Travaux de la délégation aux droits des femmes



DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mardi 6 décembre 2005

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Familles monoparentales et familles recomposées -- Audition de M. Frédéric Marinacce, directeur des prestations familiales, et Mme Hélène Paris, directrice des statistiques, études et recherches - Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

La délégation a procédé à l'audition de M. Frédéric Marinacce, directeur des prestations familiales, et Mme Hélène Paris, directrice des statistiques, études et recherches, à la Caisse nationale desallocations familiales (CNAF).

Mme Gisèle Gautier, présidente, a tout d'abord accueilli les intervenants.

Après avoir prié de vouloir bien excuser l'absence de M. Philippe Georges, directeur général, retenu par le conseil d'administration de la CNAF, M. Frédéric Marinacce a dressé un panorama des principales activités de la CNAF en précisant que celle-ci exerce un service public qui constitue une composante essentielle de la politique familiale, même si son activité ne recouvre pas l'intégralité de cette politique.

Il a rappelé qu'en 2004 le total des prestations versées par les caisses d'allocations familiales pour le compte de l'Etat ou des conseils généraux s'élevait à près de 59 milliards d'euros et que les 123 caisses d'allocations familiales (CAF) qui distribuent ces prestations étaient perçues comme un service public de proximité par les quelque 10,5 millions d'allocataires.

M. Frédéric Marinacce a indiqué que les aides à la famille se répartissaient en quatre catégories : les prestations d'entretien, parmi lesquelles figurent les allocations familiales, les aides à la naissance et à l'accueil du jeune enfant, les aides au logement et les prestations destinées à la lutte contre la précarité. Il a précisé que 6,5 millions de familles bénéficiaient de prestations logement, dont il a rappelé l'importance et la réactivité. Il a également fait observer que les CAF versaient trois prestations de solidarité parmi les huit minima sociaux existant en France : le revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation de parent isolé (API) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il a noté que le RMI, géré par les CAF pour le compte des départements, et l'API étaient révisables trimestriellement.

Après avoir indiqué que la proportion de familles monoparentales avoisinait 40 % dans certains départements et que le nombre de familles recomposées était en constante augmentation, Mme Gisèle Gautier, présidente, a interrogé les intervenants sur les actions mises en oeuvre par la CNAF en direction de ces familles.

M. Frédéric Marinacce a fait observer que le système actuel des prestations et les outils d'observation disponibles ne permettaient pas de dresser un profil précis des familles recomposées. Il a, en revanche, indiqué que les CAF avaient une bonne connaissance des familles monoparentales, dont le nombre augmente progressivement depuis 20 ans. Il a précisé qu'en 1999, 2,7 millions d'enfants vivaient au sein de familles monoparentales et 1,6 million au sein de familles recomposées.

Il a souligné que, comme les CAF peuvent le constater, les familles monoparentales avaient généralement des ressources moindres que les couples avec enfants, et il a illustré ce propos en indiquant que plus de 30 % d'entre elles étaient bénéficiaires d'un minima social.

S'agissant de l'allocation de parent isolé (API), M. Frédéric Marinacce a évoqué une réflexion en cours tendant à incorporer dans ce dispositif une dimension d'insertion et d'orientation professionnelle. Rappelant qu'en 1976, l'API avait été créée dans le souci de permettre à certaines personnes de faire face à court terme à un accident de la vie générateur d'isolement, il a ensuite indiqué que l'API avait pris une seconde dimension à plus long terme, pour répondre à la nécessité de ne pas laisser sans ressources des parents isolés. Il a noté qu'à l'heure actuelle, on distinguait l'API courte, octroyée pendant un an maximum après le fait générateur de l'isolement, en l'absence de grossesse ou d'enfant en bas âge, et l'API longue, versée jusqu'au troisième anniversaire du benjamin.

Faisant observer que les bénéficiaires de l'API devenaient par la suite, dans un grand nombre de situations, des bénéficiaires du RMI, il a évoqué la nécessité de réexaminer le lien entre le versement de l'API et l'insertion du bénéficiaire.

