissement de l'impôt local. Il a noté que l'Etat ne tenait pas de comptabilité distincte de ses encaissements au titre des recettes locales.
Par ailleurs, il a estimé que la prise en charge par l'Etat d'une part croissante de la fiscalité locale n'était sans doute pas " une fatalité ", tout en se demandant s'il n'était pas " trop tard " pour revenir sur l'architecture actuelle de la fiscalité locale. Il a souligné, à cet égard, que la réforme de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle avait des effets négatifs sur les mesures prises pour développer la taxe professionnelle unique dans un cadre intercommunal.
Interrogé sur la question de savoir s'il existait une recentralisation en matière de finances locales, M. Philippe Valletoux a estimé qu'il n'y avait pas eu de véritable décentralisation en la matière. Il a néanmoins considéré que le terme de " recentralisation " était pertinent, dans la mesure où la fiscalité locale demeurait " fragile " face aux décisions de l'Etat et où tout semblait décidé hors l'intervention des élus locaux.
Ensuite, M. Philippe Valletoux a estimé qu'il ne fallait pas lier l'évolution du montant des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales à celle de leurs charges, en rappelant que le problème posé était celui de la répartition de l'argent public entre les différents niveaux de l'administration du territoire national. Il a estimé que se posaient les trois questions de la définition de la masse à répartir, de la répartition nationale du montant alloué entre les différentes catégories de collectivités locales et des modalités de répartition territoriale. Il a estimé que la DGF pourrait être indexée sur l'évolution des recettes définitives de l'Etat et que l'enveloppe nationale pourrait être répartie entre les régions, niveau où elle ferait l'objet d'un partage entre catégories de collectivités locales.
Concernant l'amélioration de la lisibilité et de la prévisibilité des concours financiers de l'Etat, il a considéré que, dans le cadre du Traité de Maastricht, ces deux priorités devaient être celles des finances publiques prises dans leur ensemble.
Il s'est interrogé, en outre, sur les conséquences de la généralisation du principe des financements contractualisés dans des domaines toujours plus variés.
En conclusion, il a souligné que la priorité devrait être de sortir de la situation de défiance de l'Etat à l'égard des collectivités locales.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a souligné que la modernisation de la décentralisation soulevait les questions de la définition des blocs de compétences et de la mise en place d'une péréquation accrue, par exemple au niveau régional.
M. Philippe Valletoux a estimé qu'un débat pourrait être ouvert sur deux principes prévus par la loi du 2 mars 1982. Il s'est demandé tout d'abord si le principe d'absence de tutelle d'une collectivité locale sur une autre n'était pas un dogme peut-être irréaliste. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la notion de " bloc de compétences " en constatant que, dans la plupart des cas, les collectivités locales ne pouvaient plus agir seules et devaient coordonner leurs efforts. En revanche, il a souligné que les contrats passés avec l'Etat étaient " dangereux ", dans la mesure où le dialogue entre les parties n'était pas égal.
M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes, évoquant la question de la péréquation, a rappelé qu'il n'existait pas d'évaluation globale des résultats des mécanismes de péréquation. Il a estimé que celle-ci devait rester " multiforme " et s'effectuer à la fois par le haut, au niveau de l'Etat, et par le bas entre collectivités territoriales. Il a souligné la permanence du débat entre péréquation et compensation, rappelant à cet égard que la DGF était issue des dispositifs de compensation instaurés en contrepartie de la suppression du versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS).
M. Jean-Paul Delevoye, président, a rappelé que les collectivités locales étaient confrontées au défi de la " fracture territoriale " entraînée par l'aggravation des dépenses liées aux politiques sociales à l'égard des populations défavorisées. Il a considéré que la réflexion sur la péréquation des ressources devait être complétée par une réflexion sur la correction des inégalités générées par les besoins sociaux.
