Table des matières
- Mardi 12 novembre 2002
- Mercredi 13 novembre 2002
- PJLF pour 2003 - Crédits consacrés à la Défense (Nucléaire, espace et services communs) - Examen du rapport pour avis
- PJLF pour 2003 - Crédits consacrés à la Défense (Air) - Examen du rapport pour avis
- PJLF pour 2003 - Crédits consacrés aux affaires étrangères - Examen du rapport pour avis
- Loi de programmation militaire 2003-2008 - Audition de M. Philippe Camus, président exécutif d'EADS
- Jeudi 14 novembre 2002
Mardi 12 novembre 2002
- Présidence de M. André Dulait, président -
Loi de programmation militaire 2003-2008 - Audition de M. Jean-Claude Mallet, secrétaire général de la défense nationale
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Claude Mallet, secrétaire général de la défense nationale, sur le projet de loi de programmation militaire 2003-2008.
M. Jean-Claude Mallet a tout d'abord décrit, d'une part, le contexte stratégique général où s'étaient inscrits les travaux d'élaboration de la loi de programmation militaire 2003-2008, et d'autre part, la traduction de ce contexte dans les orientations de la loi de programmation.
Le secrétaire général de la défense nationale a souligné que le contexte stratégique général était marqué par un net accroissement des menaces contre la paix, par contraste avec les espoirs développés au début de la décennie antérieure. Ces menaces se concrétisaient dans une multiplication des crises internationales, sollicitant toujours davantage nos moyens de défense.
M. Jean-Claude Mallet a alors énuméré les éléments lui paraissant sous-tendre cette multiplication des crises : le terrorisme international, tout d'abord, passé d'un ancrage fortement local, qui demeure souvent, à une logique transnationale de filières et de réseaux, à la faveur de crises en Algérie, en Afghanistan, en Tchétchénie ou dans les Balkans. Le réseau Al Qaïda a été le premier à exploiter cette nouvelle donne et les dimensions technologiques et sociales de la mondialisation, à partir de l'Afghanistan, mais aussi dans d'autres points du globe, menaçant non seulement les Etats-Unis, mais aussi les intérêts et les territoires européens et nationaux ;
- l'absence de règlement de crises persistantes, ensuite, contribuait à cette évolution comme celles du Proche et du Moyen-Orient, ou encore du Cachemire. Un troisième élément pesait sur la stabilité internationale : la difficulté à maîtriser la prolifération des armes de destruction massive, qu'elles soient nucléaires, biologiques, chimiques ou radiologiques. A cette prolifération s'ajoute la dissémination des savoir-faire, notamment à travers internet, qui augmente dangereusement les capacités de conception, de fabrication, mais également d'emploi de ces armes. Un quatrième élément négatif est lié aux espoirs déçus de réduction des inégalités entre pays riches et pauvres, ces derniers se trouvant aspirés dans une spirale régressive, alors que la croissance n'a profité qu'à un nombre restreint d'Etats.
M. Jean-Claude Mallet a par ailleurs constaté que les organisations internationales, qui devraient pouvoir réguler ces facteurs de tension, ont vu leur légitimité mise en doute par certains. Dans les années 1990, la multiplication des opérations de maintien de la paix a mis en lumière les pesanteurs décisionnelles de l'ONU au plan militaire. L'organisation, en particulier le Conseil de sécurité, est par ailleurs jugée insuffisamment représentative -en termes d'équité- par les uns, ou trop contraignante pour d'autres. Des interrogations sur l'avenir et sur les limites du rôle de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord se sont développées, y compris aux Etats-Unis. Le futur élargissement à sept nouveaux membres, ainsi que la mise en place du Conseil de coopération avec la Russie ou les nouvelles missions dans le domaine du maintien de la paix contribuent à modifier sa vocation originelle. L'Union européenne également, du fait notamment de son prochain élargissement, en 2004, à 10 nouveaux membres, s'interroge sur ses capacités à répondre aux nouveaux défis internationaux, mais aussi sur l'efficacité de ses mécanismes de décision, voire sur son identité même, à travers le débat sur ses institutions et ses limites géographiques.
Face à ces facteurs d'incertitude, le secrétaire général de la défense nationale a observé, sur la scène internationale, un regain d'une forme de « demande d'Etat ». La France s'est toujours fondée sur l'autorité et la légitimité du cadre étatique. Elle vient de décider particulièrement le redressement de ses capacités en matière de défense et de sécurité. Elle associe à cette approche une vision équilibrée, multilatérale, de l'organisation internationale et ne cesse de promouvoir, comme elle l'a prouvé dans la crise irakienne, un renforcement des systèmes de régulation internationale. Dans cette organisation équilibrée du monde, elle souhaite que se développe un pôle européen à part entière.
M. Jean-Claude Mallet a cependant relevé certains facteurs d'optimisme, comme la stabilisation intervenue dans la région des Balkans, ou encore l'éloignement du risque de crise majeure, au printemps dernier, entre l'Inde et le Pakistan, grâce aux efforts diplomatiques, notamment, de la France. Il a également relevé que le monde musulman ne s'était pas soulevé contre la civilisation occidentale comme l'y appelaient les dirigeants Taliban et le réseau Al Qaïda, et ceci même dans les pays les plus exposés comme le Pakistan.
Abordant ensuite les conséquences de cette analyse stratégique sur l'élaboration de la loi de programmation militaire 2003-2008, M. Jean-Claude Mallet a considéré que la première d'entre elle consistait dans la réaffirmation de la capacité d'autonomie stratégique de la France, avec, notamment, un net renforcement des moyens alloués au renseignement, au commandement et au contrôle de l'emploi des forces. La dissuasion demeure également centrale comme facteur de cette autonomie et reste ancrée au coeur de notre politique de défense, justifiant la modernisation des composantes et l'adéquation du concept aux menaces nouvelles. Le développement des capacités de projection ensuite est pris en compte dans le projet, avec notamment les programmes de deuxième porte-avions, de missile de croisière naval et le renforcement des forces spéciales. L'impératif de la protection est souligné, notamment par le développement de la défense anti-missile balistique tactique pour la protection des forces déployées, ou encore celui des moyens de prévention contre une attaque chimique ou biologique. La loi de programmation s'inscrit aussi dans l'ambition européenne de la défense, notamment en matière d'harmonisation des équipements et de développement de structures de commandement ouvertes à nos partenaires. Enfin, elle tend à ancrer la professionnalisation dans le temps et dans l'espace, notamment par l'amélioration de la disponibilité des équipements, l'accroissement des capacités d'entraînement ou la nécessaire valorisation des réserves.
Un débat s'est ensuite instauré entre les commissaires.
M. Serge Vinçon a demandé des précisions sur l'évolution du dispositif de protection contre les risques nucléaire, biologique et chimique et sur les responsabilités respectives du ministère de la défense et des ministères civils en la matière. Il a souhaité connaître ce que recouvrait le concept de « dissuasion adaptée », évoqué à la suite du discours prononcé le 8 juin 2001 par le Président de la République. Il a observé que le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire évoquait la possibilité d'actions préemptives et s'est interrogé sur la portée stratégique de cette notion.
M. Didier Boulaud, soulignant la nouveauté du rôle que sont appelées à jouer l'Union européenne et l'OTAN, compte tenu des processus d'élargissement en cours, s'est demandé si des organisations comme l'UEO ou l'OSCE conservaient aujourd'hui encore leur justification. Il a par ailleurs relevé la proportion relativement modique de militaires français au sein des Casques bleus de l'ONU et a demandé au secrétaire général de la défense nationale s'il estimait souhaitable de renforcer l'engagement de la France dans les opérations de maintien de la paix conduites par celle-ci.
Mme Hélène Luc s'est interrogée sur l'évolution des missions dévolues à l'OTAN dans le nouveau contexte international. Observant que l'effort financier consacré à la dissuasion nucléaire représentait près de 20 % des crédits d'équipement du ministère de la défense, elle s'est demandé si un tel niveau de ressources était toujours justifié.
