Travaux de la commission des affaires étrangères
Mardi 25 janvier 2005
- Présidence de M. Serge Vinçon , président -
Audition de M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël
La commission a procédé à l'audition de M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël.
M. Serge Vinçon, président, a remercié M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël, d'avoir accepté l'invitation de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, élargie au groupe sénatorial d'amitié France-Israël. Il s'est félicité des changements intervenus récemment, tant en Israël qu'en Palestine avec, respectivement, l'ouverture du gouvernement israélien et l'élection de M. Abbas à la présidence de l'Autorité palestinienne. Il importe désormais de réussir le retrait de Gaza et de reprendre les négociations, afin de mettre en oeuvre la feuille de route.
M. Shaul Mofaz, ministre de la défense, a souligné l'importance des changements intervenus récemment. 2005 serait une année d'opportunités si Israéliens et Palestiniens savaient s'orienter dans une direction positive. Le plan de désengagement sera appliqué en 2005, même s'il ne bénéficie pas d'un large consensus en Israël. L'élection de M. Mahmoud Abbas à la tête de l'Autorité palestinienne à la suite du décès de M. Arafat constitue également un changement notable. Les Israéliens constatent l'apparition de signes très favorables mais, après quatre ans et demi de violences, doivent rester vigilants. M. Abbas négocie avec les organisations Hamas et Jihad islamique afin de mettre fin à leurs actions terroristes, tout en déployant les forces de police palestiniennes au nord de Gaza, les Israéliens espérant qu'il en sera de même au sud de ce territoire.
M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël, a souhaité que 2005 marque la fin de la présence d'Israël à Gaza et dans les villes de Judée et Samarie. Il a réaffirmé qu'Israël était déterminé à dialoguer avec le chef de l'Autorité palestinienne, estimant que ce dernier était résolu à engager la lutte contre le terrorisme, ce qui permettra à la négociation d'aboutir. Il a rappelé que ce terrorisme existait à l'intérieur de l'Autorité palestinienne, mais aussi à l'extérieur, comme l'a prouvé l'attentat du Hezbollah contre Israël, le jour même des élections du 9 janvier. Il est souhaitable qu'en 2005 la volonté de dialogue et de paix d'Israël aboutisse, mais si les Israéliens sont prêts à renforcer l'autorité de M. Abbas et à prendre des mesures pour faciliter les conditions de vie des Palestiniens, aucun compromis sur la sécurité des citoyens israéliens n'est envisageable.
Abordant le problème de l'Iran, M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël, a rappelé qu'un programme d'armement nucléaire avait été mis en place par ce pays, conduit par un régime extrémiste qui dispose de missiles à longue portée et qui en appelle clairement à la destruction d'Israël. Les missiles à longue portée, s'ils sont équipés d'ogives nucléaires, constituent une menace pour l'ensemble du monde libre et non seulement pour Israël. Les efforts de la troïka européenne ont permis la suspension, mais non la suppression du programme iranien d'enrichissement de l'uranium à des fins militaires. Or, il semble indispensable à Israël qu'au-delà de la suspension obtenue, une cessation complète du programme nucléaire iranien intervienne, assortie de contrôles internationaux effectués sur le terrain afin de prévenir toute nouvelle dérive.
M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël, a par ailleurs rappelé que la Syrie, pour sa part, abritait et soutenait des terroristes palestiniens et qu'elle aidait les forces antiaméricaines et anticoalition en Irak. La mise en oeuvre de la résolution 1559 du Conseil de Sécurité des Nations unies est essentielle afin que les Syriens retirent leurs troupes du Liban et que le Hezbollah soit désarmé.
Le ministre israélien de la défense a relevé les progrès démocratiques intervenus dans la région : l'Afghanistan depuis l'élection présidentielle du 9 octobre 2004, l'Autorité palestinienne renouvelée par les élections du 9 janvier et l'Irak avec les élections prévues le 30 janvier, malgré le risque d'attentats délibérés. L'année 2005 sera un moment critique et important pour Israël et le monde entier, et quatre thèmes s'avéreront essentiels pour aboutir entre Israéliens et Palestiniens : la cessation du terrorisme palestinien ; la réforme du dispositif sécuritaire palestinien ; la poursuite du dialogue israélo-palestinien pour la mise en oeuvre concertée du plan de désengagement de Gaza ; enfin la mise en oeuvre effective de la feuille de route.
La communauté internationale devra aussi se mobiliser pour aider les Palestiniens à se doter d'une économie et de structures sociales adaptées pour avancer vers la paix et la stabilité.
M. Jean-Pierre Plancade a estimé que le changement d'attitude, tant des Palestiniens que du gouvernement d'Ariel Sharon, faisait naître de nombreux espoirs. Il avait certes critiqué la politique du gouvernement de M. Ariel Sharon au sujet de la construction du mur de séparation et de la violence de la répression, mais s'est déclaré persuadé de la volonté sincère de paix d'Ariel Sharon aujourd'hui. Parallèlement, l'élection de M. Mahmoud Abbas a permis l'envoi de signes positifs sur la volonté de dialogue et de lutte contre le terrorisme. On pouvait cependant s'interroger sur les capacités politiques du nouveau président de l'Autorité palestinienne, ainsi que sur les moyens humains dont il dispose.
M. Shaul Mofaz a rappelé que l'objectif de la construction de la barrière de sécurité avait été de sauver des vies et que cet objectif avait été atteint. Au sein de l'Autorité palestinienne, 60 000 hommes portant des armes, une partie d'entre eux pourra donc être déployée sur le terrain. Il a considéré par ailleurs que la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui appelle au désarmement du Hezbollah, pourrait avoir une influence très positive. Il a souligné le caractère autonome du plan de désengagement de la bande de Gaza, issu d'une résolution adoptée par le gouvernement israélien qui avait constaté que le maintien de la situation actuelle ne garantissait pas la sécurité du peuple israélien. Les frontières permanentes devront, quant à elles, faire l'objet de négociations et leur tracé sera décidé en temps voulu.
M. Jean François-Poncet s'est félicité de l'attitude positive adoptée par Israël envers les changements intervenus au sein de l'Autorité palestinienne. Il a souhaité connaître l'appréciation du ministre sur le délai qui serait, selon lui, nécessaire à l'Iran pour la mise au point d'armes nucléaires. Il a souhaité savoir si l'ensemble des sites de production de ces armes avaient été répertoriés ou si l'hypothèse de l'existence de sites cachés pouvait être retenue. Evoquant les négociations menées par les trois pays européens, il a relevé que des observateurs pensaient que l'Iran était surtout soucieux de gagner du temps. Devait-on se résoudre à envisager une destruction militaire des capacités nucléaires iraniennes et quels seraient les avantages et les inconvénients d'une telle action ?
M. Shaul Mofaz a considéré que l'Iran souhaitait effectivement mener à bien un programme militaire d'armement nucléaire. Les négociations avec la troïka, qui ont conduit à la suspension du programme, lui ont effectivement permis de gagner du temps. Il a estimé que la plupart des sites de production étaient connus. L'estimation israélienne quant aux délais nécessaires à l'Iran pour mener à bien son programme est d'environ une année pour l'obtention d'une capacité autonome de production d'uranium enrichi et de quelques années supplémentaires pour la seconde étape du programme, qui conduit à la détention de l'arme nucléaire. La mesure la plus efficace pour mettre fin à ce programme consisterait, sous la conduite des Etats-Unis, dans la combinaison de sanctions internationales avec un contrôle systématique des sites. La menace iranienne est une menace pour le monde entier que la communauté internationale doit prendre à sa juste mesure et qui nécessite des efforts diplomatiques.
Mme Catherine Tasca a formé des voeux pour que le dialogue produise ses effets entre Israéliens et Palestiniens. Evoquant les conditions posées par le ministre de la défense d'Israël à la reprise des négociations, elle a souligné que les deux parties ne disposaient pas des mêmes capacités pour assurer la sécurité. Elle a souhaité savoir si le gouvernement israélien pouvait envisager de rompre l'enchaînement entre attentats et représailles en choisissant, temporairement, de ne pas riposter aux attaques terroristes.
