Délégations et Offices

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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mardi 23 mai 2000

- Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.

Audition de M. Christian Amiard, commissaire divisionnaire à la sous-direction des affaires criminelles de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRETEH)

Après que Mme Dinah Derycke, présidente, eut précisé que la décision de la Délégation de choisir la prostitution comme sujet de son premier rapport annuel avait été prise avant que ce thème, sensible et complexe compte tenu des nombreux aspects à prendre en compte, retienne ces derniers temps l'attention des médias.

La délégation a procédé à l'audition de M. Christian Amiard, commissaire divisionnaire à la sous-direction des affaires criminelles de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRETEH).

M. Christian Amiard
a présenté la nature des activités de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRETEH).

L'OCRETEH, a-t-il indiqué, a été créé en 1958 et a pour vocation première d'établir des statistiques nationales sur l'activité répressive en matière de traite des êtres humains. C'est à ce titre qu'il a à connaître de la prostitution. Les statistiques, a-t-il poursuivi, sont moins faciles aujourd'hui qu'à l'époque des maisons closes : l'" approche de la rue ", par le biais des contrôles des services territoriaux, est la seule possible. Les contrôles ont porté, en 1999, sur environ 5.000 personnes prostituées, dont 600 à 700 hommes, des travestis surtout. On estime, numériquement, la prostitution de rue au double de ces contrôles, soit de 10.000 à 12.000 personnes, auxquelles doivent être ajoutées quelque 3.000 professionnelles exerçant dans les bars à hôtesses et les salons de massage. M. Christian Amiard a ensuite estimé que le nombre des prostituées était relativement stable, mais qu'en revanche la répartition des nationalités connaissait d'importantes modifications. Les prostituées étrangères sont aujourd'hui aussi nombreuses que les prostituées françaises, dont la proportion atteignait encore 70 % il y a peu. Cette évolution est notamment due à l'arrivée de prostituées originaires des pays de l'Est qui, en nombre, ont pris le pas sur toutes les prostituées étrangères.

En 1999, a ensuite indiqué M. Christian Amiard, on a dénombré quelque 800 prostituées " victimes pénales ", les auteurs d'infractions étant un peu plus de cinq cents. Mais il a précisé, s'agissant des victimes, qu'en raison de problèmes d'identification, leur nombre était sans doute sous-évalué.

Il a déclaré que, contrairement à la prostitution française, la prostitution étrangère était fortement organisée en réseaux, lesquels sont présents dans toute l'Europe de l'Ouest et très mobiles. Il a fait observer que ces réseaux ne pouvaient être considérés comme des " mafias ", dans la mesure où ils ne cherchaient pas à pénétrer les rouages administratifs et économiques des pays dans lesquels ils opéraient et à recycler dans ces pays le produit de leur activité.

M. Christian Amiard est ensuite revenu en détail sur l'origine géographique des prostituées étrangères. Celles qui viennent d'Europe de l'Est, les plus nombreuses, sont généralement prises en main par des proxénètes de même nationalité qu'elles. S'agissant de la répartition entre nationalités, les prostituées roumaines, hongroises ou bulgares, a-t-il précisé, sont aujourd'hui supplantées par les prostituées albanaises (ou se faisant passer comme telles), ukrainiennes ou russes, mais le contingent le plus important reste encore celui des tchèques, d'implantation traditionnelle. Les filières africaines proviennent aussi bien du Maghreb (Algérie et Maroc, principalement) que d'Afrique Noire francophone (Cameroun notamment) ou anglophone (Ghana, Nigeria). Enfin, il a signalé que la filière latino-américaine était essentiellement parisienne et " spécialisée " dans les travestis (en provenance de l'Équateur et du Pérou, moins du Brésil maintenant), et que la prostitution en provenance du sud-est asiatique était une prostitution cachée, " d'appartement ", très localisée à Paris et surtout destinée à une clientèle elle-même asiatique.

M. Christian Amiard a ensuite déclaré que le proxénétisme français, essentiellement présent dans le sud-est de la France, était en diminution et beaucoup plus " artisanal " qu'auparavant en raison d'un désintérêt de la part du " grand banditisme ".

