Table des matières
Mardi 23 juillet 2002
- Présidence conjointe de M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées -
Sécurité publique - Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure - Audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales
La commission, conjointement avec la commission des lois et la commission des finances, a procédé à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur le projet de loi n° 365 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Le compte rendu de cette audition figure à la rubrique « commission des lois ».
Mercredi 24 juillet 2002
- Présidence de M. André Dulait, président -
Sécurité publique - loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure - Examen du rapport pour avis
La commission a examiné le rapport pour avis de M. Philippe François sur le projet de loi n° 365 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
M. Philippe François, rapporteur pour avis, après avoir rappelé que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait décidé de se saisir pour avis de ce projet de loi, parce qu'il touche aux conditions d'emploi et d'organisation de la gendarmerie nationale qui reste rattachée organiquement au ministère de la défense, a présenté la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure et les mesures visant à accroître la coordination des forces de police et de gendarmerie.
La nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure vise à améliorer la cohérence et l'efficacité en privilégiant une action interministérielle à tous les échelons de l'Etat. Le Conseil de sécurité intérieure, qui réunit l'ensemble des ministres intéressés, sera désormais présidé par le Président de la République et les orientations qu'il décidera seront mises en oeuvre par le ministre de la sécurité intérieure. Celui-ci se voit confier l'emploi des forces de police et de gendarmerie pour leurs missions de sécurité intérieure. Son budget reste cependant intégré à celui du ministère de la défense. Les gendarmes conservent leur statut militaire et le ministre de la défense reste responsable de leur utilisation pour les missions militaires. M. Philippe François, rapporteur pour avis, a précisé que le projet de loi venait plutôt simplifier que bouleverser les dispositions en vigueur, qui permettent déjà au ministre de l'intérieur d'employer la gendarmerie. Il a rappelé son souhait de voir préservé le statut militaire de la gendarmerie, notamment à travers un recrutement et une formation commune avec les armées, en raison des avantages opérationnels qu'il procure pour faire face aux crises.
Au niveau des départements seront instituées des Conférences départementales de sécurité co-présidées par les préfets et les procureurs généraux, afin de définir les axes locaux de la politique de sécurité. Dans les communes, les maires seront associés et informés des politiques menées grâce à la mise en place de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance qu'ils présideront. Une réorganisation des forces de police et de gendarmerie sera aussi mise en oeuvre sous l'impulsion des préfets, en concertation avec les élus, pour améliorer la cohérence opérationnelle du découpage géographique des zones de compétences respectives. Plus généralement, l'interopérabilité et la complémentarité des forces de sécurité seront recherchées, que ce soit dans le domaine des transmissions, en mettant en place progressivement des passerelles entre les systèmes de la police (Acropol) et de la gendarmerie (Rubis), ou en matière de police scientifique où chaque force dispose de son propre laboratoire.
Les policiers et les gendarmes, a poursuivi M. Philippe François, rapporteur pour avis, auront en outre de plus en plus fréquemment l'occasion de travailler ensemble, soit à l'intérieur des offices centraux, soit dans le cadre des groupes d'intervention régionaux. Ceux-ci sont commandés à parité entre la police et la gendarmerie et ont pour mission, en associant l'ensemble des services de l'Etat concernés, de reconquérir des zones du territoire qui sont progressivement devenues des zones de non-droit et où se sont développés les trafics et l'économie souterraine.
Le rapporteur pour avis a ensuite détaillé les mesures prévues dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure en matière d'effectifs et de moyens financiers. Globalement, 13.500 emplois seront créés et 5,6 milliards d'euros débloqués. La gendarmerie bénéficiera de 7.000 nouveaux emplois et de 2,85 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2002 sur cinq ans.
Les 7.000 créations d'emplois permettront de dégager 4.800 postes pour les missions de sécurité de proximité, 400 pour la lutte contre la délinquance, 700 pour la sécurité routière, 300 pour la lutte contre le terrorisme et 800 pour le soutien des unités. L'article 4 du projet de loi permettra, de plus, de prolonger d'un an l'activité des militaires partant à la retraite à 55 ans, afin de limiter l'impact des départs prévus en retenant 20 à 30 % de ces personnels dans les unités. Des effectifs supplémentaires devraient en outre être progressivement libérés par la réduction des gardes statiques, des transfèrements judiciaires et par la simplification d'un certain nombre de procédures administratives.