M. Shaul Mofaz a souligné que la réforme des services de sécurité était de l'intérêt même du peuple palestinien. Le président de l'Autorité palestinienne l'a bien compris, comme en témoignent les négociations qu'il a engagées avec les mouvements terroristes et le redéploiement des forces de sécurité palestiniennes. S'il est évident que les Palestiniens ont besoin de temps pour réformer leur dispositif sécuritaire, aucun compromis n'est cependant envisageable sur la sécurité des citoyens israéliens. Le terrorisme étant le principal obstacle à la paix, le gouvernement israélien s'efforcera d'aider l'Autorité palestinienne à remplir son engagement de mettre fin au terrorisme pour permettre la poursuite des négociations.
M. Robert Bret, se référant à la présence d'observateurs internationaux lors des élections palestiniennes, a estimé qu'il pourrait être utile de déployer une force internationale d'interposition pour accompagner la mise en oeuvre de la feuille de route. Evoquant ensuite une affaire récente dans laquelle le comportement de certains militaires israéliens avait été mis en cause, il a souhaité savoir si l'enquête diligentée alors par le chef d'Etat-major, M. Moshe Yaalon, avait abouti et quelles en étaient les conclusions.
M. Shaul Mofaz a déclaré que, dans les conditions d'exercice particulièrement difficiles auxquelles est confrontée l'armée israélienne, aucune autre armée au monde ne se comporterait avec un tel degré de moralité. Il a souligné que chaque affaire relative à des dérives dans le comportement des militaires trouvait un large écho dans la presse et était sévèrement sanctionnée. Il s'est dit fier de l'action des forces israéliennes contre le terrorisme. Evoquant l'idée d'une force d'interposition internationale, il a considéré qu'une telle intervention ne saurait être efficace tant qu'un véritable accord de paix n'avait pas été signé. Dès lors qu'un accord permanent serait conclu entre Israël et l'Autorité palestinienne, la question pourrait être posée.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a considéré que la poursuite de la colonisation conduisait les Palestiniens à s'interroger sur la viabilité de leur Etat prévu par la feuille de route. Soulignant les efforts accomplis par le président de l'Autorité palestinienne, elle a considéré qu'il fallait l'aider auprès de sa population en mettant un terme à la colonisation.
Mme Dominique Voynet s'est interrogée sur les moyens qu'Israël pourrait mobiliser pour soutenir les efforts de M. Mahmoud Abbas. Une assistance internationale aux forces de police palestiniennes permettrait-elle de l'aider à faire aboutir ses réformes ? Evoquant les risques liés au développement du programme nucléaire militaire en Iran, elle a interrogé le ministre sur la politique israélienne en matière de nucléaire militaire, ainsi que sur l'assignation à résidence de M. Mordechaï Vanunu.
Evoquant la précédente visite de M. Shaul Mofaz en juin 2003, à l'occasion de laquelle le ministre avait qualifié de très généreuse l'offre de paix faite à Camp David en 2000 par M. Ehoud Barak à Yasser Arafat et que celui-ci avait refusée, M. Serge Vinçon, président, a souhaité savoir si cette offre de paix, après le renouvellement de l'Autorité palestinienne et sous réserve que la sécurité soit durablement restaurée, pouvait redevenir d'actualité.
M. Shaul Mofaz a considéré que tout soutien apporté à l'efficacité des forces de l'Autorité palestinienne était bienvenu. L'Egypte entraîne ainsi une grande partie des forces de sécurité palestiennes et les dote de moyens et d'équipements. Le ministre a par ailleurs rappelé que le gouvernement israélien s'était engagé à détruire toutes les implantations illégales. A Gaza, le gouvernement s'apprête à déplacer des milliers de familles qui s'y étaient pourtant installées avec le plein accord des gouvernements israéliens précédents. Par ailleurs, le dossier de M. Mordechaï Vanunu a fait l'objet d'un jugement en règle et d'une décision d'un gouvernement souverain qui doivent être appliqués.
Evoquant les espoirs placés par chacun dans l'évolution de la situation, M. Shaul Mofaz a exprimé un optimisme tempéré, rappelant qu'en quatre ans et demi, Israël avait perdu un millier de ses citoyens. Les personnalités de la région ont changé et le temps est venu de s'asseoir autour d'une table pour des négociations qui pourront faire évoluer la région. Il a conclu en précisant qu'Israël souhaitait profondément la paix, non seulement avec les Palestiniens, mais aussi avec l'ensemble de ses voisins.
Mercredi 26 Janvier 2005
- Présidence de M. Serge Vinçon, président -
Défense - Statut général des militaires - Examen du rapport
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. André Dulait sur le projet de loi n° 126 (2004-2005) relatif au statut général des militaires.
M. André Dulait, rapporteur, a tout d'abord rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait ce projet de loi, qui procède d'une volonté d'adaptation, bien plus que de refonte, du statut général des militaires et dont la préparation a été précédée d'un travail approfondi mené par la commission présidée par le vice-président du Conseil d'Etat. En effet, les armées sont désormais entièrement composées de professionnels et comptent autant d'engagés sous contrat que de militaires de carrière. Leur bon fonctionnement se trouve plus étroitement lié aux conditions de recrutement et de fidélisation des personnels. L'engagement sur les théâtres extérieurs est devenu de règle, le plus souvent dans des situations de crise qui échappent à la distinction traditionnelle entre temps de guerre et temps de paix. Enfin, les évolutions de l'environnement économique et social général conduisent à poser, en des termes renouvelés, la question de la place des militaires dans la société.
Le rapporteur a précisé que le projet de loi reprenait la plupart des propositions formulées par la commission de révision du statut général et qu'il avait constaté, à l'occasion des différents contacts établis avec toutes les catégories de militaires, notamment les représentants des personnels au Conseil supérieur de la fonction militaire, un sentiment de satisfaction globale sur son contenu. Ce texte marque une nouvelle et importante étape dans l'évolution initiée en 1972 vers l'unicité du statut militaire, puisqu'il couvre un champ plus large, en intégrant des dispositions relevant actuellement d'autres textes législatifs, tout en renforçant considérablement la proportion des règles communes à tous les militaires, quel que soit leur grade, qu'ils servent sous contrat ou comme militaires de carrière. Le projet de loi procède également à l'actualisation de très nombreuses dispositions statutaires pour répondre de la manière la plus adaptée possible aux exigences d'une armée professionnelle moderne.
Le premier grand chapitre du projet de loi concerne les droits civils et politiques du militaire. Il traduit une volonté d'équilibre entre la nécessité d'actualiser le statut et celle de maintenir les principes fondamentaux sur lesquels repose la spécificité de l'état militaire, notamment la discipline et la neutralité. Le projet de loi supprime plusieurs dispositions qui ne semblaient plus justifiées, telles que les demandes d'autorisation pour épouser un conjoint étranger, pour exercer une responsabilité dans une association, pour évoquer publiquement certaines questions militaires ou encore la possibilité d'interdire des publications dans les enceintes militaires ou, enfin, l'obligation de déclarer la profession du conjoint. Il maintient en revanche l'interdiction d'adhérer à un parti politique, l'impossibilité d'exercer un mandat électif en position d'activité et l'interdiction des groupements professionnels. Le rapporteur a précisé qu'au cours des auditions auxquelles il a procédé, cet équilibre n'avait pas été contesté, compte tenu de l'attachement très fort des militaires de toutes catégories aux principes de discipline et de neutralité. Il a en revanche souligné l'obligation, en contrepartie, de renforcer la concertation au sein des armées, notamment dans le cadre des conseils de la fonction militaire propres à chaque armée ou service et du Conseil supérieur de la fonction militaire, qui sont désormais mentionnés dans le statut général.
Le deuxième grand volet du projet de loi concerne les protections et garanties accordées aux militaires, domaine dans lequel le projet de loi s'avère le plus novateur et apporte de grandes avancées, en introduisant des dispositions nouvelles adaptées aux opérations extérieures.
En matière de protection pénale, l'article 17 du projet de loi établit une disposition spécifique aux opérations militaires se déroulant hors du territoire français. Alors que celles-ci relèvent actuellement du droit commun de la légitime défense, il établit une exonération de la responsabilité pénale du militaire qui exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force, dès lors que cela est nécessaire à l'accomplissement de la mission et qu'il agit dans le respect des règles du droit international. La référence à l'accomplissement de la mission couvre un nombre de situations beaucoup plus diversifiées que la légitime défense, qui suppose une agression préalable. Elle permet notamment d'assurer la protection de points sensibles, même si le militaire n'est pas confronté à une menace sur sa personne.