Puis, il a précisé que, pour assurer sa mission de police judiciaire, l'OCRETEH disposait de trois groupes territoriaux à compétence nationale et des deux brigades de répression du proxénétisme de Paris et de Marseille, qu'il s'appuyait par ailleurs sur le réseau des commissariats et sur les forces de gendarmerie (dont le rôle est toutefois limité, la prostitution étant un phénomène essentiellement urbain), et qu'il entretenait des relations avec Interpol.

S'agissant de la méthode, M. Christian Amiard s'est félicité de l'exception française qui permet de lutter contre le proxénétisme, qui est un délit, sans que l'ouverture de l'enquête soit subordonnée au dépôt d'une plainte de la prostituée. Il a indiqué que cette possibilité d'agir " d'initiative " était favorable à la recherche de renseignements sur les filières de prostitution, qu'elle facilitait les relations entre la police et les prostituées, qui étaient le plus souvent considérées comme des témoins, et que l'arsenal répressif français, qui comprend sept cas de circonstances aggravantes (bande organisée, actes de torture et de barbarie, traite des êtres humains, minorité de la victime, etc.), permettait de lutter plus efficacement qu'ailleurs contre le proxénétisme. A cet égard, il s'est déclaré inquiet des travaux en cours à l'échelon européen visant à privilégier l'incitation à la dénonciation, qu'il a jugés susceptibles de faire disparaître les avantages de l'approche française. On trouve derrière ces travaux, a-t-il précisé, le débat entre prostitution forcée ou libre, qui est très vif dans plusieurs États membres de l'Union européenne (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, ...), et auquel la France échappe encore.

A Mme Dinah Derycke, présidente, qui l'interrogeait sur les circuits financiers du produit de l'activité des réseaux proxénètes, M. Christian Amiard a répondu qu'il était difficile de connaître précisément la destination de ce dernier. Il a fait observer qu'une prostituée, sous peine d'être battue, était censée rapporter entre 3.000 et 5.000 francs par jour à son proxénète (300 francs environ lui étant laissés pour se nourrir, se vêtir et se loger), et qu'un réseau contrôlant une douzaine de femmes, pouvait gagner jusqu'à 60.000 francs par jour. L'argent, en général, sort de France par des passeurs, des mandats postaux, voire directement par des prostituées effectuant une visite à leur famille, et il est utilisé par les proxénètes pour s'assurer un statut social dans leur pays d'origine (achat de maison et de biens divers). Il sert également à entretenir sur place les réseaux permettant d'alimenter les filières.

Mme Dinah Derycke, présidente, évoquant le débat international en cours à Vienne sur le problème du consentement à la prostitution, et relevant que le consentement des prostituées peut être " arraché " sur la base de pressions, d'histoires personnelles ou en raison des conditions de vie dans le pays d'origine, M. Christian Amiard a affirmé que les " recrutements " effectués par les réseaux étaient toujours violents. Il a par ailleurs fait observer qu'au-delà du " dégoût que peuvent légitimement inspirer les proxénètes, qui n'ont aucune considération pour la dignité humaine ", les relations qu'entretiennent avec eux les prostituées sont complexes, ambiguës, et que ces dernières se rétractent très souvent après avoir témoigné ou porté plainte. C'est la raison pour laquelle, a-t-il ajouté, il convient d'aller très vite dans le traitement des affaires de proxénétisme.

Mme Dinah Derycke, présidente, l'interrogeant sur les pressions et les menaces, notamment sur les familles, qui peuvent expliquer ces rétractations, et, de façon plus générale, sur le " silence " des prostituées et le faible " taux de sortie " des réseaux, M. Christian Amiard a reconnu que les menaces sur les familles, et notamment sur les enfants restés dans le pays d'origine, étaient très fréquentes et particulièrement efficaces.

Il a indiqué que sur 189 proxénètes déférés à la justice en 1999, 137 avaient été mis en prison, rapport qu'il a qualifié de bon, avant de souligner que, grâce notamment au téléphone mobile, les proxénètes pouvaient aujourd'hui s'éloigner des " événements constitutifs d'infractions " en confiant la gestion de leurs " affaires " en " sous-traitance " à des petits malfrats locaux, français notamment.