Il a ensuite évoqué la réforme de l'intéressement - qui permet de cumuler un minimum social et des revenus d'activité - en faisant remarquer qu'à l'heure actuelle, seuls, 13 % des bénéficiaires du RMI et 5 % des bénéficiaires de l'API bénéficiaient de ce dispositif.

Mme Hélène Paris a tout d'abord confirmé que la CNAF ne disposait que de peu d'informations sur les familles recomposées. Sur ce thème, elle a fait référence à une étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) retraçant le profil de ces familles : en 1999, 1,6 million d'enfants appartenaient à une famille de ce type. Elle a indiqué que cette statistique permettait de déduire qu'environ 10 % des familles étaient alors recomposées, et elle a fait observer que cette proportion avait vraisemblablement augmenté.

Mme Hélène Paris a ensuite rappelé la définition de la famille monoparentale retenue par la CNAF : un adulte sans conjoint présent, avec un enfant à charge, en précisant qu'il existait 1,5 million de familles monoparentales rassemblant 2,7 millions d'enfants à charge et que la part des familles monoparentales parmi les allocataires était beaucoup plus élevée dans les départements d'outre-mer (31 %) qu'en métropole (de l'ordre de 15 %).

Elle a indiqué que ces familles étaient plus modestes, en termes de revenus, que les couples avec enfant, plus de la moitié d'entre elles se situant au voisinage du seuil de pauvreté et à ce titre allocataires à bas revenus, contre 18 % pour les couples avec enfants, précisant à nouveau que près de 30 % des familles monoparentales étaient bénéficiaires d'un minima social.

S'agissant des familles monoparentales bénéficiaires de l'API, elle a indiqué que, seules, 6 % de ces bénéficiaires étaient en situation d'intéressement, et donc sur la voie de la reprise d'emploi.

En ce qui concerne les trajectoires suivies par les bénéficiaires de l'API, elle a noté que la CNAF était en train de se doter d'un outil permettant d'analyser les parcours de ces bénéficiaires à l'aide d'un panel des allocataires.

Elle a souligné que plus de la moitié des allocataires de l'API devenaient bénéficiaires du RMI. Rappelant la formule selon laquelle « l'API est l'antichambre du RMI », elle a évoqué les difficultés éprouvées par les familles monoparentales en matière de réinsertion professionnelle, notamment liées aux problèmes d'accès aux modes de garde des enfants en bas âge.

Mme Bariza Khiari s'est enquise de la situation spécifique des migrants et des gens du voyage. Elle a souhaité savoir si ceux-ci étaient bénéficiaires des allocations logement et comment ils percevaient les allocations familiales.

M. Frédéric Marinacce a indiqué que les dossiers de prestations des gens du voyage étaient gérés par les CAF de manière différente selon qu'ils circulent dans la France entière - ils sont alors pris en charge par la CAF de Paris - ou qu'ils circulent dans un seul département - ils sont alors gérés par la CAF de celui-ci. Il a expliqué qu'en principe, les gens du voyage ne percevaient pas d'allocations logement, mais qu'ils pouvaient toutefois être susceptibles de les obtenir en fonction du caractère mobile ou non de leur habitation. Il a ainsi précisé qu'une caravane fixe, devenant un immeuble par destination, ouvrait droit aux allocations logement.

Mme Bariza Khiari a rappelé qu'une jurisprudence de la Cour de cassation d'avril 2004 permettait aux enfants de migrants de bénéficier des allocations familiales, quel que soit leur mode d'entrée en France. Elle s'est interrogée sur la façon dont les différentes CAF appliquaient cette décision de justice, notant qu'une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006 tendait à modifier la législation sur ce point. Elle a également souhaité savoir combien d'enfants étaient concernés.