Le projet de loi permet également une meilleure prise en charge des blessures survenues en opérations. Ces blessures seront réputées imputables au service dès lors qu'elles sont intervenues entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris pendant les actes de la vie courante ou lors des escales des bâtiments. En ce qui concerne les maladies contractées en opérations, l'Assemblée nationale a apporté deux améliorations au texte actuel. Elle a porté de 30 à 60 jours après le retour d'opération la période au cours de laquelle une maladie déclarée est réputée imputable au service. Elle a prévu la possibilité, pour les militaires concernés, de bénéficier, avant ce délai de 60 jours d'un contrôle médical approfondi destiné à déceler d'éventuelles affections.
En ce qui concerne la troisième partie du projet de loi, consacrée au déroulement et à la gestion des carrières militaires, le rapporteur a estimé qu'elle contenait plusieurs avancées intéressantes.
Le projet de loi procède à une refonte du régime des sanctions disciplinaires, inspirée d'un souci de rapprochement avec la fonction publique civile et d'un renforcement des garanties accordées aux militaires. Le nouveau statut se conformera aux grands principes du droit de la défense. Le militaire concerné pourra choisir un défenseur de son choix. Il s'agira d'un militaire dans la plupart des cas, mais la possibilité de recourir à un avocat sera prévue lorsque les sanctions les plus graves seront encourues.
Le projet de loi retient également le principe d'un alignement, chaque fois que cela est possible, de la situation des personnels sous contrat sur celle des personnels de carrière. Tel sera le cas, par exemple, pour l'accès à certaines positions, comme le détachement ou pour l'intégration dans la fonction publique. En matière de droits sociaux, les militaires non officiers sous contrat, radiés des cadres par suite d'infirmités, bénéficieront d'une pension militaire, comme leurs camarades de carrière, ce qui mettra fin à une discrimination injustifiée.
Le projet de loi consacre également deux chapitres à la reconversion des militaires. S'agissant de la reconversion dans la fonction publique, le nouveau statut intègrera et pérennisera les dispositions de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970. Reconduite périodiquement et actuellement en vigueur jusqu'en 2008, cette loi permet à des officiers d'accéder à des emplois proposés par les administrations civiles, y compris les collectivités territoriales et les hôpitaux. Ces dispositions auront un caractère permanent et elles seront étendues à tous les militaires, de carrière ou sous contrat, quel que soit leur grade, alors qu'elles s'appliquent aujourd'hui aux seuls officiers. Le rapporteur a estimé nécessaire, sur ce point, que les administrations civiles proposent un nombre de postes important.
Le projet de loi rationalise et consolide par ailleurs diverses dispositions actuellement éparses. Il ouvre le bénéfice de la formation professionnelle à tout militaire comptant au moins 4 ans de service. Il maintient les dispositifs instaurés en 1996, en accompagnement de la professionnalisation, à savoir le congé de reconversion de 6 mois, en position d'activité, et le congé complémentaire de 6 mois en position de non-activité, eux aussi ouverts à tous les militaires comptant 4 ans d'ancienneté.
Le projet de loi procède aussi à un aménagement des limites d'âge en cohérence avec la réforme des retraites. Ces limites d'âge sont reportées en moyenne de 3 ans. La limite maximale de durée de service des engagés, qui était de 22 ans, sera portée à 25 ans. Cet allongement s'effectuera progressivement, dans le cadre d'une période transitoire. Il s'accompagnera d'une simplification considérable, puisque l'on ne comptera plus qu'une trentaine de cas particuliers, contre près de 140 dans l'actuel statut.
Le rapporteur a également précisé que le projet de loi procédait à une réforme du mode de désignation des officiers généraux, mettant fin à la pratique des nominations à titre conditionnel. Suivant les recommandations de la commission Denoix de Saint Marc, le projet de loi propose un dispositif plus transparent pour satisfaire des objectifs sensiblement analogues, à savoir maintenir un flux suffisant de promotion aux grades d'officiers généraux. Désormais, les officiers généraux bénéficieront d'une possibilité de maintien temporaire en première section au-delà de la limite d'âge du grade de colonel, pour une durée déterminée en fonction des emplois à pourvoir, sans toutefois pouvoir servir au-delà de l'âge maximal de maintien en première section, soit 61 ans. Le rapporteur a ajouté que selon les informations qui lui avaient été transmises, les nouvelles règles applicables aux officiers généraux se traduiront par un recul d'environ un an de l'âge moyen réel de départ.
En conclusion, M. André Dulait, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale n'avait que peu modifié le texte sur le fond, renforçant les équilibres généraux du projet de loi, tout en apportant plusieurs compléments qui s'inscrivent dans l'esprit du projet initial du Gouvernement et permettent de l'améliorer. Elle a également pris en compte certaines préoccupations particulières. Ainsi, avec l'accord du Gouvernement, elle a évoqué dans plusieurs dispositions la situation des retraités militaires, pour maintenir leur représentation au Conseil supérieur de la fonction militaire et les divers droits dont ils bénéficient actuellement : les soins du service de santé, la sécurité sociale militaire, l'aide sociale des armées. Ces précisions visaient à clarifier des inquiétudes nées de la disparition dans le statut de la position « en retraite », héritage des premières lois édictées dans les années 1830.
M. André Dulait, rapporteur, a précisé qu'au terme du débat, un très large assentiment s'était manifesté autour du projet de loi, qui a recueilli le vote favorable de trois des quatre groupes de l'Assemblée nationale, le groupe communiste et républicain ayant quant à lui opté pour une abstention que son représentant a qualifié de positive.
Il a ajouté que ce climat consensuel s'était retrouvé dans les auditions auxquelles il avait procédé, puisqu'au-delà de certaines suggestions ponctuelles ou des regrets vis-à-vis de l'absence de telle ou telle mesure, il n'avait pas constaté de critique directe ou majeure sur le projet de loi.
Dans ces conditions, il a indiqué qu'il proposerait un nombre limité d'amendements visant à préciser le texte, ainsi qu'à aborder certaines questions qui n'ont pas pu être traitées dans le projet de loi, notamment le cas particulier de la gestion des fins de carrière des officiers supérieurs. Sous le bénéfice de ces amendements, il a recommandé l'adoption de ce projet de loi qui modernise le statut de nos militaires et comporte des avancées significatives, en particulier pour la protection de nos militaires en opérations.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Didier Boulaud a précisé que le groupe socialiste considérait ce projet de loi comme trop timide dans le domaine des droits civils et politiques accordés aux militaires, ainsi qu'en matière de concertation. Il a notamment regretté le maintien du tirage au sort pour la composition des conseils de fonction militaire. Il a relevé que le texte comportait des avancées sur la protection des militaires envoyés en opérations extérieures (OPEX), mais a regretté que le caractère obligatoire d'une visite médicale au retour de ces opérations, comme c'est le cas avant le départ, ne soit pas proposé par le rapporteur. Il a enfin souhaité que l'article 96 du présent texte soit amendé pour faciliter la reconnaissance du statut de grands mutilés de guerre aux militaires gravement blessés en OPEX. En conclusion, il a annoncé que le groupe socialiste s'abstiendrait sur ce texte dans son état actuel.
M. Robert Bret a rappelé l'attachement constant du groupe communiste républicain et citoyen au maintien du service national. Il a souligné qu'une réforme du statut de 1972 était devenue indispensable avec la professionnalisation des armées, mais a regretté que le texte soumis au Sénat reste trop timide sur des points importants, malgré l'existence d'avancées ponctuelles. Il a estimé qu'un meilleur équilibre devait être trouvé entre discipline et neutralité, et a souligné la nécessité que le statut des militaires se rapproche, de façon plus marquée, du statut de la fonction publique civile. Ce rapprochement constituerait également un bon moyen de faciliter la reconversion des militaires. Il a ensuite jugé que les amendements qui seront proposés par le rapporteur ne modifieront pas substantiellement le projet de loi en ce sens, et a donc annoncé que le groupe communiste attendrait le débat en séance publique pour arrêter une position à l'égard de ce texte.
M. Roger Romani s'est interrogé sur les raisons du refus exprimé par le gouvernement, lors du débat à l'Assemblée nationale, de l'automaticité d'une visite médicale pour les militaires de retour d'OPEX. Cette visite obligatoire apparaît en effet opportune, notamment pour déceler des maladies spécifiques aux pays où se sont déroulées ces opérations. Il a également estimé que l'extension de 30 à 60 jours, effectuée par l'Assemblée nationale, de la période d'imputabilité au service des maladies, était positive, mais restait néanmoins insuffisante.
