M. Bertrand Auban, rapporteur spécial
III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »
A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIAL AMBITIONNE DÉSORMAIS DE GARANTIR LA TRANSPARENCE DU FINANCEMENT DES PENSIONS DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT
Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » a été institué par l'article 21 de la LOLF qui a prévu la mise en place, au 1 er janvier 2006, d'un compte distinct du budget général de l'Etat pour retracer les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite des agents de l'Etat et avantages accessoires . Ces dépenses doivent être strictement équilibrées par des recettes provenant des cotisations des salariés et des ministères employeurs.
Auparavant, les dépenses afférentes au financement des pensions étaient disséminées dans le budget de l'Etat, le financement des pensions n'étant pas identifié en raison du principe de non-affectation des recettes. L'ambition d'assurer une lisibilité complète des flux financiers relatifs aux pensions, en recettes comme en dépenses, trouve ainsi sa traduction dans un document comptable unique.
Le CAS est structuré en trois programmes et constitue une mission au sens de la LOLF. Il rassemble l'ensemble des crédits que l'Etat consacre au paiement des pensions relatives :
- aux pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité (programme 741) pour un montant de 48,22 milliards d'euros , parmi lesquels on dénombre notamment 38,55 milliards d'euros de pensions civiles et 9,52 milliards d'euros de pensions militaires ;
- aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat (programme 742) pour un montant de 1,83 milliard d'euros ;
- aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions (programme 743) pour un montant de 2,54 milliards d'euros .
Au total, les crédits du CAS « Pensions » augmentent en 2011 de un milliard et demi d'euros pour s'établir à 52,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,9 % . De 2009 à 2010, l'augmentation avait été de 10 %.
Les pensions civiles et militaires (+ 2,2 %) représentent 91,7 % des crédits du CAS.
Evolution du coût des pensions civiles et
militaires de retraite et montant des crédits
du compte
spécial « Pensions »
(en millions d'euros)
Dépenses de pensions |
Part des crédits du programme |
Part des crédits de la mission |
|||
2010 |
2011 |
Variation 2010/2011 |
|||
Action 1 « Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires » |
37 308,00 |
38 555,00 |
3,3 % |
80,0 % |
73,3 % |
Action 2 « Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite » |
9 233,00 |
9 524,00 |
3,2 % |
19,8 % |
18,1 % |
Action 3 « Allocations temporaires d'invalidité » |
141,00 |
143,00 |
1,4 % |
0,3 % |
0,3 % |
Total du programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaire d'invalidité » |
46 682,00 |
48 222,00 |
3,3 % |
100,0 % |
91,7 % |
Action 1 « Prestation vieillesse et invalidité » |
1 725,24 |
1 768,89 |
2,5 % |
96,3 % |
3,4 % |
Action 2 « Cessations anticipées d'activité » |
17,44 |
0,00 |
-100,0 % |
0,0 % |
0,0 % |
Action 3 « Autres dépenses spécifiques » |
1,51 |
0,90 |
- 40,4 % |
0,0 % |
0,0 % |
Action 4 « Gestion du régime » |
8,51 |
8,03 |
- 5,6 % |
0,4 % |
0,0 % |
Action 5 « Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires » |
58,08 |
58,08 |
0,0 % |
3,2 % |
0,1 % |
Total du programme « Ouvriers des établissements industriels de l'Etat » |
1 810,78 |
1 835,91 |
1,4 % |
100,0 % |
3,5 % |
Action 1 « Reconnaissance de la Nation » |
799,76 |
793,76 |
- 0,8 % |
31,2 % |
1,5 % |
Action 2 « Réparation » |
1 790,00 |
1 709,00 |
- 4,5 % |
67,1 % |
3,2 % |
Action 3 « Pensions d'Alsace-Lorraine » |
15,10 |
15,80 |
4,6 % |
0,6 % |
0,0 % |
Action 4 « Allocation de reconnaissance des anciens supplétifs » |
13,20 |
13,15 |
- 0,4 % |
0,5 % |
0,0 % |
Action 5 « Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien » |
0,08 |
0,09 |
6,0 % |
0,0 % |
0,0 % |
Action 6 « pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accidents » |
12,44 |
13,46 |
8,2 % |
0,5 % |
0,0 % |
Action 7 « Pensions de l'ORTF » |
0,62 |
0,53 |
-14,5 % |
0,0 % |
0,0 % |
Total du programme « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » |
2 631,21 |
2 545,79 |
-3,2 % |
100,0 % |
4,8 % |
Total du CAS « Pensions » |
51 123,99 |
52 603,70 |
2,9 % |
100,0 % |
Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2010
En outre, il convient d'observer que, hors CAS Pensions, les coûts de gestion du service des retraites de l'Etat s'établissent à 74,09 millions d'euros pour 2011 (73,41 millions d'euros pour 2010). Dans la mesure où un compte spécial ne doit pas comporter de dépenses de moyens, ces crédits sont retracés dans l'action « Gestion des pensions » du programme « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » du budget général.
