MM. Richard YUNG et Roland du LUART

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

- Le périmètre de la mission n'a que peu évolué, même s'il convient de signaler la disparition du programme 332 « Présidence française du G 20 et du G 8 », dont le caractère provisoire avait été affirmé dès l'origine.

- Les crédits demandés pour la mission dans le projet de loi de finances pour 2013 s'élèvent à 2 961,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2 970,3 millions d'euros en crédits de paiement (CP) . A structure constante, ces crédits affichent une augmentation de 2,1 % en AE et de 1,6 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, avec de fortes nuances selon les programmes.

- Le plafond d'emplois demandés en 2013 (y compris ceux imputés sur le programme 209) s'élève à 14 798 ETPT (dont 12 531 ETPT sur la présente mission), en diminution de 163 ETPT hors transferts (dont une baisse de 49 ETPT hors transferts sur la mission). L'essentiel des efforts de l'année portera sur l'évolution du réseau culturel et de coopération.

- La masse salariale devrait néanmoins augmenter de manière significative en 2013 (+ 5,1 %) , en raison, principalement, des facteurs de variation des rémunérations propres aux agents localisés à l'étranger (compensation de la perte au change-prix des personnels expatriés et perte de change des personnels de droit local)  et de l'augmentation de la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) pensions (+ 7 %).

- Selon le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, en cours d'examen par le Parlement, les sommes consacrées à la mission devraient légèrement diminuer en 2014 puis se stabiliser en 2015. En termes d'effectifs, il est prévu une diminution de 600 emplois entre 2013 et 2015 .

- Les crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » augmentent assez fortement (+ 4,7 % à périmètre constant) , en raison de la progression de la masse salariale ainsi que de l'évolution des contributions aux organisations internationales , dépenses obligatoires représentant plus de 70 % des crédits hors personnels.

- S'agissant des autres dépenses du programme, seuls les crédits dévolus à la sécurisation des postes à l'étranger, particulièrement prioritaires, affichent une progression.

- Le maintien d'une ligne de crédit insuffisante (3,2 millions d'euros pour un besoin supérieur à 10 millions d'euros) au titre des travaux de rénovation et d'entretien lourd des postes à l'étranger met l'accent sur le financement de la plupart de ces dépenses par le programme du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ». Alors que ce canal de financement a vocation à disparaître fin 2014, il est préoccupant de constater que la programmation des finances publiques n'en tient nul compte pour 2015 .

- Le non versement de 69 millions d'euros au ministère des affaires étrangères pour le dédommager de la cession d'un immeuble situé boulevard Saint-Germain ne permet pas de finaliser l'opération de regroupement des services parisiens du ministère des affaires étrangères.

- Le Parlement doit manifester sa vigilance face à la forte augmentation du nombre d'ambassadeurs thématiques au cours des dernières années, dans des conditions parfois problématiques . Même si l'enjeu budgétaire associé est modeste, cette situation justifie le dépôt d' un amendement de réduction de crédits.

- Les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » diminueront de 0,8 % en 2013 en raison de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques. Cela a conduit le MAE à préserver un nombre réduit de lignes prioritaires sur ce programme : Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), bourses à destination des étudiants étrangers et coopération scientifique.

- Les principales diminutions de crédits concernent l'animation du réseau culturel, les dotations aux établissements à autonomie financière (EAF) et aux Alliances françaises ainsi que la subvention octroyée à l'Institut français.

- La généralisation de la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des établissements à autonomie financière (EAF) dans 93 pays, engagée en 2011, sera achevée au 1 er janvier 2013.

- L'accent mis sur les crédits de l'AEFE est une bonne chose, même si l'augmentation de 2013 (+ 5,5 millions d'euros) ne suffira pas à absorber pleinement la charge pour pensions civiles qui s'appliquera à l'Agence - ce qui nécessitera une nouvelle hausse du niveau de ses ressources propres.