M. André Dulait, rapporteur, a indiqué que le Gouvernement avait invoqué des difficultés d'organisation pour s'opposer à une visite médicale obligatoire.
M. Francis Giraud a repris l'argument en faveur du caractère systématique de la visite médicale, estimant que le séjour dans des pays à risque sanitaire avéré pouvait le justifier. Si cette innovation conduit à excéder les capacités offertes par le service de santé des armées, le secteur hospitalier civil pourrait être sollicité. Il a en revanche estimé que le report à 60 jours du délai de constatation de la maladie était raisonnable, même s'il ne permet pas, bien entendu, de couvrir des cas de maladies se déclarant plus tardivement.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi.
A l'article 1er, Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est interrogée sur les motivations de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale visant à préciser que l'esprit de sacrifice peut aller jusqu'au sacrifice suprême.
En ce qui concerne le Haut comité d'évaluation de la condition militaire, M. André Dulait, rapporteur, a jugé opportun que des parlementaires y soient représentés, tout en estimant qu'il ne revenait pas à la loi de déterminer la totalité de sa composition, celle-ci pouvant dans ces conditions être déterminée par un décret en Conseil d'Etat. M. Didier Boulaud a manifesté l'approbation du groupe socialiste sur ce point, sous réserve que le Gouvernement prenne l'engagement de faire figurer des parlementaires dans la composition du Haut comité.
La commission a donc adopté un amendement du rapporteur prévoyant que la composition du Haut comité d'évaluation de la condition militaire serait fixée par un décret en Conseil d'Etat et qu'un rapport annuel serait remis au Président de la République ainsi qu'au Parlement.
Elle a ensuite adopté les articles 2 à 9 sans modification.
A l'article 10, M. André Dulait, rapporteur, a fait état des difficultés soulevées par la suppression, à l'Assemblée nationale, de toute mention à la possibilité d'indemnités particulières attribuées en fonction des résultats obtenus. Il a estimé que la rémunération au mérite suscitait dans les armées un certain nombre d'inquiétudes, notamment sur les critères d'attribution ou sur l'évaluation des résultats, mais qu'en dépit de ces interrogations légitimes, la possibilité de ce type d'indemnités méritait de figurer dans le statut général des militaires. Il a rappelé qu'elles avaient déjà été mises en place pour certains militaires, à savoir les ingénieurs de l'armement, les contrôleurs des armées et, plus récemment, les gendarmes. Il lui a paru gênant d'exclure cette forme de rémunération alors qu'à l'avenir, elle peut être appelée, dans l'ensemble de la fonction publique, à prendre une place plus importante dans les revalorisations salariales, aux côtés des mesures générales de majoration du point d'indice. Il a précisé que ces indemnités ne sont pas nécessairement individualisées, mais peuvent être attribuées collectivement, au niveau d'une unité, et qu'elles constituent un supplément venant s'ajouter, et non se substituer, aux autres formes de rémunération. Enfin, il a estimé que la simple mention de cette faculté dans le statut ne devait pas être interprétée comme une volonté de systématiser la rémunération au mérite, ce type d'indemnité devant être mis en place avec discernement, sur la base de critères précis.
Suivant la proposition du rapporteur, la commission a adopté, à l'article 10, un amendement prévoyant la possibilité d'indemnités liées à la qualité des services rendus.
A l'article 11, le rapporteur a proposé un amendement permettant de placer parmi les garanties statutaires, la disposition, introduite par l'Assemblée nationale, concernant la possibilité de bénéficier d'un contrôle médical approfondi dans les deux mois suivant le retour, en vue de mieux déceler d'éventuelles maladies contractées en mission, et par là même, de faciliter leur reconnaissance pour le bénéfice du code des pensions militaires d'invalidité. Approuvant les observations formulées par M. Roger Romani, la commission a prévu que ce contrôle serait systématique, et non laissé à l'initiative du militaire. Elle a également retenu la notion de retour de « mission opérationnelle hors du territoire national », plus large que celle d' « opération extérieure » puisqu'elle englobe les missions humanitaires telles que celles en cours en Asie du sud. Après un débat dans lequel est aussi intervenu M. André Rouvière, la commission a ensuite adopté l'article 11 ainsi amendé.
Elle a adopté sans modification les articles 12 à 29.
A l'article 30, la commission a adopté un amendement précisant que la durée minimale des contrats de volontariat serait fixée par décret en Conseil d'Etat, comme toutes les dispositions relatives aux statuts particuliers, et non par décret simple.
Elle a adopté sans modification les articles 31 et 32.
A l'article 33, la commission a rétabli une disposition du statut actuel, supprimée par l'Assemblée nationale, selon laquelle il n'est pas procédé à des nominations dans un grade à titre honoraire. Le rapporteur a indiqué que l'honorariat est prévu dans les armées, mais uniquement quand le militaire ne peut plus être rappelé à l'activité, c'est-à-dire quand il quitte la réserve à l'issue de la période de disponibilité de 5 ans due à l'institution après le départ en retraite.
Elle a adopté sans modification les articles 34 et 35.
Après l'article 35, la commission a adopté un amendement incluant, dans le chapitre consacré à la notation, un article additionnel relatif aux récompenses et distinctions. Elle a modifié, en conséquence, l'intitulé de ce chapitre.
Elle a adopté sans modification les articles 36 à 40.
A l'article 41 relatif aux sanctions disciplinaires, la commission a adopté un amendement rédactionnel clarifiant l'ordre d'énumération des sanctions du troisième groupe, de la plus légère à la plus lourde.
A l'article 42, la commission a adopté un amendement précisant que les instances disciplinaires sont nécessairement présidées par un officier.
Elle a adopté sans modification les articles 43 à 49.
A l'article 50 relatif au congé d'accompagnement de fin de vie, la commission a adopté un amendement reprenant la rédaction initiale, inspirée de celle en vigueur dans la fonction publique.
Elle a adopté l'article 51 sans modification.
A l'article 52, relatif au détachement, la commission a adopté un amendement rédactionnel pour tenir compte de la notion de cadre d'emploi dans la fonction publique.
A l'article 53, la commission a adopté un amendement tendant à rétablir la rédaction initiale du projet afin de préciser que le détachement dans les entreprises publiques ne sera possible, comme actuellement, que sur des emplois sous statut public, et non sur des emplois de droit commun relevant du régime général des retraites.
A l'article 54, relatif aux positions de non-activité, le rapporteur a proposé d'introduire la position de congé spécial, en cohérence avec deux amendements tendant à insérer des articles additionnels visant à faire figurer dans le statut général des militaires, à titre permanent, les dispositions édictées à titre provisoire par les articles 5, 6 et 7 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975, régulièrement reconduites depuis lors, la loi de programmation militaire les ayant prorogées jusqu'à la fin de l'année 2008. M. André Dulait, rapporteur, a rappelé la nature des deux dispositions concernées, à savoir la possibilité d'un départ en congé spécial pour certains colonels et officiers généraux et le bénéfice de la retraite à un échelon de solde supérieur pour certains colonels et lieutenants-colonels. Il a souligné que ces deux dispositifs ne constituaient pas un droit, puisque les demandes sont agréées par le ministre, mais représentent depuis trente ans un outil important de la politique de départs aidés des officiers, environ 600 d'entre eux en bénéficiant chaque année. Ces mécanismes jouent un rôle majeur dans la régulation de l'avancement et dans le maintien de réelles perspectives d'accès aux grades d'officiers supérieurs. Le rapporteur a ajouté que la commission Denoix de Saint Marc avait jugé indispensable de pérenniser ces dispositions de la loi de 1975, estimant que leur prorogation régulière, depuis trente ans, prouvait qu'elles sont le complément nécessaire du statut général et devraient par conséquent y être inscrites.
Suivant les recommandations du rapporteur, la commission a adopté à l'article 54 un amendement prévoyant la position de congé spécial.
La commission a adopté sans modification les articles 55 à 60 puis, après l'article 60, deux amendements visant à insérer des articles additionnels, le premier relatif au bénéfice du congé spécial et le second aux possibilités de départ en retraite à un échelon de solde supérieur pour certains officiers.
La commission a ensuite adopté sans modification les articles 61 à 73.