M. Frédéric Marinacce a indiqué que les CAF appliquaient l'article D. 511-2 du code de la sécurité sociale, selon lequel l'étranger demandant à bénéficier de prestations familiales doit justifier de la régularité du séjour de son enfant par la production d'un certificat de l'Office des migrations internationales (OMI) délivré dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Il a noté que le PLFSS pour 2006 tendait à modifier cette disposition d'ordre réglementaire en lui conférant une valeur législative. Il a expliqué que cette modification ouvrait des droits à quatre catégories supplémentaires d'étrangers dont les enfants ne sont pas entrés en France par la procédure du regroupement familial : ceux qui ont la qualité d'apatride, ceux qui ont la qualité de scientifique, ceux qui se sont vu attribuer la protection subsidiaire et ceux qui ont été régularisés au titre des « lois Chevènement ». Il a toutefois fait observer que cette nouvelle disposition n'allait pas jusqu'à permettre le versement des allocations familiales lorsque les parents disposent de seuls documents de circulation pour leurs enfants mineurs. Il a rappelé que la jurisprudence de la Cour de cassation d'avril 2004 semblait indiquer que le paiement des prestations familiales était de droit, sans qu'il soit besoin de demander de pièce justificative, dès lors que les enfants étrangers se trouvaient en situation régulière. Il a néanmoins précisé que la doctrine était divisée sur cette jurisprudence et a formé le voeu que les contentieux en cours, notamment devant le Conseil d'Etat, permettent de la stabiliser. Enfin, il a déclaré que le nombre d'enfants de migrants potentiellement concernés par le bénéfice des allocations familiales n'était pas connu, en raison de l'interdiction de statistiques fondées sur la base de l'origine ethnique dans les fichiers des CAF.

Mme Gisèle Printz a souhaité obtenir des précisions sur les modalités de suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire, et sur l'ampleur de ce phénomène, ainsi que sur la proportion des familles monoparentales concernées.

M. Frédéric Marinacce a rappelé qu'avant la loi du 2 janvier 2004 sur l'accueil et la protection de l'enfance, les CAF, sur le signalement de l'académie, devaient suspendre, voire supprimer les prestations familiales, en cas d'absentéisme scolaire. Mais il a estimé que ce dispositif était à la fois désuet, les académies transmettant peu de signalements, et injuste, puisque le système n'était pas universel, dans la mesure où il ne concernait pas les familles avec un seul enfant, les allocations familiales n'étant versées qu'aux familles comptant au moins deux enfants. Il a en outre souligné le caractère non conforme de ce dispositif à la Convention européenne des droits de l'Homme, faute d'avoir prévu une procédure contradictoire en faveur des familles sanctionnées. Il a fait observer que ce système avait été abrogé par la loi du 2 janvier 2004, à la suite d'un important travail de concertation effectué par la délégation interministérielle à la famille. Il a expliqué que le nouveau système était axé sur des sanctions, prenant la forme d'amendes, mais aussi sur la prévention, grâce à la constitution dans chaque département d'une commission de suivi de l'assiduité scolaire, qui permettait aux parents d'être entendus et, le cas échéant, de suivre des modules d'accompagnement aux fonctions parentales. Il a enfin indiqué que le gouvernement avait présenté au conseil d'administration de la CNAF un projet visant à réformer ce dispositif et à instituer un contrat de responsabilité parentale, qui renoue avec la suspension des allocations familiales par les CAF, sur demande du président du conseil général. Il a toutefois précisé que le conseil d'administration n'avait pas souhaité se prononcer ce jour sur ce sujet, ayant été saisi beaucoup trop tardivement.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est interrogée sur le bien-fondé de certaines propositions visant à sanctionner des familles dont les enfants étaient les auteurs présumés d'actes de violences.

M. Frédéric Marinacce a déclaré que le conseil d'administration de la CNAF estimait que le problème des incivilités ne devait pas être traité par le service public des allocations familiales. Il a fait observer que les conditions de mise sous tutelle des prestations familiales étaient définies par le code de la sécurité sociale et qu'elles visaient le cas de prestations détournées de leur objet. Il a ainsi indiqué que la tutelle prestations sociales enfant (TPSE) était une mesure judiciaire prononcée par le juge des enfants, ayant pour conséquence de confier la gestion des prestations à un délégué de tutelle, qui administre certaines de ces prestations dans l'intérêt de l'enfant.

