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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
Mercredi 16 janvier 2002
- Présidence de Mme Danièle Pourtaud, vice-présidente.
Bilan du programme TRACE (Trajet d'accès à l'emploi) - Audition de M. Hubert Peurichard, délégué interministériel à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté
La délégation a entendu M. Hubert Peurichard, délégué interministériel à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté, sur le bilan du programme TRACE (Trajet d'accès à l'emploi).
M. Hubert Peurichard a présenté un certain nombre d'éléments quantitatifs sur la mise en oeuvre du programme TRACE depuis son lancement en novembre 1998.
Il a indiqué que ce programme avait connu une montée en charge progressive. Au total, a-t-il précisé, environ 38.000 jeunes sont entrés dans le programme en 1999, 50.000 en 2000 et 52.000 qu'en 2001, ce qui s'approche des prévisions initiales de 60.000 entrées en 2000 et 2001.
Pour 2002, 90.000 entrées sont prévues : les résultats encourageants de cette forme de lutte contre l'exclusion ont en effet conduit le Gouvernement à décider de la renforcer à partir de 2002.
Au total, a relevé M. Hubert Peurichard, ce sont environ 150.000 jeunes qui ont jusqu'alors bénéficié du programme ; 75.000 y sont aujourd'hui présents.
S'agissant des caractéristiques du public concerné, il a indiqué que, minoritaires au début du programme en 1999 avec 48,3 % des effectifs, les jeunes femmes sont devenues majoritaires en 2001 avec une proportion de 51,8 %, et qu'elles ont une meilleure formation à l'entrée.
M. Hubert Peurichard a ensuite rapporté que 80 % du public du programme TRACE a un âge compris entre 18 et 24 ans, l'âge moyen étant de 20/21 ans. Il a rappelé que le programme s'adresse en priorité aux jeunes de niveau VI et V bis, c'est-à-dire sans qualification ni diplôme, et précisé que 92 % des jeunes qui entrent dans le programme TRACE ont un niveau inférieur ou équivalent au niveau du CAP ; 7 % des jeunes, quoiqu'en grande difficulté, ont une formation de niveau bac.
M. Hubert Peurichard a fait observer que les participants au programme TRACE ont connu des trajectoires difficiles et se trouvent dans une situation de grande précarité.
Il a ainsi estimé que le programme a atteint sa cible, tout en remarquant que, malgré l'absence de sélectivité à l'entrée, tous les jeunes en situation d'exclusion n'entrent pas dans le programme TRACE. Il a fait valoir qu'il était en effet difficile d'aller à la rencontre des jeunes en situation d'errance et d'accompagner les jeunes sans domicile fixe. Il a précisé que 80 % des jeunes n'ont pas de ressources propres provenant d'allocations ou d'un emploi.
M. Hubert Peurichard a ensuite constaté que, lorsqu'ils sont dans le programme TRACE, les jeunes se trouvent en situation d'emploi pour un tiers d'entre eux, qu'ils suivent une formation dans une proportion de 20 %, que 5 à 8 % sont dans des situations « autres » qui les empêchent de respecter des engagements pris dans le cadre du programme TRACE (maladie, maternité, incarcération...) et que le reste est en position de « recherche d'emploi accompagnée ».
S'agissant de la durée des parcours, fixée à un maximum de dix-huit mois, il a précisé que plus de la moitié des jeunes bénéficient d'un accompagnement renforcé pendant plus de quinze mois, ce qui n'exclut pas un suivi antérieur et postérieur au programme.
M. Hubert Peurichard a précisé que 5,6 % des jeunes sortent du programme TRACE à l'issue d'un délai de trois mois, 10,6 % entre trois et cinq mois, 23,3 % entre six et onze mois, 9,2 % entre douze et quinze mois, 44,5 % entre seize et dix-huit mois, et 6,8 % au terme d'un parcours de plus de dix-huit mois.
L'accompagnement, a-t-il noté, correspond à des rendez-vous périodiques et à un suivi personnalisé avec des contacts directs qui reposent sur une grande disponibilité des conseillers à l'égard des jeunes. Il a insisté sur l'importance de la demande d'écoute de la part des jeunes et sur l'atout essentiel que constitue la capacité d'y répondre.
M. Hubert Peurichard a jugé que les résultats sont bons s'agissant d'un public en grande difficulté : à la sortie du programme 54 % des jeunes sont dans une situation positive (emploi ou formation) et la majorité bénéficie de ressources propres (revenus ou droits au chômage). Il a précisé que 52 % des parcours proposés dans le cadre du programme TRACE donnent lieu à rémunération.
Il a indiqué qu'au terme du programme 33 % des jeunes occupent un emploi marchand durable (plus de six mois), et plus de 50 % sont en « situation de formation ou d'emploi » en incluant les bénéficiaires de contrats emploi-solidarité.
Sur la base de ces chiffres, M. Hubert Peurichard a constaté la réussite du programme et dit qu'elle était confirmée par des études sociologiques sur l'exclusion des jeunes.
S'agissant de l'égalité des chances entre les sexes, il a indiqué que si, à l'entrée du programme, la situation apparaissait satisfaisante, en revanche, à la sortie, les résultats sont manifestement moins bons : par exemple, 26 % des jeunes femmes contre 30 % des jeunes hommes bénéficient d'un emploi marchand non aidé ; les jeunes femmes sont majoritaires sur les contrats emploi-solidarité, les jeunes hommes sur les contrats intérimaires ou en alternance.