M. Christian de La Malène a souligné les moyens supplémentaires dégagés par le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 pour les actions de sécurité intérieure ou en faveur du renforcement des capacités de commandement et de renseignement. Tout en se félicitant de cet effort, il s'est demandé si le projet de loi s'était suffisamment attaché à opérer des arbitrages entre les différentes priorités, compte tenu des moyens nécessairement limités que la France pouvait mettre au service de ses ambitions.
M. André Dulait, président, a interrogé M. Jean-Claude Mallet sur la mise en place de la réserve au sein des armées. Il lui a également demandé des précisions sur le rôle moteur que la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne pouvaient jouer dans la politique européenne de sécurité et de défense et sur les incidences de l'éventuelle création d'une force de réaction rapide au sein de l'OTAN.
M. Jean-Claude Mallet, secrétaire général de la défense nationale, a alors apporté les précisions suivantes :
- la fin de l'usage systématique du droit de veto depuis le début des années 1990 a incontestablement rétabli le rôle du Conseil de sécurité des Nations unies, même si certains Etats, par leur politique, tendent à remettre en cause le rôle clé, à nos yeux, des organisations multilatérales ;
- si elle fournit aujourd'hui peut-être moins de Casques bleus à proprement parler qu'au milieu des années 1990, la France n'a pas pour autant réduit ses engagements en faveur des opérations de maintien de la paix ; cela est notamment le cas dans les Balkans, où nos forces sont engagées au titre de l'OTAN, ou encore en Afghanistan, dans le cadre d'un ensemble multinational, mais toujours avec un mandat relevant du Conseil de sécurité de l'ONU et de ses résolutions ;
- la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) doit nécessairement concilier la préservation du consensus entre les Quinze, demain les vingt-cinq, et les objectifs des pays disposant des capacités militaires les plus importantes, au premier rang desquels figurent le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie ; de fait, ces pays sont appelés à jouer ensemble un rôle moteur dans la défense européenne ;
- au cours des dernières années, de multiples facteurs ont joué dans le sens d'une profonde évolution de l'OTAN : l'intégration de pays d'Europe centrale, l'établissement de nouvelles relations avec la Russie, la transformation de l'organisation et des structures de l'Alliance, la redéfinition de ses missions ; la France conserve, au sein de l'organisation, sa position particulière, fondée en particulier sur le principe du contrôle, par nos autorités politiques, des décisions d'affectation et d'emploi des forces françaises ;
- la force européenne d'action rapide, définie à Helsinki en 1999, et le projet de force de réaction rapide en cours de discussion au sein de l'OTAN procèdent d'approches complémentaires, car il s'agit des mêmes ressources ; il n'y a donc pas de concurrence mais plutôt, potentiellement, si l'OTAN développe sa démarche, une complémentarité entre ces deux initiatives ;
- dans son discours du 8 juin 2001, le Président de la République a clairement affirmé que notre dissuasion s'exerçait aussi à l'égard de puissances régionales disposant d'armes de destruction massive, qui s'exposeraient à des dommages inacceptables si elles venaient à menacer directement nos intérêts vitaux, en particulier notre territoire. Cette prise de position vise ainsi à dissuader d'éventuels adversaires d'exercer un chantage à l'encontre de notre pays ; l'effort financier consacré à notre dissuasion nucléaire, au demeurant très inférieur à ce qu'il était au début de la décennie 1990 où il s'élevait à 30 % du titre V, vise à permettre la modernisation de nos forces nucléaires, afin de préserver leur crédibilité et de les adapter à cette mission ;
- la protection contre les risques nucléaire, biologique et chimique implique, outre la défense, de nombreux ministères civils, en particulier les ministères de l'intérieur, des transports ou de la santé. Le secrétariat général de la défense nationale a notamment pour mission d'assurer une bonne coordination interministérielle de ces efforts, en vue de renforcer les différents moyens de protection et de relever le niveau de notre sécurité contre ce type de risques ;
- telle que définie dans le rapport annexé au projet de loi de programmation, la notion d'action préemptive est rigoureusement encadrée ; elle ne se conçoit qu'en cas de matérialisation d'une menace avérée et dans le respect de la légalité internationale et du rôle du conseil de sécurité des Nations unies ;
- les moyens supplémentaires dégagés par le projet de loi de programmation militaire ont été prioritairement affectés aux capacités de renseignement et de commandement, aux capacités de projection et aux forces spéciales ;
- le projet de loi prévoit une dotation financière destinée à favoriser la montée en puissance de la réserve et il définit un certain nombre d'indicateurs d'activité et d'entraînement ; plus globalement, la réserve constitue une composante à part entière de l'armée professionnelle ; elle contribue à la réalisation des objectifs en termes de capacité militaire et représente un volet important du lien armée-nation.
Mercredi 13 novembre 2002
- Présidence de M. André Dulait, président -
PJLF pour 2003 - Crédits consacrés à la Défense (Nucléaire, espace et services communs) - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Faure sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 (Nucléaire, espace et services communs).
M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits ne relevant ni des trois armées, ni de la gendarmerie, représentaient 26 % du budget militaire et 8,2 milliards d'euros, soit une progression de 6,2 % par rapport à 2002.
Il a tout d'abord évoqué le service de santé des armées, en rappelant que sa professionnalisation s'était déroulée dans des conditions critiques. Rappelant les conclusions du rapport d'information que la commission avait présenté au printemps 1999, il a estimé que le déficit en personnels civils, bien qu'en diminution, demeurait préoccupant, alors que celui des médecins militaires s'aggravait, passant de 5 % des postes en 2000 à 12,5 % en 2002, soit, sur un effectif théorique de 2.400, un déficit de 300 praticiens.
Il a déploré que la gravité de la situation ait été trop longtemps sous-estimée, comme en témoigne la réduction continue du budget du service de santé au cours des cinq dernières années, et que les premières mesures de revalorisation des carrières médicales, modestes au demeurant, soient intervenues trop tardivement.
Il s'est félicité de la progression de 15 % du budget du service de santé des armées en 2003, qui permettra notamment d'élargir très notablement les perspectives de promotion des médecins, afin de rendre les carrières plus attractives, et de créer 200 postes d'infirmiers militaires et 20 postes d'élèves-médecins. Il a jugé nécessaire une action de longue durée visant à prolonger l'effort très positif prévu en 2003.
Abordant les crédits de la délégation générale pour l'armement, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a tout d'abord précisé qu'ils comportaient une dépense de 190 millions d'euros au titre du budget civil de recherche et de développement (BCRD) mais qu'un crédit équivalent devait être ouvert en collectif budgétaire de fin d'année afin de neutraliser l'effet de ce transfert sur le niveau global de ressources de la défense. Il s'est réjoui que le niveau du budget de la défense pour 2003 ne soit pas pénalisé par cette charge, cette mesure de clarification allant dans le même sens, à ses yeux, que le transfert au budget des charges communes de 150 millions d'euros au titre du développement de la Polynésie française.
S'agissant des crédits affectés en propre à la DGA, il a souligné la progression de 19,5 % des dotations d'autorisation de programme relatives aux études-amont, tout en rappelant les craintes que suscitent les conséquences à moyen et long terme de l'insuffisance globale de l'effort de recherche français et européen depuis de nombreuses années. Evoquant l'incidence budgétaire de la réforme de DCN (Direction des Constructions Navales), notamment en raison de la clôture du compte de commerce et de la répartition des actifs entre le ministère de la défense et la future société nationale, il a rappelé les principales observations formulées l'an passé par la commission lors du vote de cette réforme. La nécessité de donner dès le départ à la nouvelle DCN les meilleures chances de réussite impliquait un effort budgétaire qui se traduira par une dotation d'une soixantaine de millions d'euros en 2003 pour la remise à niveau des infrastructures, une enveloppe de 20 millions d'euros pour le volet social de la transformation devant en principe intervenir en collectif budgétaire fin 2002. Par ailleurs, le principe a été retenu de ne pas imputer sur le budget de la défense la capitalisation de la société.
Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les crédits des services de renseignement, qui progresseront de 5 % en 2003. Après un renforcement continu sur la période 1997-2002, leurs effectifs budgétaires seront stabilisés en 2003. Toutefois, le niveau des effectifs réels est resté sensiblement inférieur à celui des postes budgétaires au cours des dernières années, le recrutement et la fidélisation de certaines spécialités, par exemple dans les domaines de l'informatique et des langues rares, s'étant avérés difficiles.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis, s'est félicité des revalorisations indemnitaires prévues par le budget pour 2003, au profit notamment des personnels de la Direction générale de la sécurité extérieure, et de la progression de 10 % des autorisations de programme en vue de moderniser l'équipement des services.
Evoquant ensuite le domaine spatial, dont les crédits avaient très fortement diminué de 1997 à 2000, M. Jean Faure a précisé que les crédits de paiement qui lui sont consacrés, de l'ordre de 435 millions d'euros, diminueraient de 3 %, alors qu'avec 580 millions d'euros, les autorisations de programme feraient un bond de 68 %, cette très forte progression étant liée au lancement du programme de satellites de télécommunication Syracuse III, que la France financera seule, après abandon de diverses hypothèses de coopération européenne. Ce programme, de l'ordre de 2 milliards d'euros, doit améliorer notablement nos capacités à l'horizon 2006.
Dans le domaine de l'observation optique, le programme Hélios II se poursuit avec un objectif d'entrée en service en 2004, et pour un coût total de l'ordre de 1,7 milliard d'euros, la France supportant 95 % du financement, le restant étant pris en charge par la Belgique et l'Espagne. Hélios II procurera des capacités accrues en termes de résolution et de nombre d'images fournies. Il permettra l'observation de nuit.
L'acquisition d'une capacité radar pour l'observation tout temps a été abandonnée par la France, mais un accord d'échange d'information est intervenu afin de pouvoir bénéficier des systèmes développés par l'Allemagne et l'Italie.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a estimé que l'effort financier opéré dans le domaine spatial par le budget 2003 et le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 préservera à moyen terme le renouvellement et la modernisation de nos deux systèmes actuels, Syracuse et Hélios. Par ailleurs, le projet de loi de programmation prévoit le financement d'études sur un système spatial d'alerte avancée pour la détection des tirs de missiles balistiques.
En dépit des financements programmés jusqu'en 2008, le rapporteur pour avis a jugé l'effort financier consacré aux équipements spatiaux militaires très modeste au regard du rôle de plus en plus déterminant de ces systèmes dans toutes les phases de conduite des opérations. Il a appelé à un engagement européen beaucoup plus affirmé pour relever ce défi, l'enjeu étant essentiel pour l'édification d'une véritable Europe de la défense.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a terminé son intervention par une présentation de l'effort financier consacré à la dissuasion militaire. Après avoir atteint en 2001 son point historiquement le plus bas, inférieur de 25 % à celui de 1996 et moitié moindre qu'en 1992, celui-ci s'est redressé en 2002. En 2003, les crédits de paiement atteindront près de 3 milliards d'euros (+ 11 %) et les autorisations de programme, 3,5 milliards d'euros (+ 35 %). Compte tenu de l'érosion monétaire, le budget de la dissuasion nucléaire pour 2003 sera toutefois légèrement inférieur à celui de 1997. Pour la période 2003-2008, une annuité moyenne de 2,8 milliards d'euros est prévue, soit 5 % de plus que l'enveloppe allouée à la période 1997-2002, mais également un niveau inférieur de 40 % au flux annuel de la période 1990-1996.
La progression des crédits de la dissuasion correspond à la montée des besoins financiers liés aux principaux programmes : développement du missile balistique M51 et du missile aéroporté ASMP/A, construction des 3e et 4e sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), programme de simulation.
Le rapporteur pour avis a rappelé que la mise en oeuvre de ces programmes correspondait à la posture de « stricte suffisance » définie en 1996 et articulée autour de la permanence à la mer d'un et, si nécessaire, de deux SNLE, d'une composante aérienne plus visible et plus souple d'emploi et de moyens de simulation garantissant la fiabilité des armes nucléaires en l'absence d'essais, et donc la crédibilité de la dissuasion.
Pour le rapporteur pour avis, il s'agit de renforcer la dissuasion nucléaire dans son rôle de garantie ultime de nos intérêts vitaux sur le long terme, à un horizon sur lequel ne peut être fondée aucune certitude. Il a estimé que le monde demeurait marqué par le fait nucléaire et a cité à ce propos les évolutions concernant les Etat-Unis, la Russie et la Chine, mais également les puissances nucléaires non déclarées et les pays soupçonnés de vouloir acquérir une capacité nucléaire.
Il a commenté la notion de « dissuasion adaptée », telle qu'elle ressort du discours prononcé le 8 juin 2001 par le chef de l'Etat, et qui vise à tenir compte de la variété et de la nature nouvelle des menaces en permettant d'y apporter des réponses modulées. Il a relié cette évolution de notre doctrine à la poursuite de l'effort financier dévolu à la dissuasion nucléaire au cours des prochaines années.
En conclusion, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a souligné les éléments positifs qui caractérisent les crédits du nucléaire, de l'espace et des services communs pour 2003. Il a en conséquence appelé la commission à émettre un avis favorable sur le budget de la défense pour 2003.
A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Xavier de Villepin s'est demandé dans quelle mesure les conditions de transformation de DCN en société différaient de celles qui avaient présidé à la création de GIAT-Industries. Il a relevé le caractère relativement modéré de la progression des crédits des services de renseignement, qui ne traduit peut-être pas suffisamment la nécessaire priorité dont devrait bénéficier ce domaine. Il a souhaité savoir si les Etats-Unis accordaient le même intérêt que la France à la simulation nucléaire.
M. Jean-Pierre Masseret a souhaité connaître les évolutions concernant les armes nucléaires tactiques et leur détention par les principales puissances nucléaires.
M. Hubert Durand-Chastel s'est inquiété de la prolifération dans le domaine nucléaire.
M. Louis Moinard a demandé si la transformation de DCN en société affecterait son partenariat avec Thales dans le cadre de la société Armaris.
M. André Dulait, président, a interrogé le rapporteur pour avis sur la féminisation du service de santé.
En réponse à ces différentes interventions, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- la transformation de DCN en société s'opère dans un contexte très différent de celui qu'avait connu GIAT-Industries, compte tenu notamment des perspectives du marché de la construction navale ; même si elle a pu paraître insuffisamment rapide, l'évolution du statut de DCN est impérative pour préserver l'avenir de notre industrie navale dans un contexte très concurrentiel ;
- la transformation de DCN en société renforcera le partenariat avec Thales au sein d'Armaris ;
- les difficultés rencontrées par les services de renseignement tiennent moins au niveau des crédits qu'à leur capacité à recruter et à conserver les spécialistes dont ils ont besoin ;
- la Russie continue de détenir plusieurs milliers d'armes nucléaires tactiques qui échappent aux traités de désarmement ;
- la féminisation du service de santé des armées se poursuit, la proportion de jeunes filles se situant autour de 50 % pour le concours d'entrée dans les écoles de la filière médicale.
PJLF pour 2003 - Crédits consacrés à la Défense (Air) - Examen du rapport pour avis
Puis la commission a examiné le rapport pour avis de M. Xavier Pintat sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 (Air).
Le rapporteur pour avis a d'abord souligné que l'armée de l'air disposait, comme les autres composantes de la défense, d'un budget satisfaisant pour 2003, qui constitue également la première annuité de la future loi de programmation militaire 2003-2008. Il a cependant fait valoir que ces bons chiffres devraient se traduire dans la réalité, sans gel ni annulation, pour être pleinement satisfaisants.
Abordant l'analyse budgétaire des crédits de l'armée de l'air pour 2003, il a précisé que les dépenses de fonctionnement du titre III enregistraient une croissance de 2,93 %, en passant de 2,426 milliards d'euros en 2002 à 2,497 en 2003. Il a relevé qu'au sein de ce titre III, les rémunérations et charges sociales enregistraient l'augmentation la plus marquée, avec une croissance de 3,4 %. Il s'agit là, a-t-il expliqué, de la traduction budgétaire des diverses mesures arrêtées au cours de l'année 2002 pour mettre en équivalence les contraintes propres au personnel militaire avec les décisions d'aménagement et de réduction du temps de travail dont a bénéficié la fonction publique civile. Ces décisions aboutiront à la libération de 15 jours par an pour les personnels militaires, dont 7 seront à leur disposition, et 8 seront indemnisés à hauteur de 85 € chacun. Le rapporteur pour avis a rappelé que l'armée de l'air regroupait, en 2002, un effectif total de 69.308 personnes, dont 63.596 militaires et 5.712 civils. Il a fait observer que ces effectifs avaient, d'ores et déjà, atteint l'objectif fixé par la dernière loi de programmation qui assignait à l'armée de l'air une réduction de ses personnels à 70.000 à l'horizon 2015. Il a fait valoir que des tensions se faisaient jour en matière de recrutement des personnels civils. En revanche, les personnels engagés, les militaires techniciens de l'air (MTA), grâce au recrutement de proximité développé par les bases aériennes, atteindront 17.185 en 2003, ce qui correspond à l'objectif initial.
Achevant le bilan des effectifs de l'armée de l'air, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a souligné que les recrutements d'officiers et de sous-officiers s'opéraient de façon satisfaisante, les difficultés en la matière portant plutôt sur la « fidélisation » de certains personnels très qualifiés, auxquels le secteur civil offre des conditions d'emploi plus attractives.
Evoquant ensuite les moyens budgétaires affectés à l'entraînement des personnels, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a souligné qu'ils permettraient en 2003, comme cela avait déjà été le cas cette année, de satisfaire aux normes de 180 heures de vol annuelles pour les pilotes de chasse, et de 200 heures pour les pilotes d'hélicoptères. Puis il s'est félicité que le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques ait pu être considérablement amélioré grâce à la mise en place en 2001 de la SIMMAD (structure interarmées de maintien en condition opérationelle des matériels aériens de la défense). Cette structure a permis, à un coût raisonnable, un important redressement de la disponibilité de ces matériels, qui est passé de 54 à 63 %. Sur ce point, le rapporteur pour avis a souligné que les crédits de paiement affectés à ce MCO croîtraient de 22,14 % de 2002 à 2003, en passant de 763 à 932 millions d'euros.
Puis M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a souligné que les crédits affectés aux équipements de l'armée de l'air étaient particulièrement satisfaisants, les crédits de paiement du titre V augmentant de 7,7 %, soit une croissance de 37 millions d'euros. Il a fait valoir que cette évolution marquait une nette rupture avec les budgets antérieurs, qui sacrifiaient en partie les crédits d'équipement aux exigences du fonctionnement des armées. Il a rappelé que la part prépondérante assignée à l'armée de l'air dans les opérations de projection sur les théâtres extérieurs justifiait ce net redressement des crédits d'équipement. Au total, il a précisé que la flotte d'avions de combat compterait 330 aéronefs en 2003, composés essentiellement de Mirage 2000. Deux Rafale air sont, d'ores et déjà, à la disposition des pilotes, pour essais. Cette flotte d'avions de combat bénéficiera d'armements modernes et innovants, comme le missile air-air MICA (missile d'interception de combat et d'auto-défense). S'y ajouteront 41 missiles Apache anti-piste et 60 missiles Scalp anti-infrastructure. Evoquant ensuite les capacités de transport de l'armée de l'air, il a déploré que le lancement de l'avion européen A400 M soit une fois de plus différé, ce qui impliquera que ses premières livraisons à la France s'effectueront, au mieux, en 2009. Pour combler partiellement le vide capacitaire créé par les premiers retraits des Transall, l'armée de l'air a acquis deux avions cargo CASA 235 qui s'ajouteront aux 15 unités déjà en service. Par ailleurs, l'armée de l'air se dote d'une flotte de drones : elle dispose déjà des drones « HUNTER », de construction israélienne, et développe les drones MALE (moyenne altitude longue endurance) dont les premières livraisons interviendront en 2009.
En conclusion, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a jugé que ce projet de budget était équilibré dans la répartition de crédits en augmentation entre le fonctionnement courant et les programmes d'équipements, et en a recommandé l'approbation.
Au terme de cet exposé, un débat s'est instauré au sein de la commission.
M. Xavier de Villepin a souhaité savoir si la flotte d'avions de combat était appelée à croître dans les années à venir. Il a fait état de la récente utilisation par les forces armées américaines de drones porteurs d'armes, et a interrogé le rapporteur sur un possible développement similaire en France. Enfin, il a évoqué l'intérêt stratégique croissant de la base de Djibouti.
M. Jean-Guy Branger a déploré que le projet d'avion de transport A400 M ne soit toujours pas parachevé, et s'est inquiété des possibles répercussions de ces atermoiements sur le coût de ce programme.
En réponse, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a apporté les éléments suivants :
- la flotte d'avions de combat française doit progressivement se réduire, mais elle sera renforcée dans sa capacité globale par l'arrivée progressive des Rafale ;
- la France n'envisage pas de se doter de drones porteurs d'armes, essentiellement du fait de leur coût élevé ;
- le projet d'avion A400 M est, en effet, impatiemment attendu par les armées européennes partenaires de ce programme, sachant que la commande globale, pour l'industriel, devrait porter sur un minimum de 193 appareils.
PJLF pour 2003 - Crédits consacrés aux affaires étrangères - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. Jean-Guy Branger sur les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003.
M. Jean-Guy Branger a indiqué que le projet de loi de finances pour 2003 prévoyait que le budget du ministère des affaires étrangères s'élèverait à 4,1 milliards d'euros, en progression de 13,3 % par rapport à 2002. Cette évolution s'explique essentiellement par la volonté de prévoir des dotations réalistes dès la loi de finances initiale, plutôt que de les abonder en loi de finances rectificative. Le projet de budget 2003 permettra donc une plus grande sincérité et une meilleure transparence des crédits. Ainsi, la dotation pour les contributions obligatoires de la France aux organisations internationales progresse de 10,7 % et s'établira à 678,7 millions d'euros. Font également l'objet de régularisations les dotations finançant les indemnités de résidence des personnels expatriés et les rémunérations des personnels mis à disposition des alliances françaises. Ces évolutions, a rappelé le rapporteur pour avis, correspondent aux observations faites par les rapporteurs du Parlement et par la Cour des comptes. M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a également noté l'importante augmentation des crédits destinés au Fonds européen de développement (277,5 millions d'euros) afin de faire face aux appels à contribution de la Commission européenne. Ces crédits représentent une part importante de la hausse du budget, mais permettent d'accroître la part des crédits du ministère des affaires étrangères dans l'action extérieure de la France et dans le budget de l'Etat, qui atteindra 1,5 % en 2003.
Les crédits du titre III progresseront de 2,9 % et s'élèveront à 1,5 milliard d'euros. Ils financeront notamment l'effort important consenti au profit de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour faire face à l'augmentation considérable du nombre des demandes d'asile (49.000 en 2001). En 2003, 66 emplois supplémentaires seront créés et la dotation progressera de 25 %.
Les crédits du titre IV progresseront de 10,7 % et atteindront 1,7 milliard d'euros. Cette évolution s'explique, d'une part, par la hausse des contributions obligatoires et, d'autre part, par l'effort en faveur de l'aide au développement, notamment à travers le financement des contrats de désendettement et de développement (91 millions d'euros en 2003). La progression des crédits permettra, en outre, d'accroître l'effort au profit des Français de l'étranger à hauteur de 1 million d'euros.
Les crédits de paiement inscrits au titre V diminueront de 13,5 % et s'élèveront à 46,8 millions d'euros, en raison de l'achèvement d'opérations importantes comme la construction de l'ambassade à Berlin et de retards intervenus dans le lancement d'autres projets. Cependant, d'importants crédits restent dévolus à la rénovation des services des visas. Enfin, les crédits du titre VI progressent fortement (+ 58,1 %) en crédits de paiement, en raison de l'augmentation des dotations du Fonds européen de développement, de l'Agence française de développement et du Fonds de solidarité prioritaire.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a ensuite souligné que le budget 2003 pouvait apparaître comme un budget de transition, d'importantes réformes devant être engagées à l'avenir.
Ainsi, il a approuvé la volonté du ministre des affaires étrangères d'engager une réflexion approfondie sur la présence française à l'étranger, en particulier en Europe, aussi bien au niveau de nos ambassades que de nos consulats. Déplorant que par le passé les ouvertures et fermetures aient plus obéi à une logique comptable qu'à un plan d'ensemble, M. Jean-Louis Branger, rapporteur pour avis, a souhaité que les évolutions futures du réseau diplomatique et consulaire tiennent compte des transformations de la société internationale et de la construction européenne. Une plus grande coordination par zone géographique ou par thème lui a semblé nécessaire. En outre, il a insisté sur le rôle interministériel du quai d'Orsay en France et à l'étranger pour assurer la coordination et la synthèse de notre action extérieure. A l'étranger, l'autorité de l'ambassadeur doit être réaffirmée sur l'ensemble des services à l'instar du préfet dans le département.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le problème de l'évolution des effectifs du ministère des affaires étrangères. Les emplois budgétaires poursuivront en 2003 leur lente érosion, le ministère se conformant ainsi à l'objectif du gouvernement de maîtrise des effectifs de la fonction publique. Cette évolution rend toutefois plus difficile le renforcement de l'encadrement des services des visas. M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a de plus rappelé que la Cour des comptes avait mis en exergue le décalage entre les emplois budgétaires (9.409 en 2003) et le nombre des personnels effectivement rémunérés par le ministère (20 à 25.000 personnes si l'on intègre les enseignants de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger), ce qui pose un réel problème de contrôle budgétaire et de gestion des effectifs.
Enfin, M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a regretté qu'il n'ait pas été possible d'accroître dès cette année les contributions volontaires de la France aux organisations internationales, celles-ci étant particulièrement importantes pour le maintien de notre influence dans les nouveaux programmes. Elles s'élèveront en 2003 à 86 millions d'euros.
En conclusion, le rapporteur pour avis a estimé que le projet de budget pour 2003 permettrait la remise à niveau des crédits et renforcerait les moyens d'action pour l'aide au développement, le traitement des demandes d'asile et la sécurité des Français à l'étranger. Aussi bien a-t-il demandé à la commission d'émettre un avis favorable.
A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est engagé avec les commissaires.
M. Didier Boulaud a indiqué que le groupe socialiste s'abstiendrait en raison de la faible progression réelle des moyens d'action du ministère des affaires étrangères, l'essentiel de l'augmentation entre 2002 et 2003 s'expliquant par des changements de structure budgétaire et la hausse des crédits du Fonds européen de développement.
MM. Xavier de Villepin et Jean-Pierre Masseret se sont inquiétés d'éventuelles régulations budgétaires en 2003. M. Xavier de Villepin a souhaité que la commission en soit mieux informée et que ces éventuelles régulations ne touchent pas les points fondamentaux de l'action du ministère. Il a par ailleurs estimé que le rôle interministériel du Quai d'Orsay devait être renforcé ainsi que l'autorité de l'ambassadeur sur les services à l'étranger. Il ne s'agit toutefois pas de la seule voie de réforme, une évolution du réseau, en prenant exemple sur certains pays étrangers ou en mettant en place des structures à vocation régionale, permettrait vraisemblablement une meilleure efficacité de notre action extérieure.
M. Serge Vinçon s'est déclaré favorable au renforcement de l'autorité de l'ambassadeur et à la recherche d'une rationalisation de notre action extérieure. Il a en outre souligné que les récents succès de la diplomatie française à l'ONU ou en Europe, à travers la relance du couple franco-allemand, devaient être salués. Aussi bien a-t-il indiqué qu'il voterait le projet de budget pour 2003.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a alors apporté les précisions suivantes :
- la hausse des crédits du ministère s'explique également par le financement des contrats de désendettement et de développement ;
- l'harmonisation des représentations françaises à l'étranger est nécessaire, sous l'égide de l'autorité de l'ambassadeur. Elle permettra un meilleur usage des moyens et des personnels et donc, à terme, une plus grande efficacité de notre action à l'étranger.
M. Hubert Durand-Chastel a regretté que la France reste trop « hexagonale », ne prenant pas assez en compte les conséquences de la mondialisation de l'économie et de l'importance des exportations dans la richesse nationale. Il a par ailleurs mis l'accent sur l'importance des crédits du Quai d'Orsay pour soutenir l'action culturelle française à l'étranger.
Loi de programmation militaire 2003-2008 - Audition de M. Philippe Camus, président exécutif d'EADS
Au cours d'une séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Camus, président exécutif d'EADS, sur le projet de loi de programmation militaire 2003-2008.
M. Philippe Camus a tout d'abord rappelé que la société EADS, créée en juillet 2000, résulte de la fusion de trois sociétés : la française Aérospatiale-Matra, l'allemande DASA, l'espagnole CASA. EADS est aujourd'hui le numéro deux mondial de l'aéronautique et de la défense, avec un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros, après l'Américain Boeing, avec un chiffre d'affaires de 54 milliards d'euros. Dans certains domaines, comme celui des avions commerciaux, EADS fait jeu égal avec son concurrent.
Avec Eurocopter, EADS est numéro un mondial sur le marché des hélicoptères. Elle Le groupe occupe également une place prépondérante sur le marché des lanceurs commerciaux, des missiles tactiques et des satellites. Elle réalise 80 % de son activité dans le domaine civil et 20 % dans le secteur de la défense.
M. Philippe Camus a indiqué que la hausse des budgets de défense, consécutive aux événements du 11 septembre 2001, avait des conséquences structurantes pour l'industrie de défense. Le risque que fait peser la hausse des budgets de défense américains pèse sur l'ensemble de l'industrie aéronautique et spatiale :. Fface à ce risque, il faut une politique européenne de défense qui puisse être une base suffisante, à la fois en termes de budget et d'organisation, pour permettre un meilleur équilibre de compétitivité.
Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 marque une inflexion positive. La France cesse d'accumuler un retard qui lui faisait prendre, à terme, le risque d'une perte de sa base industrielle. En outre, les assurances données quant à la bonne exécution des engagements fournissent l'engagement solennel exprimé, selon lequel la loi de programmation militaire devrait être exécutée en l'état, fournit une plus grande visibilité pour l'industrie. Dans ce cadre, la loi de finances pour 2003 s'inscrit en conformité avec la loi de programmation dont elle constitue la première annuité.
M. Philippe Camus a cependant émis deux réserves principales quant au contenu de la loi :
- en matière de recherche et développement, l'effort budgétaire consenti, 800 millions d'euros par an, soit une hausse de 16 %, ne permet cependant pas de revenir au niveau souhaitable qui se situerait à hauteur d'un milliard d'euros par an ;
- il aurait été en outre nécessaire d'intégrer une plus forte coordination européenne dans les programmes d'équipements.