- L'évaluation de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel de douze postes diplomatiques doit être finalisée en 2013. Les résultats devraient permettre de sortir de l'ambiguïté statutaire que subissent les agents concernés du fait du caractère réversible de l'expérimentation.

- La mise en place laborieuse du nouvel établissement public Campus France touche enfin à sa fin . Il importe désormais que le Gouvernement donne au plus vite sa « feuille de route » à Campus France et lui donne les moyens de fonctionner normalement.

- Les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » affichent une baisse de 3 % à périmètre constant malgré une progression de sa masse salariale.

- Cette évolution s'explique en partie par la disparition des crédits liés à l'organisation des élections nationales de 2012 auxquelles ont participé les Français établis hors de France, que ne compensent pas les frais qui seront exposés, en 2013, pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE).

- La baisse des crédits résulte surtout de la suppression bienvenue de la prise en charge des frais de scolarité des lycéens français inscrits dans le réseau de l'AEFE. Cette dépense de plus de 30 millions d'euros et au très fort effet d'aubaine doit maintenant être redéployée d'ici à 2015 au bénéfice des bourses de scolarité à caractère social pour les élèves français de l'étranger .

- L'évolution récente du fonds de roulement de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) montre que la Caisse semble avoir les moyens de faire face au partage des dépenses relatives à l'inscription des Français de la « troisième catégorie » (catégorie aidée) entre l'Etat et la CFE défini en loi de finances pour 2011.

- Ce budget révèle un certain volontarisme en matière de politique d'octroi de visas, ce que montre l'augmentation des emplois dévolus à cette action (+ 25 ETPT). Cette activité est globalement rentable pour le budget de l'Etat (+ 77,9 millions d'euros de « marge »).

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2012. A cette date, vos rapporteurs spéciaux avaient reçu 84 % des réponses attendues concernant la mission « Action extérieure de l'Etat ».

I. PRÉSENTATION D'ENSEMBLE DE LA MISSION

A. LA DISPARITION D'UN PROGRAMME PAR RAPPORT À LA DERNIÈRE LOI DE FINANCES

La mission « Action extérieure de l'Etat » conserve, dans la maquette du présent projet de loi de finances, trois programmes :

- le programme 105 , dénommé « Action de la France en Europe et dans le monde » . Placé sous la responsabilité du directeur général des affaires politiques et de sécurité du ministère des affaires étrangères (MAE), il inclut une grande partie de l'action diplomatique de l'Etat au sens strict. En conséquence, il rassemble l'ensemble des moyens dévolus au ministère, hormis ceux destinés spécifiquement aux affaires consulaires, à la coopération technique, scientifique et culturelle ainsi qu'à l'aide publique au développement ;

- le programme 185 , dénommé depuis l'année dernière « Diplomatie culturelle et d'influence » . Géré par le directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats du MAE, il regroupe l'ensemble des politiques de coopération (culturelle, linguistique, universitaire, enjeux globaux) vecteurs d'influence pour notre pays. Par ailleurs, ce programme assure le service d'enseignement public à l'étranger ;

- le programme 151 , dénommé « Français à l'étranger et affaires consulaires » . Confié au directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, il vise, selon l'intitulé même de ses actions, à offrir un service public de qualité aux Français de l'étranger, à assurer l'accès des élèves français au réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et à instruire les demandes de visas ;

En revanche, comme prévu dès l'origine, le programme 332 , « Présidence française du G 20 et du G 8 » , créé spécifiquement en loi de finances pour 2011 pour accueillir les moyens financiers destinés à la double présidence, doit être clôturé fin 2012 après liquidation des derniers engagements pris en 2011. Il n'apparaît donc plus dans le cadre du présent projet de loi de finances.

B. LES CRÉDITS ET LES FONDS DE CONCOURS

Les crédits demandés pour la mission dans le projet de loi de finances pour 2013 s'élèvent à 2 961,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2 970,3 millions d'euros en crédits de paiement (CP) .