L'augmentation des effectifs s'accompagnera d'une réorganisation des brigades territoriales et de l'emploi de la gendarmerie mobile, a précisé M. Philippe François, rapporteur pour avis. Les brigades territoriales de petite taille passeront sous un commandement unique, dans le cadre de communautés de brigades. Ce dispositif permettra de préserver le maillage territorial de la gendarmerie, tout en améliorant les services apportés à la population. La mutualisation des moyens de deux à trois brigades devraient en effet permettre l'augmentation du nombre des patrouilles de jour comme de nuit, tout en ménageant le nécessaire temps de repos des personnels. Les escadrons de gendarmerie mobile, qui représentent plus de 17.000 hommes, seront employés de manière croissante à des missions de sécurité publique, dans le cadre de la zone de défense de résidence, et dans des zones de compétence de la gendarmerie. La réduction de l'importance de leurs déplacements permettra de préserver leur capacité d'entraînement au maintien de l'ordre et libèrera le temps nécessaire aux nouvelles missions.
Le projet de loi prévoit également un effort sans précédent en matière de moyens matériels, a souligné M. Philippe François, rapporteur pour avis. Près de 200 millions d'euros seront consacrés à l'équipement des personnels, notamment le remplacement des armes de poing et l'achat de gilets pare-balles. Un effort équivalent sera accompli pour moderniser le parc des véhicules de la gendarmerie. Les crédits supplémentaires permettront le remplacement des véhicules blindés à roues de la gendarmerie, grâce à l'acquisition de 118 unités en plus des 4 déjà prévues. L'informatique et la bureautique des brigades seront sensiblement améliorées, grâce à 150 millions d'euros de crédits supplémentaires. L'effort financier le plus important sera cependant effectué au profit du logement, avec 475 millions d'euros sur 5 ans. Cet effort permettra un quasi-doublement des constructions et rénovations. Il permettra en outre d'apporter une solution définitive au problème des loyers impayés. Par son article 3, le projet de loi permettra d'assouplir les conditions juridiques de gestion et de construction des programmes immobiliers, en intégrant, dès le stade de la conception, les coûts d'entretien. Il permettra aussi aux collectivités locales de bénéficier du fonds de compensation sur la TVA, si elles mettent gratuitement à la disposition de l'Etat les bâtiments construits au profit de la gendarmerie. Ces nouvelles formules juridiques s'ajouteront à celles qui existent d'ores et déjà.
Soulignant le souci de cohérence et d'efficacité qui inspire le texte et la volonté de mettre en oeuvre les moyens humains et financiers nécessaires pour lutter contre l'insécurité, M. Philippe François, rapporteur pour avis, a alors appelé la commission à émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.
A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est engagé entre les commissaires.
M. Robert Del Picchia, après avoir approuvé la philosophie générale du projet de loi, a regretté que l'article 4 ne permette qu'une prolongation d'un an d'activité pour certains militaires de la gendarmerie. Il s'est en outre interrogé sur la possibilité d'utiliser des personnels de réserve pour accomplir des tâches administratives et sur l'emploi des crédits destinés à l'équipement informatique.
M. Philippe François, rapporteur pour avis, a rappelé que l'article 4 du projet de loi permettrait de lisser l'effet des départs à la retraite en retenant, selon les prévisions de la direction générale de la gendarmerie nationale, 20 à 30 % des personnels concernés. Les crédits débloqués en faveur de l'informatique permettront la mise en place de réseaux intranet et internet dans toutes les brigades.
M. Serge Vinçon a approuvé la nouvelle doctrine d'emploi de la gendarmerie mobile permettant son utilisation pour des missions de sécurité publique.
Par ailleurs, M. Philippe François, rapporteur pour avis, en réponse à M. Serge Vinçon, a précisé que les crédits supplémentaires pour la gendarmerie, prévus dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, seraient intégrés dans la future loi de programmation militaire.
M. Xavier de Villepin a souhaité obtenir des précisions sur les conséquences pratiques du double rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur et à celui de la défense. Il s'est inquiété des conséquences que pourrait avoir le travail dans des unités communes des policiers et des gendarmes, tant sur les modalités de représentation des personnels que sur les traitements des membres de chacun des deux corps.