Mme Gisèle Printz a noté que les familles monoparentales bénéficiaient de l'API jusqu'à ce que le benjamin ait atteint l'âge de 3 ans. Elle s'est dès lors enquise de ce qu'il advenait ensuite et s'est interrogée sur la question de la mise sous condition de ressources des prestations familiales.

M. Frédéric Marinacce a indiqué que la situation des allocataires de l'API en fin de droits dépendait de leur niveau de ressources à ce moment de leur vie, mais a rappelé que plus de 50 % d'entre eux percevaient ensuite le RMI. Il a par ailleurs estimé que le système d'allocations familiales français était neutre par rapport aux modes de vie et aux choix familiaux. Il a également souligné son caractère à la fois universel, puisque toutes les familles perçoivent les allocations familiales quels que soient leurs revenus, et ciblé, d'autres prestations familiales spécifiques étant versées sous conditions de ressources. Il a d'ailleurs fait observer que, dans le passé, un gouvernement avait eu l'intention de s'engager sur la voie d'allocations familiales versées sous condition de ressources, mais y avait finalement renoncé.

Mme Annie David s'est étonnée de ce que les CAF ne versaient plus l'aide personnalisée au logement (APL) en dessous d'un montant de 24  euros par mois.

M. Frédéric Marinacce a rappelé que le conseil d'administration de la CNAF, d'ailleurs soutenu sur ce point par le Médiateur de la République, était hostile au non-paiement de l'APL en dessous de ce niveau, notant que la somme annuelle pouvait être d'un montant important pour les bénéficiaires.

Mme Bariza Khiari s'est interrogée sur le devenir de la politique, impulsée par les CAF, d'accès aux vacances pour tous, prenant par exemple la forme de « bons vacances ».

M. Frédéric Marinacce a indiqué que ce sujet relevait des aides individuelles versées par les CAF et a constaté que celles-ci réorientaient désormais leur politique vers l'accueil des jeunes enfants en structures collectives, comme les crèches ou les haltes-garderies. Il a précisé qu'il s'agissait de prestations d'action sociale et non de prestations légales, mais que le mouvement général tendait à un meilleur ciblage des « bons vacances ».

Mme Gisèle Gautier, présidente, relevant la complexité croissante de la situation des familles recomposées, a noté une fréquente fragilité psychosociale des parents et a relevé que le cumul de facteurs d'exclusion pouvait conduire les CAF à mener des actions d'urgence de plus en plus fréquentes sur les conditions minimales d'existence. Elle s'est inquiétée de cette progression de la précarité familiale.

M. Frédéric Marinacce a indiqué que les CAF aidaient depuis longtemps les allocataires en situation de grande détresse et qu'à cet égard, le RMI, institué en 1988, avait profondément bouleversé le paysage de la demande sociale et la logique de besoin. Il a expliqué que les CAF cherchaient désormais à prendre en charge trois incapacités majeures pour les personnes en grande difficulté : celle de faire seul, le renseignement de formulaires administratifs, par exemple ; celle de faire dans les temps, le bénéfice des minima sociaux étant conditionné au respect de certains délais ; celle de faire comprendre le droit applicable, les modalités de calcul des aides au logement, par exemple, étant particulièrement complexes. Il a fait observer qu'au début des années 1990, était apparu un public très démuni qui n'était connu d'aucun service social, et que les CAF avaient dès lors dû adapter leurs méthodes de gestion et donner la priorité à certains dossiers afin d'éviter la formation d'interminables files d'attente.