A cet égard, votre rapporteur spécial se félicite de la création, en 2009, du service des retraites de l'Etat (SRE) qui réunit le service des pensions situé à Nantes et l'ensemble des centres régionaux de pensions 14 ( * ) (CRP) chargés, au sein des trésoreries, de la liquidation des retraites. La décision de mettre en place un service à compétence nationale dans le cadre de la modernisation de la gestion des pensions répondait ainsi aux recommandations de votre commission des finances 15 ( * ) suite à l'enquête demandée à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF sur la gestion des pensions de l'Etat.
B. LA JUSTIFICATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME
1. Le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »
La difficulté principale en matière de prévision de l'évolution des recettes et des dépenses du CAS Pensions concerne essentiellement le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité », en raison de l'importance du volume des pensions à servir (48,22 milliards d'euros en 2011) et de l'incertitude pesant sur les comportements individuels de départ en retraite.
Par ailleurs, l'évaluation des flux concerne les demandes individuelles traitées par le service des retraite de l'Etat qui recouvre les fonctionnaires des différents ministères, mais aussi de La Poste, de France Télécom, des établissements publics ou encore des ex-fonctionnaires qui ont conservé un droit à pension du fait d'un durée de service effectif égale ou supérieure à quinze ans et qui demandent la liquidation de leur pension publique.
Entre 2010 et 2011, les prévisions de départs en retraites demeurent relativement stables. Toutefois, comme nous l'avons vu plus haut, l'exercice de prévision est rendu plus complexe par les incertitudes pesant sur les effets de la réforme des retraites en cours d'adoption par le Parlement.
Evolution et prévision des flux de départs en retraite 16 ( * )
(en effectifs)
Année |
Civils (avec PTT) |
Militaires (y compris soldes de réserve) |
|||
Ayants droit |
Ayants cause |
Ayants droit |
Ayants cause |
Total |
|
2000 |
56 207 |
17 073 |
13 060 |
7 689 |
94 029 |
2001 |
57 393 |
16 876 |
13 376 |
7 519 |
95 164 |
2002 |
63 801 |
16 888 |
13 288 |
7 319 |
101 296 |
2003 |
74 728 |
17 588 |
11 453 |
7 467 |
111 236 |
2004 |
72 003 |
17 999 |
10 556 |
7 978 |
108 536 |
2005 |
70 284 |
18 199 |
9 753 |
7 591 |
105 827 |
2006 |
76 775 |
17 962 |
9 527 |
6 911 |
111 175 |
2007 |
81 287 |
17 950 |
10 832 |
7 032 |
117 101 |
2008 |
81 456 |
18 052 |
12 420 |
6 929 |
118 857 |
2009 |
68 167 |
18 032 |
12 152 |
7 018 |
105 369 |
2010 (prévision) |
68 000 |
19 400 |
12 000 |
7 100 |
106 500 |
2011 (prévision) |
69 200 |
20 000 |
12 000 |
7 100 |
108 300 |
2012 (prévision) |
67 800 |
20 500 |
12 000 |
7 200 |
107 500 |
2013 (prévision) |
66 600 |
21 000 |
12 000 |
7 200 |
106 800 |
2020 (prévision) |
58 400 |
ND |
12 000 |
7 200 |
ND |
2030 (prévision) |
53 000 |
ND |
12 000 |
7 200 |
ND |
Champ : pensions civiles et de militaires de retraite ayants droit et ayants cause (premier droit) mises en paiement durant l'année, hors pensions temporaires d'orphelins et allocations temporaires d'invalidité.
