II. LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES
A. DES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES PLUS RÉALISTES
1. Un compte qui serait pour la première fois voté en déséquilibre
Le présent projet de loi de finances prévoit un déficit du compte spécial de 52 millions d'euros en 2012, soit rigoureusement égal aux crédits du programme 721 « Contribution au désendettement de l'État » , comme le montre le tableau ci-après, issu du projet annuel de performances.
Le solde du compte spécial en 2012, d'après le présent projet de loi de finances
(en euros)
Source : projet annuel de performances pour 2012
a) Un changement méthodologique dans le sens de plus de réalisme
Le fait que le présent projet de loi de finances prévoie, pour la première fois, un solde en déséquilibre, ne traduit pas une anticipation de dégradation de la situation du solde, mais un simple changement méthodologique , dans le sens de plus de réalisme.
Jusqu'à présent, le Gouvernement considérait implicitement que l'activité du solde était régie par une stricte annualité, les recettes d'une année servant à financer les dépenses de cette même année. Ainsi, il se contentait habituellement d'appliquer aux prévisions de recettes le taux de rétrocession, alors de 15 %, et de considérer que les dépenses immobilières étaient par construction égales aux 85 % restants.
Bien entendu, la réalité est très différente. Les ministères rétrocèdent bien au programme 721 les montants correspondant à leurs cessions de l'année, de sorte que les crédits de paiement de ce programme peuvent bien être prévus par l'application d'un taux aux prévisions de recettes, mais leurs dépenses obéissent à une logique propre, qui fait qu'elles peuvent, une année donnée, être supérieures ou inférieures au solde. Par exemple, le Gouvernement estime qu'en 2012 les dépenses immobilières devraient être de l'ordre de 400 millions d'euros, ce qui correspond également à l'estimation retenue pour les recettes.
Par ailleurs, cette année le Gouvernement ne chiffre plus les crédits de paiement du programme 721 « Contribution au désendettement de l'État » en appliquant le taux de rétrocession fixé par la loi au montant de l'ensemble des prévisions de recettes (400 millions d'euros en 2012), mais, comme cela est logique, aux seules cessions réalisées par des ministères non exemptés de la règle de rétrocession (260 millions d'euros en 2012).
L'application de la méthodologie antérieure aurait conduit à retenir des crédits de paiement de 80 millions d'euros (et non 52 millions d'euros) pour le programme 721 « Contribution au désendettement de l'État », et 320 millions d'euros (et non 400 millions d'euros) pour le programme 723 « Contribution aux dépenses immobilières », comme le montre le tableau ci-après.
Le solde du compte spécial et les crédits
de paiement du programme 723 :
recalcul par la commission des
finances
(en millions d'euros)
2011 (LFI 2011) |
2012 (PLF 2012) |
||||||||
Présent projet de loi de finances |
Présent projet de loi de finances, avec application de la méthodologie retenue jusqu'au présent PLF (calculs de la commission des finances) |
||||||||
Recettes |
Crédits de paiement |
Solde |
Recettes |
Crédits de paiement |
Solde |
Recettes |
Crédits de paiement |
Solde |
|
721 Contribution au désendettement de l'État |
60 |
0 |
0 |
52 |
0 |
0 |
80 |
||
01 Contribution au désendettement de l'Etat |
60 |
0 |
0 |
52 |
0 |
0 |
80 |
||
723 Contribution aux dépenses immobilières |
340 |
0 |
0 |
400 |
0 |
0 |
320 |
||
01 Dépenses immobilières |
340 |
0 |
0 |
400 |
0 |
0 |
320 |
||
Total |
400 |
400 |
0 |
400 |
452 |
-52 |
400 |
400 |
400 |
Calcul de la contribution au désendettement* : |
|||||||||
Recettes prises en compte |
400 |
260 |
400 |
||||||
Taux appliqué |
15 % |
20 % |
20 % |
* Le projet annuel de performances pour 2012 indique (page 24) : « Les précédents PAP présentaient par convention une estimation de la contribution au désendettement par application d'un taux de 15 % au montant des recettes prévues en LFI, alors même qu'une partie de ces recettes était exonérée de contribution (ventes de biens utilisés par le ministère de la défense et biens situés à l'étranger). Cette pratique avait pour conséquence d'aboutir à une contribution prévisionnelle supérieure à l'exécution constatée en fin d'année.