M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes, a souligné que la notion de péréquation recouvrait bien la redistribution en fonction des ressources et des charges et qu'elle visait, en définitive, à assurer une meilleure adéquation entre l'offre de services et l'effort fiscal pour chaque collectivité territoriale. Il a estimé que la péréquation devait donc intégrer une évaluation des charges géographiques, sociologiques et économiques des collectivités territoriales. Il a souligné que l'exercice était d'autant plus difficile que les charges ne pouvaient pas être évaluées directement à partir du niveau des dépenses, rappelant à cet égard que les collectivités locales dont les dépenses sont les plus élevées sont aussi celles qui disposent le plus de moyens. Il a indiqué que la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire avait prévu l'élaboration d'un indicateur synthétique de ressources, pondéré par des charges, mais que ce projet n'avait pas eu de suite. Il a souligné que les modalités de répartition de la dotation de solidarité urbaine (DSU) s'efforçaient de prendre en compte le niveau des charges, mais qu'il était toujours difficile d'établir une méthodologie commune pour près de 36.000 communes.
Audition de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
La commission a enfin procédé à l'audition de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Christian Sautter a contesté le fait que le Gouvernement procède à une recentralisation en matière de finances locales et a considéré que, en matière de décentralisation, celui-ci était l'héritier du Gouvernement de Pierre Mauroy. Il a rappelé que les lois de décentralisation n'avaient pas rallié l'unanimité, au début des années 80, mais qu'elles avaient permis d'affirmer le dynamisme des collectivités en matière de solidarité et d'équipements.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a jugé que le Gouvernement actuel avait porté deux lois importantes pour l'affirmation des compétences des collectivités locales, la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
Il a estimé qu'il était temps de procéder à un bilan de la décentralisation et que, dans cette perspective, le Gouvernement avait confié à M. Pierre Mauroy la présidence d'une commission qui sera amenée à faire des propositions pour rendre la décentralisation plus légitime, efficace et solidaire.
Considérant que la France était le pays européen où l'autonomie des collectivités locales était la plus affirmée, M. Christian Sautter a qualifié d' " exceptionnel " le système fiscal local français. Il a estimé que ce système était l'héritier d'une longue tradition de richesse du tissu local.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a observé que la situation financière des collectivités locales était bonne dans l'ensemble, comme en témoigne le fait que leur épargne est supérieure à leurs investissements. Il s'est félicité de la bonne gestion des collectivités locales, qui permet leur désendettement et a ajouté que les collectivités locales constituaient un exemple pour l'Etat qui, pour sa part, " en est encore à réduire le déficit ".
M. Christian Sautter a rappelé que les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales s'inscrivaient désormais dans un cadre pluriannuel concerté. Il a indiqué que les concours de l'Etat aux collectivités locales s'élevaient à 293 milliards de francs dans la loi de finances pour 2000, en augmentation de 4 % par rapport à 1999. Il a estimé qu'il s'agissait de l'un des postes budgétaires qui connaissait la plus forte croissance.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'est félicité que le Gouvernement ait rompu avec l'ancien pacte de stabilité, qui indexait les concours de l'Etat sur la seule évolution des prix à la consommation, et l'ait remplacé par le contrat de croissance et de solidarité qui prend en compte le taux de croissance du produit intérieur brut, à hauteur de 20 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % en 2001. Il a indiqué que si les règles du pacte de stabilité avaient été appliquées au cours de ces trois années, cela se serait traduit par une moins-value de 4 milliards de francs pour les collectivités locales.
M. Christian Sautter a rappelé que l'Etat était le premier contribuable local. Il a insisté sur la complexité de la fiscalité locale, qui n'est pas assise sur des flux, mais sur des actifs. Il a jugé la taxe d'habitation particulièrement compliquée et injuste en raison de son caractère dégressif. Il a constaté que les dégrèvements s'étaient multipliés au fil des années et que la loi de finances pour 2000 avait permis aux anciens bénéficiaires du revenu minimum d'insertion de continuer à en bénéficier pendant la première année de leur retour à l'emploi, de manière à permettre que la reprise d'une activité puisse se traduire par une augmentation du niveau de vie. Il a souligné que le montant de la prise en charge par l'Etat de la taxe d'habitation s'élevait à 12 milliards de francs.
Rappelant que la part communale de taxe d'habitation constituait le coeur de l'autonomie fiscale des collectivités locales, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré que le Gouvernement avait engagé une réflexion visant à procéder à des baisses d'impôt dès l'automne 2000, si un excédent de recettes fiscales était constaté. Il a ajouté que ces baisses, dont les modalités précises figureraient dans la loi de finances rectificative pour 2000, devraient être conçues dans le but de favoriser le retour à l'emploi et de rendre l'impôt plus juste.