S'agissant des programmes, M. Philippe Camus a formulé deux observations. Le besoin de systèmes intégrés de reconnaissance, commandement-action, est avéré, comme l'illustre l'exemple récent de l'utilisation, par les Américains, de drones armés. L'établissement d'un circuit court entre l'observation, la décision de commandement et l'action nécessite notamment la mise en oeuvre de satellites et de drones éventuellement armés. Or, l'effort consenti sur les programmes de drones dans la loi de programmation apparaît à la fois insuffisant et tardif.
En matière de frappe dans la profondeur, M. Philippe Camus a fait observer que les calendriers des programmes de frégates multimissions et du missile de croisière naval n'étaient pas concordants. Un effort budgétaire supplémentaire de l'ordre de 200 millions d'euros serait nécessaire pour permettrait l'équipement, dès 2008, des frégates multimissions en missiles Scalp naval.
Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.
M. Serge Vinçon a souhaité savoir si une coopération européenne était envisageable sur le programme du missile de croisière navalisé. Il a souhaité connaître l'état d'avancement des discussions avec l'Espagne au sujet de l'hélicoptère Tigre. Evoquant la compétition entre le Rafale et l'Eurofighter, alors que des pays européens participent au développement du F-35 (JSF), il a souhaité savoir quelle pourrait être la solution européenne pour une meilleure coopération en matière d'armement et a voulu connaître l'appréciation du président exécutif d'EADS sur le bilan de l'OCCAR.
M. Xavier de Villepin a souhaité connaître l'état des relations avec l'Allemagne alors que l'effort de défense de ce pays reste faible. Il a souhaité savoir dans quelle mesure l'absence de position forte d'EADS aux Etats-Unis constituait un handicap industriel. Il s'est interrogé sur les possibilités de faire progresser l'Europe de la défense.
M. Jean-Pierre Masseret s'est interrogé sur l'opportunité de communautariser les politiques européennes de recherche et développement. Il a sollicité l'opinion de M. Philippe Camus sur la création d'une agence européenne de l'armement. Evoquant l'échéance programmée du pacte d'actionnaires d'EADS, il a souhaité connaître les perspectives d'évolution de la société. Il a enfin interrogé le président d'EADS sur le décalage, souvent évoqué, entre la livraison des premières frégates multimissions en 2008 et l'arrivée du missile de croisière en 2011.
M. Didier Boulaud s'est interrogé sur les moyens de progresser dans la pénétration du marché américain. Il a notamment souhaité connaître les chances d'EADS d'emporter des parts du marché dans le cadre du programme américain de défense anti-missile.
Mme Josette Durrieu a souhaité connaître les programmes en coopération qui pourraient émerger à moyen terme en Europe. Elle s'est interrogée sur l'opportunité d'une Agence européenne de l'armement pour dépasser les difficultés actuelles. Elle a souhaité connaître l'état d'avancement des appels d'offres sur l'avion ravitailleur A 330. S'agissant d'Ariane, elle a interrogé M. Philippe Camus sur les principales difficultés rencontrées.
M. Robert Del Picchia a également interrogé le président exécutif d'EADS sur la compétitivité d'Ariane face à la NASA ses concurrents. Il a voulu connaître les conséquences industrielles d'une révision de l'objectif d'acquisition des avions A-400 M par l'Allemagne. Il a souhaité des précisions sur l'opportunité d'emploi de drones armés.
M. André Dulait, président, évoquant les difficultés de pénétration du marché américain, s'est interrogé sur l'état de la coopération avec la société Northrop Grumann.
S'agissant du missile de croisière naval, M. Philippe Camus a indiqué que les Britanniques avaient fait antérieurement le choix du missile américain Tomahawk pour ses sous-marins. L'Italie, qui utilise le missile de croisière Scalp, pourrait être intéressée par sa version navalisée. L'équipement des frégates multimissions en capacitétir à distance serait d'attaque à terre est complémentaire des besoins de lutte anti-sous-marine qui sera la capacité prioritaire des premiers bâtiments pour leur permettre de remplir pleinement leur rôle multimissions. Dans l'hypothèse d'une participation italienne au programme, les calendriers missiles-frégates pourraient s'harmoniser.
Evoquant les programmes d'hélicoptères, il a indiqué que le programme d'hélicoptère de transport NH 90 était bien lancé. L'hélicoptère de combat franco-allemand Tigre a remporté un succès en Australie et se trouve en compétition avec l'Américain Apache sur le marché espagnol. La convergence des spécifications demandées pourrait permettre d'élargir effectivement le programme à l'Espagne.
Evoquant les perspectives européennes, M. Philippe Camus a souligné que, contrairement à une idée répandue, les opinions publiques sont assez favorables à un effort de défense accru et tout particulièrement à la constitution d'une capacité européenne de défense autonome. La solution réside dans le montage de programmes européens pour une dépense moins importante. A cet égard, un seul avion de combat, au niveau européen, permettrait de faire face de façon plus efficace à la menace d'un monopole américain dans ce domaine. Le risque est sérieux car il s'agit d'un domaine-clé en matière de technologie.
Il n'existe pas, pour l'heure, d'institution européenne dans le domaine de l'armement. L'OCCAR est un organisme qui gère des contrats, mais ne définit pas de politique d'achat.
M. Philippe Camus s'est fait l'écho des attentes des industriels, demandeurs d'une meilleure organisation de leurs clients, qui pourrait résulter des travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe. Il a indiqué qu'il avait formulé des propositions pour la mise en place d'une agence de défense européenne intégrée, dédiée au et de financement en amont des recherches, à l'instar de celle qui existe aux Etats-Unis -la DARPA- et dont l'action est comparable à celle initiée par l'Agence spatiale européenne., afin Sa mission : de favoriser l'émergence de programmes de recherche en coopération dans les domaines de la défense et de la sécurité.
M. Philippe Camus a indiqué que l'Allemagne dépensait, par rapport à ses partenaires, une part moindre de sa richesse nationale pour la défense. Il a indiqué qu'à court terme deux programmes étaient au coeur des difficultés financières allemandes : le Meteor, tout d'abord, missile air-air de combat qui devrait équiper tant le Rafale que l'Eurofighter, conférant ainsi une véritable supériorité technologique aux Européens et l'A-400 M ensuite. Le contrat a été signé en décembre 2001 pour un nombre total de 193 appareils. Il est nécessaire qu'une décision intervienne rapidement au risque de voir d'autres partenaires se retirer du programme pour ne pas remettre en cause l'équilibre du programme..
S'agissant de la pénétration du marché américain, M. Philippe Camus a estimé qu'une coopération équilibrée ne pouvait être envisagée que sur la base de positions industrielles solides en Europe. Trois options sont ouvertes pour pénétrer ce marché : l'achat de sociétés américaines, qui se heurte à des barrières technologiques administratives difficilement surmontables ;, l'accord avec une société américaine sur des activités communes, qu'EADS pratique avec Northrop Grumann pour les drones de reconnaissance à haute altitude, et avec Boeing sur le système anti-missiles américain. La troisième solution est la compétitivité des produits : c'est ainsi qu'EADS avait vient de remporteré le marché de la modernisation des garde-côtes américains qui porte sur des avions de patrouille maritime, des hélicoptères Dauphin et des radars.
Au sujet de l'avion ravitailleur A330, M. Philippe Camus a précisé que le Royaume-Uni avait développé les initiatives publiques/privées pour le financement de certains équipements : l'industriel ou une société ad hoc, tout en restant propriétaire des équipements, est prestataire de service auprès des autorités militaires, formule utilisable pour les avions ravitailleurs et les satellites de communication. La France se situe encore en retrait par rapport à ces modes de financement qui pourraient, notamment, être utilisés dans le domaine satellitaire.
Le programme A-400 M prévoit, en cas d'exportation, le paiement de redevances aux pays initiateurs.
