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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
Mercredi 25 avril 2001
- Présidence de Mme Danièle Pourtaud, vice-présidente
Audition de Mme Christiane Jouan, chargée de mission à la délégation interministérielle à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté sur le bilan du programme TRACE
La délégation a procédé à l'audition de Mme Christiane Jouan, chargée de mission à la délégation interministérielle à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté sur le bilan du programme TRACE (Trajet d'accès à l'emploi).
En introduction, Mme Christiane Jouan a présenté le programme TRACE. Elle a rappelé qu'il avait été mis en place dans le cadre de l'application de la loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et visait à faire accéder les jeunes en très grande difficulté au marché du travail. Elle a énuméré les jeunes concernés par ce programme chaque année : 10.000 en 1998, et, en année pleine, 20.000 en 1999, 50.000 en 2000 et, en prévision, 60.000 en 2001. Elle s'est réjouie que le programme TRACE permette des synergies entre les différents acteurs travaillant sous l'égide des missions locales d'insertion afin de permettre aux jeunes de retrouver un emploi durable, à savoir soit un contrat à durée indéterminée, soit un contrat à durée déterminée de six mois au moins.
Elle a précisé que, dans le cadre du programme TRACE, un contrat de dix-huit mois était signé entre les jeunes et un conseiller-référent chargé de suivre leur réinsertion.
Mme Christiane Jouan a ensuite dressé un bilan de ce programme. Elle a indiqué que près de trois ans après sa mise en place, la mobilisation des acteurs sociaux était réelle, et que les missions locales d'insertion avaient développé leur collaboration avec l'ensemble des partenaires sociaux, notamment avec les associations s'occupant des jeunes en difficulté.
Elle a également estimé que le succès de ce programme résultait d'un suivi très personnalisé des jeunes et d'un travail d'accompagnement très poussé de la part du conseiller-référent. Elle a cependant constaté que l'offre de formation devait être diversifiée et tenir compte de la sensibilité des jeunes qui sont plus intéressés par la pratique que par la théorie.
Observant aussi que 95 % des jeunes entrés dans le programme TRACE étaient déjà connus des acteurs sociaux, elle a indiqué que l'un des objectifs actuels était d'aller davantage à la rencontre des jeunes qui ne se sont jamais rapprochés des missions locales d'insertion.
Puis Mme Christiane Jouan a décrit le profil des jeunes bénéficiant du programme TRACE. Elle a constaté qu'ils étaient sans ressources, souvent très peu qualifiés, et en situation d'échec. Ainsi, 94 % des jeunes concernés ont un niveau de formation inférieur ou égal au CAP. A la fin 2000, sur les 95.000 jeunes entrés dans le programme, 45 % étaient sortis du système scolaire depuis plus de trois ans. Par ailleurs, un tiers habite une zone urbaine sensible et 70 % n'ont pas de ressources propres.
Mme Christiane Jouan a ensuite distingué les jeunes entrés dans le programme TRACE en fonction de leur sexe. Elle a tout d'abord constaté que 50,27 % étaient des filles et s'est félicitée du rattrapage que cette proportion traduisait depuis la mise en application de ce dispositif. En ce qui concerne l'âge des jeunes entrant dans le programme TRACE, elle a déclaré que 67 % des jeunes avaient entre 18 et 24 ans et que les filles étaient plus représentées que les garçons dans cette classe d'âge (39,32 % contre 37,87 %).
Puis Mme Christiane Jouan a fait remarquer que les filles avaient globalement un niveau d'études supérieur. Ainsi 3,57 % des filles ont un niveau IV et plus (ce qui correspond à la fin des études secondaires), contre seulement 1,75 % des garçons.
Elle s'est ensuite intéressée à la situation des jeunes au moment de leur entrée dans le programme TRACE : 37,8 % des filles et 36,8 % des garçons étaient au chômage, 2,7 % des garçons et des filles occupaient un emploi et 7 % étaient en formation. Les profils sont donc largement similaires pour les deux sexes. Pourtant, à la sortie du programme, le taux d'insertion des garçons est plus élevé que celui des filles. En effet, 27,3 % des garçons, contre seulement 21,7 % des filles, accèdent à un emploi. En outre, 8,18 % des garçons occupent un contrat en alternance, contre 3,08 % des filles. Mme Christiane Jouan a regretté que l'égalité entre les filles et les garçons ne soit finalement respectée que dans l'accès aux contrats emploi-solidarité. Elle a déclaré que les informations chiffrées dont elle disposait ne permettaient pas d'expliquer les raisons de ce phénomène parce que, notamment, elles ne fournissent aucun renseignement sur le type d'emploi offert en fonction du sexe.