M. Philippe François, rapporteur pour avis, a précisé que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales avait autorité sur l'emploi de la gendarmerie dans le cadre de ses missions de sécurité intérieure. Pour les missions militaires, l'Arme reste placée sous l'autorité du ministre de la défense. Le budget de la gendarmerie reste également intégré à celui du ministère de la défense. Sur le terrain, la loi a notamment pour objectif de préciser les limites de compétence territoriale de la police et de la gendarmerie et de favoriser leur coordination.
M. Michel Caldaguès a alors rappelé que le rattachement pour emploi n'était pas une notion nouvelle puisque le ministre de l'intérieur s'était vu reconnaître la compétence de l'emploi de la gendarmerie depuis le décret du 20 mai 1903.
M. Christian de La Malène s'est inquiété de l'évolution des relations entre la gendarmerie et la police et a notamment appelé de ses voeux une meilleure définition des missions de la gendarmerie afin que son statut militaire et la disponibilité qui s'y attache ne soient pas le prétexte à une surcharge de travail permanente.
M. Philippe François, rapporteur pour avis, a alors rappelé que le rapprochement entre la police et la gendarmerie se faisait sur une base paritaire et que, dans le cadre des GIR, la collaboration entre les deux forces paraissait fructueuse.
M. Jean-Yves Autexier a estimé que la coopération renforcée instaurée entre la police et la gendarmerie était une bonne idée et qu'elle aurait pu être obtenue dans le cadre des textes antérieurs. Il s'est dit perplexe quant à la possibilité d'obtenir de réelles avancées dans la réorganisation territoriale des forces en se fondant uniquement sur l'initiative locale, cette réorganisation devant cependant avoir un impact moindre que l'utilisation des unités mobiles pour des missions de sécurité publique.
Il a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) voterait contre le projet de loi mais qu'à titre personnel il s'abstiendrait, jugeant que l'insécurité touchait en priorité les plus faibles et que le projet de loi prévoyait de débloquer d'importants moyens nouveaux.
Répondant à une question de M. Louis Moinard sur la compatibilité des compétences judiciaires des forces de police et des magistrats, M. Philippe François, rapporteur pour avis, a précisé que cette question était en cours de règlement et que des habilitations provisoires avaient été délivrées par des procureurs généraux.
M. Jean-Guy Branger s'est félicité de ce que le gouvernement ait décidé de mieux définir les zones de compétence de la police et de la gendarmerie et qu'il s'emploie à l'avenir à améliorer leur coopération.
M. Jean-Marie Poirier a considéré comme particulièrement positif l'esprit dans lequel avait été élaboré le projet de loi, notamment le caractère pragmatique des réformes entreprises et la possibilité de procéder à des expérimentations sur le terrain. Il s'est en revanche interrogé sur les conséquences de cette réforme, sur les capacités de la gendarmerie à remplir ses missions militaires et sur l'évolution du taux d'encadrement au sein de l'Arme.
M. Philippe François, rapporteur pour avis, a alors indiqué que les missions militaires de la gendarmerie représentaient quelque 5 % de son activité globale et que, dans le cadre des 7 000 nouveaux postes créés sur cinq ans, plus de 200 seraient des postes d'officiers. Il a en outre rappelé que lors de son audition, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, s'était engagé à améliorer le taux d'encadrement supérieur.
M. Michel Caldaguès a estimé qu'il n'y avait pas de raisons a priori pour que la collaboration entre la police et la gendarmerie se passe mal. Il avait pu constater à Paris son bon fonctionnement entre les escadrons de gendarmerie mobile et la police nationale sous le commandement du préfet de police.
M. Jean-Pierre Masseret a relevé que, dans son application, la future loi serait vraisemblablement confrontée à l'attitude des magistrats, qu'il s'agisse de la question des compétences territoriales ou des transfèrements, ainsi qu'à l'attitude des représentants des personnels de police. A terme la question du statut militaire de la gendarmerie ne manquerait pas de se poser. Il a en outre estimé que les groupes d'intervention régionaux devraient démontrer leur efficacité durable sur le terrain. Enfin, après avoir précisé que le groupe socialiste n'avait pas encore défini sa position sur le projet de loi, il a indiqué qu'à titre personnel, il s'abstiendrait.
M. André Dulait, président, a souhaité savoir si le projet de loi prévoyait d'accroître le nombre des personnels civils de la gendarmerie pour remplir des tâches administratives et libérer ainsi des effectifs militaires.