M. Christian Sautter a estimé que la suppression de la " part salaires " de la taxe professionnelle était une mesure susceptible d'encourager les créations d'emplois et que son effet sur les petites et moyennes entreprises était avéré. Il a jugé qu'il n'y avait aucune raison de considérer cette suppression comme le préalable à une suppression totale de la taxe professionnelle. Il a qualifié de " judicieux " le mode de compensation aux collectivités locales de la suppression de la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires.
Evoquant la fiscalité écologique, M. Christian Sautter a indiqué qu'il était nécessaire d'agir pour respecter les engagements pris par la France au sommet de Rio. Il a ajouté que l'utilisation du produit de la fiscalité sur les activités polluantes pour financer l'allégement du coût du travail s'inspirait de la théorie du " double dividende ". Il a souligné que la mise en place d'une fiscalité écologique était constatée dans tous les pays de l'Union européenne et qu'une directive sur ce sujet était en préparation.
S'agissant de la péréquation, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a insisté sur l'importance des relations financières entre collectivités. Il a observé que le Gouvernement avait fait un effort en faveur de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale, mais que la péréquation pouvait encore être améliorée.
En conclusion, M. Christian Sautter a insisté sur le fait que l'Etat et les collectivités locales devaient unir leurs forces dans la bataille pour l'emploi et que l'Etat ne devait pas être le seul interlocuteur des entreprises françaises ou étrangères. Il a considéré que l'implantation en France de l'usine Toyota constituait un bon exemple de collaboration entre l'Etat et les collectivités locales.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a observé que l'Etat sollicitait les collectivités locales dans des domaines qui n'étaient pas prévus par les lois de décentralisation. Il s'est demandé si les efforts financiers consentis par les collectivités locales ne justifiaient pas une revalorisation de l'indexation des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.
Il s'est demandé à partir de quel seuil la prise en charge par l'Etat de la fiscalité locale était de nature à remettre en cause l'autonomie des collectivités locales.
M. Christian Sautter a souligné que le taux de croissance pour 1999, supérieur aux prévisions initiales, se traduirait vraisemblablement par un recalage et une régularisation du montant de la dotation globale de fonctionnement favorable aux collectivités locales. Il a ajouté que le contrat de croissance et de solidarité durait trois ans et qu'il était toujours bon de respecter les contrats. Il a rappelé que la situation financière des collectivités locales était meilleure que celle de l'Etat et que celui-ci devait poursuivre son effort de maîtrise des dépenses publiques. Il a pronostiqué un débat cordial, mais vigoureux, sur ce sujet à l'occasion du débat sur la loi de finances pour 2001. Il a souligné que l'expérience montrait que des efforts avaient été faits en faveur des dotations de solidarité pour atténuer les conséquences de règles dont les effets peuvent parfois être brutaux.
Evoquant l'autonomie fiscale des collectivités locales, M. Christian Sautter a constaté que le Conseil constitutionnel n'avait pas considéré qu'un seuil avait été franchi lorsque la part de l'assiette de la taxe professionnelle reposant sur les salaires avait été supprimée. Il a considéré que la France devait conserver sa superposition de niveaux de collectivités, unique en Europe, et que cette richesse institutionnelle coûteuse faisait partie de la tradition nationale.
M. Michel Mercier, rapporteur, a considéré que personne ne défendait les défauts de la taxe d'habitation, mais que les élus locaux étaient attachés à la proximité fiscale entre les communes et les citoyens. Il a ajouté que la taxe d'habitation comportait également une part régionale et une part départementale, dont le produit s'établit respectivement à 5 milliards de francs et à 20 milliards de francs, et qu'il serait envisageable de réformer.
Le rapporteur a affirmé que les élus craignaient la déresponsabilisation et préconisaient un lien entre l'activité économique et les ressources des collectivités locales en matière de fiscalité locale. Par conséquent, il a considéré qu'il ne fallait pas appliquer à la compensation de l'éventuelle suppression des parts départementale et régionale de taxe d'habitation le dispositif mis en place lors de la réforme de la taxe professionnelle. Il a considéré qu'il était important de compenser cette éventuelle suppression par le transfert d'un autre impôt ou celui d'une part d'un impôt existant. Il a ajouté que cet impôt devrait avoir une base facilement localisable, et que, seuls, les impôts assis sur les revenus remplissaient aujourd'hui cette condition.