Source : DGFiP - Service des retraites de l'État et direction du Budget (projections à long terme) sur la base des travaux du COR 2010
La progression de 1,2 milliard d'euros des dépenses de pensions civiles et militaires par rapport à la prévision pour 2010, soit une augmentation de 3,3 %, correspond principalement au flux de nouveaux pensionnés (un milliard d'euros) et à l'effet de la revalorisation annuelle des pensions en paiement.
Par ailleurs, l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 abroge l'ensemble des dispositions législatives qui ont conduit à la « cristallisation » des pensions des ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'ancien empire colonial français, conformément à la décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010. Cette décristallisation concerne des pensions civiles et militaires de retraite mais également des pensions militaires d'invalidité.
Afin de permettre l'alignement de la valeur du point de base et des indices servant au calcul des pensions sur les mêmes bases que les pensions servies aux ressortissants français à compter du 1 er janvier 2011, une dépense supplémentaire de 82 millions d'euros est inscrite à l'action n° 2 relative aux pensions militaires de retraite 17 ( * ) . La portée juridique et financière de cet article est examinée ci-dessous dans la section consacrée à l'examen de l'article rattaché au CAS Pensions.
En ce qui concerne l'équilibre du CAS Pensions pour les retraites des fonctionnaires civils et des militaires, le service des retraites de l'Etat prend pour base de calcul la revalorisation des taux de cotisations salariales et employeur précités mais envisage, l'an prochain, un déficit de 200 millions d'euros entre les recettes et les dépenses réparti ainsi :
- 158 millions d'euros pour les pensions civiles ;
- et 42 millions d'euros pour les pensions militaires.
Ce déséquilibre, qui représente seulement 0,4 % du montant total des pensions du programme 741, serait permis par la mobilisation partielle du fonds de roulement du CAS qui s'élève à un milliard d'euros.
2. Le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'Etat »
Le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) est caractérisé par un déficit démographique important (47 100 cotisants pour 105 627 pensionnés) qui explique que les cotisations des salariés et des employeurs ne suffisent pas à équilibrer les charges de pensions.
Dès l'examen du projet de loi de finances pour 2008, votre rapporteur spécial faisait observer que le « taux employeur » de 24 % applicable aux établissements industriels de l'Etat demeurait très en deçà du niveau de celui en vigueur pour les fonctionnaires civils et n'était pas de nature à guider les gestionnaires vers une plus grande responsabilisation de l'emploi des ressources humaines.
Depuis lors, cette observation a été entendue et le Gouvernement a régulièrement augmenté le taux de la cotisation employeur afin de contenir la hausse de la subvention de l'Etat sans toutefois l'enrayer . Le taux a ainsi été porté à 27 % en 2009, et 30 % en 2010. Le projet annuel de performances pour 2011 le fixe à 33 % à compter du 1 er janvier 2011. Ces revalorisations successives permettent, chaque année, d'augmenter les recettes de contributions patronales du FSPOEIE : celles-ci seront en hausse de 7,5 % entre 2010 et 2011 (459 millions d'euros au lieu de 427 millions d'euros).
En dépit de cet effort, la subvention d'équilibre de l'Etat à ce régime continuera à augmenter. Elle s'élèvera à 1,135 milliard d'euros en 2011 , soit une hausse de 46 millions d'euros (4,2 %) par rapport à 1,089 milliard d'euros en 2010, pour une dépense totale du régime prévue de 1,78 milliard d'euros .
Ce dernier montant est en hausse de 1,4 %, conséquence d'une élévation du nombre de pensionnés (105 677 en 2011 contre 105 405 en 2010) et de l'augmentation du montant de la pension moyenne.
Pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État
(en millions d'euros)
DEPENSES |
LFI 2010 |
PLF 2011 |
Pensions (1) |
1 743 |
1 769 |
Autres charges (2) |
10 |
9 |
TOTAL DEPENSES |
1 753 |
1 778 |
RECETTES |
||
Cotisations salariales |
107 |
108 |
Contributions patronales |
427 |
459 |
Remboursement défense |
17 |
0 |
Autres produits |
17 |
10 |
Subvention de l'État (3) |
1 089 |
1 135 |
Transfert de compensation |
95 |
66 |
TOTAL RECETTES |
1 753 |
1 778 |
Solde |
0 |
0 |
Source : réponses au questionnaire budgétaire
(1) Le montant des pensions intègre les pensions vieillesse et invalidité, ainsi que les allocations versées au titre des cessations anticipées d'activité.
(2) Les autres charges comprennent les frais de gestion des régimes (FSPOEIE et RATOCEM 18 ( * ) ), ainsi que les versements dus aux affiliations rétroactives au régime général et à l'IRCANTEC.
(3) Depuis la mise en oeuvre du CAS Pensions, la subvention d'équilibre versée par l'État au fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) est nette du montant des compensations démographiques désormais versées directement au régime.
3. Le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »
La particularité de ce programme est que les dépenses ne sont équilibrées par aucune cotisation dans la mesure où il finance soit des régimes « éteints » sur le plan démographique, plus aucun actif ne subsistant pour apporter sa contribution (pensions d'Alsace-Lorraine, chemin de fer franco-éthiopien, ORTF), soit des prestations ne donnant pas lieu à cotisation (anciens combattants, traitement attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire).
Pensions militaires d'invalidité des victimes de guerre et autres pensions
(en euros)
Dépenses |
LFI 2010 |
PLF 2011 |
Reconnaissance de la Nation |
Retraite du combattant 799 000 000 LH + MM 763 500 |
Retraite du combattant 793 000 000 LH + MM 763 500 |
Réparation |
1 790 000 000 |
1 709 000 000 |
Pensions d'Alsace-Lorraine |
15 100 000 |
15 800 000 |
Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs |
13 200 000 |
13 150 000 |
Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien |
82 600 |
87 600 |
Pensions des sapeurs pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accidents |
12 440 000 |
13 460 000 |
Pensions de l'ORTF |
621 500 |
532 000 |
Total dépenses |
2 631 207 600 |
2 545 793 100 |
Recettes |
LFI 2010 |
PLF 2011 |
Subvention d'équilibre |
2 631 207 600 |
2 545 793 100 |
Solde |
0 |
0 |
1 Légion d'honneur
2 Médaille militaire
Source : réponses au questionnaire budgétaire
Ainsi, les dépenses prévues pour 2011 sont intégralement compensées par la subvention d'équilibre de l'Etat qui s'élève à 2,54 milliards d'euros, en baisse de 86 millions d'euros par rapport à 2010.
L'action la plus importante concerne les réparations relatives aux pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre pour un montant de 1,7 milliard d'euros répartis entre plus de 350 000 pensionnés, dont l'évolution démographique induira une diminution de 81 millions d'euros des dépenses en 2011.
L'ensemble des actions sont décrites dans les crédits des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » et « Régimes sociaux et de retraite » du budget général.
* 14 Près de 3 000 fonctionnaires, dont 441 pour le service des pensions, interviennent dans le traitement des quelque 86 000 pensions concédées annuellement.
* 15 Rapport d'information n° 27 (2007-2008) « La gestion des pensions de l'Etat : une réforme à relancer d'urgence » du 11 octobre 2007.
* 16 Le tableau fait apparaître le nombre de départs en retraite enregistrés de 2000 à 2009, les prévisions pour 2010-2013 et les projections à horizon 2020 et 2030. Ces prévisions ne tiennent pas compte des effets potentiels de la réforme en cours sur les retraites.
* 17 En année pleine, le coût induit de la décristallisation est évalué à 150 millions d'euros, une fois toutes les demandes de reconstitution de carrière examinées par l'administration.
* 18 Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires.