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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mardi 29 octobre 2002

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Sécurité intérieure - Nomination d'un rapporteur et examen du rapport

La délégation a tout d'abord procédé à la nomination d'un rapporteur sur le projet de loi n° 30 (2002-2003) pour la sécurité intérieure.

Mme Danièle Pourtaud a indiqué -pour le déplorer- qu'elle n'avait été informée que tardivement de l'audition, prévue le 30 octobre, de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle a jugé anormal que l'on puisse programmer dans une même réunion, la nomination d'un rapporteur et l'examen de son rapport. Elle a présenté la candidature de M. Claude Domeizel, mais déclaré qu'en signe de protestation sur les conditions d'examen du texte, les sénateurs de la délégation membres du groupe socialiste se réservaient la possibilité de ne pas assister à la présentation du rapport.

M. Claude Domeizel, après avoir fait observer que l'actuel Gouvernement « battait tous les records » quant à l'abus des procédures d'urgence et que l'on imposait en l'espèce à la délégation des méthodes de travail « ubuesques », a retiré sa candidature.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé qu'elle avait annoncé, dès le 16 octobre, au cours de la précédente réunion de la délégation, la date de l'audition de la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle a également souligné qu'eu égard au délai extrêmement bref imparti au Sénat pour examiner le projet de loi sur la sécurité intérieure -adoption du texte en Conseil des ministres le 23 octobre, examen en commission des lois le 30 octobre, en vue d'un passage en séance publique dès le 5 novembre-, la délégation s'était trouvée, de facto, dans l'obligation, soit de renoncer à intervenir dans le débat , soit de procéder le même jour à la désignation du rapporteur et à l'examen de son rapport. Aussi bien -a-t-elle fait remarquer- avait-elle tenu à évoquer cette difficulté dès la réunion du 16 octobre, date à laquelle la candidature de Mme Janine Rozier avait également été évoquée. Mme Janine Rozier a confirmé ce propos et fait valoir qu'elle regrettait, elle aussi, d'avoir eu à travailler dans une telle urgence.

M. Serge Lagauche a indiqué qu'il n'acceptait pas ces conditions de travail et qu'il prendrait connaissance des travaux de la délégation par écrit.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a remercié Mme Janine Rozier, rapporteur, d'avoir accepté de rapporter le texte en urgence et a déploré, de même que M. Alain Gournac, des conditions d'examen effectivement précipitées.

Les membres de la délégation appartenant au groupe socialiste ont alors quitté la réunion.

La délégation a désigné Mme Janine Rozier comme rapporteur sur le projet de loi pour la sécurité intérieure.

Mme Janine Rozier, rapporteur a rappelé que Mme Dinah Derycke, regrettée présidente de la délégation, avait, en l'an 2000 déjà, présenté un rapport précis, riche en informations et suggestions de toutes sortes sur ce fléau de notre société qui préoccupe au plus haut point toutes les femmes, mais aussi les hommes qui les respectent.

Elle a souligné combien le respect de l'être humain et de l'intégrité de son corps était ignoré et bafoué dans la prostitution.

Elle a évoqué le colloque organisé au Sénat par la délégation en novembre 2000, qui avait permis d'analyser ce problème, d'établir des comparaisons avec les autres pays européens ou d'Amérique latine, et d'observer les moyens qui sont mis en place ici ou là pour lutter contre cette exploitation d'êtres humains souvent fragilisés par des antécédents sociaux ou familiaux très pénibles.

Rappelant que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle », Mme Janine Rozier, rapporteur, a noté que la délégation avait jugé ainsi particulièrement insultante l'invocation du droit à disposer de son corps pour justifier la prostitution : où les femmes disposent-elles moins de leur corps que dans la prostitution exploitée ?

Le rapporteur a indiqué que, d'après certaines estimations statistiques, la prostitution était le deuxième marché mondial après celui des stupéfiants et, qu'en France, la prostitution était à 80 % une prostitution de rue qui concerne de 15.000 à 18.000 personnes, dont la moitié à Paris.