« Pour l'année 2012, il est retenu une approche analytique de la contribution au désendettement en appliquant le taux de 20 % aux recettes inscrites en LFI, déduction faite de la part de cette estimation revenant aux ministères exonérés de contribution au désendettement. Les recettes brutes soumises à cette contribution ont été estimées à 260 M€ en tenant compte des prévisions de cessions faites par ministère. La contribution correspondante est de 52 M€ (260 20 %) ».
Sources : présent projet de loi de finances, calculs de la commission des finances
b) Une absence de « véritable » contribution du compte au désendettement de l'Etat en 2012
Le compte spécial ne contribuerait donc pas réellement au désendettement de l'Etat en 2012.
Certes, le programme 721 « Contribution au désendettement de l'État » transférerait 52 millions d'euros au budget général de l'Etat, sous la forme de recettes non fiscales.
Mais en sens inverse, son déficit serait également de 52 millions d'euros, qu'il faudrait bien financer. Sa contribution nette au désendettement de l'Etat serait donc nulle.
Cela est logique : ses dépenses immobilières devant être égales à ses recettes, il ne peut pas en 2012 contribuer au désendettement de l'Etat autrement que de manière formelle.
c) A moyen terme, la contribution du compte spécial au désendettement n'est pas modifiée
Il ne faut cependant pas se méprendre sur le fait que ces changements méthodologiques ne changent rien en pratique.
Les obligations législatives en matière de rétrocession des recettes ne sont pas modifiées par le projet annuel de performances, qui constitue une simple prévision.
A moyen terme, le solde du compte spécial est par construction équilibré. Dès lors qu'on raisonne sur une période suffisamment longue, sa contribution effective au désendettement de l'Etat correspond bien aux dépenses du programme 721 « Contribution au désendettement de l'État ».
2. Des crédits de paiement pour la première fois différents des autorisations d'engagement
Si en 2011 les autorisations d'engagement étaient égales aux crédits de paiement, en 2012 elles seraient de 300 millions d'euros, contre 400 millions d'euros pour les crédits de paiement.
C'est la première fois qu'en prévision, les autorisations d'engagement du compte ne sont pas égales aux crédits de paiement.
Il s'agit là encore d'une conséquence de la volonté du Gouvernement d'évoluer vers davantage de réalisme dans ses prévisions. Dans le cas de l'année 2012, est ainsi pris en compte le fait que des crédits de paiement devraient être utilisés pour financer, notamment, des opérations engagées les années précédentes.
Les deux programmes de la présente mission
(en euros)
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|||
LFI 2011 |
PLF 2012 |
LFI 2011 |
PLF 2012 |
|
Programme 721 « Contribution au désendettement de l'État » |
60 000 000 |
52 000 000 |
60 000 000 |
52 000 000 |
Action 01 « Contribution au désendettement de l'Etat » |
60 000 000 |
52 000 000 |
60 000 000 |
52 000 000 |
Programme 723 « Contribution aux dépenses immobilières » |
340 000 000 |
300 000 000 |
340 000 000 |
400 000 000 |
Action 01 « Dépenses immobilières » |
340 000 000 |
300 000 000 |
340 000 000 |
400 000 000 |
Total |
400 000 000 |
352 000 000 |
400 000 000 |
452 000 000 |
Source : d'après le projet annuel de performances pour 2012
3. Des prévisions de recettes enfin réalistes ?
Selon le projet annuel de performances, la prévision de recettes de 400 millions d'euros en 2012 « correspond à un objectif ambitieux au regard des réalisations des années précédentes (395 M€ en 2008 ; 475 M€ en 2009, dont 201,3 M€ de produits exceptionnels, 502 M€ en 2010) mais réaliste ».
De fait, les prévisions de recettes sont plus réalistes qu'elles ne l'ont été de 2005 à 2010, comme le montre le tableau ci-après. La réalisation des recettes prévues pour 2010 dépendra toutefois fortement de l'évolution de la situation économique.
