Table des matières
- Mercredi 19 mai 1999
- Nomination de rapporteur
- Défense - Organisation de la réserve militaire et du service de défense - Examen des amendements
- Traités et conventions - Convention d'entraide judiciaire en matière pénale France-Colombie - Examen du rapport
- Traités et conventions - Convention d'entraide judiciaire en matière pénale France-Thaïlande - Examen du rapport
- Traités et conventions - Accord France-Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements - Examen du rapport
- Traités et convention - Accord France-Macédoine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements - Examen du rapport
- Mission d'information - Déplacement en Macédoine et en Albanie - Compte rendu
Mercredi 19 mai 1999
- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -
Nomination de rapporteur
La commission a tout d'abord désigné M. André Rouvière comme rapporteur sur leprojet de loi n° 339 (1998-1999) autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale contre la prise d'otages.
Défense - Organisation de la réserve militaire et du service de défense - Examen des amendements
Puis la commission a examiné les amendements sur le projet de loi n° 171 (1998-1999) portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
Sur la proposition de M. Serge Vinçon, rapporteur, la commission a donné un avis favorable à un amendement n° 28 présenté à l'article 5 par M. Francis Grignon et tendant à substituer l'expression " engagement pour servir " dans la réserve opérationnelle à " engagement de service ". M. Serge Vinçon a fait valoir en effet que le projet de loi utilisait alternativement les deux formules et qu'il était préférable de retenir pour la réserve le verbe " servir " qui avait un sens plus fort que la simple notion de " service ".
Puis la commission, suivant l'avis de son rapporteur, a émis un avis défavorable à l'amendement n° 29, présenté à l'article 9 par M. Francis Grignon et tendant à étendre à dix jours ouvrés par an le droit d'absence dont dispose le réserviste pour accomplir des activités dans la réserve opérationnelle. En effet, M. Serge Vinçon a observé qu'il convenait de respecter un équilibre entre les préoccupations des réservistes et les intérêts des employeurs. Il a relevé que le soutien des employeurs constituait l'un des facteurs clé de la réussite de la réforme des réserves et devait résulter, non pas d'un cadre légal contraignant, mais d'une démarche volontaire. Il a rappelé que la commission avait par ailleurs adopté deux amendements : le premier pour mieux faire apparaître que la durée des cinq jours s'inscrit dans la période de trente jours prévue au titre de l'engagement pour servir dans la réserve, le second pour permettre que la notification par l'employeur d'un refus d'absence soit adressée non seulement aux salariés réservistes, mais aussi à l'autorité militaire.
La commission a enfin, par cohérence, émis un avis défavorable à l'amendement n° 30 proposé à l'article 10 par M. Francis Grignon et présentant le même objet que l'amendement précédent.
Traités et conventions - Convention d'entraide judiciaire en matière pénale France-Colombie - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 277 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie.
M. Xavier Pintat, rapporteur, a présenté le dispositif de cette convention franco-colombienne qui s'inspire des nombreuses conventions d'entraide judiciaire déjà conclues par la France et qui vise à créer un cadre de coopération destiné à faciliter le déroulement des enquêtes et des procédures d'instruction impliquant les deux pays.
Il a présenté le champ de l'entraide judiciaire en matière pénale qui s'étend de la remise d'actes et de citations à comparaître, à la recherche de preuves, à la confiscation de produits en infraction et à la dénonciation aux fins de poursuite. Il a précisé que la partie requise pouvait refuser d'accorder l'entraide, notamment lorsque l'infraction concernée n'est pas punissable par sa législation ou pour des motifs de souveraineté. Il a considéré que, sans aplanir toutes les difficultés liées aux enquêtes impliquant des pays étrangers, ce type de convention permettait d'accélérer le traitement des demandes d'entraide et de faciliter de déroulement des enquêtes.
M. Xavier Pintat, rapporteur, a alors rapidement évoqué le contexte politique et économique colombien, marqué par une violence endémique liée aux guérillas et au trafic de drogue. Il a indiqué que le président Pastrana, élu chef de l'Etat en 1998, avait fait du retour à la paix civile la priorité de son mandat et que des négociations venaient de s'engager avec les forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC), principal mouvement de guérilla. Il a mentionné l'attention portée par les pays voisins de la Colombie à l'évolution de la situation intérieure de cette dernière ainsi que l'amélioration des relations avec les Etats-Unis, qui s'étaient détériorées en raison de divergences sur la lutte contre les trafiquants de drogue.
