Table des matières
Mercredi 17 janvier 2001
- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -
Audition de M. Mark Malloch-Brown, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD)
La commission a procédé à l'audition de M. Mark Malloch-Brown, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
M. Mark Malloch-Brown a d'abord observé que l'environnement international actuel, caractérisé par une intégration économique accrue, offrait des perspectives de développement beaucoup plus rapides que par le passé, même si beaucoup de pays n'avaient pas su en tirer parti. Il a estimé que les schémas traditionnels de développement devaient être revus en conséquence. Si l'assistance humanitaire tend parfois à prévaloir sur l'aide à long terme, il a souhaité que puisse cependant être préservé un équilibre satisfaisant entre ces deux orientations. Il a ajouté qu'il était aujourd'hui indispensable de réfléchir sur les objectifs prioritaires en matière de développement et sur les stratégies à adopter dans ce domaine. Il a noté à cet égard que, dans le cadre du sommet du millénaire, la communauté internationale s'était fixé plusieurs objectifs liés à la lutte contre l'extrême pauvreté qu'il a jugés, pour sa part, réalistes.
L'administrateur du PNUD a indiqué que si l'on prenait pour critère un revenu quotidien inférieur à un dollar, la pauvreté absolue concernerait 1,2 milliard de personnes dans le monde, dont 800 millions en Asie. Il s'est cependant montré optimiste pour l'Asie de l'Est, qui avait pu réduire de moitié le nombre de personnes en situation de grande pauvreté entre 1990 et 2000, ainsi que pour le sous-continent indien, même si les évolutions dans cette région devaient sans doute être plus lentes. Il a, en revanche, fait état de sa préoccupation sur la situation de l'Afrique, où se concentraient 400 millions de personnes touchées par la grande pauvreté. Il a observé que, compte tenu des évolutions démographiques, le taux de croissance nécessaire pour permettre une réduction de moitié de la pauvreté d'ici 2015 devrait s'élever à 7 %. M. Mark Malloch-Brown a relevé que les efforts devaient en conséquence s'orienter en priorité vers le continent africain. Il a souligné que les bailleurs de fonds nationaux et multilatéraux apparaissaient désormais convaincus de la nécessité de promouvoir des stratégies de développement que les gouvernements et les populations des pays bénéficiaires puissent s'approprier. Il a cependant regretté qu'une partie des efforts d'assistance soit condamnée à l'échec en raison des conflits et de l'instabilité dont souffrait l'Afrique.
M. Mark Malloch-Brown a alors observé que la moitié des ressources du PNUD était consacrée au développement institutionnel, en relevant que le renforcement des institutions démocratiques et des administrations publiques, de même que l'amélioration des systèmes fiscaux, constituaient des conditions indispensables au développement. Il a indiqué, par ailleurs, que le PNUD avait également pour priorité de favoriser le processus de sortie de crises ou de conflits. La troisième orientation prioritaire du PNUD portait, a indiqué M. Mark Malloch-Brown, sur la lutte contre le sida. Citant l'exemple du Botswana, qui pourrait perdre, d'ici cinq ans, la moitié de ses enseignants, il a rappelé les conséquences dramatiques de la pandémie pour le développement et la nécessité de mettre en place les mesures sanitaires adaptées ainsi que de nouveaux dispositifs tels que l'enseignement à distance.
L'administrateur du PNUD a alors observé qu'il convenait de ne pas sous-estimer la dimension internationale de la lutte contre la pauvreté, en rappelant que le maintien, par les pays riches, de barrières protectionnistes, en particulier dans le domaine agricole, représentait un grave handicap pour la croissance économique des pays en développement. Il a ajouté, par ailleurs, que l'effort indispensable d'allégement de la dette ne devait pas s'accompagner d'un tarissement des flux financiers vers les pays du sud. Il a relevé en outre que les nouvelles technologies présentaient un intérêt considérable pour le développement, mais qu'il convenait d'encourager l'investissement privé, aujourd'hui encore très insuffisant, à s'intéresser aux marchés en développement.
M. Mark Malloch-Brown, après avoir salué l'effort de la France en faveur de l'aide au développement, a regretté que notre pays, à l'instar d'autres bailleurs de fonds, ait réduit son aide au cours des dernières années. Il a insisté, de nouveau, sur la nécessité de favoriser l'accès du marché européen aux produits des pays en développement, en rappelant que la part de ces derniers dans le commerce international représentait actuellement moins de 1 %. L'administrateur du PNUD a ensuite souligné la nécessité de mettre en place des stratégies de développement dans le cadre d'actions de partenariat. Il a observé que si les agences du PNUD constituaient, dans certains pays, l'un des principaux acteurs du développement, elles ne pouvaient pas agir seules et cherchaient, en conséquence, à développer leurs liens avec d'autres bailleurs de fonds. M. Mark Malloch-Brown s'est félicité de l'engagement récent de la France d'augmenter sa contribution au PNUD, ce qui permettrait de nouer une coopération plus étroite entre cette organisation et notre pays, en particulier en Afrique francophone. Il a également cité les perspectives de partenariat avec le Sénat en rappelant tout l'intérêt de la coopération interparlementaire et de la coopération décentralisée afin de favoriser la " bonne gouvernance " dans les pays en développement.
M. André Dulait a demandé à M. Mark Malloch-Brown quelle appréciation il portait sur la notion d'ingérence humanitaire.
M. Jacques Chaumont a rappelé les conséquences souvent négatives des différents plans d'ajustement structurel mis en oeuvre par le Fonds monétaire international, et qui ont parfois abouti au démantèlement des systèmes d'éducation et de santé des pays concernés. Il a par ailleurs appelé de ses voeux une meilleure coordination entre les instances financières internationales et les organisations chargées du développement.
M. Aymeri de Montesquiou a évoqué les effets parfois pervers, liés pour certaines économies dotées d'une faible productivité, notamment dans les secteurs agricole et textile, à l'ouverture des frontières décidée lors des dernières négociations commerciales multilatérales. Il s'est enfin demandé si le modèle démocratique à l'européenne était facilement transposable aux besoins des pays en développement.
M. Robert Del Picchia a souhaité obtenir des précisions sur le budget du PNUD ainsi que sur sa répartition. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur une éventuelle concurrence du PNUD avec les organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que sur la coopération du PNUD avec l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).
M. Jacques Pelletier a regretté la réduction de l'effort français et plus généralement européen, de l'aide publique au développement, ainsi que les conditions de gestion du Fonds européen de développement. Il a par ailleurs souligné l'intérêt de cibler l'aide sur des priorités bien identifiées : le renforcement des institutions des pays en développement, en particulier à travers la coopération décentralisée et la lutte contre le sida, en déplorant les coûts exorbitants des trithérapies, à ce jour uniquement disponibles dans les pays développés. Il s'est enfin exprimé en faveur d'un partenariat accru entre le PNUD et les ONG.
M. André Boyer, déplorant les ravages du sida en Afrique, a également rappelé l'ampleur des conséquences du paludisme qui provoque, chaque année, près d'un million de décès et dont le traitement demeure beaucoup moins onéreux.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur les conséquences de la priorité accordée aux nouvelles technologies de l'information, compte tenu des besoins considérables des pays en développement en matière d'infrastructures de base.
En réponse aux commissaires, l'Administrateur du PNUD a apporté les précisions suivantes.
M. Mark Malloch-Brown a d'abord rappelé que l'ingérence humanitaire s'affirmait, même si certains pays considéraient parfois le " droit d'ingérence " comme une atteinte au principe de souveraineté.
Pour M. Mark Malloch-Brown, la prise en charge de la réorganisation d'Etats par la communauté internationale et l'ONU avait des effets positifs, à condition de ne pas s'installer dans la durée au risque de dissuader les nationaux d'assumer eux-mêmes leur destin.
S'agissant de la portée des mesures d'ajustement structurel, M. Mark Malloch-Brown a relevé que le FMI, conscient désormais des risques d'aggravation des inégalités, prenait en compte la stratégie de réduction de la pauvreté dans les objectifs de stabilité macroéconomique. M. Mark Malloch-Brown a également rappelé la convergence de vue entre la France et le PNUD en faveur de la préservation d'un système social.
S'agissant du libre-échange, M. Mark Malloch-Brown a estimé que le modèle défini par le dernier cycle de l'Uruguay Round ne permettait pas d'assurer une réelle ouverture des marchés des pays développés aux produits des pays en développement. Il a également souligné que l'élaboration croissante de règles, par l'Organisation mondiale du commerce, compliquait la situation des pays en développement confrontés à des procédures de règlement complexes. Il importait donc d'offrir à ces derniers, lors des prochaines négociations commerciales internationales, davantage d'équité.
M. Mark Malloch-Brown a ensuite rappelé que le budget du PNUD s'élevait à 700 millions de dollars en ressources budgétaires de base, auxquels s'ajoutaient 500 millions issus de pays donateurs dans le cadre d'opérations de cofinancement ou de fonds fiduciaires, ainsi que 1 milliard de dollars, en provenance de pays émergents -essentiellement en Amérique latine- bénéficiaires de prêts de la Banque mondiale, et affectés au PNUD pour la mise en oeuvre de projets. L'Administrateur du PNUD a indiqué que près de 90 % des ressources de base étaient affectés aux pays les plus pauvres, dont la moitié au continent africain. La gestion de ce budget privilégiait désormais de nouvelles priorités comme la bonne gouvernance, le développement d'institutions viables et la lutte contre le sida. M. Mark Malloch-Brown a, par ailleurs, souligné l'importante réduction des ressources budgétaires de base du PNUD, qui ont connu ces dernières années une réduction de l'ordre de 60 % , entraînant un abandon de certains programmes, destinés notamment à l'Afrique, ce qui contrastait avec l'accroissement des besoins dans cette région.
M. Mark Malloch-Brown a reconnu aux ONG, par ailleurs, un rôle important en matière d'aide publique au développement et plaidé en faveur du renforcement de leur implantation locale. Il a retracé l'évolution de l'ONUDI, confrontée à la réduction de son budget de fonctionnement et à la redéfinition de ses objectifs, désormais centrés sur l'Europe de l'Est, conformément aux attentes de ses principaux bailleurs.
S'agissant de la gestion du Fonds européen de développement, M. Mark Malloch-Brown a rappelé que la France était l'un des artisans du rapprochement de ses objectifs avec ceux du PNUD, comme le soulignait la mise en oeuvre d'un projet annuel de près de 60 millions de dollars avec l'Union européenne. En ce sens, la présidence suédoise de l'Union européenne devrait permettre l'approfondissement d'un tel partenariat. M. Mark Malloch-Brown a ensuite salué le rôle grandissant des collectivités locales européennes dans le développement et plaidé pour leur nécessaire renforcement.
S'agissant de la lutte contre le paludisme, M. Mark Malloch-Brown a rappelé que le PNUD n'était pas un organisme spécialisé dans les questions de santé, mais entendait oeuvrer contre de tels fléaux. Il a ensuite rappelé que le SIDA avait pour singularité d'affecter en particulier les classes moyennes africaines -enseignants, avocats...- dont le rôle était pourtant essentiel dans la stratégie du développement. Il a évoqué, par ailleurs, les difficultés de dégager les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique sanitaire efficace dans des pays dont les dépenses annuelles de santé par habitant n'excèdent pas 10 dollars et où les soins de base sont inexistants. M. Mark Malloch-Brown a rappelé la stratégie de prévention et de communication sanitaire mise en oeuvre, notamment au Sénégal et en Ouganda, par l'Agence des Nations unies de lutte contre le sida dont le budget annuel s'élève à près de 4 millions de dollars. Il a également noté certaines évolutions positives comme la mise sur le marché de médicaments génériques largement moins onéreux et évoqué les premiers résultats enregistrés par le dépistage et le traitement des malades en dehors de structures hospitalières, expérimentés en Haïti, qui témoignent des nouvelles opportunités dans la lutte contre le sida.
M. Mark Malloch-Brown, reconnaissant la nécessité des infrastructures de base pour assurer un réel développement, a cependant souligné l'apport des nouvelles technologies de l'information dont l'introduction progressive dans les pays en développement permettrait une gestion plus efficace des services essentiels. Il a enfin rappelé que la mise en oeuvre d'un programme informatique destiné à l'ensemble des pays en développement, en partenariat avec le G7, n'entraînait pas de coûts excessifs et serait financée par le secteur privé, dont il convenait d'ailleurs de promouvoir l'intervention dans les mécanismes de sortie du sous-développement.
Jeudi 18 janvier 2001
- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -
Audition de M. Bruno Delaye, directeur général de la coopération internationale et du développement (DGCID)
La commission a entendu M. Bruno Delaye, directeur général de la coopération internationale et du développement (DGCID).
M. Bruno Delaye a tout d'abord rappelé que l'objectif de la mise en place de la DGCID avait été de rassembler, au sein d'une même structure internationale, l'outil de solidarité et l'instrument d'influence dont disposait la France. Il a par ailleurs observé que le choix du Gouvernement n'avait pas été de confier l'organisation et la mise en oeuvre de la politique de coopération à une seule agence autonome, comme cela avait été le cas dans d'autres pays occidentaux, mais de séparer les fonctions entre la DGCID et l'Agence française de développement, opérateur pivot de l'aide publique au développement.
Dressant un bilan de la réforme décidée en 1998, il a estimé, en premier lieu, que le regroupement des administrations de la coopération et des affaires étrangères avait permis une réelle fusion des cultures et des carrières des personnels. Par ailleurs, la définition de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) a permis de promouvoir, au sein de nos ambassades, en particulier dans les pays du Maghreb, du sud-est asiatique et des Caraïbes, une coopération davantage fondée sur une logique de projet. Cependant, M. Bruno Delaye a rappelé que l'efficacité de notre aide aux pays en développement dépendait, dans un contexte de mondialisation, de la mise en place de règles internationales, notamment en matière de trafic d'armes, de commerce et de fiscalité. Sur ce dernier point, il a attiré l'attention sur les risques que pouvait soulever, dans les pays en développement, la multiplication de zones franches au regard de la mise en place indispensable d'un réseau de PME-PMI locales. Il a en outre estimé qu'une bonne organisation institutionnelle reste un facteur essentiel de sortie du sous-développement. Il a enfin rappelé la détresse des populations confrontées à la pandémie du sida contre laquelle la diffusion de la trithérapie sur l'ensemble du continent africain permettrait d'obtenir des résultats efficaces.
Le directeur général a alors observé que les évolutions positives dans ces différents domaines dépendraient, dans une large mesure, de la capacité de la France à influencer les idées et valeurs de la communauté internationale en matière de développement et, en conséquence, de sa faculté à obtenir l'adhésion des opinions publiques aux positions qu'elle défendait. Notre pays, a-t-il ajouté, est particulièrement bien armé pour gagner cette " bataille des idées ", compte tenu de la qualité et de l'étendue de son réseau à l'étranger. Il a rappelé l'importance pour la France de se doter d'une vision d'ensemble de sa politique de coopération et la nécessité de conjuguer une diplomatie de solidarité et d'influence.
M. Bruno Delaye a rappelé que l'aide publique au développement représentait en France une mission de service public, ce qui légitimait une approche bilatérale spécifique avec ses différents partenaires en développement. Près de 2.000 assistants techniques, dont 1.600 dans les pays de la ZSP, a-t-il indiqué, participaient à cette mission. Il a ajouté que l'aide-projet devait se concentrer sur les obstacles au développement. Le directeur général a relevé que la DGCID avait d'abord eu pour objectif de se doter de ses propres outils d'analyse sur le développement. Il a ainsi annoncé la publication prochaine de documents de réflexion sur la lutte contre la pauvreté, ainsi que sur les biens publics internationaux (l'environnement, la santé...). Il a également évoqué la réunion, au cours de cette année, à Paris, d'une conférence sur le sida.
M. Bruno Delaye a rappelé ensuite la nécessité d'inclure dans nos projets de coopération et d'action culturelle une dimension multilatérale, en associant notamment les organismes européens à nos actions. Il a noté, à cet égard, la volonté française de mieux faire reconnaître notre capacité d'expertise au sein des organisations internationales. Le rayonnement intellectuel de la France, a-t-il ajouté, constituait un autre enjeu décisif pour notre pays. Il a souligné alors l'intérêt d'un renforcement de la dimension internationale des ONG françaises. Il a indiqué que la formation des élites devait constituer une autre priorité pour notre action culturelle. Il a rappelé, à cet égard, le rôle positif joué par Edufrance ainsi que l'augmentation récente du nombre de demandes de visas déposées par des étrangers désireux de poursuivre leurs études en France.
M. Bruno Delaye, après avoir évoqué la nécessaire adaptation de notre réseau culturel à l'étranger, a exposé les difficultés aujourd'hui rencontrées par TV5, dont l'organisation devrait faire l'objet très prochainement d'une refonte privilégiant une gestion davantage calquée sur le secteur privé. Il a ajouté que la promotion de la musique française, ainsi que du cinéma, constituait un élément important de notre influence internationale. Il a enfin plaidé en faveur d'une gestion renouvelée des ressources humaines du ministère des affaires étrangères.
A la suite de l'exposé de M. Bruno Delaye, un débat s'est engagé avec les commissaires.
M. Guy Penne a tout d'abord regretté que les parlementaires disposent de peu d'informations sur le fonctionnement et les actions de l'Agence française de développement (AFD). Sur l'action culturelle extérieure, il a souligné les difficultés persistantes de TV5 malgré les efforts entrepris par M. Stock. En outre, il a estimé nécessaire de résoudre le problème des personnels recrutés localement en leur donnant un statut clair. Enfin, concernant l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), il a souligné qu'un important malaise, lié à l'insuffisance des moyens, régnait au sein de nos établissements à l'étranger, se traduisant par des actions sociales négatives pour l'image de la France. Il a appelé de ses voeux l'implication du ministère de l'éducation nationale dans le fonctionnement du réseau d'établissements français à l'étranger.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances des crédits de la coopération et de l'aide au développement, a tout d'abord regretté la suppression de la présence de parlementaires dans l'instance de décision du Fonds de solidarité prioritaire (FSP). A l'AFD, en revanche, M. Michel Charasse a rappelé que le conseil de surveillance comportait la présence de parlementaires, tout en y déplorant l'absence de parité entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Il s'est ensuite demandé si le champ de compétence de la DGCID n'était pas trop large pour que son directeur puisse suivre l'ensemble des missions qui lui étaient confiées. Il a regretté que la réforme de la coopération et la déconcentration des crédits aient entraîné, dans un certain nombre de domaines, une complexification des procédures de gestion. Il a en outre relevé le manque de coordination entre les projets menés par l'AFD et ceux menés par la DGCID, lié à la répartition de leurs compétences respectives et aux règles budgétaires. M. Michel Charasse s'est par ailleurs inquiété qu'une part croissante des moyens financiers de notre coopération soient confiés à des ONG dont la gestion est souvent peu transparente et dont les coûts d'intervention peuvent être supérieurs à ceux d'entreprises privées. Il a souhaité qu'une mission d'audit sur la gestion des ONG soit menée et que celles-ci soient systématiquement mises en concurrence avec des entreprises. Il s'est interrogé sur le bien-fondé d'une subvention à l'ONG Transparency International, dont les objectifs ne lui paraissent pas en cohérence avec ceux de la France en Afrique. Il a ensuite regretté qu'au niveau multilatéral, l'Europe ne mette pas en oeuvre plus rapidement les crédits dont elle dispose et que la France ne fasse pas apparaître plus clairement sa participation financière aux projets qu'elle finance avec d'autres partenaires. Il lui est apparu tout aussi urgent de lutter contre les effets de la pauvreté que contre ses racines, la très grande impatience sociale dans les pays en développement étant l'une des causes de leur instabilité politique.
M. Pierre Biarnès s'est inquiété de l'écart entre les grandes ambitions affichées par la DGCID et la faiblesse des moyens dont elle disposait. Il a notamment souligné que le faible nombre de nos coopérants était un handicap et rompait avec une des originalités de la coopération française par rapport aux pays qui privilégient la seule participation financière à des programmes internationaux. Il a ensuite regretté qu'une part trop faible des moyens de la recherche pharmaceutique soit consacrée à la mise au point d'un vaccin contre le sida qui, selon lui, reste la seule solution à la menace que cette maladie fait peser sur l'Afrique, les thérapies possibles étant souvent trop onéreuses ou trop complexes à administrer.
Mme Danielle Bidard-Reydet a souhaité avoir des précisions sur l'articulation entre la politique nationale de coopération et la coopération décentralisée, notamment pour soutenir les économies locales afin de fixer les populations sur leurs lieux d'habitation. Elle a regretté qu'à l'étranger trop peu de moyens soient consacrés à la diffusion de notre langue, alors même que la demande est en progression dans les pays qui souhaitent tout à la fois s'agréger à un pôle de résistance à la culture anglo-saxonne dominante et développer leurs relations économiques avec la France. Elle a enfin demandé quelles mesures seraient prises, en matière de bourses et de visas, pour encourager les élites étrangères à venir se former en France plutôt qu'aux Etats-Unis et à retourner dans leur pays d'origine.
M. Robert Del Picchia a souhaité savoir si, à la suite de la demande de l'ensemble des sénateurs français représentant les Français établis hors de France, le Premier ministre avait accepté d'accorder la dotation supplémentaire de 87 millions de francs à l'AEFE pour maintenir un effectif suffisant de postes d'enseignants expatriés, garants de la qualité de l'enseignement. Il a, en outre, regretté que l'AEFE n'ait pas jusqu'à présent eu recours au volontariat civil, qui constituerait pourtant une ressource en enseignants particulièrement utile. Il a enfin souhaité savoir si la France envisageait de développer seule un réseau audiovisuel au cas où les difficultés de gestion de TV5 persisteraient.