Produits des cessions immobilières de l'Etat
(en millions d'euros)
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Prévisions |
600 |
439 |
500 |
600 |
1 400 |
900 |
400 |
400 |
|||||
Réalisations |
90 |
110 |
90 |
107 |
173 |
634 |
798 |
820 |
395 |
475 |
592 |
||
Ecart |
34 |
359 |
320 |
-205 |
-925 |
-308 |
Source : documentation budgétaire de l'Etat
B. LA CRÉATION DE 2 INDICATEURS POUR LE PROGRAMME 723, CONFORMÉMENT AUX RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES
Le présent projet de loi de finances se caractérise également, outre par ce plus grand réalisme des prévisions, par le fait qu'il attribue enfin au programme 721 « Contribution au désendettement de l'État » des indicateurs de performances .
1. La proposition de notre collègue Nicole Bricq, alors rapporteure spéciale : fixer un objectif d'intensification de la contribution au désendettement de l'Etat
Notre collègue Nicole Bricq , alors rapporteure spéciale de la présente mission, indiquait il y a un an à l'occasion de l'examen de celle-ci : « Certes, la performance, en termes de désendettement, se mesure au montant même des produits affectés. Néanmoins, l'absence de dispositif de mesure de cette performance est contraire à l'article 7 de la LOLF.
« En vue de remédier à cette situation, votre rapporteure spéciale a proposé l'introduction d'un objectif « intensifier la contribution des recettes de cessions immobilières au désendettement de l'Etat », dont l'indicateur serait la part des produits de cession réalisés durant l'exercice affectée au désendettement, mesurée en pourcentage du total des produits. Constatant l'inertie de l'administration depuis lors, votre rapporteure spéciale ne peut que formuler à nouveau cette préconisation. »
Le Gouvernement considère toutefois semble-t-il que le taux de rétrocession doit être celui prévu par l'article 47 de la loi de finances pour 2006, tel que modifié par l'article 61 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 8 ( * ) .
2. L'objectif proposé par le présent projet de loi de finances : « améliorer la qualité des évaluations domaniales »
Aussi, l'objectif proposé par le présent projet de loi de finances est-il fondamentalement différent de celui proposé par notre collègue Nicole Bricq. Selon le projet annuel de performances, « il s'agit de vérifier que le service France Domaine a su déterminer une valeur vénale très proche de celle du marché ».
Les deux indicateurs proposés sont les suivants :
- « Ecart global entre prix réalisés à la vente et évaluations domaniales » ;
- « Mesure de l'écart type 9 ( * ) des prix réalisés à la vente et évaluations domaniales ».
Le projet annuel de performances fournit les chiffres ci-après.
Les deux indicateurs proposés par le présent projet de loi de finances pour le programme 721 « Contribution au désendettement de l'État »
• Le premier indicateur est en pratique difficilement utilisable.
Tout d'abord, son signe n'est pas précisé . Le projet annuel de performances se contente en effet d'indiquer : « Mode de calcul = Rapport de la différence entre la somme des prix de vente et la somme des estimations domaniales des immeubles cédés dans l'année concernée et qui sont recensés dans l'outil de suivi des cessions, rapportée à la somme des prix de vente de ces immeubles ». Si l'on comprend bien, le résultat est donc exprimé sous la forme d'un coefficient (et non d'un pourcentage). Mais faut-il comprendre, par exemple, qu'en 2011 les prix de vente ont été inférieurs, ou supérieurs de 10 % aux estimations de France Domaine ?
Dans ce dernier cas de figure, le moyen de se conformer à la prévision serait tout trouvé : il suffirait de vendre les biens à un prix moins élevé...
Plus fondamentalement, on peut se demander si l'information fournie par cet indicateur ne concerne pas en réalité l'évolution du marché immobilier. En effet, il existe nécessairement un décalage temporel entre l'estimation par France Domaine et la cession du bien.
• L'indicateur réellement pertinent est le second.
On rappelle que l'écart-type est une notion statistique mesurant la dispersion d'une série autour de la moyenne.
Cet indicateur est indispensable. En effet, si France Domaine fournissait des évaluations aléatoires mais égales en moyenne aux prix du marché, l'indicateur précédent donnerait l'impression qu'il fournit des évaluations fiables, alors que tel ne serait pas le cas.
* 8 On a vu que cet article prévoit que les produits de cessions des biens immeubles de l'État, ainsi que les droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l'État, « sont affectés à son désendettement à hauteur d'un minimum de 15 %, porté à 20 % en 2012, 25 % en 2013 et 30 % en 2014 ».
* 9 On rappelle que l'écart-type est une notion statistique mesurant la dispersion d'une série autour de la moyenne.