M. Xavier Pintat, rapporteur, a alors donné des précisions sur la coopération culturelle, scientifique et technique française en Colombie ainsi que sur les échanges entre cette dernière et la France, qui constitue le 7e investisseur étranger et le 7e partenaire commercial de la Colombie, avec 2,5 à 3 % des parts de marché.
Il a conclu en proposant à la commission d'émettre un avis favorable au projet de loi autorisant l'approbation de la convention franco-colombienne d'entente judiciaire.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a évoqué les richesses naturelles de la Colombie, particulièrement les ressources en pétrole et en charbon. Il a souligné que les guérillas et les forces paramilitaires contrôleraient une bonne partie du territoire du pays. Il a rappelé que l'une de nos compatriotes était retenue en otage depuis le ler août dernier par les forces armées révolutionnaires colombiennes.
M. Xavier Pintat, rapporteur, a précisé que les guérillas contrôlaient plus de 600 des 1.000 municipalités du pays.
La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.
Traités et conventions - Convention d'entraide judiciaire en matière pénale France-Thaïlande - Examen du rapport
La commission a ensuite examiné le rapport de M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 278 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande.
Après avoir indiqué que la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Thaïlande reprenait les mêmes dispositions que la plupart des conventions de même nature déjà conclues par la France, et qu'elle était donc très proche de la convention franco-colombienne précédemment examinée par la commission, M. Xavier Pintat, rapporteur, a évoqué l'évolution intérieure de la Thaïlande et ses relations avec la France.
Il a rappelé l'homogénéité ethnique et religieuse de la Thaïlande, la forte adhésion à l'institution monarchique et les spécificités liées à l'absence de colonisation du pays. Il a souligné que, malgré la forte cohésion du pays, celui-ci connaissait une instabilité gouvernementale chronique. Il a exposé le rôle joué dans la région, sur le plan diplomatique, par la Thaïlande, et en particulier ses relations avec la Birmanie et le Cambodge, inspirées par leur souci de stabilité propice à l'expansion économique de la zone.
M. Xavier Pintat, rapporteur, a ensuite évoqué la crise monétaire et financière de grande ampleur qui a touché la Thaïlande en 1997 et qui s'est traduite par une croissance nulle en 1997 et un recul de 8 % du PIB en 1998.
S'agissant des relations entre la France et la Thaïlande, il a considéré que celles-ci, longtemps distantes, se renforçaient, tout particulièrement sur le plan économique, bien que la France ne soit que le 7e investisseur étranger et le 13e fournisseur de la Thaïlande.
Le rapporteur a conclu en proposant à la commission d'émettre un avis favorable sur ce projet de loi autorisant l'approbation de la convention franco-thaïlandaise d'entraide judiciaire en matière pénale.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a évoqué l'amorce de reprise économique en Thaïlande en soulignant qu'elle serait en grande partie conditionnée par l'évolution, encore incertaine, de la conjoncture au Japon. Il s'est par ailleurs interrogé, tout comme M. Christian de la Malène, sur les raisons qui avaient conduit la France à ne pas soutenir le candidat thaïlandais face à celui de la Nouvelle-Zélande pour le poste de directeur général de l'Organisation mondiale du commerce.
La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.
Traités et conventions - Accord France-Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements - Examen du rapport
Puis la commission a examiné le rapport de M. André Boyer sur le projet de loi n° 214 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.
M. André Boyer, rapporteur, a rappelé que la Namibie avait été le dernier pays africain à avoir accédé à l'indépendance, le 21 mars 1990. Elle s'était dotée, depuis lors, d'un régime démocratique aux institutions solides qui s'appuyait sur le pragmatisme de ses dirigeants, autant d'éléments favorables au développement économique du pays.
Le Gouvernement namibien s'efforçait de conduire une politique de réconciliation nationale : il s'était ainsi abstenu de toute épuration de la fonction publique, se limitant à une " discrimination positive " prudente destinée à rééquilibrer la composition de l'administration. De même faisait-t-il preuve d'une grande retenue dans la mise en oeuvre de la réforme agraire, soucieux qu'il était de respecter le principe constitutionnel de propriété, et de ne pas déstabiliser l'agriculture commerciale largement dépendante des grands propriétaires blancs.