Elle a rappelé que la France avait décidé de la fermeture des maisons closes le 13 avril 1946 et que, depuis l'ordonnance du 25 novembre 1960, la prostitution n'était plus réglementée ni illégale, sauf en cas de trouble à la morale ou à l'ordre public, notamment par le racolage et l'exhibitionnisme. Son exploitation est en revanche interdite et sanctionnée.

Mme Janine Rozier, rapporteur, a déploré que l'image de la femme soit galvaudée et salie et noté que l'éducation parentale ou scolaire n'était plus en mesure de redresser cette tendance, tout en soulignant la responsabilité de certains médias dans cet affaiblissement de la morale.

Elle a indiqué que le problème de la prostitution avait pris une telle ampleur, avec des victimes nombreuses et des conséquences de toutes sortes si pénalisantes pour la sécurité et la paix des citoyens, que des mesures rapides et rigoureuses devaient être prises.

Elle a estimé que les Français avaient largement manifesté, lors des dernières élections, leurs attentes impératives en matière de sécurité et de tranquillité dans la vie quotidienne.

En même temps, Mme Janine Rozier, rapporteur, a indiqué qu'il était possible, par une approche intelligente menée par des bénévoles et des travailleurs sociaux formés et encouragés, de gagner petit à petit la confiance malmenée de toutes ces jeunes femmes étrangères, déracinées et jetées sur le trottoir, pour « leur permettre de s'en sortir ».

Elle a suggéré l'institution d'un Défenseur des exploités sexuels, qui pourrait être un « référent » permanent pour les associations, les services sociaux, les services de police et de justice qui sont confrontés à la prostitution et accompagner les décisions des juges. Elle a jugé souhaitable de veiller à ce que les mesures et les crédits nécessaires à la réalisation de ces mesures soient mises en place. Elle a indiqué, au terme de cette présentation générale, qu'en complément des mesures rigoureuses prévues par le Gouvernement, il serait impérieux de prévoir un accueil, une écoute, voire une mise à l'abri de toutes les victimes de la prostitution.

Mme Janine Rozier, rapporteur, a ensuite rappelé les grandes lignes du droit en vigueur : le code pénal n'interdit pas la prostitution en tant que telle ; il sanctionne cependant ses manifestations les plus visibles qui troublent l'ordre public et réprime de manière très énergique le proxénétisme.

Elle a noté que la politique de la France à l'égard du proxénétisme était parfaitement identifiable : il s'agit d'une politique de répression sévère, et fidèle aux engagements pris en 1960 avec la ratification de la Convention de l'ONU du 2 décembre 1949. Les incriminations ont été multipliées par le législateur pour faciliter au cas par cas l'établissement de la preuve du proxénétisme, le code pénal reconnaît aujourd'hui l'existence d'un crime dans certains cas et définit pas moins de dix circonstances aggravantes.

Elle a indiqué que pour améliorer l'efficacité de la mise en oeuvre de ce dispositif réprimant le proxénétisme, les effectifs de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) seraient portés de 14 à 30 personnes.

Mme Janine Rozier, rapporteur, a proposé d'approuver cette augmentation des moyens de l'OCRETH que la délégation avait préconisée en 2000, en soulignant le fossé important entre les possibilités offertes à la lutte contre le proxénétisme par notre droit et les capacités opérationnelles de mise en oeuvre. Pour trouver sa pleine efficacité, le rapporteur a suggéré à la délégation de réaffirmer que cette amélioration de la logistique devait être accompagnée d'un renforcement des politiques de coopération entre les différents pays.

Le rapporteur a ensuite estimé que l'action des pouvoirs publics était beaucoup plus difficile à conduire en ce qui concerne la prostitution en tant que telle : sous réserve que l'ordre public soit préservé, rien ne l'interdit ; cependant, la prostitution étant la condition préalable du proxénétisme, elle est étroitement surveillée, car il faut la démontrer pour pouvoir inquiéter les proxénètes.

Mme Janine Rozier, rapporteur, a rappelé que le racolage actif était aujourd'hui puni d'une peine contraventionnelle et que, d'après la jurisprudence, la seule attitude de nature à provoquer la débauche, c'est-à-dire le racolage passif, n'était pas sanctionnable.