Mme Hélène Paris a indiqué que la proportion des personnes en grande détresse s'était sans aucun doute accrue. Elle a souligné la progression considérable depuis 10 ans du nombre de bénéficiaires de minima sociaux parmi les familles monoparentales, soit une hausse de 12 % des allocataires de l'API et de 53 % de ceux du RMI. Elle a en outre noté la déconnexion de ces familles de la conjoncture économique générale, rappelant qu'à la fin des années 1990, le nombre de RMIstes avait diminué, sauf parmi les familles monoparentales. Elle a précisé que 500.000 familles monoparentales étaient actuellement bénéficiaires de minima sociaux, soit 200.000 au titre de l'API et 300.000 au titre du RMI.

Mme Anne-Marie Payet a fait observer que le nombre de mariages à la Réunion était en proportion moindre qu'en métropole. Elle a toutefois estimé qu'en raison des séquelles de la polygamie, les plus grandes difficultés en matière de familles monoparentales concernaient Mayotte, dont la population est à 99 % de confession musulmane. Elle a en effet rappelé que la polygamie y était désormais interdite, mais qu'elle ne pouvait s'éteindre que progressivement. Elle a fait observer que certains hommes avaient répudié leurs femmes, qui se retrouvent désormais seules, alors que l'API n'existe pas à Mayotte. Elle a également précisé que les allocations familiales étaient jusque-là plafonnées à trois enfants par allocataire, ce qui s'expliquait notamment par le souci de ne pas donner l'impression de cautionner la polygamie. Elle s'est toutefois réjouie de ce que le PLFSS pour 2006 tende à mettre un terme à cette situation, de même qu'il tend à instituer désormais l'allocation de rentrée scolaire à Mayotte.

Mme Annie David, soulignant les difficultés structurelles des familles monoparentales, qui ne retrouvent pas facilement un emploi même en cas de reprise de l'activité, s'est interrogée sur la possibilité de développer le volet insertion de l'API et sur les actions que pourraient entreprendre les CAF à cette fin.

Mme Hélène Paris a rappelé que le nombre de familles monoparentales bénéficiaires du RMI n'avait pas diminué à la fin des années 1990, alors que d'autres catégories de bénéficiaires avaient vu leurs effectifs se réduire. Elle en a déduit un retour à l'emploi plus difficile pour certains types de publics, mais aussi des difficultés propres aux familles monoparentales, qui nécessitent un accompagnement particulier en vue de leur parcours de réinsertion. Elle a indiqué que les CAF allaient davantage accompagner les allocataires de minima sociaux, en lien avec de nouveaux partenaires plus spécialisés en matière de réinsertion professionnelle.

M. Frédéric Marinacce, relevant l'absence actuelle de volet insertion de l'API, a estimé que la situation ne pouvait que s'améliorer. Il a toutefois rappelé qu'il existait un débat en cours sur l'avenir de l'API et que sa fusion avec le RMI à court terme était sérieusement évoquée, ces deux minima sociaux s'étant beaucoup rapprochés au cours des dernières années, le montant de l'API étant toutefois plus élevé que celui du RMI. Il a considéré qu'en cas de fusion, il y aurait un avantage certain à faire bénéficier les allocataires de l'API des mécanismes d'insertion, en particulier du contrat d'insertion qui ne leur est pas ouvert jusqu'à présent.

Mme Bariza Khiari, notant que de nombreuses banques excluaient de plus en plus de personnes à revenus modestes de leur clientèle, s'est interrogée sur le problème de la gestion par ces personnes des moyens accordés au titre des prestations familiales.

M. Frédéric Marinacce a fait observer que l'instauration d'un service bancaire universel avait pour objectif d'éviter un tel problème. Il a toutefois relevé qu'il arrivait aux responsables des CAF de solliciter les banques pour faire ouvrir un compte aux allocataires modestes.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est demandé si la difficulté des mères de familles monoparentales à retrouver un emploi n'était pas en partie liée aux conditions de garde des enfants.