Elle a donné un autre exemple pour illustrer l'insuffisance des informations actuellement disponibles, qui ne sont pas encore de réelles statistiques, lesquelles sont en voie d'élaboration à la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques). Elle a rapporté qu'au dire des missions locales d'insertion, l'intérim attirerait beaucoup de jeunes. Or, en l'absence de statistiques sur ce sujet, les actions de qualification dans ce secteur sont peut-être insuffisamment développées.
Un débat s'est alors ouvert.
Mme Danièle Pourtaud, vice-présidente, a souhaité avoir des informations supplémentaires sur les obligations des missions locales d'insertion pour assurer l'égalité d'accès des garçons et des filles aux actions d'accompagnement du programme TRACE et la mixité des emplois, en rappelant que c'était à l'initiative du Sénat qu'un tel objectif de parité avait été inscrit dans la loi relative à la lutte contre les exclusions. Elle a ensuite insisté sur l'importance des mécanismes d'évaluation. Elle a enfin fait observer que le fait que les garçons étaient plus nombreux que les filles à bénéficier de contrats en alternance s'expliquait sans doute par le moindre recours à ces contrats dans les secteurs où les filles s'orientent.
Mme Gisèle Printz a relayé Mme Danièle Pourtaud sur ce dernier point et a souhaité savoir qui orientait les jeunes vers le programme TRACE.
M. Jean-Guy Branger a indiqué qu'il suivait avec attention l'application du programme TRACE depuis trois ans et que, dans son département de la Charente-maritime, l'égalité d'accès entre garçons et filles à ce programme et aux emplois était globalement respectée. Puis il a cité quelques statistiques relevées dans son département : 19 % des jeunes sortent du programme avec un emploi durable, 56 % en ayant un emploi temporaire, et 25 % sont en formation. Il a ensuite regretté que les contrats emploi-solidarité ne soient pas plus longs afin de permettre aux jeunes concernés, qui, a-t-il-indiqué, ont besoin de se stabiliser, d'acquérir l'assurance nécessaire pour postuler pour un emploi dans des conditions satisfaisantes. Il a également fait remarquer que son département faisait un effort particulier en faveur des femmes en difficulté. Ainsi, 67 % des logements HLM seraient attribués à des femmes célibataires ou divorcées ayant un à trois enfants.
En réponse, Mme Christiane Jouan a rappelé que les missions locales d'insertion avaient également comme objectif d'assurer l'égalité entre les sexes pour l'accès aux emplois. Elle a ajouté que la délégation interministérielle à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes travaillait en étroite collaboration avec la délégation interministérielle des droits des femmes. Pour autant, elle a admis ne disposer d'aucune donnée mensuelle permettant d'établir un bilan à ce sujet. Pour mieux appréhender les éventuelles inégalités entre hommes et femmes, elle a également insisté sur la nécessité de disposer d'autres statistiques, telles que les taux de chômage des hommes et des femmes et la composition des emplois, en fonction du sexe, dans les bassins d'emplois.
Puis Mme Christiane Jouan a déclaré que tous les acteurs sociaux étaient susceptibles d'orienter les jeunes vers le programme TRACE.
Enfin, elle a donné des statistiques supplémentaires sur la situation familiale des jeunes entrés dans le programme TRACE selon leur sexe. Ainsi il y aurait 42.000 célibataires chez les femmes et 52.000 chez les hommes. Par ailleurs, 3.500 femmes auraient un enfant, 578 deux et 78 trois (les chiffres étant respectivement de 559, 78 et 20 pour les hommes). Les femmes ont donc des charges familiales plus importantes, ce qui constitue un handicap pour leur insertion professionnelle car elles doivent résoudre les problèmes liés à la garde des enfants.
Droits du conjoint survivant - Demande de saisine
A la suite de l'audition de Mme Christiane Jouan, la délégation a décidé de demander à la commission des lois d'être saisie de la proposition de loi de M. Alain Vidalies, adoptée par l'Assemblée nationale, et relative aux droits du conjoint survivant, et de la proposition de loi de M. Nicolas About ayant le même objet.