M. Hubert Peurichard a ainsi estimé que beaucoup reste à faire pour que le programme TRACE permette de corriger ces inégalités ; il a cependant craint qu'une excessive augmentation du niveau scolaire admis à l'entrée, qui bénéficierait aux jeunes filles qui sont plus diplômées, ne détourne le programme TRACE de sa cible principale.
S'agissant des perspectives, il a rappelé que l'objectif du Gouvernement était de porter à 120.000 le nombre des entrées, ce qui correspond à l'estimation du nombre des jeunes en grande difficulté.
Il a également évoqué les moyens à mettre en oeuvre pour faire entrer dans TRACE les jeunes en situation plus difficile encore -notamment les sans domicile fixe-, qui aujourd'hui ne se dirigent pas vers lui. Il est envisagé, a-t-il précisé, d'allonger de six mois la durée d'accompagnement -quoique de manière non systématique, car la demande prioritaire des jeunes est celle de l'accès à l'emploi- afin de travailler avec le milieu associatif à la stabilisation nécessaire de ces jeunes avant l'élaboration de tout projet.
Il a rappelé la création de la bourse accès à l'emploi par la dernière loi de finances qui donne aux jeunes la possibilité de percevoir 300 € par mois pendant les périodes où ils ne sont pas rémunérés, ce qui est le cas aujourd'hui pour la moitié du parcours.
Il a estimé que les caractéristiques de cette allocation ne transformaient pas la logique d'insertion du programme en une logique d'assistance, puisque ses conditions d'attribution exigent, en contrepartie, le respect par les jeunes d'obligations bien définies.
Un débat a suivi.
Mme Sylvie Desmarescaux, à propos de la crainte de dérive du programme TRACE vers une logique d'assistance, a évoqué son expérience d'élue locale et souligné l'insuffisance du volet insertion du RMI.
M. Hubert Peurichard a répondu que dans le programme TRACE, la démarche d'accès à l'emploi a été instituée préalablement à l'allocation, ce qui donne plus de chances de succès au mécanisme d'insertion.
Mme Janine Rozier a insisté sur l'importance d'éduquer le plus précocement possible les jeunes à une démarche d'obligations réciproques pour éviter l'accoutumance à des allocations versées sans contrepartie.
M. Hubert Peurichard a précisé que, conformément au décret d'application intervenu, la bourse accès à l'emploi ne pourra être versée qu'à compter du deuxième mois d'entrée dans le dispositif TRACE.
Mme Gisèle Gautier a exprimé une certaine satisfaction au vu des taux d'accès à l'emploi des jeunes du dispositif TRACE et souligné la nécessité de ne pas prolonger les mesures d'accompagnement de manière excessive afin d'éviter d'entrer dans la logique d'assistance. Elle s'est, en revanche, interrogée sur la possibilité d'en savoir plus sur le devenir des jeunes au-delà du dispositif.
M. Hubert Peurichard a évoqué les difficultés de ce suivi et indiqué qu'un travail d'enquête par téléphone a été entrepris sur un échantillon de 1.200 jeunes. Il a précisé que la mise au point du questionnaire rencontrait un certain nombre d'écueils, car les réponses ne rentrent pas toujours dans le cadre prévu, Mme Odette Terrade soulignant la spécificité du public ainsi sondé.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a manifesté l'intérêt de la délégation pour des indicateurs précis mesurant la situation des jeunes une année après leur sortie du programme. Elle a par ailleurs demandé si, conformément à l'article 5-V de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, des bilans annuels comportant une appréciation du programme par le public intéressé avaient été élaborés.
M. Hubert Peurichard a exposé les difficultés de réalisation de tels bilans et indiqué que les enquêtes qui ont été conduites démontrent que l'appréciation par les jeunes du dispositif TRACE est largement positive.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, en se référant à des éléments communiqués à la délégation au cours d'une précédente audition, a voulu savoir s'il était exact que des jeunes femmes étaient refusées à l'entrée du programme parce que trop diplômées.
M. Hubert Peurichard a indiqué qu'il ne pouvait s'agir que de cas exceptionnels et rappelé que dans TRACE, 67 % des jeunes de niveau IV sont des femmes. Il a estimé que la sélectivité des entrées n'était fondée que sur la motivation des candidats.
Mme Hélène Luc a demandé si, compte tenu de l'intérêt des conseils généraux pour la question, des bilans par département pouvaient être obtenus avec des précisions sur la nature des formations dispensées aux jeunes.
M. Hubert Peurichard a indiqué l'existence de bilans régionaux détaillés pour les deux premières années de TRACE en s'engageant à les communiquer à la délégation.
En réponse à une interrogation de Mme Danièle Pourtaud, présidente, sur la présence de représentants des droits des femmes dans les comités de pilotage de TRACE, M. Hubert Peurichard a répondu qu'une telle participation n'était pas envisageable au niveau de chaque mission locale d'insertion et ne pouvait être mise en place qu'aux niveaux départemental et régional.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a attiré l'attention sur le problème spécifique des jeunes femmes avec enfant(s) dans TRACE et demandé si la bourse d'accès à l'emploi permettrait de financer les gardes d'enfants.
M. Hubert Peurichard, après avoir fait valoir que tout était une question de montant, a évoqué le caractère incessible et insaisissable de la bourse d'accès à l'emploi et son caractère cumulable avec diverses allocations, et notamment les soutiens accordés par les fonds d'aide aux jeunes dont Mme Gisèle Gautier a rappelé les pratiques disparates d'un département à l'autre et déploré qu'ils soient parfois sous-utilisés.