M. Philippe Camus a précisé qu'Arianespace avait bénéficié du pari américain sur la navette spatiale. Cependant, les lanceurs Atlas et Delta, qui ont fait l'objet de programmes de modernisation, offrent désormais de bonnes performances économiques. Un programme de modernisation d'Ariane a été décidé par les Européens en novembre 2001 pour restaurer sa compétitivité. Un problème de surcapacité demeure néanmoins sur les lanceurs dans un marché qui, n'étant pas en expansion, pose des problèmes de viabilité commerciale. L'Europe doit, à cet égard, faire un choix financier pour conserver une capacité autonome d'accès à l'espace.
Sur les drones, M. Philippe Camus a indiqué que les actions reconnaissance, surveillance et frappe, supposaient une surveillance depuis le sol dans une chaîne de commandement raccourcie mais qui préserve la marge d'action de l'autorité opérationnelle.
Evoquant le pacte d'actionnaires d'EADS, M. Philippe Camus a précisé que l'accord n'arrivait pas à échéance en juin 2003, mais que tombait à cette date l'interdiction, pour les parties prenantes, de vendre leurs actions. Il a indiqué que des droits de préemption et d'autres mécanismes permettaient en tout état de cause de garantir un équilibre. Il a ajouté que la société EADS n'était pas parvenue au maximum de sa valorisation et que la structure actuelle de son capital et l'organisation qui en résultait étaient nécessaires à l'accès aux différents marchés européens. Il a souligné que le mois de juillet 2003 ne verrait probablement pas une mise sur le marché massive d'actions EADS Rappelant les déclarations faites par les actionnaires de référence, notamment Lagardère et Daimler-Chrysler, il a indiqué qu'il ne s'attendait pas à une modification de l'actionnariat à l'échéance de juin 2003, ni d'ailleurs à court/moyen terme.
S'agissant de la part détenue par l'Etat, l'actionnariat n'est pas l'unique moyen pour ce dernier de contrôle des sociétés du secteur de l'armement. Prenant l'exemple des Etats-Unis, il a indiqué que la législation l'administrationaméricaine pouvait ainsi permet à l'administration de s'opposer à toute prise de participation non américaine, même minoritaire, dans une entreprise du secteur de la haute technologie. Une clause similaire pourrait être utilement transposée au niveau européen.
Jeudi 14 novembre 2002
- Présidence de M. André Dulait, président -
Loi de programmation militaire 2003-2008 - Audition de M. Luc Vigneron, président directeur général de GIAT-Industries
La commission a procédé à l'audition de M. Luc Vigneron, président directeur général de GIAT-Industries.
M. Luc Vigneron a tout d'abord souligné le caractère structurant, pour GIAT-Industries, des lois de programmation militaire, en raison du poids des commandes de l'armée de terre dans son chiffre d'affaires. En effet, la part de ce dernier, réalisée à l'exportation, a diminué, revenant d'environ 20 %, entre 1990 et 1995, à 12 % en 2001. En revanche, les commandes de l'armée française ont représenté un chiffre d'affaires annuel moyen de 600 millions d'euros entre 1998 et 2002, dont 350 millions d'euros pour le seul programme du char Leclerc.
Le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008 confirme plusieurs orientations : l'achèvement du programme Leclerc (livraison de 117 chars et de 15 dépanneurs), le lancement du programme VBCI (véhicule blindé de combat d'infanterie), 272 livraisons étant prévues d'ici 2008 sur une cible totale de 700 véhicules dont 550 de combat et 150 de commandement, la rénovation des AMX 10 RC (180 livraisons) et des automoteurs d'artillerie AUF-1 et AUF-2 (174 livraisons), enfin la livraison de 3.300 obus à effet dirigé (ACED). Le projet de loi de programmation prévoit également des crédits en hausse pour le maintien en condition opérationnelle des matériels. Au total, le projet de programmation devrait conduire à la stabilisation du chiffre d'affaires de GIAT-Industries au niveau de la précédente loi, mais hors programme Leclerc.
M. Luc Vigneron a ensuite présenté l'évolution globale du marché de l'armement terrestre, qui s'était effondré depuis 1989. Seuls aujourd'hui le Royaume-Uni et les Etats-Unis accroissent leurs dépenses dans ce domaine. L'armée américaine a ainsi entrepris une refonte et une modernisation complète de son organisation et de ses armements pour les adapter à des interventions sur des théâtres extérieurs. L'Allemagne a débuté la réorganisation de son armée de terre, ce qui ne devrait pas la conduire à augmenter ses dépenses d'équipement terrestre dans les prochaines années. En Europe, le programme de modernisation des blindés de l'armée de terre belge présente une opportunité à l'export pour GIAT-Industries à travers le VBCI. Hors d'Europe, les pays pouvant faire appel à GIAT-Industries sont ceux qui ne disposent pas d'industrie nationale dans l'armement terrestre. L'Arabie saoudite reste une opportunité potentielle importante, la date de la conclusion des négociations restant cependant incertaine.
En raison de l'évolution du marché, le paysage industriel s'est considérablement modifié depuis le début des années 1990. En effet, si l'on dénombrait à l'époque une cinquantaine de sociétés d'armement terrestre dans les pays occidentaux, il n'en reste guère que 20 aujourd'hui, en raison des nombreux regroupements intervenus. GIAT-Industries, qui était numéro 2 mondial en 1997, est à présent numéro 5, avec 800 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le numéro 1 mondial est le groupe américain General Dynamics, dont l'activité dans l'armement terrestre représente 2,6 milliards d'euros ; vient ensuite le groupe allemand Rheinmetall, avec 1,6 milliard d'euros, ensuite le groupe américain United Defense (1,5 milliard d'euros), puis le groupe américain Alliant (860 millions d'euros), le groupe allemand Krauss Mafei (600 millions d'euros) et le groupe britannique Alvis-Vickers (500 millions d'euros) occupant les sixième et septième rangs. En France, GIAT-Industries devance largement les autres industriels intervenant dans le secteur, TDA, filiale du groupe Thalès, réalisant environ 80 millions d'euros, Panhard, filiale du groupe Peugeot, 60 millions d'euros, et Renault Trucks, filiale du groupe Volvo, réalisant 50 millions d'euros dans ses activités militaires.
M. Luc Vigneron a en outre indiqué que les groupes américains cherchaient à acquérir des entreprises en Europe et à renforcer leur position de généralistes de l'armement terrestre. GIAT-Industries reste pour l'instant à l'écart de ces regroupements mais préserve une offre commerciale globale. Il a par ailleurs insisté sur le fait que les principaux concurrents de GIAT-Industries étaient bénéficiaires et réalisaient des résultats comparables à ceux des sociétés spécialisées dans l'aéronautique de défense.
Abordant ensuite l'évolution de GIAT-Industries, M. Luc Vigneron a rappelé que le troisième plan social prenait fin en 2002. Au total, entre 1990 et 2002, les effectifs seront passés de 15.000 environ à 6.500. La baisse des effectifs s'est accompagnée d'une restructuration industrielle organisée par le « projet de refondation » décidé en 1998. Il a conduit à la fermeture ou à l'externalisation de 4 sites industriels sur les 14 que comptait GIAT en 1998, et à une évolution forte des méthodes de travail, permettant notamment à GIAT d'être le second groupe de défense en France à obtenir la norme de qualité ISO 9001-2000 et de réduire en 4 ans le cycle de fabrication du char Leclerc de 17 à 9 mois. Ces efforts n'ont pourtant pas permis à GIAT-Industries de retrouver une situation bénéficiaire, le contrat envisagé avec l'Arabie saoudite étant toujours en attente. M. Luc Vigneron a enfin indiqué que l'achèvement du programme Leclerc plaçait l'entreprise dans une situation difficile, et qu'une réflexion était en cours pour y faire face.
Puis un débat s'est instauré au sein de la commission.
M. Serge Vinçon s'est enquis de l'évolution du programme VBCI, de l'état du partenariat dans ce domaine avec RVI (Renault Véhicules Industriels), des perspectives de ce programme à l'exportation ainsi que celles du secteur munitions de la société, et enfin de l'appréciation de M. Luc Vigneron sur la mise en place d'une structure de maintenance interarmée.