Dans ce contexte serein, a précisé M. André Boyer, rapporteur, trois questions nouvelles avaient cependant récemment fait évoluer le débat politique : la réforme constitutionnelle, en premier lieu, nécessitée par le projet du président de se représenter pour un troisième mandat, alors que le texte fondamental ne prévoit la possibilité que de deux mandats successifs ; l'engagement militaire en République démocratique du Congo, en deuxième lieu, aux côtés de M. Kabila, qui avait été mal accepté par l'opinion publique qui n'ignorait pas son coût financier et humain et n'en discernait pas clairement les motifs stratégiques ; les revendications séparatistes de la région de la bande de Caprivi enfin : cette région du nord-est, peuplée de 110.000 habitants, s'étendait sur 500 kms de long et 50 kms de large. Cette tendance sécessionniste s'appuyait sur le sentiment des Capriviens d'être les oubliés du développement namibien.
Les intérêts de la République sud-africaine dans ce qui fut sa " cinquième province " étaient, a poursuivi M. André Boyer, rapporteur, évidemment prépondérants en Namibie, notamment dans les secteurs miniers, financiers, des assurances et des carburants.
La France, présente notamment à travers Total, Sodexho et la BNP, ne représentait qu'1 % du total des investissements étrangers en Namibie. Avec douze entreprises implantées dans le pays, la France, a précisé le rapporteur, était active dans les secteurs du tourisme, des boissons alcoolisées, de la pêche et de la prospection pétrolifère.
M. André Boyer, rapporteur, a rappelé que le premier fournisseur européen de la Namibie était l'Allemagne (2 %), suivie par l'Espagne et par la France (1 %). Les échanges franco-namibiens étaient en effet très modestes : notre pays exportait principalement des produits industriels dans le secteur de l'énergie, des biens d'équipements professionnels et des produits agro-alimentaires. Nos importations, en forte croissance, portaient essentiellement sur des produits de la pêche et la viande.
Le rapporteur a ensuite résumé les principales dispositions de l'accord qui étaient de nature à sécuriser l'engagement de nos entreprises en Namibie.
Cet accord, a conclu M. André Boyer, rapporteur, en fournissant une garantie juridique aux investisseurs français, s'inscrivait dans le cadre des nombreuses conventions du même type déjà conclues par la France avec des pays où les besoins de développement sont susceptibles d'intéresser les entreprises françaises à la recherche de marchés extérieurs. La Namibie, par sa stabilité politique et son pragmatisme économique, était à cet égard un partenaire stratégiquement important, qui justifiait, pour le rapporteur, le vote du projet de loi.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a fait observer que, en tant que premier partenaire de la Namibie, l'Afrique du Sud, qui allait prochainement se choisir un nouveau président en remplacement de M. Mandela, était à l'heure actuelle pour son voisin namibien une source d'interrogations quant à l'évolution future de la situation politique à Pretoria.
Puis, suivant l'avis de son rapporteur, la commission a approuvé le projet de loi qui lui était soumis.
Traités et convention - Accord France-Macédoine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements - Examen du rapport
La commission a alors examiné le rapport de M. André Boyer sur le projet de loi n° 216 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement macédonien sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.
M. André Boyer, rapporteur, a fait observer que l'actualité avait tragiquement mis en lumière les difficultés de cette ancienne république de Yougoslavie. En effet, la crise du Kosovo, par l'afflux massif de réfugiés qu'elle avait entraîné sur le territoire macédonien, faisait courir au pays des risques intérieurs considérables et pesait très lourdement sur son économie. La politique pragmatique et ouverte conduite par ses responsables successifs risquait de s'en trouver affectée si la communauté internationale négligeait d'aider massivement ce pays.
Tout en estimant que l'on pouvait s'interroger sur l'opportunité d'adopter aujourd'hui un tel accord dont l'objectif présupposait une stabilité économique et politique durable, propre à favoriser les investissements étrangers, M. André Boyer, rapporteur, a plaidé pour l'adoption du projet de loi et la ratification de l'accord qu'il proposait. En effet, a-t-il estimé, il convenait, en premier lieu, de prendre date pour l'avenir : le souhait de chacun était l'achèvement rapide de la crise kosovare qui interviendrait tôt ou tard : à ce moment, l'existence d'un cadre juridique incitatif constituerait un atout pour les investisseurs français. En second lieu, les responsables macédoniens pourraient voir dans notre approbation un signal politique important, démontrant que notre pays avait confiance dans l'avenir de ce pays.
La situation créée en Macédoine par la crise kosovare -a précisé M. André Boyer, rapporteur- affectait donc très gravement ce pays, à plusieurs titres. En premier lieu, l'arrivée en Macédoine de près de 240.000 réfugiés -pour une population de 2,2 millions d'habitants-, provoquait un choc économique considérable. De surcroît, les conséquences de la guerre sur une économie déjà fragile, mais qui commençait à " décoller ", étaient encore plus radicales. Si 90 % des échanges se faisaient à travers le territoire yougoslave, la Yougoslavie était elle-même le principal partenaire de la Macédoine, avec 15 % du total des échanges. La Macédoine était aujourd'hui affectée par la perte de marchés et les coûts supplémentaires dus à l'allongement des routes commerciales.
L'aide exceptionnelle d'urgence de 252 millions de dollars récemment accordée à la Macédoine par la communauté internationale traduisait, a toutefois estimé M. André Boyer, rapporteur, la prise en compte, par cette dernière, de la réalité des risques de déstabilisation du pays.
La crise du Kosovo et l'afflux de réfugiés albanophones avaient profondément modifié l'équilibre ethnique et radicalisé l'opposition entre les partis albanais, d'une part, et les partis slavo-macédoniens, d'autre part. Les 40.000 Serbes, principalement concentrés au nord du pays, constituaient une minorité agissante à l'origine des violentes manifestations anti-OTAN de Skopje.
La minorité albanaise -a précisé M. André Boyer, rapporteur- disposait de droits réels en Macédoine : les deux formations politiques qui la représentent détiennent 25 sièges sur 120 au Parlement, et cinq portefeuilles ministériels sont détenus par des membres de l'une de ces formations. Toutefois, ce fragile équilibre ethnique traversait une phase très dangereuse depuis l'arrivée des réfugiés albanais du Kosovo, qui avait entraîné une tragique polarisation entre les deux principales communautés slavo-macédonienne d'une part, albanaise de l'autre.
Concluant son propos, M. André Boyer, rapporteur, a considéré que la période particulièrement difficile que traverse aujourd'hui la Macédoine n'était sans doute pas, a priori, de nature à inciter les entreprises françaises de prendre aujourd'hui le risque économique que revêtait toute décision d'investir. Il a cependant estimé que l'opportunité d'adopter le présent projet de loi n'en était pas moins réelle : dès aujourd'hui, des contrats importants étaient en instance, où des entreprises françaises avaient une place à prendre. En outre, après la restauration de la paix et le retour des réfugiés au Kosovo, l'existence du cadre juridique proposé par l'accord prendrait tout son sens et permettrait à nos entreprises d'être rapidement présentes pour oeuvrer à la reconstruction et à la consolidation de l'économie macédonienne. C'est pourquoi M. André Boyer, rapporteur, a invité la commission à adopter le projet de loi.
Après l'exposé du rapporteur, M. Claude Estier a convenu de l'importance de ratifier l'accord, même si celui-ci n'avait sans doute pas de portée immédiate. Il a indiqué que, lors du récent déplacement d'une délégation de la commission en Macédoine, les autorités de Skopje avaient demandé que la France continue d'accorder à leur pays une aide économique importante, 75 millions de francs ayant déjà été débloqués par notre pays. Il convenait, a insisté M. Claude Estier, de poursuivre nos efforts sur ce plan.
Puis, la commission a approuvé le projet de loi qui lui était soumis.
Mission d'information - Déplacement en Macédoine et en Albanie - Compte rendu
M. Xavier de Villepin, président, a enfin présenté le compte rendu du déplacement effectué par une délégation de la commission en Macédoine et en Albanie les 14 et 15 mai 1999. Il a rappelé que la délégation qu'il conduisait était également composée de MM. Claude Estier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Robert del Picchia, Michel Pelchat et Jean-Marie Poirier, et représentait ainsi l'ensemble des groupes politiques du Sénat.
M. Xavier de Villepin, président, a d'abord souligné qu'en dépit de difficultés comparables en matière d'accueil des réfugiés et sur le plan économique, la situation est apparue à la délégation sensiblement différente en Macédoine et en Albanie :
- c'est ainsi que, vis-à-vis des réfugiés kosovars, les autorités macédoniennes, qui souhaitent absolument en limiter le nombre, demandent leur évacuation vers des pays tiers et les cantonnent dans l'immédiat dans des camps sans possibilités de sorties, contrairement aux autorités albanaises ;
- s'agissant par ailleurs du règlement souhaitable de la crise du Kosovo, les autorités de Skopje souscrivent pour l'essentiel à la position des alliés et s'opposent à l'indépendance du Kosovo, tandis que Tirana adopte une position beaucoup plus dure en apportant son soutien à l'UCK et en appelant à l'écrasement militaire du régime de Belgrade.
M. Xavier de Villepin, président, a toutefois relevé que l'Albanie et la Macédoine adoptent des positions identiques sur deux points essentiels : à court terme, ils attendent l'un et l'autre de la communauté internationale, non seulement l'aide nécessaire aux réfugiés, mais aussi une aide économique substantielle pour aider leurs pays eux-mêmes confrontés à de graves difficultés économiques et sociales ; à plus long terme, les autorités albanaises et macédoniennes ont par ailleurs le même idéal d'intégration à l'Alliance atlantique et à l'Union européenne.
Evoquant alors le séjour de la délégation en Macédoine, M. Xavier de Villepin, président, a d'abord rendu compte des entretiens qu'elle a eus, le 14 mai, avec des autorités gouvernementales et parlementaires macédoniennes, en particulier le président de l'Assemblée nationale, M. Klimovski. Il a, en particulier, retenu de ces conversations les idées suivantes :
- la crise actuelle a des conséquences graves pour la Macédoine en raison d'abord de l'afflux des réfugiés (240.000 personnes), qui représentent déjà un accroissement de plus de 12 % de la population macédonienne ;
- l'aide internationale attendue est d'autant plus nécessaire que la crise au Kosovo provoque des dommages économiques désastreux pour l'économie macédonienne, en raison notamment de la perte du marché yougoslave et de l'accroissement du chômage qui en résulte ;
- s'agissant du règlement du conflit actuel, plusieurs dirigeants macédoniens ont paru croire à une acceptation rapide par M. Milosevic d'une force internationale des Nations Unies, compte tenu des signaux positifs déjà adressés par Belgrade.
Evoquant les relations bilatérales franco-macédoniennes, M. Xavier de Villepin, président, a relevé que ces relations, traditionnellement confiantes mais modestes, ont pris, du fait de la crise, une importance nouvelle. Il a précisé l'importance de l'aide économique bilatérale accordée, d'ores et déjà, par la France à la Macédoine : près de 200 millions de francs, indépendamment de ses diverses contributions à l'aide multilatérale. L'aide humanitaire française a par ailleurs atteint 280 millions de francs, dont 193 millions à titre bilatéral.
Abordant alors l'aide en faveur des réfugiés kosovars, M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que la délégation avait visité le camp de Stenkovac, proche de Skopje, qui a accueilli jusqu'à 21.000 personnes. Il a souligné que ce camp, qui a été installé avec des moyens militaires français particulièrement appréciés -et dans lequel la délégation sénatoriale a été accueillie de façon très chaleureuse par les réfugiés kosovars- a joué une fonction essentielle de sécurisation de ces réfugiés. L'assainissement, l'approvisionnement et la surveillance médicale de ce camp étaient assurés par 70 personnels de la sécurité civile et des sapeurs-pompiers. M. Xavier de Villepin, président, a toutefois souligné l'importance de la question posée par leur prochain remplacement, d'ici quelques jours, par des organisations gouvernementales qui devraient reprendre la gestion de ce camp, ce qui ne manque pas d'inquiéter les réfugiés.
M. Xavier de Villepin, président, a alors ajouté que la délégation avait naturellement rendu visite aux forces françaises actuellement stationnées en Macédoine. La brigade française, a-t-il précisé, rassemble aujourd'hui plus de 3.000 hommes et représente plus de 20 % de l'effectif global de la KFOR (Kosovo Force) qui réunit au total 14.400 hommes répartis en cinq brigades. Il a rappelé que les forces françaises en Macédoine avaient changé de mission, la brigade française ayant pris le relais le 23 mars de la " force d'extraction " qui avait été installée en décembre 1998 pour venir, le cas échéant, en aide aux observateurs de l'OSCE alors en poste au Kosovo.
Les forces françaises, a précisé M. Xavier de Villepin, président, sont désormais investies d'une triple mission : une mission de protection pour assurer la sûreté de nos propres forces, d'autant plus nécessaire que la brigade française, qui opère dans une zone majoritairement serbe, est confrontée à des gestes hostiles ; une mission tactique de surveillance de la frontière ; et une mission humanitaire d'assistance aux réfugiés. La KFOR doit être enfin en mesure de faire respecter, le moment venu, un éventuel accord intérimaire au Kosovo. M. Xavier de Villepin, président, a toutefois souligné que les forces françaises actuellement stationnées en Macédoine n'étaient dotées que d'équipements relativement légers.
Abordant alors le séjour de la délégation en Albanie, M. Xavier de Villepin, président, a d'abord indiqué que les sénateurs avaient été reçus dès leur arrivée à Tirana, le 15 mai, par le Président de la République, M. Meidani, et par le ministre de la défense, M. Hajdaraga. Il a notamment relevé, parmi les idées émises par le Chef de l'Etat albanais, les points suivants :
- les autorités albanaises apportent un soutien clair à l'UCK et affichent en revanche un net scepticisme à l'égard des positions prises récemment par M. Rugova ;
- sans cacher qu'à terme l'indépendance du Kosovo constituera sans doute la solution, Tirana se rallie toutefois, dans l'immédiat, à l'idée d'une administration provisoire du Kosovo dans le cadre d'une sorte de protectorat international ; ce n'est qu'à l'issue de cette période intérimaire qu'une solution politique définitive pourrait être décidée.
S'agissant des relations bilatérales franco-albanaises, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que, malgré une forte tradition francophone en Albanie, les relations entre les deux pays n'en restaient pas moins modestes, en particulier dans le domaine économique et commercial. Dans la crise actuelle, la France a d'ores et déjà consenti un effort humanitaire de plus de 200 millions de francs, dont 117 millions à titre bilatéral. L'aide économique apportée par la France à l'Albanie a par ailleurs atteint 261 millions de francs, dont 177 millions à titre bilatéral.
M. Xavier de Villepin, président, a alors indiqué que la délégation sénatoriale a visité un camp de réfugiés kosovars situé à Elbasan, près du quartier général des forces françaises en Albanie. Le préfet et les autorités locales de la région ont à leur tour souligné, auprès de la délégation, la nécessité pour la communauté internationale de venir en aide, non seulement aux réfugiés kosovars, mais aussi à l'Albanie qui les accueille. M. Xavier de Villepin, président, a précisé que le nombre des réfugiés kosovars en Albanie dépasse aujourd'hui 420.000 personnes ; plus de la moitié sont logés, avec les difficultés que cela implique, chez l'habitant, tandis que les autres sont hébergés dans des camps. La France a, pour sa part, assuré l'installation de trois camps de réfugiés et envisage d'aménager de nouveaux sites, tout en continuant à participer à l'acheminement du flux logistique humanitaire entre la base aérienne d'Istres et Tirana.
M. Xavier de Villepin, président, a alors indiqué que la délégation de la commission avait enfin rendu visite au dispositif français, basé en Albanie, de la " Task Force South " (TSF). Il a précisé que ces forces françaises représentaient près d'un millier d'hommes sur les quelque 6.600 militaires étrangers actuellement stationnés en Albanie.
Concluant son propos, M. Xavier de Villepin, président, a d'abord observé, sur le plan des moyens militaires mis en oeuvre, l'importance des moyens de renseignement déployés ainsi que le rôle majeur joué par les militaires dans l'aide humanitaire. Il a toutefois relevé que, si les armées et la sécurité civile sont adaptées à une aide humanitaire d'urgence, elles n'ont pas vocation à travailler dans la durée, ce qui pose le problème majeur de leur relève.
Sur le plan politique, M. Xavier de Villepin, président, a souligné que l'Albanie et la Macédoine, dont la crise actuelle a provoqué une nouvelle détérioration des relations, se retrouvaient pour souhaiter la conclusion rapide d'un accord d'association avec l'Union européenne. S'agissant de l'issue de la crise actuelle, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que l'on pouvait craindre, compte tenu de l'obstination personnelle de M. Milosevic, une prolongation de la crise. En tout état de cause, la situation des réfugiés impose des mesures importantes à l'approche de l'été et, plus encore, avant l'hiver. Sur le plan diplomatique enfin, M. Xavier de Villepin, président, a considéré que, seules, une ou plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, fondées sur le chapitre VII, pourraient permettre de déployer, le moment venu, une force au Kosovo.
A l'issue de l'exposé de M. Xavier de Villepin, président, un échange de vues s'est instauré entre les commissaires.
M. Claude Estier, après avoir apporté son plein accord au compte rendu présenté par M. Xavier de Villepin, président, a souligné plusieurs différences importantes entre l'Albanie et la Macédoine : en termes d'infrastructures, d'abord, beaucoup moins développées en Albanie qu'en Macédoine, qui bénéficie dans ce domaine de l'héritage de l'ex-Yougoslavie ; au regard de l'évolution de la crise actuelle, ensuite Tirana, à la différence de Skopje, refusant toute négociation avec Milosevic, souhaitant une intervention terrestre et étant prête à mettre son territoire à la disposition de l'OTAN. M. Claude Estier a également indiqué qu'il avait eu, à l'occasion des contacts de la délégation en Albanie, le sentiment que les relations entre Albanais et Kosovars albanophones n'étaient pas aussi fraternelles et chaleureuses qu'on pouvait le croire, compte tenu en particulier du niveau de vie supérieur des Kosovars ; ainsi s'expliquait notamment la grande réticence des réfugiés à quitter la région de Kukes pour le sud de l'Albanie.
M. Claude Estier a alors souligné la nécessité qu'il y aura, dès les prochaines semaines, à prendre de nouvelles dispositions pour venir en aide aux réfugiés kosovars à l'approche d'un été très chaud dans la région, puis d'un hiver extrêmement rigoureux. Il a enfin rappelé les efforts remarquables accomplis par les forces françaises pour secourir les réfugiés et souhaité que les conditions de la relève permettent de préserver le capital de sympathie ainsi acquis par notre pays.
M. Jean-Luc Bécart s'est dit préoccupé par les risques de déséquilibre interethnique en Macédoine du fait de la crise actuelle et de l'afflux de réfugiés dans ce pays. Il a estimé que ces risques devaient être d'autant plus justement appréciés qu'ils pourraient avoir des répercussions inquiétantes sur plusieurs pays voisins. M. Jean-Luc Bécart a également fait part de sa surprise devant le discours, très favorable aux Etats-Unis, des nouvelles autorités albanaises. Il a enfin rendu, à son tour, un hommage appuyé au travail remarquable accompli par les forces armées et la sécurité civile françaises et souhaité que leur relève soit assurée dans de bonnes conditions.
M. André Boyer a alors évoqué avec M. Xavier de Villepin, président, les idées de " Grande Albanie ", aujourd'hui officiellement écartées à Tirana mais auxquelles la crise actuelle pourraient donner une nouvelle actualité. M. André Boyer a également souligné le rôle joué par Tito dans la création d'une véritable " conscience macédonienne ".
M. Serge Vinçon a estimé qu'il conviendrait de tirer, le moment venu, tous les enseignements de ce conflit pour la France comme pour l'Europe. Sur le premier point, il a fait observer qu'il conviendrait de s'interroger sur les évolutions souhaitables de nos équipements militaires ; il a notamment cité à cet égard les moyens de transport militaire et la décision concernant la construction éventuelle d'un second porte-avions. S'agissant de l'avenir de la défense européenne, il s'est déclaré particulièrement préoccupé par le retrait de l'Allemagne du programme Hélios II et du retrait de la Grande-Bretagne du programme de frégate Horizon, au moment même où les Américains décidaient d'accroître leurs crédits militaires.
M. Xavier de Villepin, président, s'est déclaré en accord avec M. Serge Vinçon sur la nécessité d'une réflexion approfondie sur les enseignements militaires de la crise actuelle, sur les perspectives de défense européenne ainsi que sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN.