Mme Dinah Derycke, présidente, l'ayant questionné sur la coopération internationale, M. Christian Amiard a précisé qu'elle était embryonnaire et qu'elle s'appuyait sur des textes récents datant de 1996-1997, peu contraignants et surtout trop peu précis quant à leur champ d'application (mélangeant par exemple la prostitution et la pédophilie). Il a toutefois signalé que ces textes préconisaient également une assistance aux victimes dans le cadre des procédures pénales et qu'en la matière, force était de constater que la France n'avait rien fait.

Mme Gisèle Printz s'interrogeant sur l'opportunité des reconduites à la frontière des prostituées étrangères, il a fait valoir qu'à défaut les intéressées n'avaient de toute façon d'autre choix que de retourner à la prostitution, tout en risquant, par leur récit, de gêner les enquêtes policières.

En réponse à une question de Mme Janine Bardou sur la traite des êtres humains, il a expliqué qu'il s'agissait d'une des circonstances aggravantes du proxénétisme en France, avant d'estimer que la législation qui réprime le proxénétisme dans notre pays était satisfaisante, soulignant que beaucoup de pays ne bénéficiaient pas des mêmes possibilités. Les autres pays, préférant la notion de crime organisé et la rattachant à l'immigration clandestine, n'ont pas la bonne approche, a-t-il ajouté.

S'agissant d'EUROPOL, il a indiqué que cet organisme ne s'était, jusqu'à présent, réuni que deux fois, pour procéder à une évaluation décevante de la prostitution et des politiques de lutte menées dans les États membres, un certain nombre de ces derniers étant dans l'incapacité de procéder à une telle évaluation en raison des règles juridiques qu'ils appliquent à la prostitution et au proxénétisme (les Pays-Bas, par exemple), ou du fait que la prostitution y est essentiellement cachée.

Mme Janine Bardou lui demandant ensuite comment les réseaux de prostitution des pays de l'Est avaient pu s'implanter en France si rapidement, M. Christian Amiard a indiqué que les autres pays européens connaissaient le même phénomène, et que celui-ci résultait notamment de la libre circulation des personnes.

Mme Hélène Luc s'inquiétant de savoir si les réseaux organisés opéraient aussi dans les pays d'origine, il a fait observer que ce sont les exigences financières des proxénètes qui les conduisent à implanter leurs réseaux dans les pays d'Europe de l'Ouest. Soulignant qu'il existait toutefois une demande dans ces derniers, il a craint de voir prévaloir au niveau international, comme en matière de stupéfiants, une théorie de la " co-responsabilité " (pays d'origine-pays de transit-pays de destination) qui compliquerait la lutte contre la prostitution et le proxénétisme. De même, il a estimé qu'il fallait rejeter toute " couverture culturelle " de la prostitution.

Mme Hélène Luc jugeant la prostitution dégradante pour les femmes mais aussi pour les hommes, M. Christian Amiard a ajouté que le fait que la demande augmente et que sa nature évolue conduit à poser le problème de la sexualité.

Mme Janine Bardou l'ayant également interrogé sur l'âge des prostituées en provenance des pays de l'Est et sur l'action des services de police de ces pays, et Mme Gisèle Printz ayant pour sa part relevé que le proxénétisme constituait une économie parallèle dont profitaient ces pays et que la question de la prostitution des enfants méritait également d'être évoquée, M. Christian Amiard a répondu que la grande majorité des prostituées étaient majeures, pour ce qu'on peut en savoir compte tenu du fait qu'elles sont souvent dépourvues de papiers d'identité fiables, ou, en tout cas, d'un âge supérieur à quinze ans (limite légale en-deçà de laquelle le client peut être poursuivi). Il a par ailleurs considéré que l'inertie des services de police dans les pays d'origine des réseaux de prostitution tenait avant tout à la désorganisation de ces pays et au fait que, confrontés à une grande criminalité, la prostitution ne constituait pas pour eux une priorité.