Mme Hélène Paris a indiqué que plus de la moitié des allocataires de l'API ne recherchait pas d'emploi. Elle a estimé que trouver un emploi supposait, au préalable, l'identification d'une solution de garde des enfants. Elle a, à cet égard, évoqué la possibilité d'offrir aux allocataires de l'API un accès prioritaire aux structures collectives, comme les crèches.

En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souhaité connaître la place qu'occupait la politique familiale française comparativement aux politiques familiales menées dans les autres pays européens.

M. Frédéric Marinacce a estimé que la France, qui a privilégié les aides directes aux familles, de même que les pays du Benelux, occupait une situation intermédiaire entre les pays nordiques, très en avance en matière de services à la personne et de proximité, et des pays comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, dont la politique familiale n'est guère développée. Il a estimé que la politique familiale nécessitait la réunion d'une volonté politique, qui existe en France par-delà les clivages, d'acteurs sociaux, comme les CAF, mais aussi les entreprises et les collectivités territoriales, et de ressources, les CAF versant 50 milliards d'euros par an au titre des prestations familiales.

Mme Bariza Khiari a rappelé qu'il existait une corrélation entre le développement de la politique familiale et l'importance du travail des femmes.

M. Frédéric Marinacce a fait observer que des pays comme le Japon ou la Corée du Sud, dont la population vieillit rapidement, étaient très intéressés par les modalités de notre politique familiale, qui, selon eux, serait en partie à l'origine du taux de fécondité élevé observé en France, notre pays occupant la première place en Europe avec l'Irlande.

Union interparlementaire (UIP) -Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (CEDAW) - Communication

La délégation a entenduune communication de Mme Bariza Khiari, à la suite de son déplacement à Genève, en compagnie de Mme Christiane Hummel, à l'occasion d'un séminaire d'information organisé par l'Union interparlementaire (UIP), sur l'application de la Convention surl'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard desfemmes (CEDAW).

Après avoir excusé l'absence de Mme Christiane Hummel, retenue par un grave problème familial, Mme Bariza Khiari a indiqué que dans le prolongement de la 113e assemblée plénière de l'Union interparlementaire (IUP), un séminaire d'information avait été organisé au siège de l'IUP à Genève, le 20 octobre 2005, sur le thème : « Appliquer la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes : le rôle des Parlements et de leurs membres ». Elle a précisé que 32 délégations parlementaires représentant tous les continents avaient participé à cette réunion qui avait permis de faire le point sur la portée et l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, dite « CEDAW ».

Présentant cette convention, Mme Bariza Khiari a tout d'abord rappelé qu'il s'agissait d'un traité international qui occupe une place importante au sein des grands traités relatifs aux droits de la personne humaine élaborés sous l'égide des Nations unies. Il s'agit aujourd'hui - a-t-elle précisé -  de l'instrument juridique international le plus complet concernant les droits des femmes, sa rédaction ayant marqué l'aboutissement de plus de trente années de travail. Adoptée en 1979 par l'Assemblée générale des Nations unies, la convention est entrée en vigueur en 1981. Au 15 septembre 2005, 180 Etats l'avaient ratifiée. Elle constitue donc, désormais, un texte de portée quasi universelle.

Analysant le champ d'application de cette convention par laquelle les Etats signataires s'engagent à poursuivre « par tous les moyens appropriés et sans retard » une politique tendant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes, elle a insisté sur l'article 4 de ce texte qui autorise l'adoption, à titre provisoire, de « mesures temporaires spéciales visant à accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes », c'est-à-dire des mesures de « discrimination positive ».