M. Robert del Picchia, après avoir estimé que la situation dans la zone des Balkans était de plus en plus complexe, a jugé nécessaire de progresser sur la voie d'une défense européenne, ainsi que l'illustrait notamment la situation des forces françaises stationnées en Macédoine près de la frontière et pouvant faire l'objet d'attaques serbes. Il a ensuite relevé le rôle très important joué aujourd'hui par les Etats-Unis en Albanie et a fait part de son inquiétude quant à l'avenir politique de ce pays. Après avoir à son tour salué l'action exemplaire de nos armées et de la sécurité civile française sur place, il a souhaité que leur tâche soit poursuivie par d'autres Français.
M. Jean-Claude Gaudin, après avoir souligné le très grand intérêt de ce déplacement d'une délégation de la commission en Albanie et en Macédoine, s'est déclaré particulièrement sensible aux jugements très positifs portés sur l'efficacité de l'action des marins-pompiers de Marseille placés, a-t-il rappelé, sous l'autorité du maire de Marseille. Il a indiqué que des études étaient actuellement en cours dans sa ville pour tenter d'apporter à la ville de Tirana, jumelée avec Marseille, une aide attendue dans plusieurs domaines, tels que la préparation de la prochaine rentrée scolaire ou l'assainissement des eaux. Il a souhaité que le Gouvernement français puisse prendre les dispositions nécessaires pour permettre le maintien d'une présence française sur place. M. Jean-Claude Gaudin a enfin souhaité que les initiatives diplomatiques en cours soient poursuivies et permettent de mettre un terme au plus vite au conflit actuel.
Répondant à M. Christian de La Malène, M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que, d'après les informations recueillies par la délégation sénatoriale, les effectifs de l'UCK pourraient être d'environ 12.000 hommes, dont l'âge moyen ne dépasserait pas 22 ans. Il a estimé que les communautés albanaises en Allemagne et en Suisse fournissaient vraisemblablement une part importante des ressources de l'UCK. M. Robert del Picchia a pour sa part précisé que l'UCK semblait procéder, parfois de force, à des recrutements en Albanie et qu'une douzaine de Français pourrait, selon certaines informations, appartenir aux forces de l'UCK.
M. Michel Caldaguès a estimé que l'idée de " Grande Albanie " constituait sans doute un mythe car une telle entité ne disposerait pas, à ses yeux, des moyens d'existence nécessaires. Il a considéré que l'idée d'une partition du Kosovo constituait une mauvaise solution mais que l'on n'éviterait sans doute pas un débat sur ce thème. S'agissant des enseignements militaires à tirer de la crise actuelle, il a estimé que l'Europe ne faisait sans doute pas, à ce jour, les efforts nécessaires dans le domaine de la défense ; il a toutefois rappelé que la " mutualisation " des forces européennes ne revêtait pas à ses yeux toutes les vertus. Il a enfin considéré que la question du second porte-avions se posait aujourd'hui avec plus d'acuité que jamais.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur l'issue prévisible du conflit actuel ; il s'est demandé si une négociation avec Milosevic pourrait apparaître comme un succès des alliés et s'est déclaré préoccupé par la précarité de la situation du Montenegro, de la Macédoine et de l'Albanie. Evoquant l'avenir de la défense européenne, il a estimé que la crise actuelle soulignait, une nouvelle fois, l'importance cruciale de l'information et du renseignement mais s'est interrogé sur la volonté politique et sur la capacité des pays européens d'accroître, sur le plan financier, leur effort de défense.
M. Michel Pelchat est enfin revenu sur la situation des réfugiés kosovars en soulignant que, même si le conflit s'arrêtait rapidement, ils ne pourraient rejoindre leur province avant plusieurs mois ; il a en conséquence estimé qu'il était indispensable de prendre les mesures nécessaires pour leur permettre de faire face aux rigueurs successives de l'été et de l'hiver dans cette région, faute de quoi -a-t-il souligné- des tensions très fortes pourraient apparaître.
La commission a alors décidé que le compte rendu du déplacement de la délégation en Macédoine et en Albanie, présenté par M. Xavier de Villepin, président, serait adressé à tous les membres de la commission.