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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
Mercredi 28 mai 2003
- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.
Nomination d'un rapporteur
La délégation a tout d'abord procédé à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi n° 313 (2002-2003) de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et plusieurs de leurs collègues, portant réforme de l'élection des sénateurs.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué que la délégation aux droits des femmes avait été saisie par la commission des lois de la proposition de loi portant réforme de l'élection des sénateurs et a présenté sa candidature comme rapporteur sur ce texte.
La délégation a désigné Mme Gisèle Gautier, présidente, comme rapporteur.
Parité entre les hommes et les femmes en politique - Audition de M. Guy Carcassonne, professeur de droit public à l'Université de Paris X-Nanterre
Puis la délégation a procédé à l'audition de M. Guy Carcassonne, professeur de droit public à l'Université de Paris X-Nanterre.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a estimé que la loi avait posé le principe de la parité et réalisé quelques avancées, mais qu'elle n'est pas allée jusqu'au bout de cette logique qui doit conduire à améliorer la place des femmes dans l'ensemble des institutions nationales ou locales ; elle a mentionné, en particulier, la nécessité d'une progression de la parité au sein des conseils généraux et des établissements publics de coopération intercommunale.
M. Guy Carcassonne a tout d'abord indiqué que la France ne peut plus être considérée comme un « mauvais élève » en matière de parité politique : elle est, en effet, le seul pays à avoir inscrit le principe d'égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives dans sa Constitution. Il a noté que la France s'était imposée la parité en matière politique alors que les autres secteurs, qu'il s'agisse des associations ou des entreprises, n'ont toujours pas consenti au même effort.
M. Guy Carcassonne a précisé que l'application de ce principe avait introduit des changements profonds dans les scrutins de liste. Notant que des frustrations subsistent, notamment dans l'accès des femmes aux responsabilités et aux postes de décision, il a fait observer que les améliorations dans ce domaine relèvent de la pratique politique, la norme ayant été largement perfectionnée en la matière.
Dressant un rapide panorama de la progression de la parité hommes/femmes dans les institutions, il s'est interrogé sur la nécessité de faire élire au suffrage universel les organes des établissements publics de coopération intercommunale et a indiqué qu'il convenait, au préalable, de résoudre cette question de principe avant de s'interroger sur l'application, en l'espèce, du principe de parité. Il s'est demandé si cette désignation n'était pas de nature à contrecarrer les efforts tendant à pérenniser les identités communales.
M. Guy Carcassonne a ensuite insisté sur le caractère archaïque des élections cantonales et estimé, qu'à moins de « changer la donne », la parité avait peu de chances d'enregistrer des progrès notables dans les conseils généraux. Il a préconisé, à ce titre, l'instauration d'un mode de scrutin mixte combinant représentation proportionnelle et majoritaire, analogue à celui en vigueur pour désigner les membres du Bundestag, ce qui garantirait au minimum la présence d'un quart de femmes dans les conseils généraux, grâce au recours au scrutin de liste avec une alternance des candidats de chaque sexe.
S'agissant des élections législatives, il a constaté que le mécanisme de la pénalisation financière avait prouvé une certaine inefficacité et estimé préférable la voie de la stimulation au moyen d'un « bonus » partagé entre les partis ayant le plus de candidates et d'élues.
Tout en se déclarant « farouchement bicaméraliste », il s'est interrogé sur la signification de la réforme de l'élection des sénateurs : après avoir mentionné la réduction à six ans de la durée du mandat de sénateur et la nécessité d'un équilibre démographique entre les départements, requise par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il a estimé que la réforme, qui prévoit de porter à 346 le nombre de sénateurs, aboutissait à un effectif nombreux, supérieur, par exemple, à celui du Sénat espagnol ou du Sénat italien, pour limiter la comparaison aux pays européens à structure institutionnelle comparable.