A l'article 74, la commission a adopté un amendement de précision pour permettre à certains militaires sous contrat ne réunissant pas les conditions pour obtenir un détachement de droit de pouvoir néanmoins quitter les armées en cas de réussite à un concours de la fonction publique.
Elle a adopté l'article 75 sans modification.
A l'article 76, la commission a adopté un amendement rédactionnel visant à distinguer clairement, parmi les cas de rappel d'un officier général de deuxième section, celui dans lequel l'intéressé se voit confier une fonction d'encadrement et se trouve de ce fait replacé en première section.
Elle a adopté sans modification les articles 77 et 78.
A l'article 79, la commission a adopté un amendement de précision faisant référence, pour les officiers généraux de deuxième section, aux dispositions disciplinaires relatives à la radiation des cadres.
Elle a adopté l'article 80 sans modification.
A l'article 81, la commission a adopté un amendement rédactionnel pour tenir compte des appellations spécifiques à certaines armées ou certains corps.
Elle a adopté sans modification les articles 82 à 85 bis.
A l'article 86, la commission a adopté un amendement permettant d'appliquer aux réservistes les dispositions du statut général relatives au dossier individuel des militaires, notamment le principe du droit d'accès à ce dossier.
Elle a adopté un amendement de conséquence à l'article 87 et un amendement rédactionnel à l'article 88.
A l'article 89 relatif aux limites d'âge et de durée de service, la commission a adopté deux amendements rédactionnels portant sur le tableau des limites d'âge des sous-officiers et visant d'une part à supprimer la mention des sous-officiers infirmiers des forces armées, la création d'un tel corps n'étant plus envisagée, et d'autre part à mentionner les sous-officiers de la poste interarmées et de la trésorerie aux armées.
A ce même article, le rapporteur s'est interrogé sur la réduction de 15 à 12 ans, par l'Assemblée nationale, de la limite de durée de services des militaires commissionnés. Il a rappelé que cette catégorie comprendrait un nombre très restreint de personnels, recrutés pour des missions très spécifiques, dans des métiers pour lesquels les armées ne disposent pas de formations. Il a estimé que le texte initial du Gouvernement, qui établissait à 15 ans une limite de durée de service qui est actuellement de 10 ans pour les officiers servant sous contrat, répondait bien à l'objectif de souplesse recherché pour ces recrutements exceptionnels et permettait une plus grande latitude au ministère de la défense pour gérer ces personnels.
La commission a alors adopté à cet article 89 un amendement rétablissant à 15 ans la limite de durée de service des militaires commissionnés.
A l'article 90, la commission a adopté un amendement rectifiant une erreur matérielle.
Elle a adopté sans modification les articles 91 à 93.
A l'article 94, la commission a adopté un amendement modifiant la rédaction de l'article 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, visant à tenir compte de la réforme des retraites et à maintenir jusqu'à l'obtention du nombre de trimestres requis pour la liquidation d'une pension à taux plein le régime spécifique actuellement applicable jusqu'à 60 ans aux militaires en matière de cumul d'une pension et des allocations de chômage.
Elle a adopté sans modification l'article 94 bis.
A l'article 95, la commission a adopté un amendement de conséquence.
Elle a ensuite adopté sans modification les articles 96 à 100, puis l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.
Nomination de rapporteurs
La commission a ensuite procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a désigné :
- M. André Boyer sur le projet de loi n° 21 (2004-2005)autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ;
- M. André Rouvière sur le projet de loi n° 35 (2004-2005)autorisant l'approbation de l'accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent ;
- Mme Dominique Voynet sur le projet de loi n° 46 (2004-2005) autorisant l'adhésion à l'accord sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique, de l'Atlantique du nord-est et des mers d'Irlande et du Nord ;
- M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 72 (2004-2005) autorisant l'approbation du protocole portant modification de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 ;
- M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 80 (2004-2005) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement ;
- M. Jacques Peyrat sur le projet de loi n° 82 (2004-2005) autorisant l'approbation du protocole à la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne ;
- M. Bernard Barraux sur le projet de loi n° 85 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord international sur la Meuse et n° 86 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord international sur l'Escaut ;
- M. Jean-Guy Branger sur le projet de loi n° 88 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre ;
- M. Daniel Goulet sur le projet de loi n° 92 (2004-2005) autorisant l'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985 ;
- Mme Maryse Bergé-Lavigne sur le projet de loi n° 123 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;
- M. Jean-Pierre Plancade sur leprojet de loi n° 124 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;
- M. André Boyer sur le projet de loi n° 139 (2004-2005) autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission interaméricaine du thon tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica ;
- M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 140 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord relatif entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant les transports routiers internationaux de marchandises.
Situation en Iran - Audition de M. Olivier Roy, chercheur au CNRS
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Olivier Roy, chercheur au CNRS, sur l'Iran.
M. Olivier Roy a tout d'abord souligné que la question nucléaire se situait au coeur de toutes les interrogations actuelles à propos de l'évolution de l'Iran. Tout en rappelant que le dossier des armes de destruction massive irakiennes conduisait nécessairement à relativiser l'opinion des experts en matière de prolifération, il a jugé probable la conduite, par l'Iran, d'un programme nucléaire susceptible d'aboutir à l'acquisition d'une arme nucléaire. Toutefois, s'agissant de dissuasion nucléaire, il lui a paru que les capacités réelles importaient moins que les capacités présumées. Ainsi, la question n'est pas tant de savoir si l'Iran possèdera un jour une réelle capacité nucléaire militaire et dans quel délai, que de se demander si elle parviendra à faire jouer à son bénéfice une logique de dissuasion nucléaire.
Pour M. Olivier Roy, et en dépit des démentis officiels à propos d'un programme nucléaire militaire, de nombreuses raisons objectives pourraient conduire l'Iran à souhaiter accéder à de telles capacités : du fait de son poids démographique, de sa position géographique et de son histoire, l'Iran aspire à devenir la grande puissance de la région du Golfe ; il a été victime des armes de destruction massive durant la guerre avec l'Irak et les évènements de ces vingt dernières années lui ont montré que la possession de l'arme nucléaire le protègerait contre d'éventuelles agressions, cette sanctuarisation valant à l'égard des autres puissances régionales, par exemple le Pakistan ou les puissances arabes, et bien entendu à l'égard des Etats-Unis.
Analysant la situation de l'Iran dans son environnement régional, M. Olivier Roy a estimé que plusieurs perspectives se présentaient, qualifiant de « partie de poker » la confrontation en cours entre les différents acteurs présents dans la région. L'Iran se trouve aujourd'hui encerclé par une présence américaine directe, en Irak, en Afghanistan et dans plusieurs Etats du Golfe, ou indirecte, du fait des alliances établies par Washington avec le Pakistan ou l'Azerbaïdjan et, bien entendu, la Turquie. Pour autant, en détruisant les deux régimes les plus hostiles à l'Iran, celui des talibans et celui de Saddam Hussein, les Etats-Unis en auront peut-être paradoxalement fait le grand vainqueur de la nouvelle donne régionale, surtout en cas de désengagement américain de l'Irak. Cette hypothèse suppose toutefois que l'Iran ne fasse pas, à son tour, l'objet d'une action militaire américaine.
M. Olivier Roy a souligné la complexité des relations entre l'Iran et les autres pays de la région. Il a estimé que la principale crainte de l'Iran portait sur une alliance entre le nationalisme arabe et un fondamentalisme sunnite soutenu par l'Arabie saoudite et violemment hostile aux chiites. L'Iran se trouve avoir des ennemis communs avec les Etats-Unis, mais ces fondamentalistes ne sont pas dépourvus de liens avec des pays comme l'Arabie saoudite et la Jordanie, ce qui réduit évidemment le degré de confiance accordé par Washington à ces régimes alliés. Pour M. Olivier Roy, ce contexte pourrait bénéficier à l'Iran sur le moyen terme, sauf si l'administration américaine fait du changement de régime à Téhéran sa priorité.
M. Olivier Roy a considéré que la politique iranienne visait actuellement à gagner du temps, notamment dans le cadre de la négociation engagée avec les Européens. Celle-ci vise à aboutir à un accord global offrant à l'Iran, en contrepartie du renoncement au programme nucléaire militaire, une normalisation totale comportant des garanties de sécurité, une reconnaissance de son rôle régional et une levée des sanctions. Les Etats-Unis restent pour leur part officiellement sur la ligne d'un changement de régime et hésitent, pour y parvenir, entre la voie directe d'une action militaire et des voies indirectes.