Enfin, à M. André Boyer qui l'interrogeait sur le nombre de passes quotidiennes en France et le profil de la clientèle, M. Christian Amiard a indiqué que l'on pouvait estimer à 120.000 par jour les " prestations sexuelles " (sur la base de dix passes par prostituée) et que le client-type était " Monsieur Tout-le-monde ".

Audition de Mme Bernice Dubois, secrétaire générale de la Coordination française pour le Lobby européen des femmes (CLEF)

La délégation a ensuite procédé à l'audition de Mme Bernice Dubois, secrétaire générale de la Coordination française pour le Lobby européen des femmes (CLEF).

Mme Bernice Dubois
a indiqué que la Coordination française pour le Lobby européen des femmes (CLEF) regroupait 65 associations et participait au plus important groupement associatif mondial (2.800 associations au seul niveau européen). La CLEF, a-t-elle poursuivi, a été à l'origine de la motion dénonçant très clairement la prostitution et le proxénétisme que le lobby européen des femmes a adoptée il y a deux ans.

Mme Bernice Dubois a estimé que la prostitution n'était pas le " plus vieux métier du monde ", qu'elle ne datait que de la société patriarcale dans laquelle les hommes considèrent avoir le droit de disposer, d'acheter et de vendre des corps de femmes. Si l'esclavage a été officiellement aboli il y a plus de 150 ans, a-t-elle considéré, il existe en réalité toujours, sous la forme de la prostitution, c'est-à-dire la vente de femmes à des hommes. Cette délinquance se développe aujourd'hui en raison d'intérêts économiques très puissants dont bénéficient des mafias qui contrôlent tout à la fois les " marchés " de la prostitution, de la drogue et des armes. Elle a vivement déploré à cet égard qu'une aide soit apportée par la Commission européenne, dans le cadre du projet " Daphné ", à des associations " infiltrées " qui encouragent ce qu'elle a appelé " l'industrie du sexe ".

Mme Bernice Dubois s'est également vigoureusement élevée contre la distinction que diverses institutions internationales, telles l'ONU ou l'Organisation internationale du travail (OIT), cherchent à instituer, sous la pression de pays comme les États-Unis ou les Pays-Bas, entre la prostitution " forcée " et la prostitution " volontaire ". Répondant à Mme Gisèle Printz, elle a estimé que, sous couvert d'améliorer les conditions de travail, sanitaires et sociales des prostituées, cette démarche conduit à légitimer l'activité de " gangs criminels " et à conférer une honorabilité à leurs dirigeants, alors même que la prostitution n'est jamais exempte de violences et de souffrances. Prenant l'exemple des Pays-Bas où la légalisation n'a en aucune manière amélioré la situation des prostituées ni mis fin aux trafics de femmes, bien au contraire, Mme Bernice Dubois a fait remarquer que la prostitution n'était pas, contrairement à certaines affirmations, " un métier comme un autre ", et que, d'ailleurs, lorsqu'on les interrogeait, les prostituées déclaraient toujours ne pas en vouloir pour leurs propres filles.

Revenant sur le débat actuel autour du " consentement " à la prostitution et relevant que d'aucuns suggéraient de recourir (notamment au sein du Conseil de l'Europe) à la notion de " consentement informé ", Mme Bernice Dubois a fait observer que la moyenne d'âge des prostituées dans le monde était actuellement comprise entre 15 et 18 ans, ce qui lui semblait rendre vain tout débat sérieux sur le consentement ou sur l'information. Elle a estimé que même en l'absence de violence physique, il existait toujours, sauf exceptions infimes, des contraintes, qu'elles soient d'ordre économique, politique, psychologique ou social, qui conduisaient les femmes à la prostitution. Elle a considéré que la prostitution participait du problème général de l'inégalité entre les sexes, et non pas d'un " choix de travail ", les personnes exploitées étant massivement du sexe féminin alors que les clients, comme les proxénètes et les trafiquants, sont essentiellement de sexe masculin.