Le graphique suivant illustre la répartition par programme des CP demandés pour la mission dans le présent projet de loi de finances.

Répartition par programmes des crédits de paiement de la mission

Source : projet de loi de finances pour 2013, annexe « Action extérieure de l'Etat »

A structure constante, ces crédits affichent une augmentation de 2,1 % en AE et de 1,6 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, ainsi répartie (pour les CP) :

* + 4,7 % pour le programme 105 ;

* - 3 % pour le programme 185 ;

* - 0,8 % pour le programme 151 ;

* et, bien entendu, - 100 % pour le programme 332.

Chaque programme fera l'objet ci-après d'une analyse détaillée.

A ces crédits s'ajoutent un montant très limité de fonds de concours : 2,8 millions d'euros, soit moins de 0,1 % des CP de la mission, répartis entre les programmes 105 et 151.

Il est enfin à noter qu' aucune dépense fiscale n'est rattachée aux programmes de la mission.

C. LES EMPLOIS : DE MOINDRES SUPPRESSIONS EN 2013 (- 184 ETP POUR L'ENSEMBLE DU MINISTÈRE)

1. Les effectifs des programmes

a) L'évolution globale des emplois

Le plafond des emplois rattachés aux programmes de la mission « Action extérieure de l'Etat » s'élève à 12 531 équivalent temps plein travaillés (ETPT), en baisse de 113 ETPT par rapport à 2012.

Cependant, comme le souligne le ministère, les corps gérés par le MAE se répartissent sur l'ensemble des programmes dont il a la charge et la carrière des agents les amène à changer fréquemment d'affectation (et donc de programme). Dès lors, il est pertinent d'inclure dans l'analyse des évolutions de personnel les 2 267 ETPT rattachés au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ».

Le plafond d'emplois demandés en 2013 (y compris ceux imputés sur le programme 209) s'élève ainsi à 14 798 ETPT . En données brutes, cela correspond à un recul de 226 ETPT par rapport à 2012. Ce total résulte :

- de transferts externes, qui aboutissent à une diminution de 63 ETPT ;

-   du schéma d'emplois à hauteur de - 83 ETPT . Ce nombre tient compte de l'effet report du schéma d'emplois 2012 ;

-  et d'une « correction technique » du plafond de - 80 ETPT, correspondant à l'écart entre le plafond et la consommation réelle des ETPT.

b) L'accent mis sur le réseau culturel en 2013

Comme cela a été exposé dans le dernier rapport budgétaire 1 ( * ) de vos rapporteurs spéciaux, les réseaux diplomatique et consulaire ont été fortement mis à contribution au cours des dernières années. Cette action s'est traduite par une « catégorisation » des postes diplomatiques avec une adaptation des missions et des effectifs ainsi que par une redéfinition de la carte des postes consulaires.

En revanche, pour 2013, l'accent devrait être mis sur l'évolution du réseau culturel et de coopération , porté par les deux programmes 185 et 209 (- 124 ETPT en tout). Pour le seul programme 185, ce sont 46 ETPT qui devraient disparaître (4,4 % du plafond 2012) .

Le ministère indique, à cet égard, que la généralisation de la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des établissements à autonomie financière (EAF) dans 93 pays, engagée en 2011, sera achevée au 1 er janvier 2013.

En parallèle, l'expérimentation du rattachement direct des EAF à l'Institut français , limitée à douze pays 2 ( * ) et réversible conformément aux principes définis à l'article 11 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat, est en cours et fera l'objet d'une évaluation en 2013 avant une éventuelle extension ou généralisation.