M. Paul Masson a tout d'abord estimé que la réforme adoptée avait été une mauvaise réforme, fondée sur une trop grande ambition dotée de trop peu de moyens. Il a estimé nécessaire d'avoir une politique sélective pour préserver l'essentiel : l'influence de la France par la promotion de notre langue et de notre culture. Il lui a semblé indispensable, pour éviter l'inefficacité et l'émiettement de l'action de la France à l'étranger, dans ce domaine de l'aide au développement, de restreindre ses ambitions quel que soit, par ailleurs, leur bien-fondé.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné le souci prioritaire de la commission de valoriser la présence de la France à l'extérieur. Il a estimé que l'absence d'information des parlementaires avait constitué un aspect négatif de la réforme de la coopération. Selon lui, la réforme entreprise avait de trop grandes ambitions pour pouvoir être appliquée dans de bonnes conditions. Il a souhaité qu'une réflexion soit engagée, en liaison avec les parlementaires, sur les stratégies à suivre. Il a souligné que, sur le terrain, l'impression laissée par cette réforme était négative. Il a souligné la nécessité d'améliorer la situation de l'AEFE, afin de résoudre les difficultés budgétaires actuelles et de trouver un accord sur le long terme avec l'éducation nationale. Il a enfin souhaité que de meilleurs rapports s'instaurent entre le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères pour que celui-ci dispose des moyens nécessaires à son action et puisse maîtriser les crédits mis à sa disposition.
M. Bruno Delaye a alors apporté les précisions suivantes :
- l'ambition reste indispensable pour mobiliser les énergies des personnels de la DGCID, malgré les lourdeurs administratives et le manque de moyens financiers ;
- avec l,5 milliard de francs pour l'AFD et l milliard de francs au titre du FSP, il est indispensable de recentrer les actions sur les pays les moins avancés et ceux vis-à-vis desquels la France a une responsabilité historique particulière. Dans ces pays, les projets de coopération visent à agir sur les principaux verrous de développement. La DGCID doit pouvoir disposer de l'ensemble de ses crédits et ne pas subir, comme c'est trop souvent le cas, des régulations budgétaires en cours d'exercice.
M. Michel Charasse a estimé que le ministère du budget ne saurait être désigné comme responsable des gels de crédits, dans la mesure où il ne faisait qu'exécuter les arbitrages gouvernementaux.
M. Bruno Delaye a alors indiqué que :
- les crédits de l'audiovisuel extérieur ne concernaient que deux opérateurs. La montée de programmes télévisuels français sur bouquets satellitaires entraînait des coûts incompatibles avec nos capacités financières dans ce secteur ;
- il serait peut-être nécessaire d'envisager une révision de la carte de nos implantations pour concentrer nos moyens sur les pays émergents ;
- la DGCID publiera un premier rapport d'activité en mars 2001, qui récapitulera l'utilisation des crédits mis à sa disposition ;
- c'est moins la DGCID, qui est " ingouvernable ", que les problèmes auxquels elle est confrontée. La difficulté à gérer le personnel n'est pas liée à son importance numérique, mais au fait que la DGCID n'en maîtrise pas la gestion ;
- les conditions d'un nouveau partenariat entre le ministère des affaires étrangères et celui de l'éducation nationale pour la gestion de l'AEFE sont en cours de discussion avec ce dernier ministère ;
- il est particulièrement difficile d'obtenir un nombre suffisant de personnels qualifiés pour gérer les programmes confiés à la DGCID ;
- le montant des crédits transitant par les ONG, à l'exemple de ce qui se pratique dans les pays nordiques, a été augmenté ces deux dernières années. Il est souhaitable que prédomine une culture de service public conduisant l'Etat à ne participer au financement de projets soutenus par les ONG que si ceux-ci correspondent aux priorités définies par la France ;
- la réforme de la coopération européenne va se traduire par une décentralisation des crédits sur le terrain, ce qui ne signifie pas nécessairement une meilleure transparence ;
- le FSP est habilité à investir aussi bien dans le matériel que dans l'immatériel et il peut, à ce titre, dépasser les règles de répartition entre les divers titres budgétaires ;
- la subvention à Transparency International a été bloquée ;
- l'assistance technique de substitution devrait disparaître pour laisser la place à une assistance technique de haut niveau dans les secteurs clefs du développement. Elle sera de plus en plus assurée par des coopérants non résidents, tout en s'efforçant de maintenir le nombre de résidents ;
- il est effectivement difficile de coordonner la politique nationale de coopération avec les initiatives décentralisées, tous les crédits n'étant pas contrôlés par la DGCID.