M. Jean-Claude Peyronnet s'est déclaré inquiet pour l'avenir de l'autonomie des collectivités locales. Il a appelé le Gouvernement à la prudence en ce domaine car le Conseil constitutionnel a déjà indiqué, sans le définir, qu'il existait un seuil de prise en charge des impôts locaux par l'Etat qui était de nature à remettre en cause la libre administration des collectivités locales.
Il s'est demandé pourquoi le Gouvernement choisissait toujours de diminuer les impôts locaux plutôt que les impôts d'Etat, et a précisé que, de son point de vue, les dispositions en matière de fiscalité locale intervenues depuis deux ans ne constituaient pas une véritable réforme de la fiscalité, mais des suppressions avec compensation.
M. Jacques Oudin a souligné que les collectivités locales étaient confrontées à des défis lourds en matière environnementale et qu'il aurait été plus logique d'affecter au financement de ces défis le produit de la fiscalité sur les activités polluantes. Il s'est indigné que le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) tenu à Nantes n'ait pas attribué de crédits à l'île de Noirmoutier, victime de la marée noire.
Il a regretté que les collectivités locales doivent subir des observations désagréables des chambres régionales des comptes lorsqu'elles augmentent leur fiscalité, alors que les hausses d'impôts sont souvent dues à la diminution des concours financiers de l'Etat. Il a qualifié de " bouteille à l'encre " le projet de révision des valeurs locatives.
M. Christian Sautter a expliqué que si la taxe d'habitation devait être diminuée dans des proportions importantes, il conviendrait de le faire dans la prudence et après un dialogue approfondi, de manière à ne pas porter atteinte à l'autonomie des collectivités locales et à déterminer la ressource de remplacement la plus appropriée.
Il a considéré que l'augmentation de 9 % des investissements en 2000 allait se traduire par une augmentation du produit de la taxe professionnelle et une association des collectivités locales aux fruits de la croissance.
Il a expliqué qu'il était difficile de remplacer la taxe d'habitation par une ressource calculée à partir du revenu, car la répartition des bases actuelles de la taxe d'habitation ne reflétait pas la répartition du revenu. A titre d'exemple, il a indiqué que, à Paris, une taxe d'habitation assise sur le revenu entraînerait une augmentation de 358 % de son produit tandis que la même opération en Guadeloupe se traduirait par une diminution de 62 % du produit.
M. Jean-Paul Delevoye, président, a demandé si la révision des bases corrigerait cet inconvénient.
Après avoir précisé que la révision des bases pallierait sans doute en partie cet inconvénient, M. Christian Sautter a indiqué que son ministère avait mené un travail important pour mettre en oeuvre la révision des bases, mais qu'il avait cru comprendre que, malgré la position de l'association des maires de France en faveur de la révision, les élus avaient préféré attendre.
Répondant à M. Jean-Claude Peyronnet, il a indiqué que le Gouvernement envisageait de réduire la taxe d'habitation plutôt que l'impôt sur le revenu, de manière à alléger la pression fiscale sur les ménages qui paient la taxe d'habitation, mais ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu.
Répondant à M. Jacques Oudin, il a concédé que l'idée selon laquelle le produit de la fiscalité écologique aurait dû être consacré au financement de dépenses d'amélioration de l'environnement relevait d'une logique compréhensible, mais que le Gouvernement avait fait un autre choix. Il a ajouté que la superposition des normes n'était pas acceptable et qu'il comptait évoquer ce sujet lors de son audition par la commission présidée par Pierre Mauroy. Il a rappelé que le ministre de l'intérieur avait déjà ouvert ce chantier.
M. Christian Sautter a reconnu que le succès de l'intercommunalité entraînait des dépenses supplémentaires, mais a rappelé que le déficit de l'Etat s'élevait encore à 206 milliards de francs, tandis que les collectivités locales dégageaient, pour leur part, un excédent budgétaire. Il s'est étonné que le CIAT de Nantes n'ait pas retenu de disposition en faveur de l'île de Noirmoutier.
M. Jean-Claude Peyronnet a constaté que le mode de calcul de la compensation des suppressions d'impôts locaux constituait une prime aux mauvais gestionnaires, puisqu'il figeait les taux à leur niveau de l'année précédant la suppression, favorisant ainsi les collectivités qui pratiquaient des taux élevés.