M. Philippe François, rapporteur pour avis, a expliqué que le projet de loi ne prévoyait pas d'augmentation du nombre des personnels civils. En revanche, il permettra un accroissement des effectifs du corps militaire de soutien de la gendarmerie.
La commission a alors, suivant la proposition de son rapporteur, émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi.
Jeudi 25 juillet 2002
- Présidence de M. André Dulait, président -
Audition de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères
La commission a procédé à l'audition de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.
Le ministre des affaires étrangères a évoqué son récent déplacement en Angola, au Mozambique, au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire qui constituait sa troisième visite en Afrique depuis son entrée en fonction.
Soulignant que la France entendait appréhender le continent africain dans son ensemble, même si elle souhaite conforter sa relation particulière avec la « famille » francophone, il a indiqué que sa politique en Afrique suivait trois grandes lignes directrices.
La France entend tout d'abord contribuer étroitement à la résolution des conflits en appuyant les initiatives venant des pays africains eux-mêmes. A cet égard, le ministre a souligné l'intérêt des progrès accomplis tout récemment dans le conflit des grands lacs sous l'égide de la médiation sud-africaine, et au Soudan sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) à Machakos. Parmi les sources de conflit potentielles, une attention particulière doit être portée au problème des personnes déplacées et des réfugiés et à celui du partage des ressources naturelles. Concrètement, la France améliorera également sa contribution aux processus de sortie de crise en assurant une continuité entre aide d'urgence, aide à la reconstruction et aide au développement, comme elle le fait par exemple en Angola, en doublant son aide alimentaire (passée à 7 millions d'euros), en participant à la réinstallation des personnes déplacées et en appuyant les opérations de déminage.
Le deuxième axe de la politique française vise à soutenir les processus de consolidation démocratique. La France s'est ainsi déclarée disposée à appuyer, dès maintenant, la préparation des élections envisagées pour 2004 en Angola. Elle soutient, en Côte d'Ivoire, la mise en oeuvre des recommandations du Forum de réconciliation nationale et s'est félicitée du progrès accompli avec la reconnaissance de la nationalité ivoirienne à M. Ouattara et le bon déroulement des élections départementales du début du mois. S'agissant du Mozambique, la décision du Président Chissaro de ne pas se représenter aux élections présidentielles de 2004 mérite également d'être soulignée.
Enfin, la troisième priorité de la politique française en Afrique concerne la relance de l'aide publique au développement. Le Président de la République s'est personnellement impliqué en ce sens, notamment dans la mise en place de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés et par le soutien qu'il apporte au nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD).
M. Dominique de Villepin a ensuite plus particulièrement évoqué sa visite en Angola. Il a souligné la profonde évolution politique qui s'amorçait dans ce pays, après 27 années de guerre civile, avec notamment les signes d'ouverture que le Président Dos Santos avait adressés à l'Unita. Précisant qu'il avait visité dans le centre du pays des camps accueillant des militaires cantonnés et des civils déplacés, il a indiqué avoir constaté à cette occasion la capacité des forces armées angolaises et des militaires de l'Unita à travailler désormais ensemble. Il a également insisté sur la grande vitalité diplomatique de l'Angola qui en fait un partenaire incontournable en Afrique, en particulier sur les questions concernant la région des grands lacs et le Congo-Brazzaville. Il a indiqué qu'outre son audience avec le Président Dos Santos, il s'était entretenu en aparté avec le Général Gato (Unita) et le pasteur Nzinga (secrétaire général du comité interecclésial pour la paix). Il a rappelé le potentiel économique considérable de ce pays. Enfin, il a précisé qu'il avait clairement indiqué aux responsables politiques du pays qu'aucune interférence ne pouvait se produire entre nos relations d'Etat à Etat avec l'Angola et des procédures en cours qui relèvent exclusivement de l'autorité judiciaire.
Evoquant sa visite au Mozambique, le ministre des affaires étrangères a souligné combien ce pays constituait un exemple réussi de sortie de crise. Le processus de paix y est pleinement achevé, les forces armées ne comptent plus que 11.000 hommes et les priorités gouvernementales vont à l'éducation, à la santé et au développement.
M. Dominique de Villepin s'est toutefois déclaré inquiet de l'expansion du sida au Mozambique et a souhaité que la France puisse engager un effort très important pour développer les traitements faisant appel à des médicaments génériques. Indiquant que l'épidémie touchait particulièrement les couches les plus éduquées de la population, comme les enseignants ou les médecins, il a estimé qu'une action spécifique devrait être menée en faveur de ces catégories.