Pour M. Olivier Roy, l'hostilité ouverte des Etats-Unis au régime iranien renforce pour ce dernier l'intérêt d'acquérir une capacité de dissuasion nucléaire. Par là même, elle risque de rendre vains les efforts des Européens, Téhéran pouvant chercher à prolonger les négociations jusqu'au moment où le programme nucléaire aura atteint un stade irréversible.
M. Olivier Roy a souligné que les dirigeants iraniens maintiennent actuellement un discours particulièrement dur, ne cédant rien sur les éléments centraux de leur idéologie, que ce soit l'héritage de la révolution islamique ou l'hostilité à Israël. Il serait cependant excessif de présenter l'Iran comme l'un des facteurs principaux de l'instabilité au Proche et Moyen-Orient du fait de son soutien au terrorisme, car une organisation comme le Hezbollah se montre capable d'infléchir une ligne radicale en fonction du contexte politique, ce qui n'est pas le cas de la mouvance d'Al Qaida. En revanche, l'Iran n'effectue aucune concession à la realpolitik, refusant de renoncer à un rôle politique au Proche-Orient et de limiter ses ambitions régionales à la zone du Golfe. Il entretient de ce fait les inquiétudes d'Israël et fournit des justifications aux partisans de frappes préventives.
Évoquant l'hypothèse d'une action militaire contre l'Iran, M. Olivier Roy a mis en doute l'efficacité de frappes destinées à détruire le potentiel nucléaire iranien, du fait de l'existence probable de sites dispersés, soigneusement dissimulés et protégés. Il a estimé que le coût politique de telles frappes serait certainement supérieur à leurs bénéfices potentiels. L'Iran se retirerait immédiatement du traité de non-prolifération nucléaire, ce qui renforcerait la menace. Il alimenterait en représailles des troubles en Irak contre des troupes américaines destinées à y demeurer durablement.
M. Olivier Roy a ensuite évoqué le rôle joué par la communauté chiite en Irak. Il a souligné qu'elle avait habilement mis à l'arrière-plan ses préoccupations religieuses et modéré ses revendications pour se présenter avant tout comme une alternative politique crédible dans la perspective des élections et de la mise en place des nouvelles institutions. Il serait erroné de penser que les chiites d'Irak agissent en fonction de consignes de Téhéran. Pour autant, en cas de conflit américano-iranien, ils pourraient difficilement se désolidariser de leurs voisins. En outre, le régime iranien dispose de suffisamment de relais en Irak, à commencer par nombre d'anciens exilés, pour y exercer un réel pouvoir de nuisance et placer les Américains dans une situation extrêmement difficile.
M. Olivier Roy a estimé que l'incertitude demeurait totale sur la ligne de conduite qu'adopteraient les Etats-Unis. Il a souligné que dans la nouvelle administration, les collaborateurs directement liés au Président Bush ont pris une place majeure au détriment d'équipes qui étaient susceptibles de l'influencer, notamment les cercles néo-conservateurs. Aussi le Président déterminera-t-il très certainement lui-même la politique américaine, sans que l'on sache aujourd'hui les éléments qui pèseront de la manière la plus déterminante sur ses décisions. Le scénario de frappes préventives n'est pas à exclure, d'autant que l'édiction de sanctions et d'embargos est difficilement envisageable, compte tenu de ses répercussions négatives sur les cours du pétrole. Dans un tel scénario, les perspectives de succès sont faibles pour les Etats-Unis et telle est la raison pour laquelle Téhéran semble opter pour une stratégie visant à prolonger les négociations avec les Européens et à gagner du temps.
M. Olivier Roy a enfin donné son sentiment sur l'évolution politique intérieure de l'Iran. Il a estimé qu'il ne fallait attendre aucune évolution du régime. Contrairement à certains pronostics, les « conservateurs pragmatiques », incarnés par l'Ayatollah Rafsandjani, n'ont pas accentué leur influence. Les élections législatives de 2004 ont vu l'arrivée au Parlement d'anciens « apparatchiks » de la révolution islamique qui continuent de lui manifester un attachement sans faille et développent une thématique négative, hostile aux réformes et à l'ouverture à l'extérieur. Quand au Guide de la révolution, l'Ayatollah Khamenei, il s'en tient à un discours de type castriste, tourné vers la dénonciation de l'impérialisme américain. La tendance représentée par l'Ayatollah Rafsandjani prône pour sa part une évolution « à la chinoise », c'est-à-dire une ouverture aux capitaux étrangers et à l'économie de marché sans infléchissement sur le chapitre de la vie démocratique et des droits de l'homme. Rien ne dit aujourd'hui que cette tendance soit en mesure de l'emporter lors de l'élection présidentielle qui sera destinée à remplacer le Président Khatami en juin prochain.
M. Serge Vinçon, président, a rappelé que la jeunesse iranienne avait été, il y a quelques années, l'aiguillon du mouvement réformateur. Qu'en est-il aujourd'hui après des années d'immobilisme ? Cette jeunesse est-elle soumise, résignée ?
Pour M. Olivier Roy, la jeunesse iranienne est aujourd'hui désabusée, déçue de la période des réformateurs. Le Président Khatami, homme du sérail, n'a pas démissionné face aux obstacles placés devant lui, sa modération même l'a dissuadé d'entrer dans un rapport de force avec les éléments conservateurs du régime. Ainsi, cette jeunesse est devenue apolitique et s'est retirée du jeu politique. Même si les Etats-Unis évoquent fréquemment un Iran au bord de la révolte, cette situation ne correspond pas à la réalité, surtout après l'Irak. Pour M. Olivier Roy, les Iraniens désirent certes la démocratie, mais une démocratie qui s'enracine dans le nationalisme et non, comme en Irak, une démocratie conjuguée à la confiscation de la souveraineté. Enfin, s'est interrogé M. Olivier Roy, existe-t-il aujourd'hui un terme d'alternative politique crédible aux mollahs ?
Après avoir estimé que l'Iran deviendrait une puissance régionale et que la question qui se posait était de savoir si cette puissance serait nucléaire ou non, M. Jean-Pierre Plancade s'est interrogé sur les conséquences régionales d'une frappe militaire américaine en Iran, ainsi que sur l'éventuelle évolution démocratique de ce pays en l'absence d'une action militaire américaine.
M. Jean François-Poncet a demandé à M. Olivier Roy s'il convenait de considérer comme suspecte la modération des responsables chiites irakiens, qui ont en quelque sorte mis de côté l'élément religieux dans leur démarche électorale actuelle. Cette modération est-elle un faux semblant ou constitue-t-elle un clivage de fond avec les chiites d'Iran ? Il s'est interrogé sur les chances d'un aboutissement positif de l'action diplomatique conduite par la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne sur la question du programme nucléaire iranien. Pour quelle raison l'Iran craignait-il la saisine du Conseil de Sécurité sur ce dossier et pourquoi les Etats-Unis ne s'associaient-ils pas à la démarche européenne ? Enfin il a demandé quel rôle l'ancien Président iranien Rafsandjani pourrait jouer à l'avenir.
M. Olivier Roy a apporté les éléments de réponse suivants :
- la modération des chiites d'Irak est réelle et structurelle : les différends théologiques entre l'Ayatollah Sistani et l'Ayatollah Khomeini sont anciens. Il y a aussi, au sein du clergé chiite d'Irak, une opposition de principe à la Révolution et à l'Etat islamiques. Même l'introduction de la charia dans la loi peut faire l'objet de négociation. Une autre partie des religieux chiites d'Irak a constaté en Iran même l'échec de la révolution islamique et s'orientent d'emblée vers le réformisme ;
- les pays arabes sunnites craignent un basculement géostratégique au Moyen-Orient du fait de l'apparition d'un « axe » chiite, du Liban jusqu'à certains émirats du Golfe, en passant par l'Irak et l'Iran. Un tel risque n'existe pas dans la mesure où, chez les chiites, le nationalisme prévaut : l'approche transnationale s'applique certes au clergé, mais le citoyen appartient d'abord à son Etat ;
- l'hypothèse d'un Iran doté de l'arme nucléaire n'est pas la pire des hypothèses : le principe de dissuasion peut jouer de façon positive entre l'Iran et Israël comme il l'a fait entre l'Inde et le Pakistan ;
- pour que la démarche diplomatique des trois Européens réussisse, il est nécessaire que les Etats-Unis s'y associent, sinon elle ne peut offrir à l'Iran de réelles garanties. Une éventuelle saisine du Conseil de sécurité inquiète l'Iran, dans la mesure où les positions européennes s'aligneraient immanquablement sur celles des Etats-Unis.