S'agissant des sanctions applicables au client, Mme Janine Rozier, rapporteur, a indiqué que ce dernier n'encourait, jusqu'à présent, aucune sanction pénale pour des relations sexuelles avec une personne majeure. Elle a cependant noté qu'un client de prostituée avait été poursuivi pour racolage actif en vue d'obtenir une relation sexuelle ; ces poursuites, qui reposent sur l'idée d'un « renversement de la charge du racolage », n'ont, au demeurant, abouti à aucune condamnation.

Elle a évoqué la question de la protection des témoins et rappelé que l'article 57 de la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne avait autorisé le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République ou le juge d'instruction, à recueillir les déclarations de témoins anonymes.

Mme Janine Rozier, rapporteur, a ensuite présenté les dispositions relatives à la prostitution du projet de loi et les recommandations de la délégation.

Elle a indiqué que l'article 18 (I) du projet prévoyait l'introduction dans le code pénal d'un nouvel article 225-10-1 qui punit de six mois d'emprisonnement et de 3.750 € d'amende « le fait, par tout moyen, y compris par sa tenue vestimentaire ou son attitude, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération ».

Cet article, a-t-elle précisé, aggrave la peine applicable au racolage en même temps qu'il élargit le champ de son incrimination : à la différence du droit en vigueur, « l'attitude » ou la « tenue vestimentaire » de nature à provoquer la débauche, c'est-à-dire le racolage passif, deviennent sanctionnables. Le racolage passif n'échappe donc plus à la sanction et n'est pas dissocié du racolage actif, alors que, dans le droit en vigueur, seule le racolage actif est puni d'une contravention de 5e classe.

Après avoir rappelé les pouvoirs du parquet et du juge en matière d'application des peines, le rapporteur a préconisé l'utilisation de ce nouveau dispositif législatif dans un esprit de concentration des moyens sur la répression des réseaux de proxénétisme et recommandé une application du texte prenant systématiquement en compte le devoir de secours aux jeunes femmes victimes des réseaux de prostitution et le recours à toute la gamme des mesures facilitant la réinsertion.

Elle a également suggéré, dans un souci d'égalité des sexes, de constater que, si l'on s'en tient à la lettre du texte, les sanctions applicables au racolage peuvent frapper aussi bien l'acheteur de services sexuels que les personnes qui se livrent à la prostitution. Elle s'est interrogée, à propos de l'instauration dans le code pénal d'une notion de « racolage vestimentaire », sur les modalités permettant de manier cet outil juridique avec suffisamment de précautions pour prévenir tout risque d'atteinte aux droits des femmes.

Elle a suggéré, enfin, de noter, qu'en pratique, l'aggravation des sanctions relatives au racolage risquait de frapper une offre de services sexuels majoritairement féminine et de recommander, en conséquence, de veiller à ce que la clandestinité accrue de la prostitution qui pourrait en résulter ne débouche pas sur l'aggravation des violences commises envers les femmes.

S'agissant de l'article 18 (III), qui punit le client des personnes vulnérables se livrant à la prostitution des mêmes peines que l'acheteur de relations de nature sexuelle avec un mineur qui se livre à la prostitution, elle a proposé à la délégation d'approuver ces sanctions et de souligner, de manière générale, la nécessité de prendre des mesures suffisamment dissuasives, à la fois pour :

- contrecarrer l'image de « gain facile » qui s'attache parfois à la prostitution ;

- éviter aux jeunes en situation d'errance de se fourvoyer en dehors des parcours d'insertion professionnelle ;

- et combattre les enchaînements néfastes entre la prostitution et la violence qui nuisent au respect du corps humain et de la dignité des personnes.

A propos de l'article 28 du texte, qui prévoit que la carte de séjour temporaire peut être retirée à l'étranger ayant commis des faits justiciables de poursuites, le rapporteur a préconisé l'utilisation de ce nouveau dispositif législatif dans un esprit de concentration des moyens sur la répression des réseaux de proxénétisme et recommandé une application du texte prenant systématiquement en compte le devoir de secours aux jeunes femmes victimes de ces réseaux.

Evoquant l'article 29 du projet de loi, qui permet la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à l'étranger qui dénonce des faits de proxénétisme, Mme Janine Rozier, rapporteur, a noté que cette autorisation provisoire de séjour pourrait être renouvelée dans les mêmes conditions jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait statué sur l'action pénale engagée et proposé que la délégation préconise le renforcement et la pérennisation des garanties accordées à la personne qui dénonce son proxénète, jugeant essentiel de permettre aux témoins qui le souhaitent de trouver refuge en France.

Après avoir précisé que l'approche française de la prostitution pêchait par son très maigre bilan en la matière, le rapporteur a ensuite évoqué la nécessité d'un renforcement du traitement social de la prostitution.

Afin de stimuler une mobilisation accrue des moyens en faveur de la réinsertion et de la protection des personnes, elle a suggéré à la délégation de préconiser l'institution d'un Défenseur des victimes de l'exploitation sexuelle, autorité indépendante, dont la mission serait de servir d'interlocuteur permanent des associations, des services sociaux, des services de police et de justice qui sont confrontés à la prostitution. Cette institution pourrait fédérer les attentes et les besoins ainsi que les réponses à leur apporter, notamment en termes de structures d'accompagnement des décisions judiciaires et d'hébergement d'urgence.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a souligné l'impérieuse nécessité, en effet, d'améliorer le dispositif de réinsertion.

M. Jean-Guy Branger, s'est inquiété du caractère nécessairement subjectif de la notion de « tenue vestimentaire » incitant au racolage, et des dérives auxquelles elle pouvait donner lieu. Il a évoqué la lutte contre la prostitution et le proxénétisme dans les pays d'Europe de l'Est.

Le rapport d'information de Mme Janine Rozier, rapporteur, a été adopté à l'unanimité des membres présents.

Mercredi 30 octobre 2002

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Egalité salariale entre les hommes et les femmes - Audition de Mme Simone Vaidy, déléguée nationale chargée du Réseau femmes à la Confédération française de l'encadrement-CGC, membre du Conseil supérieur de l'égalité salariale

La délégation a tout d'abord entendu de Mme Simone Vaidy, déléguée nationale chargée du Réseau femmes à la Confédération française de l'encadrement-CGC, membre du Conseil supérieur de l'égalité salariale, accompagnée de Mmes Sternberg et Talowski, membres du Réseau femmes à la Confédération française de l'encadrement-CGC.

A titre liminaire, Mme Simone Vaidy a indiqué que l'égalité salariale entre les femmes et les hommes était un sujet d'actualité. Elle a évoqué la tenue d'un colloque organisé par la CFE-CGC le 5 mars 1997 sur le thème des « femmes, du pouvoir et de l'entreprise » au cours duquel le sujet de l'égalité des salaires a été débattue et fait l'objet de recommandations. Elle a cependant constaté que la situation n'avait guère évolué depuis cette date.

Elle a noté que la discrimination commençait à l'embauche, les femmes acceptant des salaires de 15 à 20 % inférieurs à ceux des hommes pour des postes identiques et restant cantonnées dans un certain nombre de catégories d'emplois, notamment à caractère social, qui sont les moins bien rémunérés. Elle a noté la faible présence de femmes dans les postes à caractère technique à forts potentiels d'évolution.

Elle a souligné, en outre, que les femmes connaissaient une stagnation de leur évolution de carrière autour de l'âge de 40 ans, ce qui correspond à une conséquence de l'accomplissement des tâches liées à la maternité.

Mme Simone Vaidy a estimé souhaitable de « déconnecter » la période de maternité de la période de travail pour rééquilibrer les déroulements de carrières. S'agissant des cadres, elle a estimé qu'en toute certitude, si l'on ne tient pas compte des périodes de maternité, la durée des arrêts de travail est équivalente pour les hommes et les femmes.

Elle a souligné la nécessité d'une évolution dans la répartition des rôles entre les hommes et les femmes et déploré le manque de souplesse des modes de garde des enfants.

Elle a fait observer que l'organisation des crèches ne devait pas relever de la responsabilité ni de la compétence des entreprises ou des autres employeurs et a cité en exemple un certain échec des expériences menées dans ce domaine par les hôpitaux.

Mme Simone Vaidy a souhaité, en revanche, l'organisation de crèches interentreprises dans un certain nombre de zones économiques ; elle a précisé que ces crèches devraient être accessibles à la fois aux enfants des personnes qui travaillent et à ceux des personnes qui habitent dans ces zones sans y avoir un emploi.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a jugé l'idée excellente, mais elle a fait remarquer que le coût des crèches était extrêmement élevé, citant en exemple les difficultés financières rencontrées dans son département.

Mme Simone Vaidy s'est demandé s'il ne fallait pas sensibiliser les comités d'entreprise sur ce point. Elle a rappelé qu'un certain nombre d'entre eux versaient des subventions pour la garde des enfants. Elle a également suggéré d'activer le dispositif du chèque emploi-service pour le recours aux assistantes maternelles.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a évoqué, sur la base d'une analyse concrète de la situation actuelle, la nécessité de mieux organiser la profession d'assistante maternelle.

Mme Simone Vaidy a souligné la nécessité de ne pas pénaliser les parents ayant des enfants et Mme Sternberg s'est associée à ces propos en rappelant l'incidence de la flexibilité accrue des horaires de travail, qui complique les problèmes de garde d'enfant.

Mme Simone Vaidy a indiqué qu'elle avait, à plusieurs reprises, préconisé un assouplissement des horaires des crèches. Elle a noté que les cadres exprimaient une certaine satisfaction d'avoir obtenu, grâce à l'aménagement du temps de travail, la possibilité de prendre des journées de vacances supplémentaires, même si, en contrepartie, leurs horaires de travail sont plus élevés en période d'activité et si la possession d'un ordinateur portable les amène à travailler en dehors de leur entreprise.

En réponse à Mme Gisèle Gautier, présidente, qui a évoqué la nécessité d'engager des actions pour améliorer l'accueil périscolaire. Mme Simone Vaidy a regretté qu'un certain nombre d'enseignants n'aient plus « la vocation » et n'assurent plus la surveillance des études ni l'accueil périscolaire.

Elle a évoqué ensuite le thème du « manque de mobilité » souvent invoqué à propos des femmes, notamment en matière d'expatriation et préconisé la validation des acquis et des expériences professionnelles des femmes qui vivent à l'étranger.

Après avoir souligné la nécessité de généraliser des mesures de formation et de réadaptation pour les femmes en fin de maternité, elle s'est interrogée sur les conditions du financement de ces actions et a noté l'insuffisance d'utilisation et la nécessité de mutualiser les fonds de financement. Elle a également estimé souhaitable de mieux organiser la garde des enfants pendant les périodes de formation.

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente, sur les autres formes de handicaps salariaux au détriment des femmes, Mme Simone Vaidy a souligné l'importance des réseaux de relations masculins, dont le fonctionnement aboutit parfois à exclure les femmes de l'accès à des postes de décision.

Elle a illustré les conséquences de ce phénomène en estimant entre 30 et 35 % les différences salariales entre hommes et femmes pour les cadres supérieurs. Mme Simone Vaidy a, en outre, souligné que l'attribution de certains postes de haut niveau s'accompagnait d'une diminution des prérogatives qui s'y attachent.

S'agissant des retraites, elle a signalé l'existence d'inégalités dans la fonction publique, où les femmes, à la différence des hommes, bénéficient d'une majoration liée au nombre de leurs enfants. Elle a rappelé que cette disparité a été condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes, et s'est interrogée sur les conséquences à tirer de cette décision. Elle a, par ailleurs, évoqué le caractère inégalitaire -au détriment des hommes- des mécanismes de réversion et souhaité que la réduction des différences de traitement entre hommes et femmes ne conduise pas à une diminution des retraites elles-mêmes.

Mme Simone Vaidy s'est, de manière générale, prononcée en faveur de la liberté de choix en matière d'âge et de moment de départ en retraite et a estimé souhaitable d'adapter les systèmes de retraite à l'évolution démographique, économique et sociale.

Mme Sternberg a souligné les paradoxes de l'allongement des périodes de cotisation, en observant que certains salariés sont, dans le cadre de transactions avec leur employeur, licenciés vers 57 ans et se trouvent ainsi à la charge de l'assurance chômage.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est enfin étonnée de ce que l'avantage que constitue l'accès aux crèches soit actuellement fiscalisé.

Audition de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité

La délégation a ensuite procédé à l'audition de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

A titre liminaire, Mme Nicole Ameline a souligné que les politiques sociales visent à offrir à chacun, par-delà l'assistance, la possibilité de construire un projet de vie personnel. Elle a également observé que l'égalité réelle des droits entre hommes et femmes était encore loin d'être atteinte.

Abordant le problème des inégalités professionnelles entre hommes et femmes, elle a indiqué que celles-ci étaient très marquées dans les entreprises, mais aussi dans la fonction publique, et a rappelé l'existence d'un écart de revenus de 11 à 25 % entre les hommes et les femmes. Elle a évoqué en outre les handicaps culturels et les contraintes auxquels se heurtent les femmes, conduites à cumuler plusieurs vies plutôt qu'à les concilier.

Parmi ces handicaps culturels, elle a insisté sur l'orientation professionnelle, pour laquelle les femmes sont incitées par toutes sortes de facteurs à restreindre leurs choix, et à occuper un nombre réduit de filières professionnelles, considérées comme « féminines ». Elle a déploré à cet égard la régression de la présence des femmes dans les filières technologiques et scientifiques. Elle a noté qu'au moment où les hommes font un choix professionnel, les jeunes filles doivent effectuer un choix de vie.

Mme Nicole Ameline a affirmé sa volonté de favoriser le principe de mixité des emplois, notamment en rappelant aux entreprises que celle-ci est facteur de croissance. Le développement des services d'aide à la personne tels que les « crèches interentreprises » témoigne à cet égard de l'apport de la mixité dans les entreprises.

Observant que la violence exercée contre les femmes avait partie liée avec l'image que véhiculent d'elles les médias ou les films pornographiques, elle a fait observer que la lutte contre la violence sexuelle, notamment dans les écoles, était indissociable d'une revalorisation de cette image.

Mme Nicole Ameline a indiqué sa volonté d'étudier tous les moyens permettant aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale, par une approche nouvelle des problèmes, marquée par le partenariat et le dialogue.

Evoquant, au moment où un important projet de loi s'attaque à ce problème, les situations inhumaines auxquelles sont confrontées les prostituées, elle a fait part de sa détermination très forte de lutter contre un phénomène qui concerne 12.000 à 15.000 personnes, en mettant en oeuvre une double politique de répression et de prévention. Il faut, d'une part, adopter une politique très ferme destinée à envoyer un « signal fort » aux réseaux de trafiquants. Il convient, d'autre part, d'assurer l'accompagnement des hommes et des femmes victimes de ces réseaux. A cet effet, Mme Nicole Ameline a annoncé la mise en place d'un programme interministériel, comportant un plan de prévention axé notamment sur une campagne de communication, et un plan d'action sociale fondé sur un partenariat entre les travailleurs sociaux, les services ministériels des droits des femmes, et les associations. Elle a noté que cette action visait à donner aux prostituées une chance de réinsertion, et rappelé que cette question requérait une mobilisation de toutes les volontés.

Mme Nicole Ameline, évoquant un retour du communautarisme visible dans certains quartiers, a affirmé sa volonté d'améliorer l'accès des femmes issues de l'immigration à leurs droits, notamment dans le cadre des grandes orientations fixées par le Président de la République sur ce sujet.

Enfin, abordant la question de la représentation des femmes, elle s'est félicitée des avancées enregistrées depuis le vote de la loi sur la parité, et a dit son souhait de favoriser le développement de la mixité dans les instances politiques, syndicales et professionnelles.

Un débat s'est alors engagé.

Mme Annick Bocandé, après avoir exprimé son accord avec les constats dressés par Mme Nicole Ameline, a insisté sur le rôle des familles et de l'éducation nationale dans le rétrécissement du choix des jeunes filles au moment de l'orientation professionnelle.