Par ailleurs, il a évoqué la grande vitalité de la francophonie au Mozambique où 17.000 étudiants apprennent aujourd'hui le français.
Le ministre des affaires étrangères a également mentionné, à propos de sa visite au Burkina Faso, l'importance des projets soutenus par les collectivités locales et les associations dans le cadre de la coopération non gouvernementale, et leur contribution à un maillage étroit des relations entre les deux peuples.
En conclusion, il a salué l'émergence, en Afrique, d'une réelle prise de conscience collective en vue, notamment, de renforcer une approche commune des pays africains pour la résolution des conflits. Il a rappelé la volonté française de les soutenir fermement dans cette démarche.
A la suite de l'exposé du ministre, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.
Le ministre des affaires étrangères, insistant notamment sur l'intérêt de l'échange des cultures, a marqué son accord avec Mme Paulette Brisepierre qui soulignait toute l'importance pour la France de sa relation avec l'Afrique et qui souhaitait un relèvement de l'aide publique au développement.
Interrogé par M. Robert Del Picchia sur les perspectives d'accord entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, il a indiqué que les conditions pratiques de mise en oeuvre du retrait des troupes restaient encore à définir. Il a partagé les remarques du sénateur sur les convoitises suscitées par le potentiel économique et minier de cette région. Il a souligné le rôle que pouvait jouer l'Angola, qui pourrait désormais envisager de retirer ses troupes stationnant en République démocratique du Congo. Enfin, estimant que les conséquences de telles crises dépassaient largement le cadre régional pour exercer généralement un effet de « dominos », il a réaffirmé la nécessité, à l'avenir, de renforcer la capacité à régler ce type de conflit.
A M. Michel Caldaguès, qui s'interrogeait sur le poids croissant de l'aide multilatérale au développement et sur l'efficacité de cette dernière, alors que la part des crédits non engagés par le Fonds européen de développement représenterait l'équivalent de trois années et demie du budget de ce fonds, M. Dominique de Villepin a indiqué que la recherche d'une meilleure répartition entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale constituait un sujet de réflexion pour le gouvernement. Il a déploré la chute de l'aide bilatérale constatée ces dernières années. Il a également évoqué les critères complexes qui ont entraîné des retards considérables dans les décaissements du Fonds européen de développement.
M. Jean Faure a interrogé le ministre sur la nécessité de contrôler plus rigoureusement l'utilisation des fonds d'aide au développement. Il a également évoqué la politique française à Madagascar et s'est demandé si un lien pouvait être établi entre l'attitude des Etats-Unis vis-à-vis de M. Ravalomanana et d'éventuelles intentions américaines visant à utiliser Diego Suarez comme base militaire.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a jugé indispensable de veiller à un contrôle rigoureux de l'utilisation des fonds d'aide au développement, tout en soulignant la nécessité de maintenir vis-à-vis des pays aidés une approche davantage fondée sur l'incitation que sur la sanction.
S'agissant de Madagascar, il a rappelé les exigences particulières qui s'imposaient à la politique française, soucieuse de contribuer à la résolution de la crise sans fragiliser les principes démocratiques élémentaires, ni remettre en cause sa relation avec l'ensemble des pays africains. Citant le cas de Djibouti, il a estimé légitime que la France prenne en compte, dans sa politique africaine, la défense de ses intérêts stratégiques.
M. Emmanuel Hamel a souhaité connaître l'échéance à laquelle la France pourrait être en mesure de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide au développement, selon le chiffre traditionnellement retenu comme objectif.
Le ministre des affaires étrangères a rappelé que l'augmentation de l'aide publique au développement était un engagement pris par la France au sommet du G8 de Kananaskis. Il a souligné qu'au-delà de l'importance des moyens budgétaires mobilisés, il convenait de mener une réflexion permanente sur la préparation des projets et leur évaluation. Il a exprimé sa conviction de la nécessité de revoir la logique unitaire qui présidait trop souvent à la réalisation des projets de coopération pour favoriser l'inventivité, l'emploi des compétences locales et la capacité à reproduire ces projets. Il a également indiqué qu'il fallait encourager l'élan de nombreux jeunes Français pour consacrer à l'Afrique du temps et de l'énergie, pour le plus grand bénéfice de tous.