M. Didier Boulaud s'est demandé si le véritable enjeu de l'action des Etats-Unis dans la région n'était pas la maîtrise, à terme, de ses ressources pétrolières.
M. Robert Del Picchia a estimé que la jeunesse iranienne pourrait bien être à l'origine d'un basculement brutal du régime. Puis il s'est interrogé sur la possibilité, pour Israël, d'effectuer des frappes ciblées sur des sites nucléaires en Iran, à l'instar de ce qui s'était produit sur le réacteur Osirak.
M. Olivier Roy a apporté les réponses suivantes :
- le pétrole ne motive pas la stratégie suivie actuellement par les Etats-Unis. Au demeurant les compagnies pétrolières préfèrent négocier avec un Etat qui soit un interlocuteur stable plutôt que d'évoluer dans des zones de production livrées au chaos ;
- un soulèvement populaire inattendu est toujours possible en Iran mais, même si le régime n'est pas intrinsèquement fort, on ne peut compter sur son effondrement soudain ;
- M. Rafsandjani constitue un espoir pour beaucoup d'Iraniens. Il préconise une évolution « à la chinoise » : normalisation, ouverture des frontières, privatisations etc... Cette ligne pourrait bien mobiliser lors des prochaines élections présidentielles ;
- des frappes israéliennes en Iran sur le modèle d'Osirak ne sont pas techniquement possibles : les installations iraniennes sont dispersées et protégées et une telle action nécessiterait un soutien actif des Etats-Unis.
M. Josselin de Rohan a interrogé M. Olivier Roy sur les alliés dont l'Iran dispose aujourd'hui dans son environnement régional, qui pourraient l'aider à devenir la puissance régionale qu'il aspire à être.
Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est interrogée sur les véritables raisons qui motivaient l'action des Etats-Unis dans la région, dans la mesure où l'Iran n'est ni un refuge de terroristes ni un centre de prosélytisme religieux et que les ressources pétrolières n'entrent pour rien dans la stratégie américaine.
M. Olivier Roy a apporté les éléments d'informations suivants :
- l'Iran se voit comme une grande puissance régionale et aspire au départ des Etats-Unis de toute la région qui ferait de lui un acteur incontournable ;
- l'Iran peut compter sur le soutien du Sultanat d'Oman, de l'Arménie ou encore, potentiellement, de l'Inde. Il serait désireux également d'établir des relations étroites avec la Russie ;
- la logique stratégique de l'Iran ne peut que le conduire à une claire hostilité à l'égard de Ben Laden et de ses réseaux terroristes. D'ailleurs, en Irak, M. Zarkaoui a en fait commencé une guerre contre le futur gouvernement chiite irakien. Le problème pour l'Iran est de n'avoir jamais disposé d'une « carte » sunnite dans son environnement arabe. Le prosélytisme iranien reste cantonné au seul chiisme, dont le clergé est d'ailleurs hostile à l'idée de Révolution islamique ;
- la grande stratégie des Etats-Unis était le remodelage du grand Moyen-Orient après une destruction progressive des régimes totalitaires par effet de « domino ». L'échec de cette stratégie ne débouche sur aucun autre terme d'alternative, ni politique ni militaire.
Répondant enfin à M. Jean François-Poncet, qui s'interrogeait sur la possibilité de voir le fondamentalisme l'emporter, M. Olivier Roy a estimé que le projet politique de l'Islam radical a aujourd'hui vécu ; deux voies subsistent : l'une s'exprime à travers des personnages comme Ben Laden, avec l'idée d'une révolution mondiale contre le « système » ; l'autre voie reste cantonnée dans un cadre territorial et repose sur la fusion du fondamentalisme avec le nationalisme. Plus largement, le fondamentalisme répond à une crise des cultures traditionnelles, à la séparation du religieux et du culturel, afin de réaliser une reculturation du religieux, conjuguée à sa mondialisation.
Mardi 25 janvier 2005
- Présidence de M. Serge Vinçon , président -
Audition de M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël
La commission a procédé à l'audition de M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël.
M. Serge Vinçon, président, a remercié M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël, d'avoir accepté l'invitation de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, élargie au groupe sénatorial d'amitié France-Israël. Il s'est félicité des changements intervenus récemment, tant en Israël qu'en Palestine avec, respectivement, l'ouverture du gouvernement israélien et l'élection de M. Abbas à la présidence de l'Autorité palestinienne. Il importe désormais de réussir le retrait de Gaza et de reprendre les négociations, afin de mettre en oeuvre la feuille de route.
M. Shaul Mofaz, ministre de la défense, a souligné l'importance des changements intervenus récemment. 2005 serait une année d'opportunités si Israéliens et Palestiniens savaient s'orienter dans une direction positive. Le plan de désengagement sera appliqué en 2005, même s'il ne bénéficie pas d'un large consensus en Israël. L'élection de M. Mahmoud Abbas à la tête de l'Autorité palestinienne à la suite du décès de M. Arafat constitue également un changement notable. Les Israéliens constatent l'apparition de signes très favorables mais, après quatre ans et demi de violences, doivent rester vigilants. M. Abbas négocie avec les organisations Hamas et Jihad islamique afin de mettre fin à leurs actions terroristes, tout en déployant les forces de police palestiniennes au nord de Gaza, les Israéliens espérant qu'il en sera de même au sud de ce territoire.
M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël, a souhaité que 2005 marque la fin de la présence d'Israël à Gaza et dans les villes de Judée et Samarie. Il a réaffirmé qu'Israël était déterminé à dialoguer avec le chef de l'Autorité palestinienne, estimant que ce dernier était résolu à engager la lutte contre le terrorisme, ce qui permettra à la négociation d'aboutir. Il a rappelé que ce terrorisme existait à l'intérieur de l'Autorité palestinienne, mais aussi à l'extérieur, comme l'a prouvé l'attentat du Hezbollah contre Israël, le jour même des élections du 9 janvier. Il est souhaitable qu'en 2005 la volonté de dialogue et de paix d'Israël aboutisse, mais si les Israéliens sont prêts à renforcer l'autorité de M. Abbas et à prendre des mesures pour faciliter les conditions de vie des Palestiniens, aucun compromis sur la sécurité des citoyens israéliens n'est envisageable.
Abordant le problème de l'Iran, M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël, a rappelé qu'un programme d'armement nucléaire avait été mis en place par ce pays, conduit par un régime extrémiste qui dispose de missiles à longue portée et qui en appelle clairement à la destruction d'Israël. Les missiles à longue portée, s'ils sont équipés d'ogives nucléaires, constituent une menace pour l'ensemble du monde libre et non seulement pour Israël. Les efforts de la troïka européenne ont permis la suspension, mais non la suppression du programme iranien d'enrichissement de l'uranium à des fins militaires. Or, il semble indispensable à Israël qu'au-delà de la suspension obtenue, une cessation complète du programme nucléaire iranien intervienne, assortie de contrôles internationaux effectués sur le terrain afin de prévenir toute nouvelle dérive.
M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël, a par ailleurs rappelé que la Syrie, pour sa part, abritait et soutenait des terroristes palestiniens et qu'elle aidait les forces antiaméricaines et anticoalition en Irak. La mise en oeuvre de la résolution 1559 du Conseil de Sécurité des Nations unies est essentielle afin que les Syriens retirent leurs troupes du Liban et que le Hezbollah soit désarmé.
Le ministre israélien de la défense a relevé les progrès démocratiques intervenus dans la région : l'Afghanistan depuis l'élection présidentielle du 9 octobre 2004, l'Autorité palestinienne renouvelée par les élections du 9 janvier et l'Irak avec les élections prévues le 30 janvier, malgré le risque d'attentats délibérés. L'année 2005 sera un moment critique et important pour Israël et le monde entier, et quatre thèmes s'avéreront essentiels pour aboutir entre Israéliens et Palestiniens : la cessation du terrorisme palestinien ; la réforme du dispositif sécuritaire palestinien ; la poursuite du dialogue israélo-palestinien pour la mise en oeuvre concertée du plan de désengagement de Gaza ; enfin la mise en oeuvre effective de la feuille de route.