S'agissant de la parité entre hommes et femmes, il a estimé que le problème se posait de manière strictement mécanique, la régression du champ d'application du scrutin de liste proportionnel entraînant une certaine diminution des garanties liées à l'alternance des candidats de chaque sexe. Il a cependant noté que l'augmentation du nombre de sièges pouvait contrecarrer cet effet mécanique.
M. Guy Carcassonne s'est dit perplexe, en conséquence, sur la question de la compatibilité de la proposition de loi avec la réforme constitutionnelle relative à la parité politique, en précisant que si la loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux, elle ne supprime pas le pouvoir qu'a le Parlement de changer le mode de scrutin.
En réponse à une interrogation de Mme Gisèle Gautier, présidente, M. Guy Carcassonne a estimé que l'un des arguments à l'appui de la constitutionnalité de la proposition de réforme du Sénat consistait à souligner que le mode de scrutin ne porte pas en lui-même atteinte au principe de parité, toute la question étant de savoir si cet argument peut être considéré comme suffisant.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a manifesté l'hostilité du groupe socialiste à cette réforme et a rappelé la tendance de certains candidats à présenter des listes dissidentes.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a fait observer que rien n'empêche les femmes de se présenter en tête de liste ; puis elle a souligné la nécessité pour les femmes d'investir les instances décisionnelles.
Mme Gisèle Printz a rappelé l'importance fondamentale du rôle et de l'attitude des partis politiques en la matière.
Mme Anne-Marie Payet, prenant acte du constat dressé par M. Guy Carcassonne, s'est interrogée sur les solutions envisageables.
M. Guy Carcassonne, estimant qu'une relation certaine de cause à effet ne peut être démontrée entre le rééquilibrage démographique et la parité entre hommes et femmes, s'est interrogé sur le problème de la constitutionnalité du texte ; il a cependant rappelé qu'à propos de la réforme des élections européennes, qui présentait un risque pour la parité, le Conseil constitutionnel avait écarté le moyen invoqué par la saisine, en indiquant que le texte ne comportait pas d'atteinte formelle au principe d'égal accès posé par l'article 3 de la Constitution.
Mme Gisèle Gautier, présidente, revenant sur le dispositif de modulation des aides publiques aux partis en fonction de l'évolution de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré s'y rattacher, s'est interrogée sur le renforcement de la pénalisation financière.
M. Guy Carcassonne a rappelé qu'il avait suggéré de ne pas reverser au budget général le produit de cette pénalisation, mais de l'affecter aux partis selon une clé de répartition correspondant à leur nombre de femmes, dans le but d'enclencher un « cercle vertueux » en matière de parité. Il a précisé qu'avec l'adoption d'un tel mécanisme, plus la pénalisation est forte, plus l'incitation le devient aussi.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, évoquant le problème de l'élection des Français de l'étranger, a manifesté sa préférence pour un renouvellement des sénateurs des Français de l'étranger en une seule fois, comme dans le département de Paris, estimant que cette mesure permettrait de présenter plus de candidates.
Mme Gisèle Printz a approuvé la diminution à six ans de la durée du mandat de sénateur et s'est ensuite interrogée sur l'opportunité d'une augmentation du nombre de sénateurs.
Mme Gisèle Gautier, présidente, revenant sur la question des élections cantonales, a estimé que les assemblées locales étaient propices à développer un « vivier » de femmes politiques et a évoqué la proposition tendant à instituer, pour les candidats aux conseils généraux, l'obligation de choisir un suppléant de sexe opposé.
M. Guy Carcassonne a considéré que cette mesure n'aurait que des bénéfices limités et a marqué sa préférence pour une modernisation des modalités de désignation des conseillers généraux, en évoquant l'idée d'un découpage préalable à l'instauration d'un scrutin uninominal dans les cantons ruraux et d'un scrutin de liste dans les cantons urbains.
Il a estimé qu'à l'heure actuelle l'électeur était peu incité à se déplacer aux urnes, compte tenu notamment des conditions d'attribution, parfois aléatoires et peu lisibles pour le citoyen, de la présidence du conseil général.