M. Pierre Mauroy a salué la capacité croissante des Africains à prendre en charge leurs difficultés, remarquable au Mozambique mais à consolider en Angola. Il a souhaité connaître les informations recueillies par le Ministre sur la perception qu'avaient ces deux pays de leur voisin sud-africain. Il s'est enquis de l'évolution future de la coopération française avec la Côte d'Ivoire, compte tenu des difficultés politiques de ce pays. Il a salué le développement spectaculaire de la coopération décentralisée dont les perspectives, à l'aube d'une relance de la décentralisation, sont prometteuses.
M. Dominique de Villepin a indiqué que la diplomatie sud-africaine s'appuyait sur une lecture exigeante des principes démocratiques. Il a souhaité que la curiosité croissante et réciproque qui anime les pays d'Afrique francophone et anglophone permette de multiplier les passerelles, avec l'objectif d'une meilleure compréhension mutuelle. S'agissant de la Côte d'Ivoire, il a indiqué que la France avait incité M. Laurent Gbagbo à choisir l'ouverture et le mouvement pour favoriser la réconciliation nationale et qu'il s'engageait dans cette voie pour maintenir la stabilité et la cohérence du pays. Mosaïque de peuples, la Côte d'Ivoire doit être gérée par un chef d'Etat capable d'opérer une synthèse et de jouer un rôle fédérateur. Le ministre a souligné les atouts de la coopération décentralisée qui allie fraternité de la démarche et responsabilité, sous le regard attentif d'élus locaux soucieux de faire avancer des projets.
Mme Danielle Bidard-Reydet a souhaité connaître les difficultés qui continuent d'affecter les relations entre la Côte d'Ivoire et le Burkina-Faso, ainsi que les raisons de l'antagonisme entre la Libye et l'Afrique du Sud en dépit de leur éloignement géographique. Elle a souhaité obtenir des éclaircissements sur les raisons pour lesquelles le virus du Sida affecte plus particulièrement les populations éduquées du Mozambique, contrairement à l'idée souvent répandue selon laquelle la maladie frappait plus particulièrement les couches sociales les plus défavorisées.
M. Dominique de Villepin a distingué, s'agissant du Sida, les zones rurales des zones urbaines, indiquant que le relatif isolement des populations rurales au Mozambique pouvait constituer une forme de protection naturelle, à la différence des populations urbaines davantage exposées au risque de contamination. Revenant sur la Libye, il a indiqué que ce pays avait opéré une conversion dans ses orientations diplomatiques pour mener une stratégie d'influence plus tournée vers l'Afrique. Il a précisé que les relations entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso restaient marquées par une forme de méfiance, dans un contexte où l'importante communauté burkinabé qui vit en Côte d'Ivoire se sent régulièrement menacée.
A M. Louis Le Pensec, qui l'interrogeait sur le sommet de Johannesburg, M. Dominique de Villepin a fait part du souci des Africains que les contributions internationales soient véritablement à la hauteur des enjeux. Il a exposé les difficultés rencontrées dans la démarche d'élaboration d'une position commune européenne, notamment sur la question nucléaire, alors que les Etats-Unis privilégient les enjeux économiques, ne souhaitant pas de règles environnementales contraignantes. Il a indiqué qu'il convenait de faire progresser la conscience internationale sur les questions du développement durable avec l'appui de partenaires privés et des organisations non gouvernementales. Il a conclu en précisant que le Président de la République se rendrait personnellement à Johannesburg.
M. André Boyer a souhaité des informations sur l'état actuel des relations entre l'Angola et la Namibie, alors que ce dernier pays voit son potentiel touristique affecté par les tensions régionales.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a indiqué que le processus de stabilisation engagé en Angola devrait permettre de renforcer la stabilité régionale, même si les richesses de l'enclave de Cabinda constituent toujours une source de difficulté.
M. Jean-Guy Branger est revenu sur la coopération décentralisée, considérant que l'action des quelque 142 collectivités territoriales agissant dans ce domaine devrait être mieux connue.
M. Dominique de Villepin a rappelé l'excellente appréciation qu'il porte sur ce moyen d'action et le champ d'initiatives très large qu'il ouvre. Il a envisagé d'inscrire ces actions dans une démarche plus globale, en développant les partenariats triangulaires pour des projets qui pourraient bénéficier de l'efficacité dont font preuve les acteurs de la coopération décentralisée.