La communauté internationale devra aussi se mobiliser pour aider les Palestiniens à se doter d'une économie et de structures sociales adaptées pour avancer vers la paix et la stabilité.
M. Jean-Pierre Plancade a estimé que le changement d'attitude, tant des Palestiniens que du gouvernement d'Ariel Sharon, faisait naître de nombreux espoirs. Il avait certes critiqué la politique du gouvernement de M. Ariel Sharon au sujet de la construction du mur de séparation et de la violence de la répression, mais s'est déclaré persuadé de la volonté sincère de paix d'Ariel Sharon aujourd'hui. Parallèlement, l'élection de M. Mahmoud Abbas a permis l'envoi de signes positifs sur la volonté de dialogue et de lutte contre le terrorisme. On pouvait cependant s'interroger sur les capacités politiques du nouveau président de l'Autorité palestinienne, ainsi que sur les moyens humains dont il dispose.
M. Shaul Mofaz a rappelé que l'objectif de la construction de la barrière de sécurité avait été de sauver des vies et que cet objectif avait été atteint. Au sein de l'Autorité palestinienne, 60 000 hommes portant des armes, une partie d'entre eux pourra donc être déployée sur le terrain. Il a considéré par ailleurs que la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui appelle au désarmement du Hezbollah, pourrait avoir une influence très positive. Il a souligné le caractère autonome du plan de désengagement de la bande de Gaza, issu d'une résolution adoptée par le gouvernement israélien qui avait constaté que le maintien de la situation actuelle ne garantissait pas la sécurité du peuple israélien. Les frontières permanentes devront, quant à elles, faire l'objet de négociations et leur tracé sera décidé en temps voulu.
M. Jean François-Poncet s'est félicité de l'attitude positive adoptée par Israël envers les changements intervenus au sein de l'Autorité palestinienne. Il a souhaité connaître l'appréciation du ministre sur le délai qui serait, selon lui, nécessaire à l'Iran pour la mise au point d'armes nucléaires. Il a souhaité savoir si l'ensemble des sites de production de ces armes avaient été répertoriés ou si l'hypothèse de l'existence de sites cachés pouvait être retenue. Evoquant les négociations menées par les trois pays européens, il a relevé que des observateurs pensaient que l'Iran était surtout soucieux de gagner du temps. Devait-on se résoudre à envisager une destruction militaire des capacités nucléaires iraniennes et quels seraient les avantages et les inconvénients d'une telle action ?
M. Shaul Mofaz a considéré que l'Iran souhaitait effectivement mener à bien un programme militaire d'armement nucléaire. Les négociations avec la troïka, qui ont conduit à la suspension du programme, lui ont effectivement permis de gagner du temps. Il a estimé que la plupart des sites de production étaient connus. L'estimation israélienne quant aux délais nécessaires à l'Iran pour mener à bien son programme est d'environ une année pour l'obtention d'une capacité autonome de production d'uranium enrichi et de quelques années supplémentaires pour la seconde étape du programme, qui conduit à la détention de l'arme nucléaire. La mesure la plus efficace pour mettre fin à ce programme consisterait, sous la conduite des Etats-Unis, dans la combinaison de sanctions internationales avec un contrôle systématique des sites. La menace iranienne est une menace pour le monde entier que la communauté internationale doit prendre à sa juste mesure et qui nécessite des efforts diplomatiques.
Mme Catherine Tasca a formé des voeux pour que le dialogue produise ses effets entre Israéliens et Palestiniens. Evoquant les conditions posées par le ministre de la défense d'Israël à la reprise des négociations, elle a souligné que les deux parties ne disposaient pas des mêmes capacités pour assurer la sécurité. Elle a souhaité savoir si le gouvernement israélien pouvait envisager de rompre l'enchaînement entre attentats et représailles en choisissant, temporairement, de ne pas riposter aux attaques terroristes.
M. Shaul Mofaz a souligné que la réforme des services de sécurité était de l'intérêt même du peuple palestinien. Le président de l'Autorité palestinienne l'a bien compris, comme en témoignent les négociations qu'il a engagées avec les mouvements terroristes et le redéploiement des forces de sécurité palestiniennes. S'il est évident que les Palestiniens ont besoin de temps pour réformer leur dispositif sécuritaire, aucun compromis n'est cependant envisageable sur la sécurité des citoyens israéliens. Le terrorisme étant le principal obstacle à la paix, le gouvernement israélien s'efforcera d'aider l'Autorité palestinienne à remplir son engagement de mettre fin au terrorisme pour permettre la poursuite des négociations.
M. Robert Bret, se référant à la présence d'observateurs internationaux lors des élections palestiniennes, a estimé qu'il pourrait être utile de déployer une force internationale d'interposition pour accompagner la mise en oeuvre de la feuille de route. Evoquant ensuite une affaire récente dans laquelle le comportement de certains militaires israéliens avait été mis en cause, il a souhaité savoir si l'enquête diligentée alors par le chef d'Etat-major, M. Moshe Yaalon, avait abouti et quelles en étaient les conclusions.
M. Shaul Mofaz a déclaré que, dans les conditions d'exercice particulièrement difficiles auxquelles est confrontée l'armée israélienne, aucune autre armée au monde ne se comporterait avec un tel degré de moralité. Il a souligné que chaque affaire relative à des dérives dans le comportement des militaires trouvait un large écho dans la presse et était sévèrement sanctionnée. Il s'est dit fier de l'action des forces israéliennes contre le terrorisme. Evoquant l'idée d'une force d'interposition internationale, il a considéré qu'une telle intervention ne saurait être efficace tant qu'un véritable accord de paix n'avait pas été signé. Dès lors qu'un accord permanent serait conclu entre Israël et l'Autorité palestinienne, la question pourrait être posée.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a considéré que la poursuite de la colonisation conduisait les Palestiniens à s'interroger sur la viabilité de leur Etat prévu par la feuille de route. Soulignant les efforts accomplis par le président de l'Autorité palestinienne, elle a considéré qu'il fallait l'aider auprès de sa population en mettant un terme à la colonisation.
Mme Dominique Voynet s'est interrogée sur les moyens qu'Israël pourrait mobiliser pour soutenir les efforts de M. Mahmoud Abbas. Une assistance internationale aux forces de police palestiniennes permettrait-elle de l'aider à faire aboutir ses réformes ? Evoquant les risques liés au développement du programme nucléaire militaire en Iran, elle a interrogé le ministre sur la politique israélienne en matière de nucléaire militaire, ainsi que sur l'assignation à résidence de M. Mordechaï Vanunu.
Evoquant la précédente visite de M. Shaul Mofaz en juin 2003, à l'occasion de laquelle le ministre avait qualifié de très généreuse l'offre de paix faite à Camp David en 2000 par M. Ehoud Barak à Yasser Arafat et que celui-ci avait refusée, M. Serge Vinçon, président, a souhaité savoir si cette offre de paix, après le renouvellement de l'Autorité palestinienne et sous réserve que la sécurité soit durablement restaurée, pouvait redevenir d'actualité.
M. Shaul Mofaz a considéré que tout soutien apporté à l'efficacité des forces de l'Autorité palestinienne était bienvenu. L'Egypte entraîne ainsi une grande partie des forces de sécurité palestiennes et les dote de moyens et d'équipements. Le ministre a par ailleurs rappelé que le gouvernement israélien s'était engagé à détruire toutes les implantations illégales. A Gaza, le gouvernement s'apprête à déplacer des milliers de familles qui s'y étaient pourtant installées avec le plein accord des gouvernements israéliens précédents. Par ailleurs, le dossier de M. Mordechaï Vanunu a fait l'objet d'un jugement en règle et d'une décision d'un gouvernement souverain qui doivent être appliqués.
Evoquant les espoirs placés par chacun dans l'évolution de la situation, M. Shaul Mofaz a exprimé un optimisme tempéré, rappelant qu'en quatre ans et demi, Israël avait perdu un millier de ses citoyens. Les personnalités de la région ont changé et le temps est venu de s'asseoir autour d'une table pour des négociations qui pourront faire évoluer la région. Il a conclu en précisant qu'Israël souhaitait profondément la paix, non seulement avec les Palestiniens, mais aussi avec l'ensemble de ses voisins.