Elle a évoqué le problème de la composition souvent très masculine des jurys de concours, et cité le résultat d'une étude montrant que l'attitude et les questions des jurys différaient en fonction du sexe des candidats.

A propos des inégalités professionnelles, elle a relevé qu'à diplôme égal, les femmes évoluaient « moins vite et moins haut » que les hommes, dans les entreprises mais aussi dans la fonction publique. Elle a également souligné la difficulté pour les femmes de concilier leur vie familiale avec une réussite professionnelle, le choix de l'une se faisant trop souvent au détriment de l'autre.

Elle a enfin fait observer que la prostitution touchait des personnes ne parlant pas le français, souvent sans papiers, ce qui rendait leur accompagnement d'autant plus difficile.

Répondant à la question de la composition des jurys, Mme Nicole Ameline a indiqué sa volonté de mener une réflexion sur la nature même des concours de la fonction publique, en liaison avec le ministre de la fonction publique, afin d'éviter que les femmes renoncent d'elles-mêmes à passer ces concours.

Au sujet de la prostitution étrangère, Mme Nicole Ameline a rappelé les grands axes de la politique à mener. En premier lieu, elle a souligné la nécessité absolue de lutter contre les trafics, en renforçant les contrôles aux frontières, et en encourageant la coopération transfrontalière dans le cadre du IIIe pilier de Maastricht. En second lieu, elle a jugé que l'octroi d'une carte de séjour pour les prostituées acceptant de coopérer avec la police, prévu par le projet de loi sur la sécurité intérieure, permettrait de favoriser l'accueil de ces victimes. Enfin, la ministre a insisté sur la nécessité d'éviter la banalisation du phénomène de la prostitution, en menant une campagne de prévention au niveau national, notamment en milieu scolaire.

Mme Gisèle Printz, après s'être interrogée sur la volonté réelle des entreprises de favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes, a rappelé que l'éventualité d'une grossesse future des femmes constituait un facteur négatif lors de leur embauche. Elle a également fait observer que la féminisation d'un emploi s'accompagnait souvent de la baisse du salaire auquel il donne lieu. Enfin, elle a exprimé sa réticence à l'égard d'une disposition du projet de loi sur la sécurité intérieure prévoyant que dans le cadre du « racolage passif », les femmes seront appréhendées en fonction de leur tenue vestimentaire.

A propos de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, la ministre a répondu que l'approche de ce problème devait reposer sur un dialogue suivi avec les partenaires sociaux, et une écoute de leurs propositions. Elle a avancé l'idée de mettre en place des formations pour les femmes durant leur congé parental, afin de leur permettre de retrouver un emploi de niveau supérieur lors de leur retour sur le marché du travail. Evoquant la question des modes de garde des enfants, elle a insisté sur le développement des services à la personne. Ceux-ci représentent en effet un important gisement d'emplois, à condition de les revaloriser et d'en développer la polyvalence.

Mme Odette Terrade a soulevé le problème du manque de formation dans le domaine des services à la personne, déjà constaté lors de la mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie. Observant que les emplois précaires et à temps partiel étaient souvent occupés par des femmes, elle a relevé que celles-ci, incitées pour cette raison à demander le bénéfice de l'allocation jeune enfant, ou du congé parental, rencontraient ensuite des difficultés de réinsertion sur le marché du travail.

Au sujet du temps partiel, Mme Nicole Ameline a rappelé l'existence de deux millions de familles monoparentales, montrant que certaines femmes cumulent les handicaps. Elle a également évoqué l'idée d'un « label » spécifique pour les entreprises, qui distinguerait les entreprises s'efforçant d'assurer l'égalité entre hommes et femmes.

M. Serge Lagauche a d'abord regretté le manque chronique de moyens en matière de droits des femmes et d'égalité entre hommes et femmes. Abordant la politique de prévention, il a fait état des difficultés rencontrées par les enseignants dans l'enseignement de la sexualité à l'école. Il s'est ensuite félicité de l'idée des crèches interentreprises, et a souhaité une reprise de la proposition de réforme relative au divorce.