M. Didier Boulaud s'est interrogé sur une future restructuration de l'armement terrestre à l'échelle européenne, et a souhaité recueillir le sentiment de M. Luc Vigneron sur ce point. Il s'est enquis de la charge de travail que pourrait espérer GIAT-Industries de la fabrication du VBCI. A cet égard, il a demandé des précisions sur l'évolution des spécifications du VBCI souhaité par les armées. Enfin, il s'est interrogé sur l'avenir de la société Satory Military Vehicle, spécialement créée pour commercialiser ce produit à l'exportation.
M. Xavier de Villepin a reconnu que GIAT-Industries traversait une situation difficile et rendu hommage à l'action conduite dans ces conditions par l'actuelle équipe dirigeante, estimant nécessaire que la France continue de disposer d'un pôle industriel d'armements terrestres. Il a interrogé M. Luc Vigneron sur la nécessité d'une éventuelle nouvelle recapitalisation, ainsi que sur l'existence d'une perspective européenne en matière d'industrie d'armements terrestres en contrepoint des ambitions américaines dans ce domaine.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a rappelé que le centre de Toulouse avait, en 1992, abandonné la construction de munitions au profit de celle des circuits électroniques, ce qui s'était accompagné d'une forte réduction du personnel. Elle a souligné qu'aujourd'hui 60 % de l'électronique du char Leclerc provenait de ce centre, et s'est demandé si le maintien en condition opérationnelle (MCO) du parc de ces chars Leclerc, estimé à environ 800 unités, pourrait constituer une perspective d'avenir pour l'emploi local. Elle a exprimé la crainte que, dans le cas contraire, les éléments les plus compétents de ce centre n'envisagent de le quitter.
M. Robert Del Picchia a souhaité connaître le montant optimal de la future recapitalisation que l'Etat devrait effectuer, une nouvelle fois, au profit de GIAT-Industries. Il a souligné qu'une future coopération européenne en matière d'armement terrestre devrait s'effectuer dès le stade de la recherche, pour être en mesure d'appuyer réellement les futures coopérations.
En réponse, M. Luc Vigneron a apporté les précisions suivantes :
- le contrat notifié par la Délégation générale de l'armement pour la production de 700 VBCI est le premier qui délègue entièrement à GIAT la maîtrise d'oeuvre industrielle de ce produit. Lors de la présentation, début 2002, des premières maquettes ergonomiques à l'état-major de l'armée de terre, celui-ci a souhaité que les dimensions du véhicule soient revues pour tenir compte notamment du programme Félin qui dote chaque combattant d'équipements volumineux. L'armée de terre a également souhaité que la tourelle du char soit entièrement repensée. Des rectifications sont en cours de réalisation pour satisfaire aux demandes ainsi exprimées, mais elles impliqueront une croissance unitaire des coûts du matériel, ainsi qu'un décalage dans la livraison des premiers matériels qui sera différée de 2006 à 2007 ;
- le partenariat avec Renault Trucks, société à laquelle sont confiés 30 % de la réalisation du VBCI relevant de la composante « mobilité » se déroule sans difficulté ;
- les possibilités d'exportation en Europe du VBCI sont orientées actuellement vers la Belgique, dans une version dotée d'un armement plus conséquent. Ce véhicule a été conçu en fonction des besoins spécifiques de l'armée de terre française portant sur la protection de ses personnels, ainsi que la numérisation du matériel.
En réponse à MM. André Dulait, président, et Didier Boulaud, M. Luc Vigneron a précisé que l'évolution de la taille du véhicule n'affecterait pas sa compatibilité avec la capacité d'emport de l'A400M :
- on estime à environ un millier d'heures par véhicule l'activité industrielle directe qui découlera de la construction du VBCI, ce chiffre modique étant environ dix fois inférieur au nombre d'heures requises pour la construction du char Leclerc ;
- le canon d'artillerie Caesar a été conçu par GIAT-Industries. Ce canon est placé sur un camion, ce qui lui permettra de se substituer, à terme, aux engins blindés tractés, et lui conférera une très grande mobilité, lui permettant de faire face aux radars de contrebatterie. Ce matériel innovant et relativement peu coûteux bénéficie d'une bonne aérotransportabilité par des avions d'envergure restreinte comme le C-130. Il bénéficie, d'ores et déjà, de commandes fermes de l'armée française et des discussions sont en cours avec la Malaisie et l'Australie. Une démonstration effectuée aux Etats-Unis a par ailleurs donné des résultats très positifs ;
- la mise en place d'une structure interarmée de maintenance des matériels terrestres (SIMMT) s'inscrit dans une réflexion de l'état-major tendant à recentrer ses activités sur la maintenance opérationnelle. Le débat est en cours sur le périmètre optimal de la future SIMMT. A l'heure actuelle, GIAT-Industries est chargée, dans le domaine de la maintenance, de la fourniture des rechanges et des ravitaillements, et serait prête à élargir son intervention à la maîtrise d'oeuvre industrielle des opérations de rénovation et de modernisation ;
- la situation du site de Toulouse est difficile, car son activité dépend à 90 % de la construction du char Leclerc. La charge de maintenance des équipements électroniques de ce matériel est un créneau possible d'activité à terme, mais le risque existe, là comme ailleurs, d'un départ des savoir-faire, ce qui justifie la démarche entreprise, d'ailleurs, dans l'ensemble de la société, pour y maintenir les jeunes cadres ;
- le marché des munitions s'est effondré durant la décennie qui vient de s'écouler, et les normes de standardisation OTAN progressent, notamment pour celles de petit et de moyen calibre. Cette standardisation est souhaitable pour renforcer l'interopérabilité de ces matériels, mais elle amène à se heurter à la concurrence de fournisseurs américains. Le même mouvement ne tardera pas à toucher les munitions de gros calibre, que seules des commandes publiques pluriannuelles pourront protéger ;
- d'ores et déjà, la Grande-Bretagne et l'Allemagne encouragent le regroupement de leurs industries nationales d'armement terrestre, mais le souhait d'un regroupement européen ne s'exprime pour l'instant qu'au niveau des industriels. Les opérateurs américains, convaincus de l'importance de l'armement terrestre, procèdent à des acquisitions en Europe. Il importe que la France donne à son industrie d'armement terrestre les moyens de renforcer son attractivité à l'égard des autres industriels européens, qui sont pour la plupart des sociétés privées ;
- la dernière recapitalisation a été notifiée par l'Etat en 2001, à hauteur de 591 millions d'euros, dont la moitié a été libérée à la fin de l'année 2001, l'autre devant l'être au début de l'année 2003. Cet apport financier a permis d'apurer le passé, mais un nouveau besoin se fera sentir dès la fin de l'année en cours ; il incombera aux pouvoirs publics d'apprécier les besoins futurs de l'entreprise le moment venu.
M. Serge Vinçon a alors souligné la situation moralement difficile des personnels de GIAT, confrontés à la perspective de plans sociaux. Il a souhaité que le pays donne à GIAT les moyens d'apurer le passé afin de repartir sur des bases saines.
M. Xavier de Villepin a alors estimé essentiel que le personnel soit informé en toute transparence des contraintes actuelles. Il a souligné combien la France avait un besoin impérieux d'une industrie spécifique d'armement terrestre, en rappelant que 75 % des matériels de l'armée de terre provenaient actuellement de GIAT.
M. André Dulait, président, a salué l'action considérable déjà accomplie par M. Luc Vigneron pour le redressement de GIAT-Industries, et a également fait valoir que la France ne saurait se passer d'un constructeur national performant d'armements terrestres.
M. Luc Vigneron a fait observer que l'Armée de terre aurait à l'avenir la charge d'améliorer et d'entretenir son parc actuel d'équipements, ne devant plus à brève échéance espérer beaucoup de matériels totalement neufs. Dans ce contexte, le maintien d'un pôle industriel national d'armement terrestre est en effet essentiel.