MM. Jean GERMAIN et Pierre JARLIER, rapporteurs spéciaux
PREMIÈRE PARTIE
LES
FINANCES LOCALES DANS LE PLF 2014
I. UN BUDGET QUI MET EN oeUVRE LE « PACTE DE CONFIANCE ET DE RESPONSABILITÉ »
A. LE « PACTE DE CONFIANCE ET DE RESPONSABILITÉ »
L'article 13 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 a prévu une stabilisation de « l'enveloppe normée » des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales en 2013, puis une diminution de 750 millions d'euros en 2014 et de 750 millions d'euros supplémentaires en 2015. Début 2013, afin de financer notamment le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), le Gouvernement a annoncé le doublement de l'effort demandé aux collectivités, porté de 750 millions d'euros en 2014 puis en 2015, à 1,5 milliard d'euros chacune de ces années, sans qu'il soit précisé que cette réduction supplémentaire doive se faire à l'intérieur de l'enveloppe normée.
Dès mars 2013, soit plus de six mois avant l'adoption du présent projet de loi de finances pour 2014 par le Conseil des ministres, le Gouvernement a engagé une grande concertation des élus locaux et des parlementaires .
La première conférence des finances locales, qui s'est tenue le 12 mars 2013, a lancé six chantiers en vue de la préparation du PLF 2014 :
- la répartition des efforts d'économies entre les niveaux de collectivités territoriales ;
- l'évaluation des dépenses contraintes ;
- l'évolution des ressources des différents niveaux de collectivités ;
- la péréquation ;
- l'accès au crédit ;
- l'avenir de la contractualisation entre l'État et les régions.
Le comité des finances locales (CFL) s'est vu confier la responsabilité de mener la réflexion sur ces six chantiers , à travers la mise en place de deux groupes de travail, et dès le mois d'avril, votre commission des finances a organisé une audition d'André Laignel, président du CFL, et de Serge Morvan, directeur général des collectivités locales.
À l'issue de neuf réunions des groupes de travail, le CFL a pu, en formation plénière, parvenir à un accord le 25 juin dernier, sur l'ensemble de ces chantiers.
Enfin, la seconde conférence des finances locales, le 16 juillet 2013, a permis la conclusion d'un « pacte de confiance et de responsabilité » entre l'État et les collectivités territoriales , reprenant, pour l'essentiel, les propositions du CFL.
Le lendemain, votre commission des finances a entendu la ministre déléguée chargée de la décentralisation, Anne-Marie Escoffier ainsi que le président du CFL, André Laignel, pour présenter et débattre de ce « pacte de confiance et de responsabilité ».
B. LA BAISSE DES DOTATIONS (ART. 24, 30 ET 72)
L'accord intervenu au CFL a permis de déterminer les modalités de répartition de la baisse des dotations pour 2014. Ainsi, le CFL a souhaité que la contribution de chaque bloc de collectivités soit calculée en pourcentage de leurs recettes totales.
Il précise également que, à l'intérieur du bloc communal, cette répartition serait faite au prorata des recettes réelles de fonctionnement, que pour les départements, la baisse serait modulée « dans une logique de péréquation », et que, pour les régions, la baisse serait répartie au prorata des recettes réelles et « que les spécificités des régions d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Corse [seraient] prises en compte ».
Le « pacte de confiance et de responsabilité » reprend ces orientations, à l'exception de la référence à la collectivité territoriale de Corse.
L'article 24 du présent projet de loi de finances prévoit une diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de 1,5 milliard d'euros 1 ( * ) , l'article 30 inscrit le montant de la DGF dans l'évaluation des prélèvements sur recettes de l'État au profit des collectivités territoriales et l'article 72, rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », prévoit les modalités de répartition de cet effort entre collectivités.
C. LA HAUSSE DE LA PÉRÉQUATION (ART. 72 ET 73)
Le CFL a également souhaité que la péréquation augmente, « afin de limiter l'impact de la baisse des dotations pour les collectivités les plus pauvres ».
S'agissant de la péréquation verticale, il a proposé qu'elle progresse des mêmes montants qu'en 2012, soit pour la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale une hausse de 60 millions d'euros, pour la dotation de solidarité rurale une augmentation de 39 millions d'euros et pour la dotation nationale de péréquation et la dotation de péréquation des départements, une hausse de 10 millions d'euros chacune.
Enfin, concernant la péréquation horizontale, le CFL a proposé de maintenir la progression prévue du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et du fonds de solidarité de la région d'Île-de-France (FSRIF), de relever de 20 % à 25 % la pondération du critère du revenu par habitant pour le calcul du prélèvement au titre du FPIC et de relever le plafond appliqué aux prélèvements FPIC et FSRIF de 11 % à 13 %.
Le « pacte de confiance et de responsabilité » a repris ces principes, pour les modifications apportées à la péréquation horizontale, sans préciser de chiffre.
D. L'ATTRIBUTION DE NOUVELLES RESSOURCES AUX COLLECTIVITÉS (ART. 25, 26 ET 58)
Le « pacte de confiance et de responsabilité » prévoit l'attribution de nouvelles ressources aux départements, dans le prolongement du groupe de travail État-Départements sur le financement pérenne des allocations de solidarité.
