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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
Mardi 14 décembre 1998
- Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.-
Audition de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle
La délégation a procédé à l'audition de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Mme Nicole Péry a tout d'abord présenté les axes prioritaires de son action, qui portent sur la parité politique entre hommes et femmes, l'information sur les méthodes contraceptives, l'égalité professionnelle entre hommes et femmes ; ainsi qu'une meilleure insertion des femmes dans la société, en partenariat avec les membres du Gouvernement.
Evoquant le projet de loi, récemment adopté en conseil des ministres, sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, Mme Nicole Péry a précisé que le Premier ministre avait souhaité que ce projet établisse un dispositif d'une grande simplicité de compréhension et d'application. C'est ainsi qu'ont été retenus le principe d'une parité de candidatures pour tous les scrutins de liste à la proportionnelle, et celui d'une minoration du financement public des partis politiques en cas de non-respect de la parité dans les candidatures aux scrutins plurinominaux.
Mme Nicole Péry a ensuite annoncé qu'un budget de 20 millions de francs avait été dégagé pour financer une campagne d'information sur la contraception, qui débutera le 11 janvier prochain, et se déroulera durant toute l'année 2000. Cette campagne s'adressera prioritairement aux adolescents.
Relevant ensuite que le rapport récemment rédigé par Mme Génisson sur l'égalité professionnelle soulignait qu'il existe un écart moyen de 25 % entre les salaires masculins et féminins, elle a évoqué une possible initiative législative sur ce point durant l'année 2000.
Elle a souligné que l'ensemble du Gouvernement était impliqué dans la recherche de l'égalité entre hommes et femmes, et a évoqué, en exemple, les réflexions menées conjointement avec la Chancellerie sur les violences conjugales, celles menées avec le ministère de l'éducation nationale sur une éducation non sexiste et non violente, et celles poursuivies avec le ministère de l'équipement pour promouvoir l'accès au logement des femmes en situation précaire.
Un débat s'est ensuite instauré.
Mme Hélène Luc a souhaité obtenir des précisions sur les réserves qui avaient été primitivement émises sur la constitutionnalité du projet de loi sur la parité. Elle a également souligné que, chaque année, 10.000 grossesses non désirées étaient comptées parmi les adolescentes, conduisant à 6.700 interruptions volontaires de grossesse (IVG), ce qui pourrait impliquer la modification de la loi " Neuwirth " sur la contraception pour permettre aux infirmières scolaires de délivrer la " pilule du lendemain ".
M. Serge Lagauche a critiqué, dans le projet de loi, l'absence de sanctions financières pour les partis politiques qui ne présenteraient pas un nombre égal d'hommes et de femmes aux élections sénatoriales se déroulant au scrutin majoritaire.
M. Serge Lepeltier a souligné que le financement public des partis politiques était calculé au regard des candidatures aux élections législatives et non aux sénatoriales.
Mme Hélène Luc a affirmé que seule l'instauration du scrutin proportionnel pour tous les types d'élection permettrait une application complète du principe de parité. Faute de l'utilisation de ce mode de scrutin, certains types d'élections, comme les cantonales, demeureraient hors du champ d'application de la future loi.
Mme Paulette Brisepierre a insisté pour que les désignations, faites dans différents organismes comme, par exemple, le Conseil supérieur des Français de l'étranger, soient l'occasion d'instaurer un meilleur équilibre entre hommes et femmes. Elle a regretté que les sanctions financières prévues par le projet de loi puissent faire apparaître les femmes comme une " marchandise ".
Mme Dinah Derycke, présidente, s'est interrogée sur le remède à apporter à une situation qui verrait l'existence de beaucoup de candidates, mais de peu d'élues. Elle a souhaité qu'une campagne d'information forte soit menée en faveur de la parité.
Mme Odette Terrade a rejoint cette inquiétude, et a souhaité connaître le sentiment de Mme Nicole Péry sur l'éventualité où un parti regrouperait toutes ses candidates en fin de liste.
Mme Gisèle Printz a jugé que les conseils généraux étaient des structures déterminantes pour la vie locale, et a souhaité savoir s'il ne serait pas possible d'imposer aux partis politiques de proposer comme candidats aux élections cantonales à la fois un homme et une femme.
M. Xavier Darcos s'est interrogé sur l'application du principe de parité au sein des conseils municipaux.
Mme Josette Durrieu a rappelé qu'elle siégeait, pour un troisième mandat consécutif, au sein du conseil général des Hautes-Pyrénées, et a souligné que les candidatures féminines étaient bien acceptées en milieu rural ; c'est d'ailleurs là qu'on trouve le plus de femmes maires.