Mme Bariza Khiari a ensuite dressé la liste thématique des « mesures appropriées » devant être prises par les Etats parties en vue de l'élimination des discriminations à l'égard des femmes en citant différents secteurs :

- le droit des femmes de participer à la vie politique, par le droit de vote et d'éligibilité à toutes les élections ; auquel se rattache, par exemple, - a-t-elle observé - la législation française relative à la parité politique ;

- la possibilité pour les femmes d'occuper des emplois publics et d'exercer toutes les fonctions publiques, y compris au niveau international ;

- l'égalité des droits des femmes et des hommes en matière de nationalité, en évoquant, sur ce point, les avancées du droit marocain  relatives au droit pour les femmes marocaines de transmettre leur nationalité  à leurs enfants ;

- l'égalité des droits des femmes et des hommes pour l'accès à l'éducation ; l'élimination de la discrimination dans le domaine de l'emploi ou de l'accès aux soins de santé ;

- la prise en compte des problèmes particuliers des femmes rurales ;

- la reconnaissance à la femme, en matière de droit civil, d'une capacité juridique identique à celle de l'homme ; l'élimination de la discrimination en ce qui concerne le mariage et les rapports familiaux ; et enfin la répression du trafic des femmes et de l'exploitation de la prostitution.

Mme Bariza Khiari a ainsi noté la portée très complète et ambitieuse de cette convention, qui a pour objet d'éliminer les discriminations dans tous les domaines, avant de souligner l'importance toute particulière de ses stipulations pour certains pays en retard dans l'affirmation de l'égalité des chances entre les sexes.

Puis elle a évoqué les difficultés de l'application concrète de cette convention, en rappelant que le suivi et le contrôle de sa mise en oeuvre avaient été confiés au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (« CEDAW »), chargé d'examiner les rapports périodiques présentés par les Etats parties sur l'application de la convention.

Elle a précisé que les Etats parties devaient présenter au comité, constitué de 23 experts indépendants élus pour quatre ans, des rapports périodiques sur l'application de la convention et les mesures adoptées pour donner effet à ses stipulations.

Elle a signalé que le comité pouvait en outre demander à un Etat partie, à titre exceptionnel, un rapport sur un problème particulier, en citant l'exemple du rapport particulier demandé à l'Argentine sur l'incidence de la crise économique sur la situation des femmes.

Faisant observer que les rapports au comité sont présentés par les Gouvernements, elle a souligné qu'il avait été fréquemment déploré, au cours du séminaire d'information, que les Parlements ne soient généralement pas associés à la préparation de ces rapports.

Puis Mme Bariza Khiari a précisé qu'une journée de travail était consacrée par le comité à l'examen de chaque rapport, avant d'exposer les difficultés que rencontre l'application de cette procédure de suivi : d'une part, certains Etats parties n'ont pas encore soumis de rapport au comité, près de 200 rapports au total en 2005 n'ayant pas été établis dans les délais prévus ; et d'autre part, le comité ne dispose pas de suffisamment de temps au cours de ses deux sessions annuelles pour examiner tous les rapports présentés.

Par ailleurs - a-t-elle noté - beaucoup d'Etats ont formulé des réserves en ratifiant la convention : à terme, les Etats doivent, en principe, modifier leur législation pour se mettre en conformité avec leurs obligations internationales, mais, en pratique, peu d'Etats lèvent leurs réserves.

Mme Bariza Khiari a ensuite évoqué les procédures de recours et d'enquête instituées par le Protocole facultatif à la convention. En premier lieu, elle a présenté la procédure dite des « communications » qui permet à une femme ou un groupe de femmes s'estimant victime(s) d'une violation de ses (leurs) droits protégés par la convention, de présenter une plainte devant le comité : ce dernier examine à huis clos les « communications » jugées recevables ainsi que les observations présentées par les Etats intéressés à leur sujet, puis il transmet ses constatations et, le cas échéant, ses recommandations aux parties concernées. Elle a précisé que jusqu'à présent, seules, neuf plaintes avaient été enregistrées parmi les nombreux courriers reçus et que le comité ne s'était prononcé que sur deux plaintes seulement, dont l'une jugée irrecevable. Par ailleurs, elle a fait observer que la procédure était mise en oeuvre uniquement par écrit, sur dossier, ce qui exclut les femmes qui n'ont pas accès à l'expression écrite.