L'article 26 du présent projet de loi de finances propose de leur attribuer les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit un montant évalué à 830 millions d'euros en 2014.
Cette ressource est répartie entre les départements selon les modalités suivantes : une première part « compensation » vise à réduire le reste à charge supporté par chaque département au titre du versement des trois allocations de solidarité (revenu de solidarité active, allocation personnalité pour l'autonomie et prestation de compensation du handicap) ; la seconde part est répartie de façon péréquée, en fonction d'un indice synthétique faisant intervenir le revenu par habitant et le nombre de bénéficiaires des trois allocations précitées.
L'article 58 prévoit pour sa part la possibilité pour les départements le souhaitant de relever de 3,8 % à 4,5 % le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Si tous les départements choisissaient de relever leur taux, le produit des DMTO pourrait être majoré d'un montant de l'ordre de 1,3 milliard d'euros.
Ces dispositions ne sont pas rattachées à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Néanmoins, à titre personnel, vos rapporteurs spéciaux estiment que cette solution constituerait une sorte de « double peine » : les départements les plus en difficulté seront conduits à relever le taux des DMTO sur leur territoire, alourdissant ainsi les prélèvements pesant sur leurs habitants, alors même qu'ils disposent le plus souvent de bases assez faibles. Aussi, une telle hausse du taux des DMTO ne leur permettrait pas de bénéficier d'une recette significative, susceptible de répondre aux besoins de ces départements. Leur préférence irait donc à un système de prélèvement sur le produit de DMTO de l'ensemble des départements, réparti ensuite selon des critères péréquateurs, permettant de prendre en compte la situation financière réelle des départements.
Votre rapporteur spécial Pierre Jarlier suggère que le prélèvement lui-même soit « péréqué » : il serait possible de s'inspirer du FPIC, dont le prélèvement comme le reversement prennent en compte des critères de ressources et de charges. Un tel dispositif permettrait de préserver les départements les plus fragiles.
S'agissant des régions, le « pacte de confiance et de responsabilité » prévoyait également que « la dotation globale de décentralisation (DGD) formation professionnelle sera remplacée à hauteur des deux tiers par une ressource dynamique ». Cet engagement est mis en oeuvre par l'article 25 du présent projet de loi de finances, qui prévoit que 901 millions d'euros de crédits budgétaires (correspondant à la dotation générale de décentralisation « formation professionnelle », hors indemnité compensatrice forfaitaire) sont remplacés par des frais de gestion dynamiques (pour les deux tiers du montant) et une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour le tiers restant.
Enfin, le « pacte de confiance et de responsabilité » prévoit une réforme de la taxe d'apprentissage, mise en oeuvre par l'article 77 du présent projet de loi.
E. LA RÉVISION DE LA BASE MINIMUM DE CFE (ART. 57)
Le présent projet de loi de finances propose d'augmenter la progressivité de la cotisation minimum de CFE en fonction du chiffre d'affaires. Les collectivités peuvent actuellement fixer un montant différent pour chacune des trois tranches prévues. Le nombre de ces tranches serait porté à six, conformément au tableau ci-dessous.
Évolution de la base minimum de CFE
Chiffre d'affaire |
Base minimum
|
Base minimum
|
Inférieur ou égal à 10 000 euros |
Entre 210 et 2 101 euros |
Entre 210 et 500 euros |
Supérieur à 10 000 euros et inférieur ou égal à 32 600 euros |
Entre 210 et 1 000 euros |
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Supérieur à 32 600 euros et inférieur ou égal à 100 000 euros |
Entre 210 et 2 100 euros |
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Supérieur à 100 000 euros et inférieur ou égal à 250 000 euros |
Entre 210 et 4 084 euros |
Entre 210 et 3 500 euros |
Supérieur à 250 000 euros et inférieur ou égal à 500 000 euros |
Entre 210 et 6 209 euros |
Entre 210 et 5 000 euros |
Supérieur à 500 000 euros |
Entre 210 et 6 500 euros |
Source : commission des finances du Sénat
Les collectivités auront la possibilité de réduire par deux les montants des bornes des six tranches de chiffre d'affaires, pour les titulaires de bénéficies non commerciaux (BNC).
Cet article n'est pas non plus rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Vos rapporteurs spéciaux souhaitent néanmoins préciser, à titre personnel, qu'ils sont favorables à ce que l'adoption de ce nouveau barème n'entraîne pas une perte de recettes pour les collectivités. Un relèvement du plafond de chaque tranche de façon à ce qu'il coïncide avec les plafonds actuellement en vigueur pourrait être envisagé. Ils rappellent que la cotisation minimum de CFE représente 20 % du produit de cette imposition 2 ( * ) .
* 1 La diminution nette de la DGF en 2014 est de 1 381 871 euros. Voir le commentaire de l'article 24 figurant dans le tome II du rapport général, pour plus de précisions.
* 2 D'après l'Assemblée des communautés de France.