Après avoir noté que, dans le cas de la prostitution, le harcèlement sexuel constituait l'essence même du " travail ", Mme Bernice Dubois a dressé la liste " longue et douloureuse " des conséquences pour la santé physique, mentale et psychologique des prostituées (meurtres, suicides, automutilations, maladies aiguës ou chroniques, sida ...), en y voyant autant de violations des droits humains les plus élémentaires justifiant le rapprochement de la prostitution avec l'esclavage. Elle s'est appuyée sur les exemples hollandais et australiens, où la légalisation de la prostitution s'est accompagnée d'une recrudescence des violences et des trafics, pour juger inopérants, pour la protection des prostituées, les arguments en faveur du " réglementarisme ".

Mme Bernice Dubois a ensuite fait part des vives inquiétudes de la CLEF à l'égard des discussions menées à Vienne depuis dix-huit mois autour de la Convention de l'ONU du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et l'exploitation de la prostitution d'autrui, qui viseraient à annuler, à l'initiative des États-Unis et des Pays-Bas, les protections et garanties actuelles -lesquelles s'inscrivent dans la droite ligne des principes posés par les autres conventions internationales sur les droits humains- pour les remplacer par une définition du trafic des êtres humains qui en exclurait les victimes prétendument consentantes. Celles-ci auraient ainsi à apporter elles-mêmes la preuve qu'elles ont été contraintes, charge particulièrement difficile à assumer lorsqu'on connaît le rapport de forces existant avec les proxénètes. Elle a évoqué la position de la délégation argentine, qui avait préconisé le maintien de la formule " avec ou sans le consentement de la victime ", et déploré avec vigueur qu'elle ait été finalement retirée sous les pressions économiques très fortes des États-Unis. Elle a estimé ambiguë l'attitude de la délégation française à Vienne, qui, alors qu'il s'agit de la " dernière heure ", privilégie le consensus européen et ne se bat pas pour ses propres principes et sa législation.

A Mme Dinah Derycke, présidente, qui évoquait le rôle de l'État -selon qu'il fait payer ou non des impôts aux prostituées, doit-on considérer qu'il leur ouvre ou non des droits-, Mme Bernice Dubois a répondu qu'il serait préférable avant tout que l'État aide les prostituées, notamment par le biais de la formation, à retrouver une dignité, tâche qu'il laissait aux associations. Elle a par ailleurs estimé indispensable de réprimer toutes les personnes qui profitent de la prostitution, les proxénètes mais aussi, à l'image de la Suède, les clients, la demande, a-t-elle précisé, précédant l'offre.

Mme Gisèle Printz ayant souhaité connaître son avis sur l'idée émise par certains selon laquelle la prostitution serait une " soupape " permettant d'éviter le développement des viols et violences et Mme Dinah Derycke, présidente, l'interrogeant sur d'autres idées communément véhiculées comme celles de la misère sexuelle des hommes seuls ou de l'existence de différences sexuelles entre hommes et femmes en termes de besoins et de contrôle, Mme Bernice Dubois a estimé qu'il n'en était rien avant, d'une part, d'appeler de ses voeux une éducation plus égalitaire de nature à modifier les mentalités sur le long terme dans le sens d'un meilleur respect des femmes et, d'autre part, de mettre en parallèle, en les stigmatisant, les discours passés sur l'esclavage (pour lesquels il suffisait d'améliorer les conditions de vie et le traitement des esclaves) et certains propos actuellement tenus sur la prostitution.

Après qu'elle eut affirmé qu'il était possible d'assouvir ses besoins sans asservir et que Mme Dinah Derycke, présidente, eut relevé que pourtant certains allaient dans d'autres pays " faire ce qu'ils n'osaient faire chez eux " et le faisaient presque avec bonne conscience en raison de l'intérêt économique qu'ils présentaient pour les prostituées locales, souvent mineures, et leurs familles, Mme Bernice Dubois a dénoncé l'attitude de l'OIT en estimant qu'elle trahissait les rapports rédigés par les pays asiatiques, lesquels sont loin de considérer que la prostitution est un bien pour eux-mêmes. Enfin, Mme Gisèle Printz ayant jugé nécessaire de développer l'information sur la prostitution des enfants, Mme Bernice Dubois a insisté sur l'importance qu'il y avait à lutter contre la prostitution en tant que telle, indépendamment de l'âge des victimes.