En réponse, Mme Nicole Péry a précisé que :
- le Gouvernement s'attache à nommer le plus de femmes possible, que ce soit au sein des administrations ou d'instances extérieures, comme le Conseil économique et social ;
- peu d'interlocuteurs, au sein des partis politiques, ont exprimé des réserves sur le principe de sanctions financières en cas de non-application de la parité de candidatures ;
- le Premier ministre s'est engagé à ce que l'application du principe de parité ne constitue pas une manière biaisée de modifier les modes de scrutin actuellement en vigueur, notamment pour les élections cantonales ;
- les deux motifs d'inconstitutionnalité éventuelle du projet de loi tenaient à la rupture d'égalité, d'une part pour les élections sénatoriales, entre les départements où le scrutin est proportionnel et ceux où il est majoritaire, d'autre part, pour les élections législatives, sur une possible atteinte à l'égalité de financement entre les partis ; les consultations juridiques menées sur ces deux points ont dissipé ces inquiétudes ;
- le projet de loi sur la parité ne peut pas régler tous les aspects de la souhaitable égalité entre hommes et femmes dans le domaine politique ; il faut cependant relever que la pénalisation financière qu'il introduit est importante, et donc incitative ;
- il reviendra aux partis politiques de déterminer les places qu'ils réservent aux femmes sur les listes de candidatures, mais on voit mal qu'ils décident de reléguer toutes les candidates en fin de liste ;
- une vaste campagne d'information sera menée l'an prochain sur l'ensemble des droits des femmes, notamment au travers du milieu associatif.
Abordant ensuite les problèmes liés à la contraception, les sénateurs présents ont soulevé plusieurs questions.
Mme Dinah Derycke, présidente, s'est interrogée sur la nécessité d'une éventuelle modification de la loi " Neuwirth " pour donner une base juridique à la délivrance de la pilule du lendemain.
Mme Paulette Brisepierre a fait valoir que cette délivrance en milieu scolaire posait deux problèmes : l'un, relatif à l'opportunité d'une contraception accordée dans ce cadre, l'autre, sur les éventuelles limites d'âge à instaurer pour la permettre.
M. Serge Lagauche a déploré que l'information en matière de contraception, prévue par la loi " Neuwirth ", ait été délaissée, et qu'on tente d'y remédier par un " coup " médiatique, dont les résultats seront éphémères. Il a plaidé pour la mise en place de structures permanentes, tenues de présenter périodiquement leurs résultats, et qui s'adresseraient à tous les publics, quels que soient leurs âges.
M. Guy Cabanel a rappelé que la loi " Neuwirth " contenait en effet un article de " sécurité " qui prévoyait qu'aucun produit contraceptif ne pourrait être délivré sans ordonnance médicale. L'agence du médicament, qui a autorisé la mise sur le marché de la " pilule du lendemain ", n'a aucune autorité en matière législative ; son accord pour commercialiser cette spécialité n'a donc pas d'effet sur ce plan. Il a souligné qu'une telle contraception ne pouvait qu'être occasionnelle, et devrait conduire à une consultation médicale permettant le recours à d'autres méthodes, plus durables. Il a déploré l'absence d'une véritable éducation sanitaire globale, qui devrait être dispensée au collège, et porterait également sur la prévention envers le Sida.
Mme Dinah Derycke, présidente, a estimé que cette proposition pourrait faire l'objet d'une recommandation de la délégation ; elle a souhaité que les études de médecine prennent mieux en compte la contraception.
Mme Gisèle Printz s'est inquiétée d'une éventuelle recommandation de l'organisation internationale du travail (OIT) sur la réduction de la durée des congés de maternité, et sur une plus grande facilité pour licencier les femmes enceintes.
En réponse, Mme Nicole Péry a rappelé que :
- la campagne d'information prochainement lancée sur la contraception serait orientée en priorité en direction des jeunes gens et jeunes filles ;
- il est avéré que les campagnes de prévention envers le Sida, certes indispensables, ont occulté les problèmes spécifiques à la contraception ;
- la longueur de certains congés parentaux d'éducation, comme par exemple celui de trois ans accordé dès le deuxième enfant, a incontestablement des effets pervers : la moitié des femmes ayant pris ce type de congés n'ont pu, à son issue, retrouver leur place sur le marché du travail ; il n'est pas pour autant question, en France, de réduire la durée des congés de maternité.