M. Jean-François HUSSON, rapporteur spécial
PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE
GÉNÉRALE DE LA MISSION
Le ministre de la transition écologique et solidaire a présenté le jeudi 6 juillet 2017 le « plan climat » , qui trace des perspectives très ambitieuses en matière de politiques environnementales puisqu'il s'agit « d'accélérer la lutte contre le changement climatique en France et à l'international », dans un contexte d'urgence écologique , en allant bien souvent au-delà des objectifs prévus par la loi n° 2015--92 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte .
Les principaux objectifs de la loi
n° 2015-992 du 17 août 2015
- réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 ; - réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ; - réduire la consommation énergétique primaire d'énergies fossiles de 30 % par rapport à la référence 2012 ; - porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de la consommation finale brute d'énergie en 2030 ; - porter la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 ; - atteindre un niveau de performance énergétique conforme aux normes « bâtiments basse consommation » pour l'ensemble du parc de logements à l'horizon 2050. Source : loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte |
Une partie des mesures de cette feuille de route gouvernementale relève de l'action diplomatique de notre pays et vise à entretenir la dynamique née de l'accord de Paris sur le climat approuvé le 12 décembre 2015 et entré en vigueur le 4 novembre 2016.
Mais beaucoup d'entre elles ont ou auront un impact budgétaire et financier , parfois considérable , et méritent à ce titre toute l'attention de la commission des finances du Sénat .
Parmi les principales mesures annoncées, on peut notamment citer :
- l'objectif de la neutralité carbone en 2050 , grâce à une nouvelle stratégie nationale bas-carbone et à une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ;
- la priorité donnée à la rénovation thermique des logements , avec la perspective de faire disparaître en dix ans les 7 millions de « passoires thermiques » que compte actuellement le pays ;
- la volonté de mettre fin à la vente de voitures émettant des gaz à effet de serre dès 2040 ;
- l'arrêt des dernières centrales électriques à charbon d'ici 2022 et la réaffirmation de l'objectif d'une part de 50 % du nucléaire dans le mix énergétique dans un horizon relativement proche , même si le ministre a dû concéder le 7 novembre 2017 que l'objectif de 2025 énoncé par la loi relative à la transition énergétique n'était pas tenable et qu'il considérait la date de 2035 comme plus crédible ;
- l'accélération du développement des énergies renouvelables , pour atteindre l'objectif de 32 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030 .
A bien des égards, le projet de loi de finances pour 2018 constitue une traduction du « plan climat » même s'il manque , sur certains aspects, de cohérence , et paraît en deçà des très fortes ambitions politiques affichées par le Gouvernement.
Les points de satisfaction sont incontestablement nombreux : les crédits de la mission vont augmenter de 9,3 % en 2018 à périmètre courant , et de 14,4 % si l'on exclut de son périmètre les transports analysés par nos collègues rapporteurs spéciaux Fabienne Keller et Vincent Capo-Canellas. À périmètre constant , le budget de la mission augmente de 6,6 % - soit 497 millions d'euros .
Plusieurs dispositifs plutôt séduisants vont être mis en place ou reconduits après avoir été améliorés, tels que la généralisation du chèque énergie , la prime à la conversion automobile nouvelle formule ou bien encore le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) recentré sur les dépenses de rénovation thermique les plus efficientes .
La transition énergétique bénéficiera de crédits en forte hausse , avec un soutien aux énergies renouvelables électriques porté à 5,4 milliards d'euros et des charges du service public de l'énergie qui progresseront de 10 % en 2018 .
Mais d'autres politiques demeureront sous-financées , au risque d'apparaître comme des angles morts de l'action gouvernementale , en particulier la protection de la biodiversité , la lutte contre la pollution de l'air ou bien encore la politique de l'eau .
Surtout le projet de loi de finances compte faire de la fiscalité énergétique l'un des principaux leviers de réduction du déficit public au cours de la période 2018-2022 , puisque l'article 9 prévoit une accélération brutale de la trajectoire de la composante carbone et une convergence par le haut de la fiscalité de l'essence et du gazole qui coûtera 46 milliards d'euros aux Français .
Si le Gouvernement, dans sa communication, insiste sur les aspects vertueux d'une taxation des produits énergétiques fortement émetteurs de dioxyde de carbone , il ne cache pas, dans les documents budgétaires, qu'il poursuit avant tout, par ce « coup de massue fiscal » , un objectif de rendement .
I. UNE MISSION DONT LES CRÉDITS AUGMENTENT À PÉRIMÈTRE CONSTANT, DANS UN CONTEXTE DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
1. La maquette budgétaire de la mission « Écologie » enregistre des évolutions importantes en 2018
Le présent rapport porte sur les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors dépenses relatives aux transports, à l'information géographique et à la météorologie 1 ( * ) , ce qui représente 66 % des crédits de paiement (CP) de la mission en 2018 :
- le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », qui soutient les actions destinées à mettre en oeuvre la politique de l'eau et à préserver la biodiversité ;
- le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » , qui rassemble les ressources consacrées au pilotage de la politique énergétique, à la gestion économique et sociale de l'après-mines ainsi qu'à la lutte contre le changement climatique et la pollution de l'air ;
- le programme 181 « Prévention des risques » , qui regroupe les crédits employés dans la lutte contre les risques naturels, technologiques et hydrauliques, ainsi que les moyens alloués au renforcement de la sûreté nucléaire ;
- le programme 345 « Service public de l'énergie » , qui regroupe les dépenses relatives à la péréquation tarifaire pour les zones non-interconnectées (ZNI), les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, le soutien à la cogénération ou encore le budget du Médiateur de l'énergie ;
- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » , programme support de la mission qui assure le fonctionnement général des services et porte la masse salariale du ministère de la transition écologique et solidaire et désormais, du ministère de la cohésion des territoires.
La maquette budgétaire de la mission « Écologie » est marquée par plusieurs changements en 2018 :
- le transfert des crédits de fonctionnement et d'intervention du commissariat général au développement durable (CGDD) du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie » au programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », pour un montant de 14,7 millions d'euros ;
- la suppression du programme 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires » , qui entraîne le transfert des crédits du titre 2 de ce programme vers le programme 217 ; ces crédits n'étaient transférés vers le programme 217 qu'en gestion, complexifiant la lecture de l'exécution budgétaire ;
- l'extension du périmètre du ministère de la transition écologique et solidaire aux actions de l'économie sociale et solidaire (+14,2 millions d'euros ) ;
En outre, votre rapporteur spécial souligne la budgétisation au sein des crédits de la mission de la contribution du ministère au Grand Plan d'Investissement , pour un montant de 504 millions d'euros .
Crédits de paiement de l'action
« Accélérer la transition écologique »
du Grand Plan d'Investissement
(en millions d'euros)
Enfin, le champ de l'analyse porte également sur les comptes d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » , « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) » et « Aides à l'acquisition de véhicules propres » .
2. Des moyens budgétaires en hausse, mais qui ne sont pas à la hauteur des ambitions politiques affichées en matière de transition écologique et énergétique
Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission annexé au projet de loi de finances pour 2018
Les crédits de paiement demandés au titre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » s'élèvent à 11,32 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2018, soit une hausse, à périmètre courant, de 9,32 % par rapport à 2017.
En ce qui concerne les programme étudiés dans le cadre du présent rapport, la hausse des crédits de 14,42 % par rapport à l'année 2017 ne traduit pas uniquement l'augmentation des moyens alloués aux politiques portées , quand même bien des évolutions positives sont à retenir, mais résulte également de mesures de périmètre : le financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) fait l'objet d'une budgétisation, majorant les crédits de 612 millions d'euros.
À périmètre constant , les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sont majorés de 497 millions d'euros en 2018 par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 soit une hausse de 6,6 % .
Cette hausse découle principalement de la dynamique importante des dépenses portées par le programme 345 , en particulier les dispositifs liés à la péréquation tarifaire en faveur des zones non interconnectées (+ 126,5 millions d'euros) et aux ménages en situation de précarité énergétique, avec la généralisation du chèque énergie (+ 257 millions d'euros), mais aussi avec la revalorisation des moyens alloués à la prévention des risques technologiques (+ 3,5 millions d'euros).
À contrario , le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » connaît une forte baisse des crédits, en raison de la baisse des prestations versées par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) qui se poursuit (- 29 millions d'euros à ce titre).
Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » voit ses crédits diminuer de 47 % en raison d'une mesure de périmètre conduisant à la suppression des subventions pour charges de service public aux principaux opérateurs de la biodiversité (- 136 millions d'euros, cf. infra ).
Au surplus, les opérateurs de la mission sont une nouvelle fois mis à contribution . Ainsi, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une réduction de 496 ETP sur l'ensemble des opérateurs, contre une réduction de 380 ETP en 2017, tandis qu'un prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l'eau (200 millions d'euros) est de nouveau prévu. La situation de certains opérateurs de la mission est présentée infra .
Il convient cependant de rappeler que le financement de la transition énergétique ne se limite pas aux crédits portés par la présente mission. Le rapport sur le financement de la transition énergétique annexé au projet de loi de finances pour 2018 rappelle les autres dispositifs financiers qui existent , au premier rang desquels :
- les dépenses fiscales de soutien à la rénovation thermique des logements (le crédit d'impôt pour la transition énergétique, l'éco-prêt à taux zéro et le taux de TVA réduit à 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation) ;
- le soutien à la production électrique issue de sources renouvelables et à l'injection de bio-méthane dans les réseaux de gaz, assuré par le CAS « Transition énergétique » ;
- les aides au renouvellement du parc automobile, retracées par le CAS « Aides à l'acquisition de véhicules propres » ;
- le dispositif des certificats d'économies d'énergies.
Par ailleurs, certains opérateurs rattachés à la mission bénéficient, outre les subventions versées par l'État et retracées par la présente mission, de recettes affectées afin de mettre en oeuvre les politiques portées par le ministère de l'environnement.
3. La prévision de budget triennal préserve toutefois la mission
Les crédits proposés pour la présente mission pour 2018 sont en légère augmentation. De même, la prévision triennale présentée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 inscrit la mission dans une trajectoire de progression sur trois ans (+170 millions d'euros) .
Comme l'illustre le graphique ci-dessous, la progression des crédits de la mission est plus élevée sur la période que celle du budget de l'État (+ 6,6 %, contre + 5,4 %).
Toutefois, cette progression masque un rythme de progression inégalement réparti sur la programmation triennale : la majeure partie de l'augmentation des crédits de la mission est ainsi concentrée sur le budget pour 2018 (+ 4,8 %) et réduite sur les deux autres années du triennal (+ 1,5 % en 2019 et + 0,1 % en 2020).
Prévision de l'évolution du plafond des
dépenses de la mission « Écologie, développement
et mobilité durables et du budget général de l'État
hors contribution au compte d'affectation spéciale
« Pensions »
sur la période
2018-2020
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
* la LFI 2017 est présentée au format de la maquette budgétaire retenue pour la programmation 2018-2020, retraitée des modifications de périmètre et de transferts impactant la mission en PLF 2018.
* 1 Programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » et 159 « Expertise, géographie et météorologie ».