Il a souligné la pertinence du niveau européen en matière de politique d'égalité entre hommes et femmes, et insisté sur la nécessité d'appuyer les initiatives prises en cette matière. Il a enfin déploré la recrudescence des comportements « machistes », favorisés par un certain renouveau du communautarisme, et souligné qu'il convenait de lutter contre cette évolution, notamment en adressant un discours clair aux hommes.

Mme Nicole Ameline a convenu que l'Europe constituait un cadre d'action très efficace. Par ailleurs, elle a évoqué l'intérêt que pourrait revêtir une reprise partielle de la proposition de loi sur le divorce, tout en faisant part de deux réticences à cet égard. D'une part, la suppression de l'intervention du juge méconnaît le caractère inégalitaire du rapport de forces dans les divorces. D'autre part la proposition ne traite pas suffisamment du problème des violences conjugales. La ministre s'est également inquiétée de la renaissance des comportements machistes, face auxquels elle a appelé à la vigilance, et a souligné le caractère inquiétant de la recrudescence de la violence dans les écoles, lieux d'apprentissage des valeurs.

Mme Annick Bocandé ayant évoqué les interrogations que suscite aujourd'hui la mixité scolaire, Mme Nicole Ameline a souligné que la mixité, conçue comme le respect de la différence, devait être remise au coeur de l'éducation et de la vie.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a d'abord souligné sa convergence de vues avec la ministre, sur l'existence de filières professionnelles « réservées » aux femmes, et sur la nécessité d'intervenir dès l'orientation pour corriger les inégalités. Elle a ajouté que l'écart de revenus entre hommes et femmes, loin de se stabiliser, augmentait.

Au sujet des gardes d'enfants, elle a approuvé l'initiative des crèches interentreprises, et s'est prononcée en faveur d'une amélioration du statut et de la formation des assistantes maternelles libérales.

Elle a souligné l'intérêt que revêtirait pour les femmes le droit à une formation prise en charge par l'entreprise pendant le congé parental. Rappelant que les crédits de formation restaient souvent non consommés, elle a émis l'idée d'une mutualisation de ces crédits. Elle a également évoqué l'âge de plus en plus tardif de l'arrivée sur le marché du travail, qui pénalise davantage les femmes, et a proposé la mise en place, dans les grandes entreprises, d'un système de rachat des années d'études.

Après avoir rappelé son opposition initiale au projet de loi sur la parité, Mme Gisèle Gautier, présidente, a salué les effets concrets de cette loi, qui a permis une féminisation des instances représentatives, notamment municipales. Elle a toutefois regretté qu'il n'existe aucune garantie relative au nombre de délégations accordées aux femmes dans les municipalités.

Au sujet de la prostitution, elle a noté que l'élargissement de l'Union européenne devait être accompagnée d'une vigilance accrue à l'égard des réseaux de trafiquants. Elle a insisté sur l'utilité des sanctions contre les clients, prévues par le projet de loi sur la sécurité, dans la lutte contre la prostitution.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est inquiétée du faible nombre de structures d'accueil pour les femmes battues, ainsi que des difficultés de logement de celles-ci. A cet égard, elle a proposé de leur réserver, une fois passée la période de leur prise en charge dans le cadre des structures d'accueil spécialisées, un quota de logements sociaux. Enfin, elle a suggéré de transférer au département les compétences en matière de lutte contre les violences, et à la région les compétences en matière de contrôle du respect de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline a prolongé ces propositions en faisant part de son souhait d'inscrire dans un cadre départemental le développement des « services partagés ». 

Remerciant Mme Gisèle Gautier, présidente, pour ses observations, elle a noté que celles-ci s'inscrivaient, comme les siennes, dans la volonté de donner à chacun la possibilité d'avoir un parcours personnel choisi.

Au sujet de la prostitution elle a affirmé sa volonté de parvenir, en liaison avec la ministre déléguée aux affaires européennes, à sensibiliser les pays de l'Union européenne à la question de la ratification de la convention de Palerme sur la traite des êtres humains.

Elle a souligné, enfin, que la loi sur la parité avait permis des avancées réelles, mais que celles-ci devaient encore être confirmées par une progression des femmes à tous les échelons de la vie politique, professionnelle, syndicale, et associative.