Vos rapporteurs considèrent qu'il est nécessaire de tirer rapidement les conclusions de l'expérimentation. En effet, le caractère réversible de l'opération a placé les agents concernés dans un « entre-deux » statutaire source d'insécurité qu'il importe de clarifier.

c) Une augmentation néanmoins significative des crédits de rémunération

Les crédits de rémunération de la mission devraient néanmoins augmenter de manière significative en 2013. A structure courante, ils passeraient ainsi de 839,5 millions d'euros en 2012 à 882,3 millions d'euros en 2013 (+ 5,1 %) . Ce phénomène s'explique principalement par les facteurs suivants :

- une augmentation des crédits hors compte d'affectation spéciale (CAS) pensions de 2,15 %, due à la spécificité des facteurs de variation des rémunérations à l'étranger (compensation de la perte au change-prix des personnels expatriés et perte de change des personnels de droit local)  ;

- une augmentation du CAS pensions de 7 % ;

D'autre part, mais de manière beaucoup plus modérée, on relève les effets à la baisse du schéma d'emplois de 2013 et de l'effet en année pleine du schéma d'emplois de 2012 ainsi que des transferts et, en sens inverse, les effets à la hausse de mesures catégorielles pour les agents de droit local.

2. Les effectifs des opérateurs

Par ailleurs, selon les éléments transmis par le ministère à vos rapporteurs spéciaux, le plafond d'emplois des opérateurs des programmes de la mission (tous rattachés au programme 185) s'établit à 6 778 ETPT, en augmentation de 11 ETPT . Dans le détail :

- l'Institut français voit son plafond baisser de 14 ETPT en raison, d'une part, du retrait de la Syrie du champ de l'expérimentation du rattachement à cet établissement public du réseau culturel de la France à l'étranger (- 6 ETPT) et, d'autre part, de sa participation à l'effort d'économie (- 8 ETPT) ;

- la consolidation de Campus France et le transfert en son sein des activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) se traduit par un plafond d'emplois en augmentation de 25 ETPT en 2013. De plus, les emplois hors plafond passent de 3 ETPT à 43 ETPT afin, selon le MAE, « d'assurer la reprise de la gestion des bourses des gouvernements étrangers » ;

- enfin, le plafond de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ( AEFE ) est stable en 2013, à 6 353 ETPT . Le nombre d'emplois hors plafond devrait s'établir à 4 561 ETPT en 2013, en hausse de 95 ETPT, les établissements devant les financer eux-mêmes.

D. LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE

Aux termes de l'article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (dans sa version adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale), l'évolution des crédits de paiement de la mission prévue sur la période triennale 2013-2015 (à périmètre constant 2013) est la suivante :

Programmation pluriannuelle de la mission « Action extérieure de l'Etat

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2,79

2,83

2,81

2,81

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Après l'augmentation des crédits prévue en 2013 (due à l'évolution des crédits du programme 105, cf. infra ), les sommes consacrées à la mission devrait donc diminuer en 2014 puis se stabiliser en 2015.

En termes d'effectifs, il est prévu, sur la période, une diminution de 600 emplois . Le ministère précise que ce schéma (qui tient compte des réductions d'effectifs déjà menées depuis 2006) suppose des mesures de réorganisation et d'adaptation de son réseau, qui doivent être définies en concertation avec les personnels. Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'une telle réflexion devrait notamment amener à reconsidérer le formatage de notre réseau diplomatique, ce qui devrait inclure une analyse de la pertinence de notre présence quasi systématique dans tous les pays du monde (là où des postes à vocation régionale pourraient peut-être permettre d'agir de manière plus efficiente) ainsi qu'un travail sur la définition des missions des postes localisés au sein d'autres pays membres de l'Union européenne.


* 1 Rapport général n° 107 (2011-2012), Tome III, annexe 1.

* 2 Ces douze pays représentatifs de la diversité du réseau sont le Cambodge, le Chili, le Danemark, les Emirats arabes unis, la Géorgie, le Ghana, l'Inde, le Koweït, le Royaume-Uni, le Sénégal, la Serbie et Singapour. La Syrie devait initialement faire partie de cette expérimentation, mais les événements en cours dans ce pays n'ont pas permis de concrétiser cette opération.