Mme Bariza Khiari a ensuite mentionné la seconde procédure prévue par le Protocole facultatif, qui autorise le comité à mener une enquête s'il est informé d'atteintes graves ou systématiques aux droits des femmes dans un Etat partie à la convention, par exemple par l'intermédiaire d'une organisation non gouvernementale (ONG), en citant l'exemple d'une enquête menée sur les disparitions de jeunes femmes au Mexique.

Puis Mme Bariza Khiari a présenté plusieurs observations sur le cas particulier de l'application de la convention par la France.

La France - a-t-elle indiqué - a signé la convention le 17 juillet 1980 et l'a ratifiée le 14 décembre 1983 et a par la suite, signé et ratifié le Protocole facultatif ; notre pays a cependant formulé des réserves sur quatre articles de la convention concernant respectivement l'exercice commun de l'autorité parentale, les femmes et le monde rural, le choix du nom de famille et le mode de règlement des différends concernant l'application et l'interprétation de la convention.

Mme Bariza Khiari a précisé que le dernier rapport présenté par la France sur l'application de la convention datait de septembre 2002 et que le comité avait examiné conjointement les troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la France en juillet 2003.

Elle a signalé que tout en se réjouissant d'un certain nombre d'éléments positifs concernant notamment les lois récentes sur la parité dans la vie politique, le comité avait formulé un certain nombre de recommandations, incitant notamment la France : à lever toutes ses réserves à la convention ; à développer la production de données statistiques relatives à la condition de la femme ; à améliorer l'accès des femmes aux postes de responsabilité ; à garantir l'accès des femmes à des emplois à temps plein et à promouvoir le principe de l'égalité salariale ; à relever l'âge minimum du mariage pour les filles de 15 à 18 ans ; à assurer une meilleure protection des femmes victimes de trafic ; à éliminer la discrimination à l'égard des migrantes ; à renforcer l'application de la convention dans les territoires d'outre-mer.

Mme Bariza Khiari a indiqué que dans son intervention, au nom de la délégation française, au cours du séminaire d'information, elle avait cependant mentionné les progrès effectués depuis lors par la France sur différents points, notamment avec la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) et l'amélioration du statut des épouses d'artisans. En outre, elle a rappelé que le Sénat avait voté à l'unanimité, en mars 2005, dans le cadre de son ordre du jour réservé, une proposition de loi tendant à améliorer la répression de la violence au sein des couples, au sein de laquelle avait été introduit un amendement tendant à relever l'âge minimum du mariage des filles de 15 à 18 ans, également adopté à l'unanimité, ce qui répond justement à une préoccupation exprimée par le comité.

Elle a estimé que la situation ne pouvait pas pour autant être considérée comme pleinement satisfaisante, notamment en matière de parité politique et elle a regretté que le Parlement n'ait pas été associé jusqu'ici à l'élaboration des rapports périodiques présentés par la France. Elle a rappelé qu'interrogée sur ce point, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à l'intégration, avait proposé, au cours de son audition devant la délégation du Sénat aux droits des femmes, le 25 octobre 2005, de présenter le document rédigé sous l'autorité du Gouvernement aux délégations aux droits des femmes des assemblées parlementaires, en les incitant à réagir par écrit et avait suggéré l'organisation d'une éventuelle audition sur ce sujet.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a également souligné les insuffisances relevées par le comité, faisant observer que la France avait encore des progrès à faire en matière de lutte contre les discriminations à l'égard des femmes. Elle a ensuite insisté sur l'importance de la participation de la France à des réunions internationales telles que celle à laquelle avait assisté Mme Bariza Khiari. Celle-ci s'est associée à ce propos en considérant que la situation de la France, patrie des droits de l'Homme, était tout particulièrement observée au sein de ces instances.

Enfin, Mme Anne-Marie Payet a relaté sa participation au Réseau des femmes parlementaires de l'Océan indien et évoqué les principaux axes de la déclaration adoptée à Antananarivo à l'issue d'un séminaire du Réseau des femmes parlementaires de l'Assemblée parlementaire de la francophonie sur l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, les 6 et 7 avril 2005.