Jeudi 25 mai 2000

- Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.

Outre-mer - Loi d'orientation pour l'outre-mer - Communication

La délégation a examiné une communication de Mme Dinah Derycke, présidente, sur leprojet de loi n° 342 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer.

Mme Dinah Derycke, présidente
, a indiqué qu'à sa demande, la délégation avait été saisie de ce projet de loi, le 24 mai 2000, par la commission des lois.

Soulignant que les délais étaient extrêmement brefs puisque la commission des lois devait pouvoir disposer de l'avis de la délégation avant d'examiner le texte, le 7 juin prochain, elle a proposé de faire une communication orale que les membres de la délégation ont décidé de transformer en rapport d'information en désignant Mme Dinah Derycke, présidente, comme rapporteur.

Le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, a indiqué Mme Dinah Derycke, présidente, est un texte important dont on a tendance à ne retenir que la " facette institutionnelle ". Il contient aussi tout un dispositif économique et social, mais sans aucune disposition spécifique en faveur des femmes, si l'on excepte la revalorisation de l'allocation de parent isolé (API) dont celles-ci seront les premières bénéficiaires. Cette lacune, a-t-elle estimé, justifiait que la délégation s'exprime.

Mme Dinah Derycke, présidente, a ensuite déploré l'absence de statistiques sur la situation des femmes outre-mer, avant de dénoncer les inégalités dont celles-ci sont victimes, inégalités d'ordre économique mais aussi culturel.

Elle a notamment insisté sur l'accès insuffisant des adolescentes à la contraception et sur l'importance des interruptions volontaires de grossesses dans cette classe d'âge. Elle a estimé que les campagnes d'information étaient en conséquence plus indispensables encore outre-mer qu'en métropole, et que l'urgence des problèmes en la matière méritait de la part de la communauté nationale un intérêt et une attention qui devaient dépasser le seul ministère chargé des DOM-TOM.

Mme Dinah Derycke, présidente, a ensuite évoqué le problème des violences commises à l'égard des femmes dont l'importance justifiait, s'il en était besoin, l'extension récente à l'outre-mer de l'enquête menée sur le sujet par le secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Puis, estimant que les femmes étaient, outre-mer, particulièrement mal informées de leurs droits, elle a jugé indispensable que soient renforcés sur place les moyens des délégations régionales aux droits des femmes.

Au cours du débat qui a suivi et auquel ont pris part, outre Mme Dinah Derycke, présidente, MM. Lucien Neuwirth, Jean-Louis Lorrain, Michel Dreyfus-Schmidt et Mme Gisèle Printz, ont été notamment évoquées :

- la revalorisation outre-mer de l'allocation de parent isolé (API) et du revenu minimum d'insertion (RMI), qui ne doit pas faire oublier que l'avenir pour les femmes d'outre-mer passe d'abord par un accès égalitaire à la formation et à l'emploi ;

- la nécessité de toujours étendre à l'outre-mer les campagnes nationales d'information et, au-delà, l'idée d'adopter un " réflexe de l'outre-mer " à chaque fois qu'il est question des droits des femmes, comme il existe, par exemple, en droit français un réflexe de l'Alsace-Moselle.

Puis la délégation a adopté les recommandations que lui proposait Mme Dinah Derycke, présidente, et qui consistent :

- à faire figurer dans les objectifs de la loi la recherche de l'égalité entre hommes et femmes, sans référence, après intervention de M. Michel Dreyfus-Schmidt, à la seule égalité professionnelle ;

- à faire apparaître dans le futur rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre de la loi, l'impact des mesures prévues sur la population féminine ;

- à inciter l'Etat à accorder une attention toute particulière aux femmes d'outre-mer dans les politiques qu'il met en oeuvre, et à attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de renforcer les moyens des centres d'information sur les droits des femmes outre-mer ;

- à inviter les commissions saisies du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer à proposer, chacune dans son domaine de compétences, des mesures spécifiques en faveur des femmes, afin de profiter de l'occasion de la discussion de ce texte pour faire progresser les droits des femmes et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes outre-mer.